La sentence du Conseil est tombée, Isabelle se fera exécuter en fin de journée. J'ai essayé de les faire changer d'avis mais rien n'y a fait. J'ai tenté de la faire sortir de l'endroit où on l'a emmenée sans ménagement directement après que la sentence ait été prononcée et où elle a été enfermée. Mais je n'ai pas pu, elle était très surveillée, notamment par Marshall qui abordait un sourire satisfait, la pensée qu'elle passait ses dernières heures en sa compagnie me donnait envie de vomir. Izzy n'était pas la seule à être surveillée de près, chaque membre de l'équipe s'était vu flanqué d'un garde personnel. J'ai eu beau élaborer un nombre infini de plan pour essayer de la faire sortir de cette situation sans issue, je n'ai même pas pu en réaliser un seul. Durant les 5 minutes que j'ai eu droit en tête à tête avec Izzy (bien que Marshall n'était pas loin et que je le sentais par-dessus mon épaule) elle a vainement tenté de me convaincre de ne pas venir le soir même. Izzy m'avait dit que ses derniers jours avec moi avaient été fantastiques et qu'elle n'aurait rien souhaité d'autre, elle voulait que je ne garde que ceux-là en tête raison pour laquelle elle essayait de me faire renoncer. Ses mains étaient posées sur les barreaux qui nous séparaient, je n'avais pas mis les miennes dessus de plus de 20 secondes que Marshall me tira en arrière et me dit de partir. Son regard exprimait une grande joie. Kyle vient me chercher au moment où j'allais lui dire le fond de ma pensée. La fin de journée planait au-dessus de ma tête comme un nuage d'orage. Je ne pus rien faire contre le temps. Le Conseil avait laissé un avantage à Isabelle pour son parcours militaire plutôt impressionnant et sans faute jusqu'à cette année ; le choix du lieu lui appartenait. Comme si cela changerait quoi que ce soit. Toute mon unité m'accompagna. Isabelle avait choisi la petite rivière dans le bois, elle adorait cet endroit, elle m'avait dit que c'était un des seuls où elle se sentait complètement calme et où elle pouvait réfléchir. Les membres du Conseil étaient en tenue. Isabelle était de l'autre côté de la rivière tenue par deux membres de l'équipe de Marshall. Ce dernier avait été désigné pour procéder à l'exécution. Lorsque je le vis avec son grand sourire la seule chose qui m'empêcha de lui sauter dessus fut la poigne de Kyle sur mon bras. Mon oncle me regarda, le visage désolé. Mon père prit la parole. Je ne lui pardonnerai pas, c'est probablement de sa faute si elle est exécutée aujourd'hui, il a totalement influencé le Conseil.

- C'est ici que s'éteint la lignée des Ashdown.

Je panique, je m'énerve je dois faire quelque chose, je me dégage de l'emprise de Kyle mais le reste des hommes de Marshall me retient et je me débats mais je suis forcé d'abandonner : je suis prisonnier je ne peux plus rien faire. Les deux hommes de Marshall qui tiennent Izzy la forcent à s'agenouiller. Alors que Marshall sort son arme, elle se relève et ils ne parviennent pas à la remettre à genoux. Isabelle fixe Marshall dans les yeux. J'espère qu'elle a un plan. J'espère qu'elle va s'enfuir. Elle me regarde et me sourit, je la regarde plein d'espoirs, elle doit avoir un plan. Marshall a le regard mauvais et sa bouche est déformée par sa colère.

- Je ne m'agenouillerai pas devant vous tous.

Marshall lui répond.

- Ça ne changera de toute façon rien.

Isabelle le défi du regard. Elle le fixe, droit dans les yeux.

