Chapitre 17 - [Partie 1]
Totalement sous le choc de la confrontation avec Emma, je restai, pendant plusieurs minutes, immobile, figé sur place. Seules mes larmes coulèrent sur mon visage tandis que je contemplais le vide devant moi et le trou, béant, dans mon existence. Comment avais-je pu lui mentir là-dessus ? J'avais été complètement débile, ne réfléchissant pas avant de parler, voulant seulement me protéger et la garder encore un peu. Ce jour-là j'avais signé l'arrêt de mort de notre relation encore naissante.
Quand je pus enfin bouger à nouveau, je ne pus supporter le poids de mon échec, de ma faute. J'étais le seul fautif, coupable d'égoïsme. Mes reproches m'accablèrent et, ne pouvant pas résister à l'afflux des larmes et sanglots, je m'affalais au sol et me repliai sur moi-même. Enlaçant mes jambes, je me balançais lentement, calmant le temps d'un aller-retour mes pleurs, mais ne pouvant, à aucun moment, contrôler mes pensées accusatrices.
Pourquoi l'avais-je laissé filer aussi facilement ? J'aurais dû la retenir, j'aurais dû tout faire pour qu'elle reste avec moi ne serait-ce qu'une minute de plus. J'aurais même dû ramper à ses pieds si c'était la seule solution pour qu'elle reste mienne. Mon âme, mon corps et ma vie lui appartenaient tout entier. Mais elle, elle m'avait glissé entre les doigts, et avait filé à cause de ma grossière erreur.
J'avais tout fait pour me protéger de son amour et m'empêcher de sombrer dans une passion dévorante. J'avais tout tenté pour garder le contrôle sur cette relation qu'elle avait toujours maîtrisé. J'avais tout mis en place, toutes les tactiques que je connaissais pour la faire fuir, mais elle était restée, pour moi. Je n'étais donc qu'un lâche, incapable de retenir celle que j'aimais.
Mes pensées venaient de m'éclairer sur mes sentiments que j'avais essayé, tant de fois, de me dissimuler. Je m'étais menti à moi même pendant de trop longues semaines. J'aurais dû ouvrir les yeux plus tôt et me laisser être à elle. Etait-ce trop tard ? Avais-je brûlé toutes mes cartes ? Non pas encore ! Non je dois la faire revenir. Cependant, je ne devais pas oublier un élément important : son copain. Emma serait-elle prête à le quitter pour moi ? Résolu à la reconquérir, je mis de côté cet élément et décidai de m'en occuper plus tard, quand je serais sien et quand, l'espérais-je, elle serait mienne.
Déterminé à tout tenter pour que son départ ne soit pas définitif, j'essuyais mes larmes et me dirigeai dans mon bureau. Confortablement installé sur mon siège en cuir avec un verre de Whisky 30 ans d'âge, j'élaborais mon plan d'action. Sur une feuille blanche, je détaillai les étapes. Mon stylo crissait sur le papier. Ce bruit me réconfortait et m'encourageait à continuer. Les idées se mettaient en place facilement et ma stratégie prenait forme.
Etape 1 : lui montre que je pense encore à elle - lundi 12 novembre
Je lui laisserai le week-end pour qu'elle puisse réfléchir à mes actes et à mes excuses. Essayer de la reconquérir maintenant ne ferait que d'augmenter sa rancœur envers moi. J'attendrais lundi qu'elle retourne travailler. Je lui enverrai un bouquet de cent une roses rouges pour lui signifier mon amour unique, passionnel et indéfectible. J'avais également prévu de lui rédiger une lettre pour lui exprimer mes sentiments et mes regrets et une boite de ses chocolats préférés de chez Godiva.
Etape 2 : lui prouver mon amour - mardi à vendredi 13 novembre
Je ne comptais pas lui offrir tous les diamants de la terre et autres cadeaux luxueux. Ce n'était pas dans le style d'Emma. J'allais lui envoyer, toujours au travail car c'était la seule adresse que j'avais d'elle, des petits colis remplis de belles intentions. Elle m'avait mentionné aux détours de plusieurs conversations son manque de loisirs et son ennui. Le premier envoi contiendrait tous les classiques des comédies musicales, anciennes et modernes, classiques ou plus méconnues, car elle adorait cet univers. J'y glisserai également des sachets de pop-corn et autres friandises qu'elle affectionnait afin d'accompagner ses potentielles soirées ciné.
