41

Ces médecins sont vachement plus déterminés que ceux de la base sur laquelle je suis, j'étais ?, il va falloir que je règle ça une fois que je serais de nouveau d'aplomb, et ils ne semblent pas décidés à me laisser partir. J'en ai marre de ces murs, de ces odeurs, je veux respirer l'air frais. Les gars sont décidés à me remonter le moral et investis ma chambre pour me remonter le moral en mettant au point une giganteste matinée jeu de société. Kyle a dû leur faire part de mon enthousiasme en rentrant hier soir et en échangeant le tour de garde avec Grenade. Malheureusement les médicaments et la fatigue de l'après-midi ont vite eu raison de moi et je n'ai pas pu discuter longtemps avec lui. Nous en sommes dans une partie endiablée de Uno où les cartes +2 et +4 pleuvent quand je demande à Grenade de bien vouloir redresser un peu plus mon lit car il est le plus proche de la télécommande. Il chipote un peu et le lit ne réagit pas du tout comme prévu : le bout des pieds remonte mais ce qu'il y a derrière ma tête descend. Il bidouille encore la manette et maintenant je me retrouve pliée les fesses au fond du lit et les genoux à hauteur de ma poitrine. Grenade déclenche un fou-rire général par sa maladresse. Je décide d'en rajouter une couche entre deux larmes.

- Et dire que la Navy dépense des milliers de dollars sur toi et tu es incapable de faire marcher la télécommande d'un lit.

On est tous repartis en crise de rire, surtout à cause de sa tête boudeuse suite à ma réplique. Il ne tarde cependant pas à nous rejoindre. Je me sens vraiment bien avec eux tous, je m'y habitue tellement que je redoute le moment où l'on sera tous séparés, mais comme Alec le dirait s'il était là : vit le moment présent.

Alors que nous rangeons les jeux on toque à la porte de ma chambre. Je signale à la personne qu'elle peut entrer. Blouse blanche, sourire digne d'une publicité pour dentifrice, un homme d'à peu près mon âge s'approche de mon lit. Il est blond et a les yeux bleus, sa silhouette est fine. Son visage me dit quelque chose mais je ne sais pas d'où je pourrai le connaître, il a l'air ravi de me voir. Il faut dire que je n'ai pas encore eu l'occasion de voir mon médecin réveillée, je crois qu'à chaque fois qu'il passait je devais dormir. Je ne me souviens toujours pas de cet homme ni de son nom. Je me tourne vers Chaton.

- Mon pote médecin je suppose ?

Hochement de tête de sa part.

Le gars se rapproche encore un peu et j'arrive à lire ce qui est écrit sur sa blouse blanche. Alister. Je me rappelle de lui maintenant Eddy Alister, un ami d'enfance avec qui je m'amusais à pratiquer les sorts de base pour guérir. Je lui fais un grand et franc sourire et lui ouvre mes bras. Il m'étreint.

- Je suis heureux de te revoir Izzy. Tu n'imagines pas à quel point je suis content de te voir dans cet état.

- Si si je crois que j'ai une bonne idée, si ma conclusion est exacte c'est toi qui m'a opéré et donc tu m'as eu sur ta table... en général on est jamais dans un très bon état quand on est obligé de passer par de la chirurgie d'urgence.

Sam grogne, il n'a pas l'air d'apprécier Eddy, en fait avec ma remarque il vient probablement de se rendre compte qu'Eddy a vu une bonne partie de mon corps et à ce que je vois à l'expression de son visage il est contrarié. Franchement il ne devrait pas, c'est quand même son boulot. En effet difficile d'opérer des personnes sans avoir accès à leur corps.

Eddy rattrape un peu le temps perdu en me parlant environ 5 minutes. Toute l'équipe est dans la pièce et assiste à notre échange, je me demande pourquoi cela les intéresse autant. Mais bon passons.

- Je vais vérifier les sutures si tu veux bien et te poser quelques questions.

Tout en m'examinant il entreprend de poser ses questions.

- Bon ça semble bien se remettre. Des envies de vomir ou des maux de tête répétitifs ?

- Non. Seulement une grosse envie de dormir la moitié de la journée.

- C'est à cause de la morphine ça, on a d'ailleurs abaissé la dose hier soir, tu as probablement dû ressentir un peu plus la douleur surtout quand tu bouges le haut de ton corps.

- En effet.

- Sur 10 à combien tu la noterai ?

