Chapitre 5
Elle rit.
C'est un son si joyeux, comme si elle venait d'entendre la chose la plus drôle du monde. Je souris, je souris beaucoup car nous allons faire du patin à glace comme lorsque nous étions petits. Je souris parce que la vie est belle et que que j'ai tout ce qu'il me faut.
Et tout d'un coup, je n'ai plus rien.
Un crissement de pneus me sort de mes pensées, et les phares du camion devant moi m'éblouissent. Pas le temps de réagir, je sens que l'air s'arrête et le rire à côté de moi se change en cri. Il y a un bruit si puissant que mes tympans se mettent à palpiter ; ou peut-être que c'est les battements de mon cœur que j'entends. Le pare-brise se casse, les fragments de verre tombent sur nous. Je peux sentir une odeur de caoutchouc et de fumée, si fort que mes poumons toussent pour ne pas inhaler. Et le sang. Je peux sentir le sang. Je sais que j'ai des coupures partout ; du sang coule de mon front et mon épaule gauche est engourdie.
Tout tourne autour de moi, ma tête tombe sur le volant et je commence à perdre connaissance.
C'est à ce moment-là, quand je perds tout, que je remarque le ciel. Les nuages bougent ; ils bloquent la lumière comme si le soleil avait besoin de leur protection. Je chasse cette pensée de ma tête et hurle. Je crie le nom de ma sœur parce que je ne l'entends plus. Je ne peux plus rien entendre. Le hurlement s'est arrêté, le silence est assourdissant et je lutte pour garder les yeux ouverts mais c'est inutile.
L'obscurité arrive et je sais que ma sœur est morte, je le sais donc je laisse cette noirceur s'emparer de moi. Je l'accueille.
Alex sauta de son lit, réveillé par son propre cri. Sa peau était recouverte de sueur froide, ses yeux grand ouverts, se rappelant ce qu'il venait de voir dans son esprit, son cœur battant follement tandis qu'il essayait de se calmer.
Il se rappela qu'il y a plusieurs années, sa mère les avait emmenés, lui et sa sœur, voir Harry Potter et la Chambre des Secrets au cinéma. Alice avait fait des cauchemars d'Aragog pendant deux semaines et elle se réveillait en criant, exactement comme ce qu'il venait de faire. Il avait toujours été celui qui la prenait dans ses bras pour la réconforter. À présent, il souhaitait seulement qu'il y ait quelqu'un pour le réconforter, lui.
Il se tourna pour regarder l'heure et grogna - il était seulement 16h30. Il était tombé dans son lit dès que l'école s'était terminée, trop fatigué mentalement pour ne serait-ce qu'enlever ses chaussures.
— Ugh, j'ai à peine dormi une heure, grogna-t-il en se levant du lit.
Il détestait rester dans son appartement. Il y avait une si grosse différence entre lui et celui qu'il avait partagé avec sa sœur ces dernières années. L'ancien était grand et chaleureux, avec des murs peints et des meubles confortables. Après l'accident, il n'avait pas supporté de voir les vêtements de sa sœur éparpillés un peu partout, son lit encore défait, comme si elle allait passer la porte de l'appartement à tout moment - chose qui ne s'était jamais produite évidemment. Donc il avait récupéré tout ce qui lui appartenait et avait emménagé dans un plus petit appartement, avec des murs couleur crème qui le faisaient suffoquer, et un silence étouffant qui l'enveloppait jour après jour.
Alex soupira en attrapant sa veste en cuir et son appareil photo. Il sortit de l'appartement sans vraiment savoir où aller, mais peu importait tant qu'il était dehors.
Quand il releva la tête après avoir marché environ dix minutes, il fut surpris de se trouver devant la patinoire. Encore. Peut-être que c'était parce que c'était l'endroit où ils allaient avant l'accident ; peut-être que c'était parce qu'il se sentait attiré par ce lieu.
C'était drôle de penser que la première fois qu'ils étaient venus ici, ils s'étaient perdus, mais que maintenant il pouvait y aller sans même réfléchir. C'était comme si son subconscient voulait le faire souffrir.
Le bâtiment était bleu clair, la peinture lui donnant l'apparence d'être neuf alors qu'il existait déjà quand ses parents étaient enfants. « L'Arène » était son nom, écrit en grandes lettres bleu marine, mais personne ne l'appelait comme ça. Cela avait toujours été « la patinoire », ni plus ni moins.
