Chapitre 4
Quelques jours avaient passés depuis la cueillette des cranberries, et Alex n'avait pas eu le temps de parler à Kalila de leur projet. Il y avait trop d'autres devoirs, en particulier une rédaction d'Histoire sur un gars mort dont il se fichait, et sur laquelle il avait dû passer toute une nuit.
C'était l'heure du déjeuner et il été traîné à la cantine par Lacey. Cette fille avait beau être aussi fine qu'une nouille, elle mangeait comme un éléphant, et cela amusait beaucoup Alex de l'embêter quand elle avait faim. Alors qu'ils passaient le couloir, les yeux d'Alex se posèrent sur Kalila, qui rangeait ses livres dans son casier tout en parlant à son amie Emma. Étant d'humeur à embêter davantage Lacey en la rendant en retard pour son repas bien-aimé, il s'exclama :
— Hey, Kalila !
Elle regarda autour d'elle, confuse - après tout elle n'était pas connue par beaucoup de monde - jusqu'à ce qu'elle le vit et sourit.
Il rit en disant :
— J'ai regardé les photos de ce week-end, il y en avait une très bonne de toi où tu étais recouverte du liquide rouge et de feuilles. Quand est-ce que tu veux qu'on travaille dessus ?
Lacey lâcha son tee shirt par lequel elle le tirait, sa nourriture momentanément oubliée. Elle n'avait pas entendu Alex rire ou ni même parler à qui que ce soit d'autre depuis l'accident. Et maintenant il commençait volontairement une discussion et cela l'amusait ?
Elle aimait Alex comme un grand frère. Quand ils étaient enfants, il avait joué avec elle et Alice aux princesses juste pour les faire sourire, et les avait toujours défendues quand on se moquait d'elles. Ça lui faisait mal de savoir qu'il avait perdu toute sa famille, et qu'il était toujours sur le point de craquer, peu importe à quel point il essayait de le cacher. Parmi tous ceux qu'elle connaissait, c'était lui qui méritait d'être le plus heureux.
Et peut-être que cette fille pourrait l'y aider.
— Uhm, je suis libre aujourd'hui si tu veux venir ? J'ai assez de peintures et de matériel ; on peut commencer à travailler sur une photo au moins. Mais il ne vaut mieux pas que ce soit celle à laquelle tu penses ! le menaça Kalila en essayant de paraître intimidante.
Lacey gloussa. N'importe quelle fille qui tenait tête à Alex - ce même si c'était une blague - et qui ne bavait pas devant lui méritait définitivement d'être respectée.
— Salut, moi c'est Lacey ! Je ferai en sorte qu'Alex bouge ses fesses paresseuses et vienne travailler, ne t'en fais pas, dit-elle en souriant largement.
Kalila se présenta timidement, même si elle savait qui était Lacey - tout le monde le savait. Elle, Alex, sa sœur Alice et Tyler était le groupe le plus connu de l'école. Même s'ils avaient été plus discrets depuis la mort d'Alice, ils étaient toujours populaires.
— Alors d'accord, Bates, dit-elle en fermant son casier. Je t'attendrai devant les portes quand la cloche sonnera, à plus !
Lacey attendit qu'elle soit hors de vue avant de bondir sur le pauvre garçon à côté d'elle.
— C'était qui ? Elle était sympa. Oh mon Dieu, où es-tu allé avec elle ce week-end ? C'était un rendez-vous ? Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? Pourquoi as-tu des photos d'elle ? Qu'est-ce qui se passe et depuis quand vous êtes tellement proches qu'elle t'appelle par ton nom de famille ?!
Alex gémit intérieurement. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas parlé à une fille que Lacey ne connaissait pas, et il avait oublié à quel point elle pouvait devenir folle quand il s'agissait de nouvelles rencontres. Lacey avait été tellement obsédée par le fait de connaître tous les détails qu'elle en avait oublié sa faim.
Il commença à marcher en direction de la cantine, en lui racontant tout à propos de leur projet. Enfin, tout sauf la raison pour laquelle ils faisaient ce projet à la base - à savoir ses envies suicidaires.
C'était l'unique chose qui devait rester uniquement entre Kalila et lui.
***
Quand la cloche sonna, Alex se dirigea devant l'entrée de l'école, pour attendre Kalila. Il n'avait aucune idée de où elle habitait mais il était sûr que c'était assez proche, vu qu'elle était à pied. Il était en train d'actualiser son feed Facebook pour la quatrième fois de suite quand elle apparut derrière lui, tenant un nouveau paquet de pinceaux dans sa main.
Il pleuvait légèrement - un bon vieux temps d'Angleterre - donc ils se dépêchèrent, Alex la suivant jusqu'à sa maison. Ils parlèrent un peu en marchant, leurs discussions principalement tournées sur le projet, lorsque Kalila tourna dans l'allée d'une maison blanche la porte violette.
— Ne me demande pas pour la porte, ma mère adore les couleurs vives, dit-elle en roulant des yeux et en ouvrant la porte.