Le deuxième envoi contiendrait des abonnements dans les différents théâtres, opéras et salles de spectacles de Paris. Dans le troisième colis, je lui offrirais des places et un week-end à Londres pour aller voir la comédie musicale du moment : Hamilton. Enfin, le dernier colis serait dédié aux célèbres cours Florent. Je l'inscrirais pour une année et lui communiquerais son planning et offrirais tous les accessoires dont elle aurait besoin. J'étais sûr que mes cadeaux lui plairont.
Etape 3 : la revoir - date inconnue
Enfin, après tous ces cadeaux et intentions, je lui enverrais une invitation papier. Le rendez-vous aurait lieu chez moi, pour commencer. Je lui préparerai le meilleur apéro de sa vie que j'essaierai de concocter moi-même. Puis, je l'emmènerai voir la comédie musicale de son choix. Ensuite, on irait au restaurant et je lui offrirai une nuit formidable où elle serait la reine. Je la laisserai choisir, je la laisserai me contrôler et je la laisserai faire de moi ce qu'elle désire. Pour elle, j'étais prêt à tout.
L'élaboration de mon plan me prit la soirée entière. Fatigué et épuisé par le trop plein d'émotions, je m'endormis facilement. Pour oublier mes regrets et mes mensonges et pour ne pas penser à ce vide que je ressentais au fond de moi, je consacrais la journée du samedi à préparer tous les éléments de mon plan. Je fis jouer quelques relations pour obtenir rapidement tout ce que je voulais. Mes activités clandestines avaient de nombreux avantages.
Emballer chaque cadeau, y glisser des mots doux et tendres, rédiger la lettre et préparer chaque envoi pour le coursier m'occupèrent une grande partie de la journée. Quand tout fut prêt, je me servis un verre de Whisky et m'installais sur mon canapé. Je contemplais mon œuvre de la journée et ne pus m'empêcher de ressentir un pincement au cœur. Si je ne lui avais pas menti, Emma serait dans mes bras en ce moment même. Je ne serais pas seul, meurtri, avachi dans mon salon, un verre à la main à me morfondre et m'interroger sur mon futur.
Je n'arrivais à m'imaginer qu'une seule et unique chose pour mon avenir. Une seule image qui me revenait constamment en tête. Je me voyais dans notre appartement complètement décoré par Emma. J'y voyais de nombreuses touches de couleurs qu'elle affectionne et qui égayeraient mon intérieur comme elle illuminait mon existence. J'imaginais son corps collé contre le mien, lové sur un canapé, en train de regarder Hair. Je rêvais de nous, heureux, formant un couple uni et fusionnel. Avec Emma, j'avais retrouvé l'espoir du grand amour que j'avais tant désiré. Mais ce rêve était devenu un cauchemar à cause de moi. Tout était parti en fumé, envolé et détruit.
Les larmes coulèrent le long de mes joues et je sanglotais. Incapable de boire et encore moins de savourer les gorgées de mon Whisky, je reposais le verre et me dirigeai vers la salle de bain. J'étais misérable, lamentable mais je méritais ce qui m'arrivait. J'avais fait tant de mal dans ma vie.
Je me rappelais toutes ces femmes que j'avais pris, utilisé et tout simplement jeté sans même une once de regret. Pendant plus de huit ans, j'avais profité d'elles pour mon plaisir personnel, sans même penser à ce qu'elles pouvaient ressentir. S'aventurer sur le chemin du passé était pour moi toujours risqué. J'avais de nombreux remords sur certaines de mes actions. C'étaient des souvenirs que j'avais enfouis au fond de mon cerveau depuis des années. Je refusais de les ouvrir ne voulant pas voir le Matthieu que j'étais devenu. Parfois, il vaut mieux se mentir à soi-même, occulter un pan entier de sa vie pour ne pas trop souffrir.
Il était minuit passé quand mes souvenirs avaient réussi à s'imposer à moi. Je les avais refoulés tout au long de la soirée mais mes efforts étaient vains. Je laissais tomber mes armes et acceptais la sentence : le retour dans les heures sombres de mon existence. Six mois après avoir quitté Laura, une idée avait germé dans ma tête et m'obsédait jours et nuits. Je cherchais une vengeance qui était, à l'époque, un moyen comme un autre d'extérioriser mes peines. Mes cibles étaient simples et larges : les femmes. N'importe quelles femmes si peu qu'elles soient belles et susceptibles d'écarter ses cuisses pour moi.
