22
Lorsque j'apprends la nouvelle je fais un bon hors de mon siège, Isabelle avait évidemment raison en disant qu'ils allaient probablement la condamner à mort par la suite, savoir qu'elle allait souffrir était horrible mais qu'elle souffrirait sous mes yeux m'était inconcevable. Je ne remarque pas que la salle s'est vidée et qu'il ne reste que mon oncle et Will en plus de moi. Mon oncle demande à Will de nous laisser tous les deux.
- C'était le pendentif de ta mère n'est ce pas ?
La question me déstabilise, je ne sais pas quoi répondre, je me rappelle alors que mon oncle a toujours été là pour moi et que je pouvais lui dire la vérité.
- Ça l'est.
- Tu l'aimes, j'ai tort ?
- Non, je ne pourrais pas la voir se faire donner des coups de fouet sans rien faire et encore moins la regarder mourir. Je ne pourrais pas le supporter.
- Je t'en supplie Sam, ne fait rien, agir te condamnerai probablement mais cela la condamnerait certainement. Ne te laisse pas dominer par tes émotions je t'en conjure !
Je quitte la pièce les nerfs en feu, je regagne ma résidence de famille ou Kyle m'attend sur le porche, comme s'il n'avait jamais bougé depuis hier soir. Je vois à son expression que Will lui a déjà tout dit, comme je m'y attends il essaye de me parler mais je lui demande de me laisser seul. Un quart d'heure avant que le soleil ne se couche je sors de la maison et me dirige là où elle devrait être : dans la plaine. J'arrive alors que le bourreau va donner son premier coup. Je l'arrête de la main, cette dernière saigne à cause de la violence de l'impact, quand j'imagine que ce devait être le dos d'Isabelle je ne contrôle plus ma haine. Je me transforme en loup et commence à grogner. Je ne veux pas que qui que ce soit touche à ma Izzy. Je ne l'entends pas m'appeler je me concentre juste sur la gorge de ce type en face de moi, je suis à deux doigts de m'élancer lorsque j'entends le surnom que mon petit frère me donnait sortir de sa bouche. Le hoplite en face de moi se fige, mort de peur. J'entends Isabelle me supplier. Je m'approche d'elle et je me frotte à elle. Elle me demande de partir, je sais que je risque de craquer à tout instant. J'entends Kyle m'appeler plus loin. Sous les supplications d'Izzy je me retransforme et le rhabille de mon pantalon. Je m'agenouille devant elle. La main de Kyle se pose sur mon épaule et me tire en arrière après des minutes qui me paraissent durer une seconde. Il m'éloigne de force d'elle. Alors que nous sommes dans le bois nous entendons le premier coup de fouet, nous continuons de nous éloigner et je sens la prise de Kyle se resserrer, les coups je les entends comme si j'étais à côté, ils résonnent dans ma tête. Juste les coups de fouet en arrivant au septième j'entends le cri déchirant d'Isabelle, je veux faire demi-tour mais Kyle me retient. À chaque coup Isabelle hurle. Cette torture me semble durer l'éternité, le bourreau espace de plus en plus ses coups, probablement pour la torturer encore plus. Je suis comme un lion en cage, comme un loup qui vient de rater sa proie. Kyle reste avec moi durant toute la nuit alors que j'erre dans la forêt, il ne dit rien, il se contente d'être là.
Le lendemain c'est lui qui m'accompagne au Conseil dont les membres ne semblent même pas remarquer que ce n'est pas Will qui est assis à côté de moi.
- Alors mademoiselle Ashdown une précision à nous apporter, le nom de celui qui vous a donné le pendentif, des crimes à avouer ?
- Je vous ai dit la vérité hier et ce n'est pas des coups de fouet qui vont changer quoi que ce soit à cela.
Aucune réflexion n'est faite quand à mon interposition, le hoplite n'a pas du juger utile d'en parler craignant sûrement des représailles de ma part s'il le faisait, après tout le boulot avait été fait, non?
- J'ai entendu dire que vous aviez renvoyé l'iatros qui devait vous soigner.
- C'est exact.
- Et puis je savoir pourquoi vous avez eu cette attitude ?
Elle enlève son t-shirt et tourne le dos à la table, les marques sont très visibles, tout comme le sang. Je suis pris d'un haut le cœur et d'une envie de vomir. Kyle est dans la même situation que moi, notamment à cause de son odorat de loup-garou avec lequel les odeurs sont amplifiées. Passé cette première impression la rage monte en moi. Tous les membres du Conseil à l'exception du président Carter, des Marshall et d'un autre tournent le regard pour ne pas voir ce spectacle.