- Je dirais 8 mais à considérer la chance que j'ai eu et le fait que je respire toujours je dirais plutôt un petit 6-7 mais je suppose que c'est également à cause de la localisation de la blessure aussi, je n'avais pas autant mal en m'ayant pris ma balle à l'épaule il y a deux ans.

- Effectivement. Je peux raugmenter la morphine si demain tu as toujours autant mal.

- Ce que je veux c'est bouger j'en ai assez de végéter dans ce lit, par pitié sors moi de là, la douleur j'en fait mon affaire je vais la gérer.

Sourire en coin de sa part et nouveau grognement de monsieur la joie personnifiée qui se trouve au fond de la pièce et qui nous fixe. Eddy a fini de vérifier ce qu'il voulait et me dit que je peux reprendre l'exercice dès demain.

- Quand tu sauras remarcher un petit peu tu viendras avec moi on ira se boire un café dans la salle réservée au personnel... Rien de comparable au café servi dans ces machines...

Raclement de gorge de la part de Sam.

- Ça m'étonnerai qu'elle vienne.

Tout le monde dans la pièce a les yeux fixés sur lui maintenant.

- Elle aime pas le café de toute façon.

Eddy prend congé de moi. Je n'ai pas pu m'empêcher de voir l'attitude de Sam à l'égard de mon ami médecin. Il s'est vraiment comporté en vrai gars jaloux et toute son équipe l'a également remarqué au vu du sourire sur les lèvres de la moitié des personnes présentes dans cette salle.

Quelques jours ont passés entre les visites du kiné qui me pense prête à essayer de remarcher – merci ! enfin une nouvelle qui me plaît – et la compagnie des gars le temps défile. J'ai essayé d'aborder le sujet « mon père a perdu la boule » avec Sam mais il dit qu'on a le temps avant d'en parler et que le Conseil n'est encore parvenu à rien de concret à ce sujet-là. Bon même avec l'accord du kiné je ne suis pas encore prête à m'échapper d'ici en courant. Sauf que le mental fait beaucoup et demain je veux et je vais y arriver. Je sais qu'au réveil j'aurais pour compagnie Chaton qu'il est à fond avec moi pour mes séances de revalidation.

Maintenant je me sens mieux et plus forte je négocie avec les gars pour qu'ils me laissent garder un Ka-Bar* avec son étui sous mon oreiller. Ça leur permet désormais d'aller se chercher un café ou d'aller aux toilettes quand ils se retrouvent seuls à me surveiller. Une fois ma demande accordée je m'endors sereine avec ma main tenant le couteau sous mon oreiller.

Réveil en fanfare c'est le moins que l'on puisse dire... Une infirmière un peu trop enthousiaste qui a cru bon de me réveiller en me criant à moitié dessus tout en mettant sa main sur mon épaule. Le seul problème qu'elle avait oublié de prendre en compte : mes réflexes de militaire. En une fraction de seconde le Ka-Bar se retrouve sous sa gorge alors que ma main gauche la tient par le col de sa blouse afin de la tenir à portée de moi. Mon regard est attiré par la silhouette dans le fauteuil à ma gauche, près des fenêtres. Chaton installé tout à son aise avec son pied gauche sur son genoux droit est en train de lire un magazine. Quand l'infirmière pousse un cri affolé digne de réveiller tout l'hôpital, même les patients dans le coma, il reste stoïque et ne fait que plier le coin de sa revue avec ses doigts. Il lève le regard et ses sourcils pour voir la scène. Finalement un petit sourire apparait au coin de sa bouche. Il faut bien une minute à mon cerveau pour analyser la situation et comprendre que je ne suis absolument pas en danger. Je relâche l'infirmière qui est encore totalement affolée.

- Visiblement elle va de mieux en mieux.

Je range mon couteau dans son étui et le pose sur la table de chevet qui est à portée de main. L'infirmière méfiante hésite à revenir près de moi.

- Vous inquiétez pas c'est normal comme situation. Je vous avais bien dit de faire attention en la réveillant et de le faire en douceur...

