Chapitre 2 : Mise à l'aveuglette
La table était au complet. Il y avait bien quatre joueurs. L'arbitre n'était pas encore arrivé.
— Il est long, dit un type chauve, tatoué au visage – une croix de l'antéchrist passant par l'œil gauche. J'veux commencer !
Trevor : 24 ans
Un jeune blond platine aux yeux argentés réfléchissait.
— Vous aussi, vous vous êtes fait opérer ? Moi, ils m'ont obligé, mais je ne sais pas ce qu'ils m'ont fait. Cela n'a duré que cinq minutes si j'en crois ma montre. Ce qui est étrange, c'est qu'on m'a endormi. Est-ce un secret ?
Eden : 19 ans
Un autre garçon, avec une voix de canard, se mit à paniquer.
— C'est vrai ! Tu as raison !
Il commença à enlever son t-shirt noir et jeta un œil à son corps. Il avait quelques minuscules cicatrices.
— C'est insensé !
Marco : 21 ans
La porte s'ouvrit. L'arbitre entra, joyeux, une boite à la main.
— Bonsoir à tous !
Il posa délicatement la boite sur son bureau et posa des jetons colorés devant chaque joueur. Il y avait un dessin sur chacun d'eux.
— Bien, je vais vous expliquer les règles ! Ce soir, vous allez vous affronter à la mise chanceuse.
Ils avaient tous dix jetons. Sur chacun d'entre eux se trouvait le dessin d'une partie de leur corps. Il y avait les deux yeux, les poumons, les reins, le cœur, la langue, le cerveau et l'estomac.
La partie allait se dérouler en dix tours. La difficulté était de 5/10 et le danger, de 4/10. Les joueurs allaient recevoir une carte pendant un tour.
— Seulement, riait l'arbitre, vous ne devrez pas la regarder. Vous la tiendrez en l'air pour la montrer aux autres...
Ils allaient alors devoir miser des jetons comme au poker, s'ils estimaient pouvoir remporter la manche – il fallait surtout avoir confiance en sa propre carte que seul les adversaires voyaient. Les joueurs devaient automatiquement miser un jeton au début de chaque tour.
— S'ils sont dans l'incapacité de le faire, ils seront hors-jeu.
— On peut commencer, j'imagine ? demanda le type à la peau noir.
André : 29 ans
Un serveur arriva, un plateau de mignardises à la main.
— Servez-vous, ricanait l'arbitre. Soyez à l'aise. Enfin, une fois les dix tours terminés, les jetons deviendront des points à additionner.
Yeux : 50 points
Reins : 50 points
Poumons : 60 points
Estomac : 70 points
Langue : 70 points
Cœur : 80 points
Cerveau : 100 points
Les deux derniers joueurs allaient subir la punition ! Les parties du corps qu'ils avaient perdues en jeu allaient imploser à cause des mines implantées durant l'opération.
— Bande d'enfoirés ! s'exclama Marco en se levant.
— Veuillez-vous détendre, je vous prie... Le jeu peut enfin commencer.
PREMIER TOUR
Les cartes furent distribuées. Eden saisit la sienne sans la voir et la montra aux autres. Trevor avait un dix de cœur, André, un deux de pique et Marco, un roi de cœur.
— Veuillez poser un jeton !
Le garçon fit glisser jusqu'au centre de la table un jeton rouge : l'œil gauche. Son cœur commençait à battre la chamade.
— Bien, vous avez dix secondes pour réfléchir avant de miser !
Le garçon, en voyant le dix et le roi, avait peur de jouer. Il valait mieux se coucher directement. Pourtant, les as n'étaient pas exclus du jeu...
Non, se dit-il. Il vaut mieux ne prendre aucun risque pour le moment.
— Misez !
Trevor lança un jeton bleu : la langue. Il avait misé son cœur juste avant. André, qui avait au préalable jeté son rein gauche, décida de se coucher. Il posa sa carte face cachée.
Souriant, Marco lança un jeton jaune : son cœur. Il avait misé son cerveau au début du tour.
— Ah, j'oubliais ! s'exclama l'arbitre. Vous ne pouvez pas miser vos propres jetons tant que vous en avez appartenant aux autres.
— Je vois, répondit Eden. Cela évite qu'on ne les récupère jamais.
Le garçon se coucha. Trevor manquait soudainement de confiance. Il décida de ne pas relancer la mise. Par chance, son adversaire non plus.
— Montrez vos jeux !
Eden : Six de trèfle
Trevor : Dix de cœur
André : Deux de pique
Marco : Roi de cœur
Trevor poussa un hurlement de rage. Marco prit tous les jetons, heureux.