Dès qu'il entra dans la maison, Alex cligna des yeux. Les murs du hall d'entrée était jaune canari avec des fleurs blanches peintes dessus ; Kalila n'avait pas menti à propos des couleurs. L'odeur de cuisine fait maison - des lasagnes, peut-être ? - flottait dans l'air et il entendait des gens parler. L'énorme contraste entre l'intimité de cette maison et les boîtes non emballées qui cachaient les murs nus de son appartement vide le fit grimacer.
— Il triche maman, il est juste jaloux de ne pas être aussi bon que moi à la Xbox !
— T'es une grosse cafteuse ! Je te déteste !
— Argh, lâche-moi sale balance !
— Arrête de dire que je suis une balance ! Maaaman !
Kalila grimaça d'un air penaud, clairement embarrassée et s'avança en direction du bruit - le salon, il supposait.
— Annalise lâche ton frère tout de suite ! Matthew arrête de lui tirer les cheveux ! Vous allez réveiller le bébé ! Qu'est-ce que vous fabriquez ?! cria une femme quand ils entrèrent.
Cette pièce était rouge avec des meubles monochromes. Des canapés en cuir blanc avec des coussins noirs étaient posés contre les murs, avec des lampes fantaisies et des cadres photos sur les étagères. S'il n'y avait pas eu les deux enfants qui se roulaient par terre, cela aurait ressemblé à un intérieur tout droit sorti d'un magazine.
La femme assise sur le canapé se leva pour rejoindre Alex et sourit chaleureusement, en lui serrant la main.
— Bonjour mon cher, tu dois être Alex. Je suis Janet, la mère de Kalila, et je suis ravie de te rencontrer. Aussi, je te demande d'excuser les deux monstres qui ruinent mon tapis !
Il sourit nerveusement et la salua. Les seuls adultes avec qui il interagissait étaient ses professeurs et les parents de Tyler, qui le connaissaient depuis toujours. Il n'était pas habitué à rencontrer de nouvelles personnes, sans mentionner que le bonheur de cette famille le rendait inconfortable et qu'il avait l'impression de s'introduire dans une photo parfaite de magazine - en ignorant les enfants qui se disputaient - .
Peut-être que Kalila le ressentit car elle avança.
— Maman, on a notre projet d'art donc on doit commencer tout de suite, dit-elle en poussant Alex dans les escaliers puis dans sa chambre.
Les murs étaient d'un bleu sarcelle pâle, comme la couleur d'un lac en plein été. Les meubles étaient simples et blancs, poussés contre les murs pour qu'il y ait le plus de place possible. Un mur était recouvert de photos et de dessins ; les bons souvenirs étaient visibles en un seul coup d'œil. Le long du mur où la fenêtre se trouvait, il y avait un coin toile. Des pots transparents contenaient des pinceaux et des feutres, il y avait des boîtes pour les pastels et des piles de palettes de peinture. Tout était si propre et organisé, c'était évident que la peinture comptait beaucoup pour elle.
Lançant sa veste et son sac sur son lit tout en indiquant à Alex de faire de même, elle alla chercher son portable sur son bureau.
— On regarde les photos ?
Alex connecta son appareil au portable. Très rapidement, ils choisirent une photo où on les voyait tous les deux pouffer, recouverts de jus rouge, qu'un employé avait prise juste avant de les jeter dehors. Ils décidèrent que Kalila la peignerait car elle était douée pour reproduire les émotions du visage. Alex voulut peindre le paysage du champ ; il se souvenait de toutes les couleurs vives, la sensation du vent dans ses cheveux, et il savait que ce serait une belle pièce une fois finie.
Ils travaillèrent en silence, tous les deux perdus dans leurs coups de pinceaux. Ce n'était pas un silence désagréable, au contraire, cela le faisait le sentir à l'aise. Ne pas avoir à parler juste pour le plaisir était apaisant.
Quelques heures plus tard, Alex cligna des yeux. Il était devenu difficile de voir. Ils avaient été tellement absorbés dans leur travail qu'ils n'avaient pas vu que le soleil commençait à se coucher. Ces stupides jours d'hiver sont trop courts, pensa Alex en ajoutant encore quelques touches de couleur.
Kalila alluma la lumière et se retourna avec admiration. Leurs travaux n'étaient pas finis mais ils étaient déjà très bons ; s'ils continuaient comme ça, ils réussiraient leur projet et Kalila pourrait entrer dans l'université de ses rêves.
Ils parlèrent un peu en nettoyant les pinceaux et les palettes, Alex voulant partir pour finir tous les devoirs qu'il avait à faire.
Et c'est seulement en marchant qu'il réalisa que pas une seule fois il n'avait pensé à Alice et toute la misère qui le déprimaient habituellement.
Du progrès ?
***
Comme je n'ai pas un rythme de publication régulier, je vous invite à aller lire l'histoire que j'ai écrite sur mon compte ! Elle s'appelle Nine Kinds et elle est terminée, allez jeter un coup d'œil ça me ferait grave plaisir ;)
Léna ♥︎
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