Je lève les yeux au ciel. Je vois bien que la situation l'amuse, il a replongé le nez dans son magazine mais je vois toujours bien le petit sourire qui se cache au coin de ses lèvres. Décidément il est pas très sympa avec cette infirmière. En parlant d'elle, elle s'est finalement rapprochée mais pratique les soins bras tendu, histoire de mettre le plus de distance possible entre nous j'imagine. Alors qu'elle applique de la crème sur ma cicatrice je me tends, le mouvement rapide de tantôt combiné au fait qu'elle appuie dessus me fait ressentir la douleur de manière un peu plus forte que d'habitude, l'infirmière en voyant ça fait un bond en arrière. J'entends Chaton s'esclaffer une fois de plus et son petit rictus n'est plus si petit que ça. L'infirmière me bredouille avoir fini les soins et prend ses jambes à son cou. Chaton se replonge dans sa revue comme un enfant se cache et fixe un air innocent sur son visage. À mon tour d'avoir une mimique, ma fossette se voit, je le sais et je sais également qu'il l'a vu. Sans rien ajouter de plus à ce sujet, je sais qu'il a pris son pied avec la réaction de l'infirmière, je lui demande de me passer le livre à côté de lui. Il l'attrape négligemment et sans me jeter un regard il me le lance, je le rattrape au vol. Frimeur va, moi aussi je sais faire ça.

Yes j'en pouvais plus ! Quand l'infirmière, une autre que celle de ce matin, est venue m'annoncer que j'allais marcher cet après-midi j'étais aux anges. Sam a pris le relais de Chaton vers midi. Je me suis empressée de dire la nouvelle à Sam. La tête que je tire en ce moment est à l'opposé de ma joie de tantôt. Je râle. Le kiné ne pouvait plus passer aujourd'hui pour me faire marcher, alors que l'équipe est venue me remonter le moral en passant juste avant le repas je décide de changer les choses.

- Rien à faire, je marche aujourd'hui et c'est tout.

Incompréhension de leur part. Sam prend la parole pour le groupe.

- Hein ? Mais qu'est-ce que tu nous racontes là ?

- Marre d'attendre alors Sam tu vas m'aider.

- Pardon ? Est-ce que tu es en train de me donner un ordre ?

- Ouais tout à fait, tu n'as pas le choix, soit tu m'aides soit je me débrouille avec l'un de vous et si vous refusez tous je me débrouillerai moi-même.

Je les ai convaincus, ou du moins ils savent que je ne renoncerai pas ce soir. J'ai gagné mais en voyant leur regards entendus ils n'ont pas l'air d'être surpris par ma réaction. Sam me porte jusqu'au couloir où il me dépose, je remarque qu'il est vide et je trouve ça plaisant de savoir que nous allons être tranquilles. D'une main je me tiens à la rambarde et de l'autre côté Sam est très proche, je peux m'appuyer sur lui en cas de besoin. Pour l'instant je garde ma main à proximité de son t-shirt au niveau de sa taille auquel je pourrai me raccrocher en cas de problème mais je ne le touche pas. Kyle est devant moi et je sens les autres sur le pas de la porte, discrets et pourtant si présents. Je fais un pas, j'expire tout l'air dans mes poumons, ça tire et ça fait mal, moins mal que l'autre jour en me rendant à la salle du Conseil mais on en est pas loin, sauf que cette fois si on ne me porte pas, mis à part la rambarde je n'ai aucun autre appui. Un autre pas et la pointe de douleur fugace que je ressens me fais me pencher légèrement et mettre ma main à l'endroit où j'ai été blessée. Sam dans un mouvement semble vouloir m'attraper mais je le stop d'un regard. Non mais il croit quoi sérieux ? Je ne suis pas en difficulté. Je me reprends et fais encore un pas. Un pas de plus vers ma sortie, un autre vers ma liberté prochaine.

- Je crois que tu en as assez fait pour aujourd'hui, pourquoi tu ne retournerais pas dans la chambre ?

Regard noir de ma part. Ricanements derrière moi ainsi que Kyle. Je ne suis pas fragile, je vais bien, je peux le faire, marcher encore quelques pas. Je déteste avoir tort et encore plus cette situation, je suis têtue comme une mule.

Je fais le pas qui pousse un peu trop loin mon corps pour aujourd'hui. Je vacille et Sam en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire se retrouve devant moi à m'entourer de ses bras et de me soutenir. Et là c'est le drame. Mon cœur s'accélère, aussi rapide que la course d'un cheval en plein galop, aussi violent que le martèlement de ses sabots sur le sol. Je tremble et j'étouffe. J'ai l'impression que je suis en train de mourir. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive, mon cœur s'emballe encore plus et j'ai de plus en plus de mal à respirer ne fusse qu'un peu d'air. J'ai envie de fuir c'est la seule chose que je veux, je n'ai aucun contrôle et ça me fait peur. Je repousse ce qui me bloque de toutes mes forces et je ne m'entends même pas dire ce que je hurle.

- LACHE MOI !