Le coup part et je vois Isabelle s'effondrer. Je parviens à me libérer, et je la rejoins. Je ne vois pas ses yeux, son visage, seulement ses cheveux, je la prends et la retourne. Je hurle, comme si on m'arrachait sur le moment le cœur de la poitrine, elle a reçu la balle entre les deux yeux. Ils sont toujours ouverts et j'ai l'impression ou plutôt l'espoir qu'ils me regardent mais il n'en est rien. Je la regarde pour ne jamais oublier. Je ne m'aperçois pas qu'il n'y a plus personne, hormis Kyle qui se tient en retrait autour de nous. Nous... ce mot qui ne sera plus. Sa tête est appuyée sur mes genoux, qui sont couverts de son sang. Je suis comme dans un état second, Kyle s'approche de moi et s'accroupi à mes côtés, il tend la main et lui ferme les yeux. J'ai un nœud dans le ventre, un trou dans la poitrine et la gorge serrée. La rage monte en moi tout comme un autre sentiment qui l'accompagne : la vengeance. Tous ceux qui ont fait en sorte que ceci se produise vont payer. Quand on m'arrache le corps d'Izzy des bras je hurle encore.

J'ouvre brusquement les yeux, ma respiration est rapide et chaotique, je suis trempé, je panique. Je ne la vois pas. Je sens un léger souffle au niveau de mon épaule et je souffle. Elle est là, à côté de moi, elle respire, c'était un cauchemar. Elle est recroquevillée sur elle-même, elle porte ma chemise blanche, ses cheveux sont étalés dernière elle. Je la regarde dormir, elle est si paisible. Je m'approche doucement d'elle, je ne veux pas la réveiller, je veux juste sentir sa peau toucher la mienne, que je sache si elle est réelle. Instinctivement elle vient se blottir contre moi alors que je ne suis plus qu'à quelques petits centimètres d'elle. Je la regarde dormir, je ne sais pas combien de temps je suis resté comme ça mais je suis toujours en train de la regarder lorsqu'elle se réveille. Les yeux à moitié fermés elle me regarde.

- Bonjour toi.

- Bonjour ma belle.

Je l'embrasse sur la tempe et je l'attire contre moi.

- Tu as mis ma chemise ?

- Je me suis réveillé et j'avais envie d'un verre de lait, je l'aie enfilée pour pas me balader nue dans la maison, j'ai bien fait parce que j'ai croisé Kyle.

Je rigole avec elle.

- Tu t'es bien vite rendormie à ce que je vois.

- Je t'ai réveillé ?

- Non ne t'inquiète pas, ça va.

Je me lève et vais sous la douche. Je ferme les yeux et la revoit s'écrouler, je les rouvre dans la seconde. Lorsque je sors de la douche avec seulement une serviette sur les hanches et que je passe dans la chambre, Isabelle n'y est plus. Je m'habille rapidement. Je sors de ma chambre au moment où Izzy passe devant. Elle est vêtue d'un short et d'un débardeur, ses cheveux sont attachés en chignon. Je l'attrape par la main la fait tourner sur elle-même pour qu'elle finisse dans mes bras et je l'embrasse sur le front. Nous descendons faire le petit déjeuner. Lorsque nous avons fini de le préparer tout le monde descend comme attirés par l'odeur. Personne ne fait de commentaire sur Izzy et moi. Il fait particulièrement chaud aujourd'hui, alors que Will et Jem décident de partir en balade dans les bois, Kyle, Chaton et moi restons avec Izzy dans la maison. Elle en profite pour lire une pièce de théâtre d'Ionesco : Les chaises. Je suis en face d'elle dans un canapé et je somnole, faute à mon manque de sommeil. Isabelle souffle et pose le livre sur la table devant elle.

- Non mais tu te rends compte ça n'a absolument aucun sens, deux vieux fous qui ne font qu'installer dans chaises encore et encore alors qu'il n'y a personne qui passe leur porte. On en vient à prier pour qu'ils se jettent par la fenêtre de leur vieux phare tellement on en a marre.

Je souris, les yeux toujours fermés.

- Tu te moques de moi Sam ?

Je ne lui réponds pas mais je continue de sourire, elle vient se blottir contre moi. Nous sommes dans le fauteuil et il ne nous faut pas longtemps pour nous endormir. Nous sommes réveillés par le son des voix des garçons qui rentrent par la porte.

