Chapitre 18 - [Partie 2]
Treize jours après l'effondrement d'Alexia, je tentais de garder un semblant de vie normale. En ce vendredi, la journée de cours était fort peu intéressante et se finissait tard. J'attendais avec impatience l'arrivée d'Estelle et Pauline pour m'épauler. J'avais essuyé de nombreuses larmes mais celles-ci ne semblaient jamais se tarir. Je pensais trouver un nouveau souffle et une nouvelle motivation avec le renfort de mes amies.
Il était presque 20 heures quand je pus enfin sortir de mon école. Je m'arrêtais rapidement pour acheter quelques tartes flambées, pour le dîner de ce soir. J'étais quasiment sûre que personne n'allait y toucher mais je préférais prévoir le coup. La neige recouvrait provisoirement les rues d'un voile blanc. Le chemin jusqu'à l'appartement fut plus long que d'habitude tant la chaussée était glissante. Frigorifiée, j'essayais de me réchauffer avec les cartons de flammenkuche et respirais avec bonheur leur odeur. Finalement, j'allais peut-être en manger un bout.
J'accélérai le pas pour arriver rapidement chez Alexia. Je ne tenais pas à la laisser seule trop longtemps. Mon instinct me disait de me dépêcher mais l'univers n'en avait pas décidé ainsi. Le sol, véritable patinoire, ne facilitait pas le trajet mais c'était sans compter sur les mauvais coups du sort. Plusieurs ponts étaient fermés car la chaussée était impraticable à cause des intempéries. Le trajet s'allongeait avec plusieurs détours et je mis le double du temps pour arriver à ma destination. Pendant des années je m'étais demandée ce qui se serait passé s'il n'y avait pas neigé ce jour-là, si j'avais gagné quelques minutes sur le destin.
Arrivée devant l'immeuble d'Alexia, je me débarrassais de la neige qui recouvrait mon manteau et mes chaussures avant de me lancer dans la montée, laborieuse, des vieux escaliers bancals. Arrivée sur le palier, je me battis pendant plusieurs secondes avec la porte d'entrée, tenant d'une main et en équilibre, les tartes flambées. Quand enfin je pus pénétrer dans le studio, je fus accueilli par un silence. Un silence glacial, presque de mort. En temps normal, j'entendais les reniflements et la respiration saccadée d'Alexia, mais là, il n'y avait rien.
— Hey oh, Alexia, c'est moi, t'es où, demandais-je tout en posant les cartons sur le mini bar de la cuisine.
Aucune réponse. J'avais un très mauvais pressentiment et une boule d'angoisse et d'appréhension se formait dans mon ventre. Mon rythme cardiaque s'accélérait à cause du stress et je ressentais des difficultés pour respirer comme si des mains invisibles me compressaient au niveau du cou. Je fis rapidement le tour de la petite pièce à vivre qui faisait également office de chambre. Je ne la trouvais nulle part. Je me dirigeais d'un pas lourd vers la salle de bain. Ma peur et mon appréhension marchaient à mes côtés et me donnèrent le courage d'appuyer sur la poignée. Celle-ci s'ouvrit dans un sinistre grincement.
La première chose que je vis fut la neige, tombant de plus en plus drument, à travers la fenêtre. Les lumières des réverbères et de la lune se reflétaient sur les flocons, éclairant d'une faible couleur blanchâtre la salle de bain. Mon regard suivit alors un rayon de lumière qui ondulait à travers la pièce avant de s'arrêter sur le corps inanimé d'Alexia. Extrêmement pâle, elle était allongée nue dans la baignoire, à moitié recouverte d'eau. Sa tête était penchée en arrière et seule ses lèvres, légèrement ouvertes, apportaient une fine touche de couleur à ce tableau tout en nuance de gris et blanc.
Si son poignet gauche était encore dans la baignoire, son bras droit pendait à l'extérieur. Je m'approchais à petit pas, refusant d'envisager l'impensable. Soudain, un bruit métallique résonna dans la pièce tandis que je baissai le regard pour en trouver l'origine. J'identifiais vite le coupable : une lame de rasoir, que j'avais malencontreusement bousculée avec le bout de ma chaussure, îlot noir dans une mer rouge.
Pendant une seconde, je restais sur place sans bouger, pétrifiée et obnubilée par ma découverte et par le son, faible et macabre, des gouttes de sang qui tombèrent. Figée sur place, mon cerveau en mode pause ne semblait pas vouloir accepter ce que mes yeux lui disaient : Alexia s'était suicidée.
Ces trois mots mirent de longues secondes à atteindre mes neurones. Quand enfin la connexion se fit, je pus réagir et me mettre en mouvement. Mon premier réflexe fut de crier le prénom de mon amie même si cela était inutile. Ensuite, je sautais sur mon téléphone et composais le numéro des pompiers. Pendant que les sonneries s'égrainaient les unes après les autres, je pris le pouls d'Alexia. Je fus soulagée en ressentant des faibles mais bien réelles pulsations sous mes doigts.
Lorsqu'enfin les pompiers répondirent, j'expliquais le plus calmement et précisément la situation. Je tentais de garder mon sang froid et de ne pas céder à la panique. La voix de la femme me portait et m'encourageait. Je fis ce qu'elle me dit. Je rapprochais les jambes d'Alexia côte à côte. Le contact froid et mouillé de son corps me fit frissonner mais je devais me concentrer jusqu'à l'arrivée des pompiers. Je mis ensuite en place des points de compression, appuyant sur ses poignets pour faire des points de compression et éviter l'écoulement du sang.
