76. Je te pardonne
•All apologies de Nirvana en média.•
Ayden
Quelqu'un vient frapper à ma porte brisant le moment. On grogne de mécontentement. J'enroule Manon dans un drap, on rigole. Je lui demande de m'attendre sous la douche. La personne persiste à toquer. J'enfile mes vêtements à la hâte et ouvre la porte en boutonnant ma chemise. Les yeux de mon père sortent de ses orbites.
― On peut se parler une seconde dans mon bureau, propose-t-il en ignorant mon état.
Il tourne les talons. Bien sûr, j'ai oublié que je n'ai pas mon mot à dire. Je ferme la porte et rejoins Manon dans la salle de bain.
― Mon père me réclame dans son bureau princesse.
― Je rentre chez moi.
― Attends que je te raccompagne !
Je sors ma tête de chien battu pour la convaincre.
― Ok ! Je vais rejoindre Zoé ou Lola.
Je lui vole un dernier baiser et termine de mettre un peu d'ordre dans mes habits, mes cheveux et ma barbe.
Je quitte la chambre, dégringole les escaliers et trouve une maison vide à mon grand étonnement. Les invités ont déserté.
Je me précipite dans son bureau. Le feu de la cheminée crépite servant de musique de fond au silence impénétrable dans lequel est plongée la pièce. Seules quatre bougies illuminent le bureau. Jayden a la tête penchée en arrière sur son fauteuil et un verre pend à sa main gauche.
Je m'avance.
― Je suis là.
Je prends siège tandis que le quinquagénaire peine à se redresser.
― Je suis ravi de voir que c'est du sérieux avec Manon.
― Parce qu'on est là pour parler de ma vie privée ?
Il lâche un soupir désespéré.
― On est là pour parler de tout.
― Je suis étonné de voir que vous ayez fini aussi vite ?
― Je pense que Manon t'a fait perdre le contrôle du temps. Soixante-dix minutes se sont écoulées depuis que t'es monté avec elle. La fête a assez durée.
Il a compté les minutes. J'y crois pas.
― C'était important que tu sois là. Que tu observes comment on fait à ce genre de cérémonie.
Je doute qu'il existe quelque chose de plus important que ce que je viens de vivre avec Manon.
― L'entreprise familiale est de haute importance. Pas seulement pour nous mais aussi pour la ville, et son économie. Je veux simplement m'assurer que tout ira bien lorsqu'il te reviendra. Je...
Sa toux lui coupe la parole.
Du sang.
Alerté, je fronce les sourcils et contourne le bureau à une vitesse qui me surprend. Je m'abaisse à son niveau pour l'aider. Les paroles de Louka et de Manon me remontent en mémoire. Pour la première fois, j'ai peur. Peur qu'il lui arrive quelque chose de grave qui puisse le conduire droit vers sa tombe. Je ne veux pas d'enterrement.
― Ça ne va pas père ! M'époumoné-je.
Il secoue la main pour me signaler qu'il tient le coup. Ce qui m'assure encore moins.
― Tu craches du sang putain. On crache du sang quand on a une maladie inquiétante.
― Je vais bien. Je t'assure. J'ai un peu forcé sur mes codes vocaux tout à l'heure.
― J'ai failli oublier que je suis le plus gros imbécile de la Terre.
Son regard plein de pitié et de regret me met hors de moi.
― Merci de t'inquiéter pour moi. Mais ça va.
― Tu me l'aurais dit si ce n'était pas le cas?
Son hochement ne me garantit pas le moindre du monde. J'ai un mauvais pressentiment.
― Pourquoi tu m'as fait venir ici alors?
― Pour discuter. Allons-nous mettre devant la cheminée.
Son corps met plus de temps et d'effort à bouger. Je ne comprends pas ce qu'il lui arrive. Je ne pense plus à la fatigue chronique. Il s'agit d'autre chose dont il me cache. Je l'aide à s'installer sur le divan et me mets à côté de lui, une table basse avec une bouteille de Jack Daniel's au milieu. Il verse et me sert. Je le prends et avale une gorgée.
― Contrairement à ce que tu crois. Je ne t'ai jamais détesté. Je détestais le fait que mon fils ait commis une si grosse faute.
