J'entrouvris légèrement les yeux, mais les refermais bien vite. J'étais dans une sorte de salon, je crois. En tout cas, les personnes qui m'avaient amenées ici étaient bienveillantes à mon égard. Je distinguais quelqu'un qui se rapprochait lentement de moi... Je m'écartais brusquement. C'est alors que je reconnus l'endroit où j'étais. C'était chez Eliott. Tout me revint en mémoire. La femme s'était introduite chez moi et m'avait assomée. Eliott était arrivé trop tard. Je me massai douloureusement le crâne. Je vis Eliott, qui attendait là, tout penaud. Je me levai et le serra dans mes bras, en lui disant d'une voix affectueuse:

- Eliott, merci, je...

- Non, c'est normal. Je suis arrivé trop tard, c'est ma faute, pardon.

- Mais qu'est-ce que tu racontes? Tu as été formidable. Au fait, comment tu as fais pour que cette femme s'en aille?

- Une femme? Il n'y avait personne quand je suis arrivé chez toi. Je t'ai juste vu étendue au sol, avec du sang au bord des lèvres.

Je tressaillis. Comment ça? Il n'y avait personne, à ce moment là? Je n'avais pas rêvé, quand même? Je pris la décision de rentrer chez moi, sinon ma mère allait se faire du mouron pour rien. Alors que je prenais la direction de la porte, Eliott me retint par le bras. Il s'approcha lentement de moi et colla ses lèvres aux miennes. Sa bouche avait un goût légèrement fruité, je dirais de la pomme. Je répondis avec fougue à son baiser passioné. Il n'était pas brutal, il était doux et patient. Il n'était pas comme un de ces mecs violents qui voulaient juste embrasser leur petite copine. Quand nos lèvres se décollèrent après trois longues minutes, j'étais toute rouge. Lui, c'était pire. Il m'enlaça et me pressa contre lui. Sa bouche s'approcha de mon oreille et il me susurra:

- Tu ne crois pas que c'est dangereux de sortir toute seule, dans la nuit? Surtout dans cette tenue...

Je pris conscience de mon état. J'étais dans mon petit, mais vraiment petit, pyjama, dont le haut était maculé de taches de sang. Mon sang. Comme si ça ne suffisait pas, mon décolleté offrait une vue plongeante -et magnifique, à la façon dont Eliott me regardait- sur ma poitrine. Je m'écartai et mis mes mains dessus, pour le cacher, mais rien à faire. Eliott ne décollait pas son regard. Je me tournai et fit mine de bouder. Je lui rétorquai:

- Je connais le chemin, et puis, qui traîne dans les rues, à cette heure-ci?

- Des gens pas très recommandables. Et puis, ça ne te coûte rien, à toi.

- Bon, bon, c'est d'accord. On n'a qu'à dire que c'est un remerciemment pour ton aide. Il faut que j'apelle ma mère.

Il me tendit le combiné et ma mère décrocha. Elle était très inquiète, à entendre le son de sa voix:

- Gaëlle! Oh mon Dieu, enfin tu réponds! Où es-tu?

- Tout va bien, je suis chez Eliott. Il... Il m'aidait à faire un devoir. Il est tard, et il me propose de rester chez lui. Tu es d'accord?

- C'est vrai qu'il est tard. Bon, si vous dormez dans une chambre séparée, il n'y a aucun problème.

- Oh, merci! Demain, j'irais à l'école avec lui.

- Oui, oui! Gros bisous!

Je raccrochai, un sourire aux lèvres. Je me tournai lentement vers Eliott. Il me sauta littéralement dessus. J'entendis sa mère qui nous criait depuis la cuisine de venir manger. Eliott m'emmena dans sa chambre pour que je me change. Il m'avait prêté un sweat à l'effigie des Rolling Stones, son groupe favori. Le repas se passa merveilleusement bien. Ce n'est qu'au moment d'aller me coucher qu'il y eut un problème. Je me tournai vers Eliott, en lui demandant:

- Hum... Je dors sur le canapé, d'accord?

- Hors de question! Toi, tu vas dans ma chambre, et moi dans le canapé.

- Mais...!

 - Bonne nuit!

Et il partit. Je me couchai dans son lit. Les draps étaient imprégnés de son odeur, un mélange de canelle et de pomme. Alors que mes yeux se fermaient petit à petit, la porte de sa chambre grinça et s'entrouvrit. Je m'applatit sous les couettes. Je me détendis en entendant la respiration douce et régulière d'Eliott. Il me murmura:

- Gaëlle, je sais que ta mère ne veut pas, mais...

- Viens, petit froussard!

- Eh! Timide, pas froussard!

Il se mit sous les couettes avec moi. Je ne tardai pas à m'endormir. Je sentis cependant qu'Eliott passait ses bras autour de moi. Cétait comme un rêve. Un rêve, qui, pourtant, ne durerait pas bien longtemps.