Au menu ce soir, une salade de pâtes froide, préparée par Chaton. Il ne faut plus une heure avant que le soleil ne décline et ne laisse place au ciel noir et la lune. Je me rends compte de ma stupidité quand je vois Marshall arriver le sourire mauvais. Je ne l'ai pas vu de la journée mais il est probablement passé alors que nous étions en train de dormir sur le canapé. Il s'avance alors que nous sommes toujours attablés. Le silence se fait quasi instantanément, comme à chaque fois que lui ou l'un de ses hommes viennent, et tous les regards de la table se tournent vers lui, ils n'ont rien d'amical mais il continue d'approcher d'une démarche de prince.

- Alors, bien dormi ?

Je le fixe le regard noir.

- En tout cas j'espère pour vous, vous étiez presque mignons...

Marshall se penche et s'appuie sur la table pour atteindre le plat où il reste encore de la salade de pâte. Il en attrape de ses doigts avant de les porter à sa bouche. Ce petit manège l'amuse, son regard se pose sur Izzy.

- Le Conseil devrait prendre sa décision demain et vous l'annoncer le jour même où après-demain. Je leur dirai bien que la surveillance des SEALS ce n'est pas vraiment ça mais bon ça ne servirait pas à grand-chose vu qu'elle prendra fin demain et vu comment vont les choses, elle ne se poursuivra pas.

Isabelle a le regard assassin, Kevin la regarde avec un sourire narquois. Je n'ai pas le temps de bouger, personne à table ne l'a à vrai dire, qu'Isabelle attrape un couteau se lève et se jette sur Marshall. Elle vise son épaule mais il l'évite adroitement, elle reste sur l'offensive mais quand elle essaye de lui porter un nouveau coup, il la désarme.

- Je n'ai pas besoin de ça pour t'atteindre.

Nous ne bougeons pas, à vrai dire ce type ne plait à personne dans la pièce, pourquoi lui donner un coup de main ? Elle essaye de lui donner des coups, elle y arrive une fois sur cinq, il l'évite très bien. Lui qui ne faisait qu'esquiver n'a plus de choix et passe également à l'attaque. Isabelle l'évite en souplesse, elle se prend une fois un coup dans les côtes mais ne laisse rien paraitre. Marshall en prend un dans la mâchoire. Il lui en donne un dans la clavicule.

- Je l'ai déjà brisée et je peux recommencer sans aucun problème.

- Essaye seulement, je vais te tuer si tu essayes encore une seule fois de me toucher.

Elle est sérieuse, Kyle l'attrape par la taille alors qu'elle allait s'avancer. Il la maintient et l'empêche de bouger.

Marshall lui adresse un grand sourire. Et la détaille des yeux avant de la regarder dans les yeux.

- J'aurais adoré t'avoir sous mes ordres, ça aurait été sportif sans aucun doute.

Cette réflexion me mets hors de moi, j'arrive à me contenir mais ma haine se lit sur mon visage. Il continue son petit monologue avant que je ne l'interrompe.

- Te briser aurait été tellement jouissif...

- Dégage de chez moi !

Il me regarde, me défie, des étincelles naissent au bout de mes doigts, il n'a pas intérêt à continuer son petit jeu où il risque bien de ne pas pouvoir rentrer à pied jusque chez lui.

- Maintenant tu fous le camp ! Tu es peut-être dans les bonnes grâces du Conseil mais je m'en fou, si tu ne dégages pas très vite de chez moi, je te jure que je vais te foutre une raclée dont tu ne te relèveras pas. Tu peux faire ce que tu veux mais tu sais bien qui est le plus puissant de nous deux.

Il n'est pas plus impressionné par mes menaces que par l'attaque d'Isabelle mais il décide quand même de s'en aller, avant de faire demi-tour il prend mon verre de vin et le vide. Il repose le verre vide et pointe son doigt sur Isabelle.

- Demain, c'est son dernier jour.

Il repart comme il est venu, avec son air arrogant. Isabelle est toujours dans les bras de Kyle. Le silence est toujours présent dans la cuisine. Isabelle a plusieurs contusions et une légère coupure. Je m'approche d'elle alors que Kyle la relâche. Elle est énervée, je le vois de là où je me trouve, tous ses muscles sont contractés. Je pose ma main sur son bras, elle le dégage brusquement et me fixe.

- Ne t'avises pas d'essayer quoi que ce soit.

