Chapitre 8

Damon

Quand j'arrive au bureau, vers onze heures, Aubrey m'attend avec un sourire. Je crois que c'est encore plus flippant que quand elle me fusille du regard de derrière ses lunettes carrées. Plusieurs personnes, dont je ne connais pas encore le nom, mais qui travaille dans l'Open space qui compose l'autre partie de l'étage me dévisage avec curiosité. J'imagine déjà leur murmure dès que j'aurais passé la porte de mon bureau. J'imagine sans peine ce qu'ils se disent en ce moment même, je me le dis aussi.

Je ne sais pas pourquoi je continue de venir, alors que clairement, je suis incapable de faire ce job. Je ne comprends pas l'obstination de Darryl à me mettre à la tête de cette société et je sais avant même de commencer que je vais tout faire foirer. Mais je viens quand même, comme si j'espérais un résultat différent des premiers jours. Ou juste pour voir Aubrey. Je n'arrive pas à me la sortir de la tête et ça m'emmerde. Aujourd'hui encore, vêtue d'un tailleur sombre et d'une chemise boutonnée jusqu'au cou, elle semble me narguer. Pas un pli sur ses vêtements, c'est inhumain.

J'entre dans mon bureau avec un air méfiant face à l'air amical de ma secrétaire, qui me suit. Je me laisse tomber dans le fauteuil de... mon fauteuil. C'est mon fauteuil, je ne m'y fais pas. Aubrey pose une tasse de café fumante et deux paracétamols devant moi. Hum. Ça commence à devenir une habitude, et ça me gêne. Mais j'ai un marteau piqueur qui me martèle les tempes, hier encore j'ai fait des excès pour me la sortir de la tête, alors j'accepte son présent. Je ne sais pas si c'est moi, mais aujourd'hui le café est mauvais. J'avale quand même les deux paracétamols et Aubrey part.

Sans un mot, sans un reproche et je crois que c'est encore pire.

Cette fois-ci, elle ne m'apporte pas de dossier, pas de travail, rien à valider, pas de réunion, et j'ai l'impression que, comme tout le monde avant elle, elle a abandonné. Elle a décrété que j'étais un cas perdu et qu'il ne servait à rien de me demander quoi que ce soit. Et ça ne me rend pas heureux. Je ne veux pas qu'Aubrey me trouve stupide, et que je me soucis de son avis alors que je la connais depuis trois jours, ça m'emmerde sérieusement.

Vers midi, j'ai faim alors je sors et je suis surpris de voir Aubrey enfiler sa veste, debout près de son bureau. Elle lève les yeux vers moi, par derrière ses lunettes noires, mais ne fait aucun commentaire.

— Je vais déjeuner avec une collègue, je serais de retour dans trente minutes, ça ira ?

Est-ce que ça ira ? J'en ai pas la moindre idée, mais je n'ai pas le temps de répondre que sa collègue arrive. C'est une jeune femme asiatique toute petite, qui porte des baskets avec son tailleur-pantalon et à des piques dans ses cheveux attachés en chignon brouillon. Elle me sourit sans avoir l'air de saisir qui je suis et ça m'amuse.

— Aubrey, tu es prête ? demande-t-elle en me dévisagea avec curiosité.

— J'arrive, répond ma secrétaire en attrapant son sac à main.

Pour ce faire, elle se penche par-dessus son bureau et sa jupe crayon grise se tend sur ses fesses. Je détourne le regard, me découvrant un peu de bienséance.

— Tu ne nous présentes pas ? demandé-je Aubrey quand elle vient vers nous.

Ses yeux bruns me fusillent et je l'entends sans même qu'elle le dise « ne vous avisez pas de coucher avec vos employées ! » sur ce petit ton outré qu'elle aime prendre quand elle s'adresse à moi.

— Je m'appelle Seo-ah, se présente d'elle-même la petite Coréenne.

Elle me tend la main et je la lui sers.

— Damon.

Elle cille, et enfin, semble saisir qui je suis.

— Le Damon ?

— À moins que vous en connaissiez d'autres, ris-je.

Elle secoue la tête, mais loin d'avoir l'air intimidée elle m'inspecte avec curiosité.

— Vous êtes plus jeune que je le pensais.

