4. Pedibus Jambus
·"Please don't go" de Joel Adams en média·
"Nobody ever knows
Nobody ever sees
I left my soul
Back there now I'm too weak
Most nights I pray for you to come home"
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Bonne lecture !
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La sonnerie de la cloche vient me tirer du passé. La salle est vide en moins de deux. J’endosse mon sac et regagne un coin de la cours de récré.
Leurs yeux sont tous tournés vers moi. Je les méprise, décidé à occuper le coin qui m’appartenait auparavant. Je m’y posais avec Sarah et Louka qui amenait une fille différente à chaque fois. L’argent de papa peut faire des merveilles parfois !
La cours est rectangulaire. On a posé des bancs pour ceux qui veulent s’y poser au lieu d’aller à la cafète. Mon banc est en ciment. Il fait l’angle du coin avec le mur en brique pour dossier. Surpris qu’il ne soit pas déjà repris par quelqu’un d’autre depuis notre départ, je m’y installe. Je sors mon paquet de cigarette et mon briquet de mon sac à dos. J’allume deux clopes d’un coup. J’ai envie de me noyer, ne plus penser à rien. Mon dos se colle au mur. Je tire une taffe que j’expire.
Plus loin, une fille en mini-jupe s’aventure en ma direction.
Ne me cherche pas.
Elle disperse la fumée de ma clope d’un geste de la main avant de se poser à côté de moi. Sans ma permission. La blonde me prend une cigarette. Encore sans ma permission. Je continue à ne pas faire attention à elle.
―Fumer deux clopes en même temps c’est mortel. Moi c’est Clara.
Je la toise. La dénommée Clara porte MA clope à ses lèvres et l’allume. Elle joue à la fille super ouverte et un peu bad girl. Malheureusement, cela ne fonctionne pas avec moi.
―Pourquoi es-tu venu te frotter à la mauvaise personne ?
Elle n’est pas mon type de fille. Si elle veut une partie de jambe en l’air, pas de problème.
Ses lèvres forment un O avant d’éclater de rire. Je fronce les sourcils. C’est plus un avertissement qu’une blague.
―Va-t’en, laisse-moi seul. Je ne suis pas là pour me faire des amis. Je claque mes doigts pour appuyer sur mes mots.
Elle jette la clope qu’elle écrase avec son pied. Je continue de fumer tranquille attendant qu’elle parte. Quinze secondes s’écoulent et je sens son regard peser ma personne.
―Pourquoi es-tu de retour au lycée? Tu es mystérieux Ayden. Je cherche simplement à te comprendre.
Elle cherche à me comprendre. La grosse blague. Je pouffe.
―Ne me fais pas rire.
Je serre mes dents et tourne mon attention vers elle pour la première fois. Elle porte du maquillage et d’énormes boucles d’oreilles couverts par ses longs cheveux blonds. Sa chemise laisse voir ses seins mais apparemment ça ne lui gêne pas. Elle me détaille de ses yeux bleus. Je déteste l’idée qu’elle puisse penser me décrypter.
―Pis, arrête de me fixer ainsi.
―Qu’est ce qui t’as rendu aussi dur et mystérieux?
―De quoi tu te mêles? En agissant ainsi tu n’attises que ma haine.
Elle s’en va en déclarant qu’on se reverra. Je n’espère pas pour elle. Je regarde les élèves errer sur la cours. J’attire leur attention de temps en temps. Je ne sais pas si c’est à cause de mon style qui diffère d’eux tous ou parce qu’ils ne s’attendaient pas à revoir un élève qui était censé terminer ses études classiques depuis deux ans.
Personne n’ose s’aventurer dans ma zone à part cette Clara. Je me suis imposé comme je le voulais. Dès que mon père m’a infligé la scolarité, je me suis dit que j’allais passer le plus inaperçu possible voire rater quelques jours. Il me semble impossible avec le proviseur sur le dos. Je ne peux plus m’attirer d’ennuis exprès; ça empêchera le directeur d’appeler mon père qui par la suite viendra me reprocher d’avoir causé le naufrage du Titanic. Voilà mon plus gros problème avec l’école. On nous forme dans des moules et nous range dans des cases ; sans prendre le temps de voir si cela nous convient. Et les gens comme moi, soit on reste en retrait, soit on tient tête. J’opte pour la première cette fois.
