Chapitre 2

Quand il se réveilla le lendemain, Alex ne pu s'empêcher de penser aux événements de la veille. Il était resté et avait regardé Kalila patiner pendant un moment, et à chaque tour qu'elle avait fait, elle avait semblé de plus en plus en paix.

Il n'avait pas osé l'interrompre, mais avait décidé d'apprendre à la connaître. Il ne pouvait pas mettre le doigt dessus, mais il y avait quelque chose chez elle qui l'attirait, et c'était la première fois en deux mois qu'il ressentait quelque chose. Si seulement il pouvait comprendre ce que « quelque chose » signifiait.

La journée d'école passait vite. Les matières de la matinée étaient celles avec lesquelles Alex avait le plus de mal - Chimie et Histoire -, et cela l'arrangeait. Plus il devait se concentrer et utiliser son cerveau, moins il s'attardait sur la chaise vide à côté de lui qui criait presque le nom d'Alice. De plus, il n'avait pas à supporter les regards compatissants qu'on lui lançait dès qu'il regardait dans cette direction.

Au lieu de quoi il parcourut des yeux la salle de biologie, essayant de trouver la patineuse qui l'intriguait tant. Personne d'autre qu'elle n'était au courant de ses tendances suicidaires, donc il n'avait aucune idée de comment ses amis auraient pu réagir, mais il était presque sûr qu'ils ne lui auraient pas donné de la nourriture.
Ses yeux s'arrêtèrent sur une tête brune familière au fond de la classe, faisant remonter le coin de ses lèvres.

La tête de Kalila était plongée dans un cahier, elle devait être en train de dessiner quelque chose. La fille asiatique qu'il voyait d'habitude avec elle n'était pas en vue, et il ne pu s'empêcher de remarquer à quel point elle avait l'air seule.
Même si Alex aurait dû, lui, se sentir seul, il était constamment entouré de par ses meilleurs amis Tyler et Lacey, ainsi que par tous les autres gens qui prétendaient se soucier de lui.

Sans réfléchir, il s'éloigna de ses amis et s'avança dans la direction de Kalila. Ses yeux clignèrent lorsqu'elle le vit s'approcher, et elle lui sourit timidement.

— C'est cool de te voir que tu es en vie, chuchota-t-elle quand il s'asseya à ses côtés.

Il rit presque silencieusement, mais d'un véritable rire qui laissa bouche bée ses amis de l'autre côté de la classe. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ri, mais la professeure entra dans la classe à ce moment-là, empêchant quiconque de commenter. 

Madame Duffy était comme un ouragan. Avec un tempérament de feu qui allait parfaitement avec sa crinière rousse, elle donnait l'impression de tout faire dix fois plus vite que les autres. Même si elle était petite - à peine un mètre cinquante - personne n'osait l'énerver, donc tout le monde s'assit hâtivement. Une fois le cours sur le cycle cardiaque commencé, Alex se tourna vers Kalila et décida de lui poser la question qui lui trottait dans la tête :

— Pourquoi les skittles ?

Elle le regarda et sourit. Bien qu'ils ne se soient jamais parlé une seule fois avant, elle n'avait pas l'air mal à l'aise avec lui comme elle l'était avec les autres. Étrange de voir comme les trains et les bonbons peuvent réunir des personnes complètement différentes socialement. Alex avait beau avoir été dérangé après la mort d'Alice, il avait toujours été aussi populaire et aimé de toute l'école. Kalila était plus réservée, elle restait avec sa meilleure amie Emma Chen et n'embêtait personne d'autre. En fait, les seules choses dont elle se souciait vraiment étaient le dessin et le patinage.

— Peut-être que j'espérais te distraire - détourner ton attention avec le fait que je te donne des Skittles - et que tu oublierais de sauter ?

Elle chuchota ça en contractant légèrement le nez. Cela voulait dire qu'elle mentait, il était en était sûr. Il devait y avoir une autre raison.

— Et si je ne te crois pas ? Quelle est la vérité ? demanda-t-il en haussant un sourcil.

Elle hésita un peu avant de parler.

— Quand j'avais quatre ans, je me suis cassé le bras et ma mère m'a apporté des Skittles à l'hôpital. Elle disait qu'ils étaient magiques et qu'ils pouvaient guérir n'importe quoi, en particulier les os cassés. Tu avais l'air d'avoir besoin qu'on guérisse ton cœur.

