Chapitre 7
Alex s'assit tout habillé dans sa douche, encore terrorisé par le cauchemar qu'il venait de faire. C'était le matin suivant, et heureusement, l'école était fermée à cause de la neige ; il n'aurait pas réussi à y aller et à agir normalement même s'il l'avait voulu, alors c'était une bonne chose.
L'air ambiant était presque lourd, comme si cela le faisait suffoquer. Cette matinée-là faisait partie de ces jours ; les jours où le chagrin le submergeait, où il n'était plus qu'une coquille vide.
L'eau coulait. Il s'était mis sous la douche pour essayer de laver le désespoir persistant qui l'entourait, mais c'était vain. Ses cheveux étaient trempés et son pyjama presque dans le même état, mais il n'avait pas froid. Alex entoura ses genoux avec ses bras, essayant de ressentir quelque chose - de l'agonie ou de la tristesse ou de la culpabilité - mais il n'y avait rien.
Il était vide.
À travers ses cils tachés de larmes, il regarda les cicatrices qui garnissaient son biceps, les observant comme s'il ne les avait encore jamais vues. Il y avait des jours où il comptait les petites marques nettes, comme des soldats alignés prêts pour la bataille. D'autres jours, comme celui-là, il les parcourait lentement avec ses doigts, les frôlant à peine, comme si sa peau était trop fragile pour être touchée.
Il avait une relation amour-haine avec ces cicatrices à peine visibles, il adorait la manière dont elles étaient faites, se tordant et se tournant dans des motifs compliqués sur sa peau, mais il détestait ce qu'elles représentaient - la misère qui l'étouffait.
Et la faiblesse.
Alice lui aurait jeté quelque chose à la figure si elle le voyait maintenant ; probablement une poêle à frire, comme dans Raiponce, un film qu'elle avait tant aimé regarder. Elle l'aurait giflé, l'aurait traîné dehors, et lui aurait dit d'arrêter d'être stupide et de se morfondre. Elle lui aurait tiré l'oreille jusqu'à ce qu'il promette de vivre sa vie, d'avoir des émotions à nouveau, de rire et d'être heureux. Toujours violente, sa sœur. Il était absolument certain qu'elle aurait fait tout ça, mais il ne pouvait pas se résoudre à forcer le bonheur.
Il resta assis pendant quelques heures, complètement immergé dans ses pensées conflictuelles. Ce fut seulement vers midi, lorsque son ventre gargouilla bruyamment, qu'il se leva et éteignit la douche. Il retira ses vêtements mouillés qui lui collaient à la peau et se sécha. Enfilant un boxer et une paire de jeans, il se dirigea vers la petite cuisine. Mon Dieu, la nourriture d'Alice me manque, pensa-t-il en mettant une pizza surgelée au four.
Quand il eut fini de manger en mâchant mécaniquement, la sonnerie retentit, brisant le silence. Le son était si étranger à ses oreilles que cela lui prit un moment avant de le reconnaître. Il se leva silencieusement et ouvrit la porte, s'attendant à voir le facteur ou son propriétaire, mais ce n'était ni l'un ni l'autre.
C'était Kalila.
Elle portait un sweat-shirt rouge et un jean noir, un écharpe, des gants et un bonnet assortis avec un pompon sur le dessus. Bien que c'était moins fort à présent, il neigeait toujours dehors, et il remarqua les petits flocons restés sur ses cils noirs. Il la fixa un moment, choqué, jusqu'à ce que le brouillard dans son esprit se dissipe un petit peu, et il se souvint qu'il lui avait donné son adresse la veille après l'école. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle vienne si tôt, mais ses cauchemars récurrents lui avaient fait oublier leur projet. Il secoua sa tête en essayant de chasser ses pensées pour paraître normal, et il lui sourit avant de la laisser entrer.
Kalila regarda le garçon magnifique en face d'elle, vêtu uniquement d'un jean délavé. Elle essaya de ne pas fixer ses abdos - Oh mon Dieu, Emma mourrait si elle savait que je l'ai vu torse nu - et se concentra sur ses cheveux à la place. Ils étaient plus sombres quand ils étaient mouillés, exactement de la même couleur qu'une tablette de chocolat qu'on faisait fondre. Il avait quelque chose de différent ce jour-là, et même si elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, c'était comme si quelque chose manquait.
Cependant, au lieu de s'attarder là-dessus, elle lui dit bonjour et le suivit dans l'appartement, regardant autour d'elle pendant qu'elle marchait. Les murs étaient nus et couleur crème, et même si c'était plus propre que ce à quoi elle s'attendait en allant chez un adolescent, c'était comme si personne ne vivait vraiment ici.