Le bon côté des choses est que j’ai mis sur pied quelques stratégies pour réussir le bac sans avoir à travailler d’arrache-pied.
Les vingt minutes de la récré écoulées, chacun regagne sa classe. J’ai encore du mal avec mon horaire néanmoins je parviens à mon prochain cours. Un cours de formation humaine. Je me pose sur une chaise quelconque. Dans cette salle, les chaises forment un cercle avec le bureau du prof au milieu. Une dizaine d’élèves y sont. On attend Monsieur FH qui arrive une minute plus tard. J’ai trouvé une technique pour désigner mes professeurs. Mettre ‘monsieur’ ou ‘madame’ devant l’initiale du nom de leur cours. Flemme de retenir une douzaine de noms qui ne me serviront à rien plus tard.
Les élèves n’osent pas me regarder. Horrible. Alors que deux filles me dévorent des yeux. La prochaine qui vient vers moi, je me la fais.
Les prochains cours se déroulent dans une atmosphère calme. J’ai survécu au plus dur. Je me sens comme un héros.
Fini le martyre. Je reviens chez moi. À pied.
Je ne possède pas de voiture et inutile de penser que mon géniteur allait passer par hasard devant le lycée. Je crois que ce matin, il a eu plus envie de me rabaisser devant le proviseur que de m’amener au lycée. Lugubre réalité.
J’ai lu que la marche fait beaucoup de bien. Bien que je doute que cela reste valide pour une heure et demie de marche. À cette heure, la ville est magnifique sous le ciel orangée. Les couples se promenant en se tenant par la main, un père portant son fils sur son dos, deux jeunes jouant sur le trottoir me rappellent ce que j’ai perdu.
Je reçois un coup de poing en plein organe vital. C’est violent.
Peut-être que me procurer une voiture m’éviterait de rencontrer ce genre de situation à l’avenir.
Je me dirige dans ma chambre tant que personne ne m’aperçoit. J’atteins la dernière marche de l’escalier lorsque la voix rauque mon père m’interrompt.
―Comment s’est déroulé ta première journée au lycée?
Son ton est amusant. Comment il peut prendre du plaisir à me torturer? Il me déteste depuis cet accident. Ce n’était pas de ma faute. Quand va-t-il me laisser tranquille?
Je me retourne puisque sa voix provient d’en bas.
Comme tu l’espérais, mal.
―Bien. Autre chose? Déclaré-je plutôt.
―Tu devras travailler pour avoir ton bac. Donc moins de sortie.
―Je ferai ce que je veux. Ce sont les résultats qui comptent à tes yeux non?
Il diminue considérablement les mètres entre nous jusqu’à se retrouver à deux marches de moi. Son visage s’endurcit. Je recule.
―Tu sais que je ne plaisante pas. Je t’ai prouvé ce dont je suis capable. Ne me pousse pas à recommencer. Tu feras ce que je veux.
Il ne rate pas une occasion pour insinuer qu’il m’a brulé, torturé et tué ma joie de vivre.
Je meurs d’envie de fuir cette maison. Si seulement cela me permettrait de me libérer de ce sauvage. Je déteste l’admettre pourtant je mange dans la paume de ce salaud. Quoi que je fasse il me dépassera toujours. Ma vie n’a aucun sens, aucun but sans Zoé. C’est à cause d’elle que je supporte encore Jayden. J’ignore où elle est. Je ne sais rien d’elle depuis l’accident. Ma mère ne me parle plus. Il n’y a que lui qui peut me remonter jusqu’à ma sœur.
―Est-ce clair?
―Oui, c’est clair. Je crispe ma mâchoire.
Un jour, je me casserai de cette maudite maison.
Un jour, j’apprendrai à vivre.
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