Et elle baissa la tête pour continuer d'écrire, ingnorant le visage surpris du garçon assis à côté d'elle.

***

— Alex !

Huh ? Confus, il leva la tête pour voir Tyler et Lacey le fixer avec des expressions concernées. Il fronça ses sourcils pour les questionner :

— Vous avez dit quelque chose ?

— Mec, t'es devenu encore plus bizarre que d'habitude ; il se passe quoi ? demanda Tyler en avalant une énorme fourchette de pâtes.

Lacey rabattit ses boucles blondes sur son épaule, tout en regardant les horribles manies alimentaires de Tyler. Quand il ouvrit la bouche pour dire : « Quoi ? »,  une pâte en tomba et Lacey grimaça avant de lui mettre un coup de coude dans le ventre.

— Ce que cette créature dégoûtante à côté de moi voulait dire, c'est que tu as été ailleurs pendant tout le déjeuner. Alex chéri, qu'est-ce qui se passe ?

Il ne savait pas comment répondre. Qu'est-ce qu'il était censé dire de toute façon ? Il ne pouvait pas parler d'Alice, ni de sa tentative de suicide, ni de la discussion bizarre qu'il avait eue pendant une minute avec Kalila.

Lacey avait été la meilleure amie d'Alice pendant toute leur enfance, et il savait que son accident l'avait presque autant blessée que lui. Elles avaient toujours été comme deux sœurs, et récemment, Alex ne se sentait plus aussi mal qu'avant en sa présence.

Elle avait le don de calmer tout le monde autour d'elle - il émanait d'elle une aura de puissance et de gentillesse. Lacey Fox. Alice avait toujours dit : « même son nom crie que c'est une fille fabuleuse. » Et tout le monde qui connaissait Lacey était d'accord.

Alex haussa les épaules nonchalamment et se contenta de manger le reste de ses chips, heureux quand la discussion changea complètement de sujet. La cloche sonna finalement, signalant la fin du déjeuner et le début du cours d'Art, une autre classe qu'il partageait avec Kalila. Cette pensée le fit légèrement sourire ; il n'avait jamais été du genre à se prendre de sentiments pour une fille, mais il avait actuellement hâte d'en voir une.

Sauf que ce n'était pas juste une fille. Kalila n'était pas comme toutes ces pimbêches qui lui tournaient autour habituellement, celles avec lesquelles il ne parlait jamais - sauf quand il s'agissait de savoir qu'elle fille était une salope - et qui ne s'intéressaient à lui que pour sa popularité. Celles qu'il utilisait comme elles l'utilisaient.

Non, Kalila était plus comme Lacey et Tyler. Et Alice. Elle était quelqu'un avec qui il pourrait parler sans faire attention à chaque mot. Quelqu'un qui comprendrait sa passion pour la photographie, et à quel point il était heureux d'avoir été viré de l'équipe de foot pour avoir manqué trop d'entraînements après la mort d'Alice.

Elle avait le potentiel pour être une vraie amie, mais la véritable question était : combien de temps resterait-il en vie pour le savoir ?

***

Le reste de la semaine se passa normalement. Ou du moins, aussi normalement qu'avant la mort d'Alice. Il s'était retrouvé à passer par la patinoire presque tous les matins. Alice avait l'habitude de faire des balades matinales ; elle trouvait qu'il était paisible d'aller en centre ville avant que tout le monde parte travailler. Même si Alex détestait le fait de se lever encore plus tôt que les jours d'école pour aller marcher, il se sentait plus proche de sa défunte sœur depuis qu'il faisait ça jour après jour. Il prenait toujours son appareil photo avec lui, car sans il avait l'impression que quelque chose manquait.

Mais en passant devant la patinoire, il n'arrivait jamais à y entrer ni même à parler à Kalila. Il se sentait toujours stupide lorsqu'il allait lui parler à l'école, sans vraiment savoir pourquoi. Peut-être que c'était parce que Kalila n'était pas le genre de personne à parler pour briser un silence. Au contraire, il avait eu l'impression de l'irriter quand il avait tenté de lui parler en cours de SVT.

C'est pourquoi il fut surpris face à la réaction de Kalila le mercredi suivant. Ils furent mis en binôme pour un projet d'art, et cela sembla la réjouir.

— Maintenant que vous êtes en binômes et que vous avez arrêté de vous plaindre, dit Monsieur Jamison en regardant un groupe de filles qui se plaignaient de leur partenaire, j'aimerais avoir votre attention.