J'écoute ce genre de lamentations depuis deux mois et deux semaines.
― Ok ! Tu ne m'as pas fait venir que pour ça?
― T'es pressé de retrouver Manon, dis donc.
Je tue mon envie de lui faire ravaler ce sourire coquin. Comment puis-je me soucier de son état et ne pas le blairer cinq secondes plus tard?
― Je te demande pardon pour ce que j'ai fait. Tout ce que j'ai fait. Même pour ce que je n'ai pas fait.
C'est la plus grande improbabilité du monde qui vient de lui sortir des lèvres. Le plus impressionnant encore est la sincérité notée dans sa voix. Sa franchise m'attendrit peu à peu. Je me questionne mentalement; est-ce que ce qu'il m'a fait est pardonnable? Est-ce que le pardonner me ferait me sentir mieux? Je n'avais pas pris la notion du pardon avec grande importance jusque-là. Je tape le doigt sur mon verre. Les secondes s'écoulent et deviennent des minutes qui se suivent la même lancée.
― Zoé m'a dit que tu n'avais pas prononcé un seul mot à mon sujet. Pourquoi tu m'as fait croire le contraire tout ce temps?
― Parce que je t'aurais perdu sinon. Soyons honnêtes l'un envers l'autre. Si tu savais que je ne disais rien à Zoé. Tu aurais claqué la porte depuis bien longtemps.
Il a marqué un point. « Pour Zoé » était limite un crédo que je récitais dans les moments insurmontables. J'avale une gorgée de mon whisky en fixant le feu.
― Pourquoi ne pas lui dire que je déconnais totalement ici?
Mon géniteur s'enfonce dans son fauteuil, la vue tournée vers le feu.
― Ça aurait pour résultat : Ton mépris pour de bon, deux enfants qui se montent l'un contre l'autre, une haine déchirante au sein de notre famille, l'évidente faillite de Cop...bref, une vraie catastrophe.
Il est malin. C'est exactement ce qui serait passé. Je termine mon verre et fait le plein.
― Alors pourquoi m'avoir infligé tout ça?
Je suis curieux de voir s'il aura raison encore une fois. Le vieux lâche un profond soupir.
― Parce qu'on se ressemble! Tu es un dur à cuir, un brave, un courageux comme moi. Tu défis l'impossible et l'interdit exactement comme moi. Je crois que c'est pour ça qu'on a été proche avant ce drame et pourquoi on est devenu limite des ennemis après. On a le même caractère. Et, je déteste l'admettre tout comme toi.
Encore une fois, il a raison. Bien sûr que ça ne justifie pas ses actes mais il a raison. Rien ne peut justifier ces actions.
― Pourquoi tu m'as obligé à revenir au lycée alors que tu savais que je vivrais en enfer?
Ses pieds tapotant au rythme du crépitement me distraient un minimum.
― Quand Zoé m'a dit qu'elle allait mieux, j'ai pris conscience de la vie que tu menais. Cela ne lui correspondait pas, enfin je voulais que tu sois moins désagréable à la venue de ta sœur. Et pourquoi ne pas faire d'une pierre de coup.
― Comment?
Je me laisse aller sur le dossier du fauteuil tandis que mon géniteur avale son verre d'une traite. Il se resserre et se met dans la même position de que moi.
― Fallait que tu affrontes ton passé pour pouvoir aller de l'avant. Ce lycée puis ton passage à ton ancienne chambre étaient des étapes inévitables. J'ai beaucoup souffert lorsque j'ai vu ton angoisse pendant qu'on s'approchait de Glory High School. Ton courage fût admiratif. Je ne pensais pas que tu allais tenir un mois. Pourtant tu l'as fait.
Là, il commence à justifier ce qu'il m'a fait parce que ce n'était pas à lui de décider quand je suis prêt ou pas pour avancer dans ma vie. C'était à moi de prendre cette décision.
― Je sais que tu penses que j'ai dépassé mes limites. Je les ai dépassées mais ça a donné de fructueux résultats. Au final, c'est tout ce qui compte.
Mes yeux me piquent à force de regarder dans une seule direction. Je détourne ma vue vers l'homme qui m'a procréé pour lui balancer une autre question qui pend à ma lèvre.