- Eh bien si vous refuser de coopérer vous recevrez 7 coups de plus à midi.
***
C'est un enfer, je suis à distance et je la vois, j'entends et je ressens sa douleur. Chaque nouvelle marque je la vois. Le lendemain elle ne veut toujours pas parler au moment où le président veut lui redonner des coups de fouets les membres du Conseil s'indignent argumentant que cela ne servirait de toute façon à rien. Ne tenant plus j'interviens.
- Ce que vous faites n'a aucun sens ! Si elle avait tué ses jeunes pour leur voler leurs pouvoirs pourquoi elle n'en aurait plus aucuns ? Faire traîner les choses ne va rien arranger tout comme la fouetter. Si quelqu'un essaye encore de la battre il aura à faire à moi.
- C'est une menace Monsieur Shaymore, essaieriez-vous de nous dire quelque chose ?
Kyle fait pression sur mon bras pour que je m'arrête. Je regarde Isabelle, assise sur la chaise en bout de table. Elle n'appuie pas son dos contre. Ses yeux semblent me supplier mais je ne sais pas quoi faire.
- Messieurs vous n'allez quand même pas l'écoutez, depuis quand il a droit à la parole ici ?
Cette voix je la reconnais avant même que son propriétaire ne sorte de l'ombre, je suis choqué, je ne bouge plus d'un centimètre. Il avance, ses cheveux sont maintenant gris mais il a gardé la même allure qu'avant, la même démarche.
- Cela semble évident qu'il a l'air d'aimer cette fille... Seulement je ne vois pas comment cela ce pourrait, il me semblerait que cette Ashdown lui a jeté un sort.
Je le vois et je ne sais pas comment réagir je suis comme tétanisé, comme si je voyais un fantôme.
- Mais comment Isabelle aurait pu lui jeter un sort alors qu'elle n'a plus de pouvoirs ?
- Ah mon cher frère, je ne te savais pas aussi sentimental... Cependant tu soulèves un point intéressant. Peut-être joue t'elle la comédie. Avec ce que sa famille a fait à la mienne c'est tout à fait possible.
Je n'arrive toujours pas à émettre un seul son.
- Mon frère a payé pour ses crimes et tout ce que mon père a essayé de faire c'est de sauver votre femme !
- Tu en es sûre ? Moi je crois qu'on a été clément avec ton frère, on aurait dû le faire brûler.
- Clément ?! Vous vous foutez de moi ?! Vous l'avez pendu et vous m'avez forcé à regarder !
Mon père gifle Isabelle. Il le fait avec tellement de force que sa tête suit le mouvement de sa main. Le bruit de la gifle est impressionnant et la marque sur sa joue l'est également.
- Mon fils est mort cette nuit-là l'aurais tu oublié ? C'était le minimum que l'on puisse lui infliger.
Un moment de silence s'étire.
- Et vous êtes revenu d'entre les morts c'est ça ?
- J'ai été entre la vie et la mort pendant plusieurs semaines, jeune fille. J'étais en convalescence pendant des mois après ce que ton frère m'a fait.
Mon père s'installe à une chaise, celle en face de la mienne. Le silence revient mais je ne suis pas ce qu'il se passe ensuite. Quand vient le moment de quitter la pièce tout le monde est sorti à l'exception de Kyle. Le Conseil délibèrerait dans l'après-midi, mon père était sorti de la salle du Conseil sans m'adresser plus qu'un signe de tête.
Je rattrape le président du Conseil et je lui demande à pouvoir aller voir Isabelle, chose qu'il m'accorde je ne sais pas pour quelle raison. Kyle m'accompagne jusque dans le couloir qui mène à la petite cellule où est enfermée Isabelle. Le garde me laisse entrer seul. Elle est couchée sur le ventre, sans aucun t-shirt pour couvrir son dos, seulement sa brassière. Son dos est complètement zébré et la voir comme ça me fait mal. Visiblement elle ne m'entend pas arriver parce que elle ne se retourne seulement quand je m'assois à côté d'elle et que je lui touche le bras. Elle fait mine de se retourner mais je l'en empêche. Elle finit quand même par se redresser et m'enlace de ses bras. Je ne peux pas faire de même, avec toutes ses blessures j'ai peur de la faire souffrir. Mis à part ma demande au président je n'ai pas encore ouvert la bouche.
- Izzy...
- Ça va Sam j'ai compris, ça va aller.
- Comment tu peux arriver à me dire ça après ce qu'il t'a dit ?