Elle sort de la pièce en fulminant. Les gars me fixent, je suis Izzy même si ce n'est peut-être pas la meilleure chose à faire en ce moment. Je la retrouve dans l'ancienne buanderie qui est entièrement vide. Je suis dans l'entrebâillement de la porte. Elle est dos à moi, elle écrase son poing contre le mur. Ses articulations sont en sang.

- Fais chier !

J'ouvre entièrement la porte qui grince légèrement, Izzy ne bouge pas. Je m'approche par derrière, je la prends dans mes bras.

- Tu crois qu'il disait la vérité pour le Conseil ?

- Ça ne devrait plus être très long en effet mais rien n'est encore joué, j'ai été voir mon oncle hier, il m'a dit que la majorité ne voulait pas te condamner mais qu'il y en avait encore un ou deux qui ne s'étaient pas décidés. On ne peut encore rien dire.

Elle s'éloigne un peu de moi, je ne la touche plus.

- Tu devras me laisser.

Je sais à quel moment elle fait référence, si le jugement n'est pas en sa faveur.

- Tu te souviens je t'ai fait une promesse il y a huit ans : je te protègerai, je ne plaisantais pas Izzy et même si je dois devenir un renégat pour ça, je le ferai.

- Honnêtement, j'ai peur Sam. Je n'ai pas eu peur jusqu'à Alec, après je m'en foutais, il pouvait m'arriver n'importe quoi et puis je t'ai revu. Je sais qu'on ne peut pas tout prévoir quand on est sur le terrain et que ça peut arriver, affronter la mort en face c'est notre métier, tous les jours. Mais se faire juger et peut-être condamner à mort, pour quelque chose qu'on n'a pas fait... Je, j'ai du mal à l'accepter.

Isabelle plie et déplie la main où ses jointures sont toujours en sang. Elle ne bouge pas, je comprends qu'elle a besoin d'être seule, je m'écarte et m'en vais en lui disant qu'elle n'a qu'a revenir quand elle veut. Elle s'assoit pas terre face au mur alors que je lui tourne le dos pour rejoindre les autres. Ils sont tous dans le salon, assis sur les canapés à attendre notre retour.

- Est-ce que ça va ?

- Je ne sais pas trop, je crois que c'est impossible d'aller bien après ça, Jem. Laissons là un peu seule, elle est dans la buanderie.

- Est-ce que je peux compter sur vous les gars ?

- Tu connais déjà ma réponse Sam, tu sais que je suis toujours de ton côté, coéquipier.

- Évidement tu peux compter sur moi, j'adore l'action, je sais que je suis le plus jeune ici, que j'ai moins d'expérience mais crois moi je n'hésiterai pas.

- Comme Chaton et Kyle tu sais que je te suivrai.

- Un chef ne laisse jamais tomber son équipe. Dis-nous ce que tu as en tête Sam.

- Rester tranquilles jusqu'au jugement, on ne sait pas encore dans quel sens la balance va pencher contrairement à ce qu'a dit Marshall. Dans le meilleur des cas Izzy n'écopera que d'un avertissement sinon il va falloir mettre au point une stratégie pour la sortir de là.

- C'est à toi de nous exposer la situation Sam, tu connais ces terres mieux que nous tous, tu y as grandi.

L'heure qui suivit nous avons élaboré plusieurs plans au cas où ça tournerait mal. Isabelle ne revenait toujours pas de la buanderie. Will se proposa d'aller voir ce qu'elle faisait. Il n'était pas parti de deux minutes que Chaton nous demanda de ne pas faire un seul bruit. L'expression de son visage changea du tout au tout, il était attentif, il essayait d'entendre quelque chose.

- J'ai entendu un cri je crois.

- Comment ça tu crois ?

- C'était assez lointain.

Will nous appela. Nous nous levons tous et nous dirigeons vers la buanderie. Will et Isabelle étaient plus loin dans le couloir, devant la porte des souterrains de la demeure. 

***

Qu'avez vous pensé de ce chapitre ?

Toujours pas de jugement mais une grosse frayeur pour Sam, la réalité sera t'elle la même que son cauchemar ?

Parce que lire donne le sourire.

Izzy.