Il commença à distribuer des feuilles de travail avant de continuer son annonce :

— Ceci est votre projet d'art final pour cette année. Il comptera pour 40 pour-cent de votre note, et le reste sera l'examen de juin. C'est aussi le travail qui sera envoyé aux universités dans lesquelles vous souhaiterez aller. Le thème principal est « la beauté de la vie » , votre travail étant sur ce que vous interprétez de ce sujet. Vous pouvez utiliser n'importe quel médium, tant que cela reste le même jusqu'à la fin du projet. J'attends de vous un travail sérieux et un investissement concret sur les trois mois qui suivent. Votre travail final devra être présenté à la classe après le nouvel an. Sur ce, vous pouvez commencer.

Monsieur Jamison n'était pas du genre à commander ou à s'énerver - il disait toujours à la classe quoi faire et les laissait ensuite se débrouiller. Au moins il nous traite comme des adultes, contrairement aux autres professeurs de trou à rat, pensa Alex.

Du coin de l'œil, il vit Kalila se lever de sa chaise située à côté de sa jolie amie Asiatique - quel est son nom déjà, Emily ? Emma ? - et s'approcher de lui. Elle sourit, lui lança un rapide bonjour et s'assit, toujours équipée de son précieux carnet.

— Alors, des idées ? demanda-t-elle avec un stylo vert citron dans la main, prête à prendre des notes.

Vert citron. Qui voudrait écrire en vert citron ? se demanda-t-il avant de réaliser qu'elle lui avait posé une question. Il regarda furtivement autour de lui pour être sûr que personne ne les écoutait avant de hausser les épaules.

— Pfft. Notre première rencontre consistait à me voir sauter sous un train. C'est donc évident que je ne vois aucune de toutes ces conneries sur la beauté de la vie.

Les sourcils de Kalila se froncèrent de concentration, réfléchissant à ses mots. Son regard parcourut le reste de la classe, observant les autres élèves. Certains écrivaient des plannings, d'autres attrapaient de la peinture et des pastels, prêts à commencer. Il avait raison. Comment pouvaient-ils capturer la beauté de la vie s'il ne comprenait pas pourquoi celle-ci méritait d'être vécue ?

Et soudainement, une lumière jaillit dans son esprit.

— C'est ça ! s'exclama-t-elle, excitée.

Alex la regarda d'un air surpris. Elle parlait toujours si doucement, et c'était la première fois qu'il entendait sa voix autrement que dans un chuchotement.

— Tu ne crois pas qu'il y ait de belles raisons d'être en vie, et je suis sûre que je peux lister de nombreuses raisons de ne pas mourir. On peut utiliser cette liste et en faire un dessin ou autre chose, afin de capturer chaque raison et finir en montrant les plus beaux côtés de la vie ! Comme ça, le merveilleux Alex sera toujours en vie, Monsieur Jamison sera content, j'entrerai peut-être dans une université d'art comme j'en ai toujours rêvé, et tout est bien qui finit bien !

Alex sourit. Même s'il était persuadé qu'il n'y avait aucune raison importante de rester en vie, l'enthousiasme de Kalila était mignon. Elle avait l'air si contente de sa bonne idée qu'il était obligé d'accepter.

Il sourit en coin.

— Tu me trouves merveilleux ?

Ses joues devinrent roses et elle pointa son stylo vert citron sur lui.

— C'est tout ce que tu as retenu ?! demanda-t-elle, incrédule.

Il pouffa doucement et ils commencèrent à énoncer leurs idées. Quand la cloche sonna, ils avaient déjà pas mal d'idées et le plan de base de leur projet était fait.

Kalila insista pour choisir les scènes qu'ils allaient capturer et Alex décida qu'il allait choisir comment les présenter. Il aimait l'idée de les présenter sous forme de photographies - après tout, il n'avait encore jamais utilisé son appareil photo pour un travail d'école - et il savait que Kalila était bonne en peinture. S'ils mélangeaient leur deux talents, leur projet serait un succès. Et même si Alex était très sceptique, Kalila était persuadée qu'elle arriverait à lui faire abandonner son plan de suicide.

***
Si jamais vous voyez des fautes de frappe ou d'orthographe, n'hésitez pas à me le dire ! Je ne relis pas toujours (en fait presque jamais) mes chapitres, donc je peux passer à côté de petites erreurs 😬

Léna ♥︎

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