- Sam, vois le côté positif, ton père n'est pas mort, tu n'es pas seul, tu as encore quelqu'un de ta famille qui est vivant, cette nouvelle est fabuleuse !
Je prends sa tête dans mes mains et je l'embrasse.
- Tu es ma famille Izzy.
Une larme roule sur sa joue.
- Je t'avoue que je ne suis pas venu que pour ça par contre, il faut faire soigner ton dos, Izzy, avant qu'il ne s'infecte.
Elle a un mouvement de recul que je ne comprends pas. Elle a l'air paniquée, c'est la première fois que je la vois comme ça. Je sens sa détresse. J'arrive à la convaincre de s'allonger cependant. Je commence à utiliser ma magie pour soigner son dos. En la soignant cicatrice après cicatrice je me rends compte de l'ampleur des dégâts et je m'en veux de ne pas avoir tenu ma promesse de toujours la protéger. Je finis de guérir son dos comme je peux, certaines traces restent toujours. Lorsque je le touche elle tressaille, je suppose qu'elle restera très sensible pendant quelques jours. Je caresse son dos de mes doigts pour essayer de la détendre, elle s'endort très vite. Je ressors de cette pièce en ayant au moins l'impression d'avoir pu faire quelque chose pour elle.
L'après-midi toute l'équipe a tenue à être là pour le verdict, Chaton n'arrive pas à rester en place tout comme Grenade qui semble vraiment avoir du mal à se contenir seuls Kyle et Will semblent être relativement calmes. Pour ma part j'ai un nœud énorme à l'estomac. Lorsque nous rentrons dans la salle du Conseil je remarque que mon père est là, vêtu d'une robe de mage. Nous nous installons et nous sommes suspendus aux paroles du président.
- Le Conseil n'est pas parvenu à se mettre d'accord sur la sanction définitive cependant la majorité de ses membres ont voté pour la relâcher provisoirement en la consignant dans une pièce qui sera gardée et qu'elle ne pourra quitter. Il faudra que ce soit l'équipe des SEALS qui s'en charge où l'équipe du Capitaine Marshall, ce que je recommande. Bien évidemment aucune arme ne lui est permise, ne serait-ce qu'un couteau ou un canif.
Will fut le plus rapide pour répondre.
- Nous le ferons monsieur.
- Êtes-vous conscient que s'il se passe la moindre chose cela reposera sur vos épaules ?
- Oui monsieur.
- Dans ce cas c'est d'accord, j'impose une condition, le capitaine Marshall fera des apparitions à des heures imprévues pour vérifier que la prisonnière ne quitte pas le bâtiment dans lequel elle sera logée. À ce propos où comptez vous la détenir ?
- Chez moi monsieur, dans le manoir des Shaymore.
Mon père me lance un regard désapprobateur, mais je fais comme si je ne le voyais pas.
- Très bien vous pouvez l'emmener sur le champ accompagné de Marshall bien sûr. Le Conseil se positionnera définitivement avant la fin de la semaine.
Marshall tient Isabelle par le bras alors que nous sortons de la salle, je n'ai pas encore passé la porte que mon père m'attrape par le bras. Les membres du Conseil se dispersent, Kyle et Chaton s'immobilisent, je leur fait signe d'y aller.
- Mon fils je suis heureux de te voir. Tu as bien changé en 8 années.
- C'est en général ce qu'il se passe, surtout quand on va à l'armée.
- Tu m'expliques ce que tu es en train de fabriquer avec cette fille ?!
- Elle a sauvé la vie à plusieurs membres de mon équipe je ne peux pas la laisser.
- Les hoplites n'ont pas à aider les iatros, tu ne devrais même pas connaitre son nom, ni avoir pitié d'elle, je sais que c'est toi qui lui a soigné son dos, tu n'aurais pas dû.
- Écoute, je me fiche de ce que tu penses, tu étais vivant tout ce temps et tu ne t'es jamais manifesté alors tu as perdu ton droit de me faire la morale. Maintenant excuse moi je vais rejoindre mon équipe.
- Samuel. M'accorderais tu un dîner demain soir ? J'aimerai bien au moins remanger une seule fois avec le seul fils qu'il me reste.