Malgré le fait d'avoir repousser ce qui me bloquait, j'ai toujours ce besoin de fuir mais j'en suis incapable, j'ai peur, je suis également trempée, totalement en sueur et la course folle de mon cœur a encore pris plus d'ampleur. Je me laisse glisser sur le sol et j'attrape mes jambes de me mains et me mets en boule. Tout le bruit me semble loin, mon environnement est flou. Je n'entends même pas les gens parler autour de moi.

- Elle fait une crise panique.

On s'agenouille devant moi. Une main sur mon genoux me fait relever la tête. Kyle est accroupi devant moi. J'ai vraiment du mal à me concentrer sur ce qu'il essaye de me dire. Bien que j'ai toujours cette sensation de manquer totalement de contrôle j'arrive à fixer un minimum de mon attention sur lui.

- Bien Izzy, regarde-moi. Voilà, maintenant fais ce que je te dis. Retiens ta respiration compte jusque 4 et expire.

Sérieusement ? Il ne se rend pas compte que c'est impossible pour moi ? Je n'arrive déjà pas à respirer normalement là et à cette pensée je stresse est ce que j'y arrive toujours ? Je n'en ai pas l'impression.

- Ok, ok c'est pas grave. On va essayer autre chose. Répète après moi. 1 6 7 5 3 8.

Je répète après lui, il me donne d'autres chiffres et je recommence. Au bout d'un moment je me rends compte que mon cœur s'est calmé et que je respire beaucoup mieux. Je n'irai pas jusqu'à dire que je me sens bien mais certainement mieux. Il m'aide à me relever et me porte jusqu'à mon lit sur lequel il me dépose. La porte se ferme derrière notre petit groupe. Personne ne dit mot durant quelques minutes, Jem me donne un verre d'eau que j'accepte, après avoir bu la moitié je leur demande ce qu'il m'est arrivé.

- Tu as fait une crise de panique.

- Mais pourquoi ?

- Tu n'as pas d'idée de ce qui a pu la déclencher ?

Je réfléchis et là je comprends, je tourne mon regard vers Sam qui est au fond de la pièce et qui n'a probablement rien compris, surtout que je l'ai repoussé. Je suis vraiment bien heureuse que personne d'autre n'ait été dans le couloir pour voir pareil spectacle, je suis contente qu'ils n'aient appelé personne de plus comme des infirmiers ou des médecins. Visiblement Kyle savait ce qu'il faisait.

- Quand Sam m'a pris dans ses bras. J'étais dans la même position quand son père m'a tiré dessus. Je suppose que mon corps s'est souvenu de ça. Mais comment tu as réussi à me calmer Kyle ? J'ai vraiment cru que j'étais en train de mourir.

- C'est normal ça, les crises de panique font cet effet-là, tu as l'impression de ne rien contrôler et une envie de fuir mais ce n'est pas dangereux. C'est un sentiment très désagréable à ce qu'il parait, j'avoue ne jamais avoir expérimenté. Après j'ai essayé de te ramener à la réalité en essayant de te faire calmer ta respiration mais ça n'a pas marché du coup j'ai essayé les chiffres dans le désordre. Ton cerveau ne peut pas se concentrer et sur le fait de compter dans un ordre absolument illogique et sur la crise.

Sam est toujours en retrait. Je ne veux pas qu'il prenne mes paroles de tantôt personnellement, je lui tends la main qu'il vient saisir. Alors que tous les autres sont partis depuis un petit temps et que Kyle est resté avec moi mais qu'il somnole sur le fauteuil j'en profite pour faire des recherches sur mon téléphone. Je constate que ces crises de panique ont lieu chez des personnes angoissées de nature ou anxieuse. Ça n'a jamais été mon cas, avec le métier que je fais je me croyais à l'abris de ce genre de chose. J'espère ne plus jamais revivre quelque chose comme ça, c'est horrible comme sentiment. Je me dis qu'en étant quelqu'un de très peu anxieux ça ne devrait plus arriver. Enfin j espère...



*Ka-Bar : pour rappel le Ka-Bar est un couteau de combat de 18 cm de long faisant partie de l'équipement des soldats notamment celui des Navy Seals 

***

Qu'avez vous pensé de ce chapitre ?

En tout cas l'équipe a bien ris entre la partie de uno, Sam qui fait son jaloux, Chaton qui fait son gamin avec  l'infirmière et tous qui rient face à un Sam un peu trop protecteur qui se fait rappeler à l'ordre par Izzy 😂😂😅

Izzy est têtue comme une mule et s'est un peu trop poussée 🙄😔 risque t'elle de faire d autres crises?

Parce que lire donne le sourire.

Izzy

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top