— Va te faire foutre ! s'exclama le type furieux. J'vais te fumer à ce jeu !
— Dites-moi, ricanait Marco. Vous ne nous avez pas parlé de l'argent qu'on allait gagner à la fin.
— Je ne suis pas censé vous en parler pour ce jeu. Vous resterez aveugles jusqu'au bout. Mais croyez-moi, la somme est très intéressante.
DEUXIEME TOUR
L'arbitre distribua les cartes. Trevor ne souriait plus. Il regardait les cartes des autres. André, sur sa gauche, avait un huit de pique. Face à lui, se trouvait le cinq de carreau de Marco. Eden, à droite, tenait son valet de trèfle, inquiet.
— Veuillez poser un jeton !
Marco lança le cœur de Trevor, qui lui, jeta son œil droit. Eden misa son deuxième œil et André, sa langue.
— Pourquoi est-ce que tu joues ce soir ? demanda Marco en regardant Trevor.
— C'est simple mon garçon...
— Vous avez dix secondes !
Eden ne souhaitait pas miser en voyant l'as de carreau de Trevor. Il se contenta de baisser les yeux.
— Je suis là pour le rush de vendredi...
— Misez !
Les joueurs s'étaient tous couchés. Aucun d'eux n'a souhaité relancer de mise. Ils laissèrent alors leurs jetons au milieu pour le tour suivant.
— Et toi, alors ? Pourquoi es-tu ici ?
TROISIEME TOUR
Le garçon se revoyait, étant enfant. Il y avait des tas de graffitis sur son bureau, sur son casier...
— Ma voix... Je veux...
Il n'avait aucun ami. Seulement des idiots qui se moquaient de lui.
— Je veux changer ! hurla-t-il en se levant de façon gracieuse.
Les cartes furent à nouveau distribuées. Pendant ce temps, dans la salle voisine, se trouvaient deux vieux hommes. Ils étaient confrontés à une partie d'échec. Le jeu était nommé « haute tension ».
La difficulté et le danger étaient de 2/10. Bertrand, le plus âgé, déplaça son cavalier de manière à ce que l'autre joueur tombe dans son piège.
— Je ne l'éliminerais pas, riait Maurice. Je vais plutôt me contenter de prendre ta deuxième tour.
L'homme déplaça son fou jusqu'à la dernière tour de son adversaire.
— Dis-moi, Maurice... Pourquoi es-tu venu jouer, ce soir ?
Il souriait.
— Je ne peux t'en parler en présence de l'arbitre. Mais j'y arriverais.
Bertrand plaça son pion sur une case et se prit une violente décharge électrique de plus de trois secondes.
Elles sont de plus en plus fortes, cogitait l'homme. Je ne vais pas terminer la partie à ce train-là...
L'arbitre s'occupait d'un dossier, à l'écart. Maurice se pencha vers l'oreille de l'autre joueur et chuchota.
— Je vais mettre un terme à tous ces jeux truqués...
Il posa sa reine à l'opposé du plateau et subit à son tour une décharge. Hélas, celle-ci étant trop forte, il succomba... Le cadavre de l'homme gisait au sol.
— Oh, la partie est finie, à ce que je vois. Bien, vous pouvez rentrer chez vous avec la fabuleuse somme de cent mille dollars...
Le vieil homme s'en alla. L'arbitre se précipita vers une salle et s'approcha d'un homme à lunettes.
— Président... Nous avons un problème.
— Nous n'avons plus d'argent ? riait-il sarcastiquement.
— Non, nous sommes de plus en plus soupçonnés de trafiquer nos jeux.
Le président du casino se leva.
— Ils peuvent penser ce qu'ils veulent. Nos jeux ne sont en aucun cas truqués. Brahms Gale aurait été en accord avec moi s'il n'avait pas été tué dans le troisième rush de l'histoire du D-Casino.
SIXIEME TOUR
Eden n'avait plus que quatre jetons rouges. Son cerveau, son cœur, son rein gauche et son estomac. Il avait cependant deux jetons bleus – les yeux – et un jaune : le poumon droit.
Les cartes glissaient sur la table jusqu'à arriver devant chaque joueur. Eden saisit la sienne et jeta un œil à celles des autres. Il jeta le jeton jaune au centre de la table pour la mise de base.
André, qui avait un trois de cœur, ajouta deux jetons rouges : les yeux d'Eden.
Marco, pas trop sûr de lui, décida tout de même d'envoyer deux jetons bleus.