J'avais tout simplement profité d'elles en leur promettant le grand amour. Je leur demandais de garder notre relation secrète car je ne voulais pas que ça s'ébruite dans la presse à scandale pour nous "préserver". En réalité, c'était pour masquer mes différentes maîtresses. Je n'avais jamais été en couple avec aucune d'entre elles et je multipliais les relations. Quand je me lassais d'une de ces femmes, j'adoptais la technique du silence radio. Peut-être un peu lâche, je n'avais surtout pas envie de perdre du temps à leur expliquer, que je ne voulais plus d'elle, alors que je pouvais tout simplement être en train de me venger de Laura, dans le lit d'une autre femme.
J'avais vécu ainsi pendant plus de deux ans, multipliant les conquêtes et les ex. J'avais brisé de nombreux cœurs et détruit beaucoup de femmes. J'ignorais si certaines d'entre elles avaient souffert plus que d'autres. C'était l'avantage des relations secrètes : une fois que vous aviez coupé les ponts, vous n'entendiez plus parler de la personne et leurs proches ne connaissaient pas votre identité. Aucune vengeance, aucune poursuite. Parfois, j'avais des échos de drames qui étaient parvenus jusqu'à moi mais je les mettais de côté, passant à autre chose et les occultant de ma vie.
Je regrettais souvent ce passé sordide. Pour autant, certaines fois, il m'évoquait de bons souvenirs. Seule la méthode ne convenait pas à mes pratiques d'hommes à femmes. Maintenant, je ne leur promettais rien, à part un ou plusieurs orgasmes. Cependant, j'aurais dû offrir plus à Emma. Mon cœur et mon âme auraient été des cadeaux à sa mesure.
Plus les jours passèrent, plus mon remords et mon chagrin augmentaient. Je n'arrivais pas à me pardonner mes actes. Je n'arrivais pas à accepter qu'Emma soit partie. La journée, je me noyais dans le travail pour oublier. Le soir, j'essayais de survivre. Je ne pouvais pas arrêter de penser à elle. Chaque jour, je la voyais, je l'imaginais à mes côtés et je rêvais d'elle. Chaque jour, son image me détruisait encore plus.
Mon plan suivait son cours et j'attendais des nouvelles d'Emma. Dès que je recevais un SMS, j'espérais que ce soit elle. Mon cœur battait plus fort et mon souffle s'accélérait. Je sentais un stress, jusqu'ici inconnu, monter en moi. J'avais peur qu'elle me dise d'arrêter et de la laisser tranquille. Les jours s'égrènent doucement et Emma venait de recevoir son dernier colis avec mon invitation. Le coursier venait de m'en informer et j'attendais, avec impatience, la réponse de la femme que j'aime. La journée passait sans aucune nouvelle d'elle. Son silence était-il un refus ou seulement un laps de temps de réflexion ?
Je regardais les minutes s'égrener sur l'horloge de mon bureau. Chaque fois que les deux aiguilles se rejoignaient, je sentais un bout de mon cœur disparaître. Etait-il possible de ressentir un amour aussi profond pour une femme ? Etait-il possible de souffrir autant ? Pouvais-je un jour espérer revoir Emma et être de nouveau à elle ? A chaque nouvelle heure, mon espoir diminuait. A chaque nouvelle heure, j'essayais de me résonner et d'accepter son refus. A chaque nouvelle heure, je me sentais mourir un peu plus.
Tout le week-end je me sentis dépérir et sombrer dans une profonde tristesse. Je voulais juste que cette histoire se termine. Qu'elle me dise oui ou non, j'espérais juste passer à la page d'après. Je me plongeais dans le travail tous les jours, travaillant de plus en plus, sans compter mes heures. Quelle ne fut pas ma surprise quand j'ai reçu un SMS d'Emma le dimanche à 23:53 me disant qu'elle acceptait mon invitation. Elle me donnait également le lieu de rendez-vous, un bar, et me communiquait l'heure et le jour.
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Et voilà la première partie du chapitre 17 ! Et comme vous m'avez signalé sur le chapitre 16 qu'il fallait être gentille, alors je vous mets la suite tout de suite ^^
Bonne lecture
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