Il était une fois, au beau milieu du XVème siècle dans le monde réel, un puissant mage que l'on appelait Ozymandias, Premier du nom. Personne ne savait d'où il venait, ni quel âge il avait, ni même qui il était vraiment. C'était un nomade qui voyageait nulle part et partout dans le monde afin d'accomplir de nombreux exploits et d'aider son prochain grâce à sa magie.

        Ozymandias savait comment manipuler la lumière et les secrets, était un chevalier accompli, utilisait incantations et potions et jouait aussi bien d'un instrument qu'avec le destin. Nombreux racontent également qu'il a eu de nombreuses aventures, avec des femmes de toutes les contrées. Ainsi furent engendrés ses trois filles et quatre fils, de quatre mères différentes. Ils héritèrent chacun d'un talent magique de leur père, sauf le petit dernier.

        Ozymandias connaissait leur existence, mais n'arrêta pas son errance éternelle pour autant, continuant d'arpenter les routes de ce monde et ne rendant visite à ses enfants que de temps en temps. Un jour où il se trouvait en France avec son dernier né, à lui montrer ce qu'était la magie, le père et le fils furent épiés en pleine démonstration de sorcellerie. Bien que le petit ne puisse pas en user, les deux furent condamnés. Il n'y eut aucune forme de procès. Ils furent exécutés à l'aube. Le fils hurlait sur le bûcher, utilisé pour faire souffrir le père, qui priait désespérément pour que son enfant trouve enfin la paix. Ensuite le père, guillotiné sans ménagement sur la place publique.

        Mais, vous vous en doutez, on ne vient pas à bout du plus grand mage de tous les temps de cette manière. Les cieux entendirent sa prière et en furent touchés, ayant eu vent des exploits d'Ozymandias et étant ravis de voir qu'il aimait en réalité profondément ses fils et filles. Ils créèrent pour lui un royaume hors du temps, où jamais le Soleil ne se couche ni la Lune ne disparaît. Un havre de paix peuplé de créatures étranges où il ressuscita, subjugué par la beauté des astres enfin réunis dans le ciel. Mais jamais Ozymandias ne revit son enfant, disparu dans les flammes quelques minutes trop tôt.

        Rongé à la fois par l'envie de venger son fils et celle de s'épanouir dans cet univers qu'il avait imaginé en sa mémoire, on dit qu'il enfanta une fois avec le Soleil et une fois avec la Lune. De là naquirent, le même jour, deux enfants qui se ressemblaient tels des jumeaux : la Vengeance, fille de la Lune, et le Renouveau, fils du Soleil.

        Avec l'aide de leur père, ils bâtirent chacun un château, le premier en haut d'une colline brumeuse et le second au cœur d'une plaine dégagée. Une parfaite entente subsista entre les deux enfants, pourtant si différents l'un de l'autre malgré leur ressemblance physique. Ilio, lui, était joyeux et plein de vie, tandis qu'Ismène, elle, était effacée et rêveuse. Et cela dura dix-neuf ans.

        Quand arriva leur dix-neuvième anniversaire, ils se rendirent compte qu'ils étaient en âge de gouverner leur royaume, Stromsed. Sauf qu'ils ne parvinrent pas à se mettre d'accord sur ce qu'ils feraient une fois au pouvoir, à la place de leur père usé par les ans. S'ensuivit une guerre de succession qui dura un an, ou très exactement trois cent soixante-cinq jours et six heures, pas une minute de plus.

        Ni Ismène ni Ilio ne flancha, ayant tous deux hérité de trois des six pouvoirs d'Ozymandias et de l'endurance de l'astre qui leur avait donné la vie. Non, ce qui mit fin à la lutte acharnée et inutile des jumeaux, ce fut Ozymandias lui-même, qui s'interposa enfin et mourut une seconde fois, de la main de ses enfants. Déboussolés par leur crime impardonnable, Ilio et Ismène prièrent leurs célestes parents de conserver le grand mage, qui a fondé Stromsed à partir d'un vœu, dans les étoiles.

        Le Soleil et la Lune acceptèrent, mais uniquement pour honorer Ozymandias. Mécontents de leur progéniture, ils se séparèrent définitivement, l'étoile brillant au dessus de la plaine de son fils et le corps rocheux inondant la vallée près de la colline de sa fille d'une douce lumière. Ismène et Ilio comprirent qu'ils devaient faire de même pour que la paix perdure en ces lieux, et ils se replièrent dans leur château respectif. C'est pour cela que nous parlons aujourd'hui des Royaumes au pluriel.

        Le frère et la sœur ne se revirent qu'une fois tous les trois ans autour d'une compétition amicale, pour se rappeler cette année d'affrontement, pour ne pas oublier qu'avant de commettre la pire erreur de leur vie, ils étaient trois à profiter de ces lieux. Se posa ensuite la question de la descendance : après eux, qu'adviendrait-il de Stromsed ?

        C'est pourquoi, au cours de ces trois ans d'attente, ils observèrent les jeunes enfants du monde réel qui pourraient les rejoindre à l'issue de chaque Olympiade. Ilio, le Renouveau, ne choisissait que des jeunes filles et garçons descendants des autres enfants de son père et qui, dotés de magie, acceptaient avec joie. Mais Ismène, la Vengeance, préférait ensorceler des enfants innocents et sans pouvoir pour les enlever à leurs parents, qui avaient tué son père la première fois pour cause de magie.

        Furent alors créés les Instituts Stromsed, les écoles de magie où étudiaient ces enfants, une dans chaque royaume. Lorsque cela leur permit de créer une descendance en trouvant l'amour, chacun des jumeaux fonda une principauté qui leur fut rattachée, dirigée par leur premier enfant, afin de s'étendre davantage. Mais Ilio et Ismène gardèrent en tête leur objectif premier : aider les jeunes mages et se venger des enfants des sans-magie.

C'est pour cela qu'à Plaine-en-Soleil, là où il fait toujours jour, on se souvient, tandis qu'à Valdelune, là où il fait toujours nuit, on a tout oublié.

        Enfin, ça, c'est la théorie.

Il est aussi dit que, un beau jour, deux êtres clairvoyants dont les pouvoirs égaleraient ceux de la Vengeance et du Renouveau prendraient la tête des Royaumes Stromsed pour finir ce que les jumeaux célestes ont commencé.

Mais après tout, pas d'inquiétude ! Tout cela n'est qu'une légende...