Chapitre 7

Aubrey

Quand Damon arrive, il est en retard, et il porte des lunettes de soleil, ça ne peut signifier qu'une chose : gueule de bois.

Je le vois arriver de loin grâce à mon bureau qui a une vue directe sur l'ascenseur de notre étage, et pour venir jusqu'au sien, il doit traverser tous nos employés. Les rumeurs sur sa nomination au poste de PDG ont déjà commencé à se répandre, je n'ai pas de mal à imaginer tous les regards fixés sur lui, n'attendant qu'un seul faux pas de sa part pour réduire notre entreprise à néant.

Je me lève et le rejoins à mi-chemin.

— Bonjour, monsieur Specter, je m'exclame d'une voix affable. Votre brunch avec Madame Hawkins c'est bien passé ?

Il me lance à travers ses lunettes de soleil un regard douloureux et plein d'incompréhension. J'ai cité au hasard une de nos plus grosses clientes pour dissiper la curiosité de charognard des employés à portée d'oreille.

— Allons débriefer dans votre bureau, j'ai terminé de réorganiser votre emploi du temps comme vous me l'aviez demandé.

Je l'entraîne l'air de rien un peu plus vite vers son bureau, attrape mon sac à main au passage, et il a le bon sens de ne pas ouvrir la bouche jusqu'à ce que la porte soit fermée et le bruit blanc activé.

— Ne hurlez pas, réclama-t-il en se laissant tomber sur son fauteuil, avant même que j'ouvre la bouche.

Sans un bruit, je vais tirer les stores pour que la lumière de l'immense baie vitrée soit moins agressive, puis je sors un paracétamol de mon sac à main, lui serre une tasse de café de mon thermos et lui tend le tout.

Il regarde mon offrande comme si c'était un piège, mais finalement, il enlève ses lunettes de soleil et prend le médicament. Je m'assieds sur la chaise réservée au client, croise les jambes et attends sans un mot qu'il accepte de parler. Il ne me regarde pas, gardant le silence, et il a tout à coup l'air d'un petit garçon pris après avoir fait une bêtise. C'est ce qu'il est, me rappelé-je. Un jeune homme propulsé dans un rôle d'adulte bien trop vite. J'ai de la peine pour lui, même si à son âge, je vivais des choses autrement plus difficiles, j'image mal ce que ça peut être de se retrouver avec tant de responsabilités alors qu'on n'est pas prêt.

— Je ne vais pas y arriver, murmure-t-il finalement sans me regarder.

Je soupire, soupèse mes mots.

— Damon... vous n'avez même pas essayé.

— Si, si j'ai essayé, mais on ne s'improvise pas PDG, bordel.

— Ne jurez pas.

Il me lance un regard en faisant une moue boudeuse.

— Vous voyez ? Même ça j'y arrive pas.

Je ne sais pas sur quel pied danser avec lui, un jour il est d'une arrogance insoutenable, le lendemain, il fait preuve d'une sensibilité touchante. Je fais quoi de ça, moi ? Chaque jour qui passe nous fait prendre du retard, je peux encore endiguer le flot, mais je ne suis pas faite pour faire son travail à sa place. Même moi, je ne peux pas cumuler le job de deux personnes. Sinon je l'aurais fait.

— De quoi avez-vous besoin ? je demande. Dites-moi ce que je peux faire pour vous aider dans cette nouvelle tâche, parce que vraiment, Damon, j'essaie, mais vous ne me facilitez pas la vie.

Je sens que je le perds, il tourne la tête vers la fenêtre sans répondre. Il m'ignore et c'est insupportable. Mes jambes tressaillent alors que la frustration fourmille dans mes membres, je pince les lèvres en fronçant les sourcils de désapprobation. J'ai envie de hurler, de le secouer, tout pour obtenir une réaction, mais il se renferme et je sais que c'est vain. Ce serait comme parler à un mur, je ne peux pas forcer Damon à coopérer, à travailler, à apprendre. C'est au-delà de mes compétences et c'est bien la première fois que je suis face à ce cas. J'ai beau être la meilleure secrétaire de cette putain de ville, Damon Specter est en dehors de mes capacités.

Et c'est inadmissible.

Je récupère mon sac à main et sors du bureau. Je reporte le déjeuner de treize heures avec Howard Cheffield, de Cheffield Industrie, prétextant une surcharge de boulot avec le départ de Darryl et je commence à éponger. J'éponge tout ce que Damon doit faire et ne fais pas. Il reste enfermer dans son bureau toute la journée. À dix-huit heures, il sort, sans un mot, sans un regard, et s'en va, et je sais que demain matin il ne sera pas à l'heure. Et je ne peux rien y faire. Cette impuissance me mine. Pour la première fois depuis longtemps, je suis face à un défi que mon super cerveau ne peut résoudre facilement.

Mais je suis Aubrey, et je refuse d'abandonner. J'ai travaillé trop dur, ces dix dernières années, pour que Damon réduise tout à néant parce qu'il refuse de sortir de sa petite vie facile de gosse de riche.

Je trouverais une solution pour mettre Damon Specter au pas.

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Aubrey est très optimiste, j'adore pas vous ?

J'ai hâte que vous découvriez la suite ! Rendez vous lundi !

Kiss


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