— Seo-ah, ce n'est pas poli, la réprimande Aubrey.

Je ne m'offusque pas.

— Je serais incapable de vous donner un âge, alors comme ça on est quitte.

Seo-ah se fend d'un sourire lumineux.

— Bon, je reviens vite, c'est mon déjeuner hebdomadaire, tâchez de...

Elle me fait un vague signe de la main et je devine qu'elle ne veut rien dire devant... son amie ? Elles semblent si mal assorties, Aubrey si froid et tiré à quatre épingle et Seo-ah détendu et amical, que ça me semble curieux.

— Déjeuner hebdomadaire ? tiqué-je.

Seo-ah écarquille les yeux d'un air comique.

— Oh, oui, une fois par semaine le jeudi de douze heures à douze heures trente précisément, toujours le même restaurant, avec la même commande ! cite-t-elle. J'ai bien mis deux ans avant d'obtenir ce résultat ! Ne gâchez pas tout en la retenant.

— Seo-ah ! s'exclame Aubrey.

Et sous mes yeux, elle rougit d'embarra, je ne pensais pas une telle chose possible et soudain Seo-ah deviens mille fois plus intéressante que je le pensais.

— Vous vous connaissez depuis longtemps ? demandé-je alors qu'Aubrey montre clairement des signes d'impatience.

— Cinq ans, quand j'ai été embauché dans le département visuel. J'ai tout de suite su qu'Aubrey était la femme la plus incroyable du monde, il fallait qu'elle soit mon amie ! Et ce ne fut pas une mince affaire.

— Elle m'a harcelé jusqu'à ce que j'accepte ces déjeuners, indique Aubrey dans un soupire. Allez, on y va, sinon ils vont se demander où nous sommes.

— Damon devrait venir avec nous, propose Seo-ah.

L'air catastrophé d'Aubrey m'encourage à accepter avant qu'elle ne me renvoie comme un enfant dans mon bureau.

— J'adorerais découvrir ce restaurant si merveilleux qu'Aubrey y va une fois par semaine, et puis je n'ai rien avalé aujourd'hui.

Je suis presque certain d'entendre ma secrétaire marmonner « un café et deux paracétamols » entre ses dents, mais comme Seo-ah ne réagit pas, je l'ignore.

— C'est important de bien manger ! s'exclame-t-elle en lançant un regard de reproche à Aubrey comme si elle était responsable de mon estomac vide.

Celle-ci n'a plus vraiment le choix et son regard me fait comprendre ce qu'elle pense de cet envahissement progressif des aspects de sa vie. Voilà qui est bien plus distrayant que mon bureau ou tous les dossiers qu'elle pourrait me donner.

— Dites-moi, Seo-ah, demandé-je alors que nous nous dirigeons vers l'ascenseur. Aubrey est-elle toujours comme ça ?

— Vous voulez dire, accro à son travail et à cheval sur les règles.

Magnifique et hautaine, mais ça marche aussi, alors j'hoche la tête.

— Oui ! Depuis le jour un, on s'est rencontré à la machine à café et elle m'a défendu contre cet imbécile d'Adriel. Une vraie reine, tu l'aurais vu le remettre à sa place, c'était magnifique !

— J'imagine, approuvé-je fasciné par cette image d'Aubrey montrée sur ses talons aiguille mettant verbalement un homme à terre pour protéger une collègue.

— J'ai mis un temps de fou à l'apprivoiser, au début elle ne voulait vraiment pas et c'est assez impressionnant sa capacité à te repousser avec toute la politesse du monde.

— J'avais beaucoup de travail, proteste Aubrey en montant dans l'ascenseur à côté de moi.

— J'espère que dans un an, elle acceptera de venir dîner chez moi, ça fait trois ans que j'y travaille, alors j'ai de bonnes chances d'y arriver.

Je ne peux pas m'empêcher de m'esclaffer face à ce petit bout de femme si déterminée à faire d'Aubrey son amie. Je l'aime déjà, et au regard agacé et tendre de ma secrétaire, je devine qu'elle aussi, elle s'est laissé avoir.

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Je suis trop HEUREUSE de vous faire découvrir le personnage de Seo-ah ! Je l'aime d'amour haha !

Faites lui un bel accueil !

Kiss

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