— Ce tour m'a l'air intéressant, riait Trevor. Je vois que ça prend la confiance !
Eden jeta les deux autres jetons ne lui appartenant pas. Il était sûr de gagner avec les faibles cartes de ses adversaires !
Trevor misa deux jetons rouges. Eden grimaçait en les voyant glisser jusqu'au centre. Il tenait absolument à les récupérer.
La mise s'arrêta après lui.
— Montrez vos jeux !
Le cœur d'Eden s'arrêta. Le choc le fit paniquer. Il respirait avec difficulté...
André : Trois de cœur
Marco : Quatre de pique
Trevor : Deux de pique
Eden : Deux de trèfle
Il avait perdu les derniers jetons adverses. Il devait à nouveau miser les parties de son corps. La fin de la partie s'annonçait douloureuse voir fatale. Marco, souriant, prit tous les jetons.
Trevor se leva, fit le tour de la table et l'attrapa.
— Espèce de tas de merde...
— Veuillez-vous asseoir, je vous prie, dit l'arbitre en posant sa main sur son épaule.
L'homme, furieux, retourna à sa place, prêt à tuer quelqu'un.
— La partie peut reprendre...
SEPTIEME TOUR
L'arbitre distribuait les cartes, toujours aussi joyeux. La tension augmentait. Les joueurs se haïssaient. C'était le véritable but du jeu.
— Misez !
La nature de l'être humain n'était pas différente selon chaque personne. Les quatre types assis à cette table étaient les même. Des joueurs misant leur vie... Pour de l'argent !
— Dix secondes !
Pour être capable de vaincre l'ennemi, il fallait qu'une personne folle à lier joue. Quelqu'un d'impossible à décrire... Ses actions ne pouvaient pas être identifiées...
— Montrez vos jeux !
Finalement... Cette personne était bien là...
Les mains devant son visage, Trevor riait. Il avait misé tous ses jetons pour que les autres joueurs se couchent. Il avait vu l'as de Marco, les rois des deux autres et savait que sa carte était faible...
Il a pris un risque et a finalement remporté ce tour... L'homme regardait son quatre de pique.
— Vous n'êtes vraiment que des amateurs.... Vous n'avez aucune ambition ! Aucune motivation !
— Ordure...
Marco serrait les poings, la tête baissée.
— Hein ? s'étonna Trevor. Tu n'assumes pas ?
L'autre homme se leva brusquement et pointa le vainqueur du doigt.
— TU n'es qu'un piètre amateur. Au fond, c'est toi qui n'a rien compris. Laisse-moi te le montrer !
HUITIEME TOUR
Les cartes glissaient sur la table. André saisit la sienne et y jeta discrètement un œil avant de la montrer à tout le monde. Il souriait...
Eden était prêt à les vaincre ! Il ne connaissait pas sa carte mais il savait que les types allaient se détruire... Il suffisait juste de gagner au dernier tour.
— MISEZ !
« Clac ! »
Le bruit des jetons, tous posés en même temps, résonnait dans la pièce au silence désormais rompu. André lança le cerveau de Marco, après les dix secondes, qui jeta le cœur de Trevor. Eden suivit la mise avec un jeton : son propre rein. Les joueurs suivirent.
— Montrez vos jeux !
— STOP ! hurla Marco en se levant.
Il lança quatre jetons au centre de la table.
— Voilà ce que c'est, avoir du cran...
— Ce n'est que du bluff, riait Trevor. Mais il n'en n'est rien !
Il lança aussi quatre jetons. Un rire sombre attira alors leur regard... André suivit le mouvement et lança les quatre jetons qu'il lui restait.
— Quel retournement de situation ! s'exclama Trevor. Magnifique ! La partie devient enfin mouvementée !
— Pas si vite...
Eden venait de miser ses derniers jetons. C'est alors que les deux autres fous décidèrent de tout envoyer au centre de la table.
— Incroyable, dit l'arbitre, perturbé. Je n'ai jamais vu ça... Il va y avoir beaucoup de sang !
C'est à cet instant que la voix de l'arbitre devint effrayante... Quand il prononça « montrez vos jeux » pour la dernière fois...
La partie aurait pu prendre une autre tournure...
Trois personnes étaient sur le point de mourir.
— Je vous souhaite bonne chance, riait Marco.
— Tu as perdu, répondit Trevor.
— Je vous laisse rejoindre les morts, répliqua André.
— Hors de question que je me laisse abattre, finit Eden.
Les cartes étaient toute posées...