— Alors, qu'est-ce que tu veux faire ? lui demanda-t-il, tout en remarquant qu'elle observait la pièce.
Sa voix sonnait différemment, et à la manière dont elle le regarda, il sut qu'elle avait remarqué.
Kalila cligna des yeux devant le garçon d'un mètre quatre-vingt qui se tenait devant elle. Il semble sans vie, pensa-t-elle avant de réaliser qu'il lui avait posé une question. Peut-être qu'elle pourrait lui proposer quelque chose pour lui remonter le moral. Elle pensa à son sourire quand ils avaient marché dans la neige la veille, et une idée lui vint à l'esprit.
— Où est ta chambre ? demanda-t-elle en souriant, excitée.
Ses sourcils se levèrent par l'étonnement mais il lui montra la pièce d'en face, et la laissa entrer. Les murs étaient plus clairs ici, presque un blanc éclatant qui rappela à Kalila l'hôpital, la faisant frissonner. Elle détestait les hôpitaux. Ils ravivaient trop de souvenirs.
Le lit n'était pas fait et le sol était recouvert de quelques livres. Sur son bureau était posé son appareil photo, la seule chose dans la pièce qui indiquait quelle sorte de personne il était.
Dans de normales circonstances, Kalila n'était pas le genre de fille à entrer dans la chambre d'un garçon qu'elle ne connaissait que vaguement. Cependant, Alex avait la même expression dans son regard que le jour où il avait essayé de sauter sous un train. C'était une expression qu'elle avait vue de nombreuses fois dans son miroir quelques années auparavant ; une expression reflétant l'agonie.
Elle se tourna et le vit en train de l'observer silencieusement, l'air presque las, et elle sut qu'elle devait faire quelque chose pour atténuer sa douleur, même si ce n'était qu'un petit peu. Elle marcha jusqu'à la garde-robe située dans le coin de la pièce et l'ouvrit, évaluant les vêtements accrochés aux cintres et ceux pliés en pile.
— Qu'est-ce que... commença Alex, mais il se ravisa au dernier moment.
Juste devant lui, Kalila avait changé. Elle avait l'air déterminée, ses sourcils froncés de concentration pendant qu'elle prenait quelques vêtements. Elle s'approcha de lui et les lui tendit :
— Mets-ça.
La voix douce à laquelle il était accoutumé était partie ; elle était maintenant plus autoritaire et semblait savoir exactement ce qu'elle faisait. Même si Alex se sentait vide après le cauchemar qui l'avait réveillé ce matin, il sentait une nouvelle émotion s'emparer de lui.
L'admiration.
Pendant qu'il enfilait les vêtements chauds et qu'ils se dirigeaient vers la porte, il pensa au jour où ils s'étaient rencontrés. Un peu comme le moment où il l'avait observée glisser sur la glace à la patinoire, elle avait quelque chose de captivant en ce moment. Et encore une fois, il ne put la lâcher des yeux.
***
Alex jeta un coup d'œil à son appareil photo attaché à son cou, tapant contre son torse. Kalila l'avait amené dehors, en faisant attention à ne pas glisser sur le verglas qui s'était formé en bas de la rue. Il avait neigé beaucoup plus que d'habitude dans la ville, et tout était très silencieux. Avec les rues bloquées, toutes les écoles et lieux de travail étaient fermés pour la journée et il n'y avait personne aux alentours.
Ils étaient devant une allée conduisant à un parc vide, dissimulé derrière des grands arbres. C'était comme s'ils le protégeaient des dangers de l'extérieur. Même s'il n'y avait presque personne, Alex sentait que ce n'était pas vide juste à cause de la neige. La clairière devant lui donnait une impression d'abandon, comme si plus personne ne venait ici.
C'était vide, et il connaissait ce sentiment par cœur.
Kalila resta plantée là, son bras toujours entrelacé à celui d'Alex. Elle sentait qu'elle avait la chair de poule, mais elle ne savait pas si ça venait de la chaleur de son toucher ou de l'endroit où elle était. Son cœur se serra lorsqu'elle regarda devant elle : Cresthill Park. Elle n'y était pas venue depuis longtemps et n'avait même pas réalisé que ses pieds l'avaient menée jusqu'ici.
Elle resta plantée là et leva les yeux vers l'endroit qui la hantait encore à ce jour.
***
Ça fait loooongtemps que je n'avais pas posté, désolée ! Je suis rentrée en première cette année et avec le bac, j'ai énormément de travail (et une rentrée qui s'est pas très bien passée, bref mon moral en a pris un (gros) coup).
Mais je n'arrête pas cette histoire, seulement les délais entre chaque publication seront un peu plus longs.
Voilà !
Léna, actuellement au bout de sa vie en train de réviser les verbes forts en allemand
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