Pendant de longues secondes qui me parurent être des heures, je restais ainsi, le téléphone coincé contre l'oreille, les doigts serrés tentant de retenir le sang de mon ami. Aucune pensée m'agitait. Je fis le vide autour de moi, me concentrant uniquement sur les mots du pompier. Elle seule me permettait de garder mon calme. Elle seule me reliait avec l'espoir, tenace, de sauver Alexia.
J'entendis enfin des pas dans l'escalier puis sur le palier et espérais que ce soit les pompiers. En entendant les éclats de voix de mes amies, je me sentis faillir et vis mes espoirs s'envoler. J'étais persuadée qu'Alexia ne s'en sortirait jamais vivante. Quand elles entrèrent dans l'appartement et découvrirent le spectacle morbide, elles eurent deux réactions opposées. Estelle se figea complètement, pendant quelques secondes, en passant sa tête dans l'ouverture de la salle de bain. Puis elle poussa un cri, strident, de douleur. Incapable de contrôler ses émotions, elle alternait entre hurlement et pleur. Ne pouvant pas la gérer, je lui ordonnais de quitter l'appartement et d'attendre, devant l'immeuble, les pompiers pour les guider jusqu'ici.
Pauline, quant à elle, poussa un cri de stupeur avant de se précipiter pour m'aider. Je lui demandais de prendre des serviettes pour mieux contenir le sang d'Alexia. A genoux devant la baignoire, tenant chacune un bras de notre amie, serrant les linges qui virèrent rapidement au rouge, nous nous apportions chacune du courage, sans jamais prononcer un mot.
Les minutes parurent durer des heures. Je ne voyais pas le bout de ce cauchemar. Je ne voyais pas de fin heureuse. Mon espoir diminuait à chaque seconde. Je ne savais pas où regarder. A chaque endroit où mes yeux se posaient, je ne voyais que désespoir et malheur. Il m'était impossible de regarder Alexia, ses yeux vides, son corps pâle et froid et le sang rouge foncé qui coulait encore un peu de sa main droite, là où elle avait serré la lame de rasoir. Le visage de Pauline reflétait mes émotions : désespoir, préoccupation, incompréhension et angoisse.
Je n'arrivais pas à savoir combien de temps s'était passé entre ma découverte et l'arrivée des pompiers. Ils prirent vite Alexia en charge et j'assistais, impuissante, à la scène. Ils descendirent son corps dans les escaliers et je les suivis jusqu'à l'extérieur. Le brancard s'engouffra dans le véhicule et les portières se refermèrent. Il ne me restait rien, rien mise à part les gouttes de sang foncé qui étaient tombées sur la neige blanche. Rien mise à part cette scène d'horreur que les traces rougeâtres m'invitaient à suivre, telles des panneaux de direction morbides, pour prendre mes affaires et retrouver Alexia à l'hôpital.
Je remontai d'un pas lourd les escaliers pour aller chercher mes affaires que j'avais laissées en haut. Les marches furent longues et douloureuses. J'avais l'impression d'avoir perdu toute mon énergie pendant le dernier quart d'heure. Mon téléphone portable était resté dans la salle de bain. Je n'avais pas la force d'aller le récupérer ne voulant pas pénétrer dans cette scène d'horreur. Je pris mon sac à main, mon blouson rouge que je ne pourrais probablement jamais remettre de tant la couleur me rappelait le drame, et les clefs. En fermant la porte, je me souvins alors que je me devais d'appeler moi-même les parents d'Alexia et que leur numéro était dans mon téléphone.
Mettre les pieds dans la salle de bain fut difficile. Il y avait du sang partout. Je réalisais seulement la quantité qu'elle venait de perdre. Mon mobile était là, par terre, gisant dans une trainée rougeâtre. Un pompier l'avait sûrement écarté du pied, en arrivant, pour se faciliter le passage. La scène d'horreur et la descente d'adrénaline me rendit nauséeuse. Je ne tardai pas à vomir le peu de contenu de mon estomac dans les toilettes à côté. Je pris une serviette qui avait été miraculeusement sauvée du massacre. Je m'essuyais la bouche et attrapais mon téléphone avec.
Je rejoignis Pauline et Estelle en bas de l'immeuble. Elles aussi étaient dans un piteux état. La peur de ne plus revoir Alexia était la seule raison qui faisait que nous étions encore debout.
— Emma, tes mains, me fit remarquer Estelle.
Je regardais mes doigts et remarquais seulement le sang d'Alexia qui commençait à sécher. Dégoûtée par cette vision, je ne pus retenir ma bile et vomis une nouvelle fois. Je n'avais pas le courage de remonter et décidai de me frotter les mains dans la neige pour enlever les traces. Je mouillai la serviette et m'en servit pour nettoyer et sécher mon téléphone. Je la jetais dans la première poubelle sur mon chemin et songeais à mon prochain achat de mobile. Je ne pourrais pas garder celui-là. Pour le moment, je n'avais pas le choix. Je pris alors mon courage à deux mains et appelais les parents d'Alexia.
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Voilà la deuxième partie. Je m'excuse pour les fautes, j'ai eu beaucoup de mal à le relire...
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, notamment au niveau des descriptions. C'est la première fois que j'écris ce genre de scènes et je ne suis pas sûre du résultat. En attendant, je vous mets la dernière partie de ce chapitre.
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