Son père les avait emmenés ici lui et sa sœur pour leur septième anniversaire. Alex avait été terrifié et n'avait pas arrêté de tomber, pendant qu'Alice riait de lui et glissait sur la glace après seulement quelques essais. Même si le fait qu'elle y arrive alors que lui ressemblait à un poisson mort l'avait énervé, cela avait été une belle journée, un souvenir avec sa famille qu'il n'oublierait jamais.
Bien sûr, sa famille n'avait jamais été parfaite. Ses parents se disputaient occasionnellement. Alex et Alice aimaient s'embêter et se battaient beaucoup, comme la plupart des frères et sœurs. Elle l'attrapait par ses oreilles et il lui tirait les cheveux, et ils continuaient jusqu'à ce qu'on vienne les séparer. Ça n'avait jamais été parfait mais ils avaient été sa famille. Ils avaient toujours été là, et il les aimait.
Mais à présent, il n'y avait plus que lui, et il ne s'était jamais senti aussi seul.
Bannissant cette pensée de son esprit, il marcha jusqu'à l'arrière du bâtiment et gravit les escaliers rouillés. Il grimpa silencieusement, souhaitant retourner au même endroit que la fois d'avant, quand il remarque une silhouette devant lui. Elle était assise près du bord, ses cheveux bruns ondulant légèrement dans la brise, ses yeux rivés sur le soleil couchant.
Kalila.
Il sut que c'était elle à la seconde où il posa les yeux sur son dos. Il fit quelques pas en avant jusqu'à ce qu'ils soient exactement à la même place que quand ils s'étaient rencontrés trois semaines plus tôt. Sauf que cette fois-ci, Alex était le spectateur. Sans faire un bruit pour l'avertir de sa présence, il s'assit à côté d'elle.
— Salut.
Elle se tourna vers lui, surprise, ses sourcils haussés par l'entonnement. Kalila était tellement perdue dans ses pensées qu'elle ne l'avait pas vu arriver. Elle lui sourit pour le saluer avant de se tourner de nouveau face au soleil couchant.
Il y avait une brume colorée tout autour du bâtiment. Du orange et du rose mélangés ensemble en toute transparence, le ciel s'illuminant comme des flammes. Le soleil était partiellement caché par des nuages et descendait petit à petit, disant au revoir à la ville et bougeant si lentement - comme s'il ne voulait pas les quitter.
C'était magnifique.
Une brise froide passa, ébouriffant les cheveux d'Alex comme si on lui avait passé la main dedans. Il frissonna et se leva en prenant son appareil attaché autour de son cou. Il le plaça au sol derrière lui et mit le minuteur avant de retourner s'asseoir. Kalila n'avait rien vu ; elle fixait toujours les bâtiments et le ciel devant elle. L'appareil bipa derrière eux pour indiquer que la photo avait été prise, et Kalila sortit de sa transe en secouant la tête. Elle lui sourit - même si c'était un sourire triste - pendant qu'ils se levaient ensemble, et elle lissa le derrière de son jean avec ses mains.
— Le soleil nous donne de la lumière et de la chaleur. C'est ce qui nous fait vivre, mais c'est aussi ce qui pourrait causer notre destruction totale... beaucoup de choses sont comme ça, n'est-ce pas ? chuchota-t-elle comme pour ne pas perturber l'atmosphère paisible.
Il cligna des yeux, et après, c'était terminé - le soleil s'était couché et Alex se tenait debout sur un toit de Londres avec une fille qu'il n'arrivait pas à comprendre. À chaque fois qu'elle lui disait quelque chose, il restait étonné. Elle n'était vraiment pas comme les autres filles avec qui il avait traîné. C'est comme si ses pensées étaient poétiques, pensa-t-il avant de lui sourire.
Il comprenait ce qu'elle disait et elle le savait. Elle savait qu'il comprenait parce que, exactement comme elle, il avait tout perdu.
***
🥺 N'est-ce pas là un chapitre super émouvant ??
Sinon, pour ceux que ça intéresse, je vous donne mon insta : lena_sgr
Je poste plein de dessins, hésitez pas à aller voir ;)
Léna ♥︎
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