— C'est vraiment génial ! hurlait l'arbitre. JE N'AI JAMAIS VU UN TEL DENOUEMENT !
— Quoi ? C'est sérieux ? Nan, c'est forcément une putain de blague !
Trevor n'en revenait pas. Les autres joueurs paraissaient tous aussi troublés. Un tel raffut pour un résultat aussi peu intéressant ?
— Comment ça se passe ? demanda Eden en se tournant vers l'arbitre.
— Quatre valets sur la même table... C'est un cas de match nul. Vous pouvez poursuivre la partie à partir du neuvième tour...
— On reprend les jetons qu'on vient de miser ? demanda André.
— Non, ricanait l'arbitre. Vous reprenez les dix jetons vous appartenant...
NEUVIEME TOUR
La partie recommençait. Cette fois, il fallait réfléchir. Miser n'importe comment dès le début importait peu... Mais il ne restait cette fois-ci plus que deux tours.
L'arbitre distribua les cartes en les faisant glisser sur la table. Eden prit la sienne et jeta son œil gauche pour la mise de base. Les autres lancèrent aussi leurs jetons et les dix secondes de réflexion passèrent.
— Cette partie m'a beaucoup amusé, s'exclama Marco. C'était un régal !
— Ta gueule, répondit Trevor, tu nous saoul...
Eden décida de se coucher. Il posa sa carte et admira le déroulement de cet avant-dernier tour...
André : Six de pique
Trevor : As de trèfle
Marco : Reine de pique
Eden : Neuf de cœur
Trevor s'était couché à cause du bluff de Marco. Celui-ci remporta la mise. Furieux, l'homme tatoué tapa du poing sur la table. Il était temps d'en finir...
DERNIER TOUR
Les joueurs, pour ce tour final, devaient miser avant d'avoir leurs cartes. Eden, non confiant, lança son rein droit. Il espérait pouvoir rattraper ses jetons. Mais qu'allait-il en être des résultats ?
La carte noire arriva devant lui. Il la leva. Ses adversaires avaient sûrement un meilleur jeu.
Trevor avait encore un as, André un roi et de même pour Marco.
— Le bluff ne fonctionnera pas cette fois ! hurla Trevor. Je gagnerais cette manche.
André misa trois jetons. Il se sentait sûrement capable de le vaincre. Marco suivit et Eden se coucha. Il allait regretter d'avoir fait ça. Il savait que s'il n'était pas dans les deux premiers, la souffrance allait le tuer.
— Je fais tapis... riait Trevor.
Marco n'était pas aussi fou. Il se coucha et André suivit l'autre homme...
— MONTREZ VOS JEUX !
Les cartes s'abattirent sur la table. Le résultat final était devant eux... La partie était finie.
Trevor avait gagné. Avec son trois de carreau, Eden n'aurait rien pu faire. Hélas, il n'avait pas plus de jetons que les deux fous.
— Place à la punition ! s'exclama l'arbitre.
André cracha énormément de sang. La grosse giclée écarlate finit sa course sur la table tandis que le type partait en arrière avec sa chaise, les mains sur le torse. Du sang coulait de ses oreilles et de son nez et de ses orbites. Le liquide pourpre aux bulles vermillon coulait de ses lèvres à sa gorge.
Il avait tout perdu. Eden paniquait. C'est alors que son œil gauche explosa et laissa alors apparaitre une douleur insupportable, suivi de son rein. Le garçon, hurlant à terre, regrettait d'être venu ce soir-là.
Un type jeta son sac en direction du président du casino.
— Logan, je suis navré mais je ne resterais pas jusqu'au rush. Je me casse plus tôt que prévu. J'en ai assez de tous ces jeux.
L'homme ouvrit le sac. Il y avait trois milliard de dollars dedans.
— Que veux-tu que je fasse de ça ?
— Si vous n'en voulez pas, donnez le au nouveau...
L'homme s'en alla.
— Jaden ! Attends !
Il n'était déjà plus dans la salle. Son adjoint s'approcha du sac.
— Qu'allez-vous en faire ?
— Bonsoir ! s'exclama un jeune homme. Il s'approcha du président et tendit sa carte d'identité.
C'était le nouvel arbitre. Il était tout juste majeur mais son profil plaisait au président.
— Noah... Tu m'as l'air confiant, hein ?
— Bien évidemment ! J'ai hâte de faire mon premier jeu !
— Sais-tu au moins que tu es viré s'il ne nous plait pas ?
— Je ne me fais aucun souci... Demain, vous aurez l'occasion de découvrir une nouvelle manière de jouer au strip poker !
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