J'hésite mais je fini par hocher la tête alors que je passe la porte. Cette décision je l'ai prise à cause de l'espoir de revivre un de ces moments de famille qui me manquent énormément. Je pars en direction de ma maison de famille. Trois jours que je suis ici et je n'ai pas encore dormi dedans, à vrai dire je n'ai plus dormi dedans depuis 8 ans. Lorsque je rentre je prie Marshall de prendre congé. Ce qu'il fait en me rappelant qu'il repassera. Isabelle est dans le seul fauteuil du salon qui n'est pas envahi par les sacs de couchage des gars. Je me rends compte qu'ils ont dormi dessus alors que la maison possède assez de chambre pour qu'ils puissent tous dormir dans des chambres en duo ou même solo. Je leur demande de rassembler leurs affaires et de me suivre à l'étage, ce qu'ils font, je leur montre les chambres et leur dit de choisir celle qui leur convient. Il ne reste qu'Isabelle derrière moi. Je la guide vers une chambre très lumineuse que j'ai entièrement refaite après l'incendie avec Kyle. J'ouvre la porte et la laisse entrer en première.
- C'était la chambre de...
- Justin, je sais Sam, je travaillais ici.
Elle se retourne et me regarde.
- Tu vas dormir dans ta chambre ?
- Oui.
- Tu as changé la déco ?
- Un peu, enfin il y plus grand-chose sur les murs et je l'ai repeinte dans la même couleur.
J'ai comme le besoin de mettre des distances entre nous, je ne sais pas ce qu'il me prend mais je la plante là. Chaton est le premier à prendre la garde et je propose aux autres de leur faire un peu visiter la ville. Je leur montre les endroits où ils peuvent aller pour se défouler quand ils ne seront pas de garde, la piscine, personnellement j'irai y faire un tour dans les prochains jours pour me détendre, les terrains de tennis et la forêt. Lorsque je reviens Chaton est en train de jouer aux fléchettes avec Isabelle.
- Joli coup Isabelle.
- Merci Kyle, je dois avouer qu'en général j'y joue avec des couteaux lorsque nous sommes en déploiement mais bon des fléchettes c'est bien aussi.
Marshall est repassé deux fois dans la journée et trois fois en soirée. Tout ce que je faisais c'était garder mes distances avec Isabelle. Lorsqu'elle alla dormir je fus soulagé de ne plus l'avoir en face de moi. Le Conseil, la torture avec les coups qui lui ont été portés, mon père, tout ça c'est trop pour moi.
Je me suis réveillé ce matin dans mon lit, en ayant rêvé de cette horrible soirée, pour me détendre j'étais partis courir avec Kyle dans la forêt en matinée malgré la chaleur écrasante. Le reste de la journée est passée très vite et mon père est arrivé à l'heure du repas, à vrai dire je l'ai surpris dans la maison en train d'en faire le tour. Nous sommes partis dîner.
- Tu as fait un travail remarquable Samuel.
Mon père ne m'avait jamais appelé par mon surnom.
- Kyle m'y a aidé.
- C'est ton coéquipier c'est ça ?
- Depuis 5ans.
Nous avons parlé de la famille pendant une partie du repas. Puis il aborda le sujet délicat.
- Alors cette fille, c'est sérieux ?
- Pourquoi tu veux savoir ça ?
- Ok je l'admets elle est plutôt jolie mais tu sais bien que ça ne peut pas durer entre vous.
- Et qu'est-ce qu'il te fait dire qu'il y a quelque chose entre nous ?
- Tu as ce regard quand tu la vois, exactement comme celui de ta mère quand elle te voyait avec ton frère, un regard heureux, le même regard qu'elle posait sur moi. Tu es comme elle Samuel, tu es un sentimentaliste, mais au fond de toi en militaire tu sais bien que ce genre de sentiment n'est pas fait pour durer avec une iatros. Un militaire ne peut pas se permettre d'être déconcentré.
Je doute, ce qu'il me dit n'est pas faux, une erreur dans mon métier et cela peut être la dernière. Le dîner se prolonge encore et encore nous ne parlons pas forcement, je ne suis pas prêt à faire comme si on ne s'était pas perdu de vue pendant 8 années. Lorsque nous repartons un membre du Conseil vient chercher mon père en voiture pour le reconduire à la maison qu'il occupe. Pour ma part je marche jusque chez moi. Quand j'arrive devant la maison je vois deux chambres éclairées et la fenêtre de celle d'Izzy ouverte. Je monte les marches deux à deux et vais dans ma chambre me poser sur mon lit. Je me couche en sachant que mon tour de garde est à 1h du matin donc dans deux heures.
***
Grosse révélation dans ce chapitre... Le père de Sam n'est pas mort et on ne peut pas dire que ce soit le plus grand fan d Izzy...
Qu'avez-vous vous pensé de Sam? Avez vous ressenti ses émotions, notamment sa détresse et le sentiment d'être perdu?
Parce que lire donne le sourire.
Izzy
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