― De quels résultats fructueux tu me parles?
Il se penche pour remplir son verre et se remets dans sa position initiale. Plus le temps passe, plus je pose des questions auxquelles il répond sans prétentions et moins je lui en veux. Moins je lui en veux, plus je me déteste.
― Tu ne vois donc aucune différence entre l'Ayden de ce mois de juillet et celui de ce décembre?
Il m'a cloué le bec sur ce coup. En effet, je me suis amélioré en tant qu'homme en ces cinq mois qu'en vingt ans de vie. Le problème c'est que ce n'est pas grâce à lui.
― C'est grâce à moi, déclare mon géniteur comme s'il lisait dans mes pensées. Tu réaliseras par toi-même ce que j'ai fait. Ne vante jamais le bienfait. Si tu sauves le monde, essaie de passer inaperçu, me disait ton grand-père.
― Apparemment, tu n'as pas hérité de sa sagesse. Soufflé-je en absorbant mon whisky.
On reste en silence le temps qu'il faut à mon père pour engloutir trois verres. Et à moi, pour réfléchir sur la question que j'allais soulever.
― Tu crois vraiment que je peux gérer Cop? Je veux dire, tu l'as évoqué tant de fois.
Mon géniteur s'accorde une minute de réflexion.
― Je l'ignore complètement. On ne peut rien prévoir de la sorte dans ce monde ! Tu crois prendre la meilleure décision et dix ans plus tard, tu te rends compte que c'est la pire que tu as prise car elles sont habillées de facilités et d'avantages. Parfois, les pires que tu imagines sont les meilleures. Peut-être qu'une fois à mon âge tu réaliseras que Manon est le pire choix que t'aies jamais fait dans ta vie. Qui sait ?
Probabilité zéro. Il lâche un p'tit rire amusant -. Tu dois m'assassiner dans ta tête. Manon est la meilleure à prendre le train de ta vie néanmoins on ne peut tuer l'éventualité.
― Difficile de contredire l'homme qui est à l'hiver de sa vie.
Son bras se tend pour vider le reste de la bouteille dans son verre. Il se lève, pour en apporter un autre, je présume. Je ne bronche pas trop occuper à fixer le feu. Je l'observe en essayant de trouver une explication à ce qui se passe en ce moment. Était-il écrit que nous allions nous assoir devant cette cheminée à l'aube de la saison froide pour aborder les drames du passé?
Mon paternel revient avec une enveloppe jaune que je reconnais et le balance dans le feu avant de se remettre sur son fauteuil. Il pose un Jack Daniel's sur la table basse.
― Pourquoi t'as fait ça?
― Tu en as des « pourquoi » hein?
Je vide mon verre en m'agitant sur mon siège. Il existe beaucoup de choses dont je ne saisis pas le sens. Comme cette béatitude qui m'habite en ce moment; comme si je recommençais à vivre.
― Ce contrat a rempli toutes ses fonctions. Il ne sert plus à rien.
On termine l'autre bouteille en silence. Parler n'est plus une évidence quand mes pensées partent dans tous les sens. Si je pige bien, mon père m'a berné tout ce temps. Contrairement à ce que je pensais, il ne prenait aucun plaisir dans ses actes abjects. Il n'était pas aussi cruel que je le croyais. Il voulait me tirer de ce gouffre alors que je pensais qu'il m'enfonçait. Le meilleur de tout est qu'il a réussi. Personne n'aurait pu faire mieux. J'aurai beau lui en vouloir au fond, j'admettrai toujours que s'il s'en était pris autrement il aurait foncé droit vers l'échec. On a beaucoup trop en commun. Je déteste ça. Ça aussi on l'a commun.
Je balance vers l'avant pour me redresser. Je pose mon verre sur la table basse.
― Je ne t'en veux plus.
Je suis franc. Honnête.
Une lueur traverse ses yeux. Il pose son verre et se met debout.
― Est-ce que je peux te prendre dans mes bras?
Je consens et lui ouvre mes bras. À ce moment, mon cœur se dilate pour que la rancune s'envole. Je flotte et rien ne peut faire face à mon allégresse. Je ne lui en veux plus.
― Je te pardonne papa.
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