Je continue mon travail machinalement. Je n'ai plus aucun contact, ni avec les patients, ni avec les internes. À croire j'ai la peste !

L'heure de la fin de journée à enfin sonné. Je range tout mon bazar et sors à toute vitesse en esquivant tout le monde. J'entends une voix m'appeler. Je n'ai vraiment pas envie de me retourner, sinon je risque de ne pas dormir chez moi ! Comme avant hier. Seulement la voix persiste et s'agrippe même à mon bras.

-Camila ! Bon sang enfin tu t'arrêtes, s'écrie Mathias tout essoufflé.

-Quoi encore ? Il est hors de question que je dorme ici une fois de plus, m'exclamai-je fermement.

-Mr Sherman veut te voir maintenant. À propos de Lauren.

Mon sang se glace. Et s'il avait tout vu, tout entendu ? Qu'adviendra t-il de moi ? Je serai en prison ? Seulement renvoyée ? Ou expulsée de l'Angleterre ? Tant de questions traversent ma tête. Je me secoue et suivis Mathias silencieusement. Lorsque je vis Mr Sherman, la folle envie d'être finalement en face de Lauren ne me paraît plus si déplacée. Je m'avance timidement mais en gardant la tête haute, jusqu'à lui. C'est ce que j'ai compris avec lui, il veut avoir des employés qui gardent la tête haute dans n'importe quelle situation. Cela permet surtout de ne pas montrer notre déstabilisation devant un criminel. Il me regarde du coin de l'oeil, puis se tourne d'un coup.

-Je vois que vous vous êtes liée d'amitié avec Mlle Jaregui. Sachez qu'ici, chaque erreur est rattrapable. Et vous allez ratrapper la vôtre. Un certain Lucenzo aurait travaillé avec Lauren. Et sans nul doute, qu'elle le connaît sur les bouts des doigts. Je veux tout savoir sur lui. Dans les moindres détails.

-Pourquoi vous me le demandez à moi, ce n'est pas parce, j'ai le plus parlé avec elle qu'elle me livrera tous ses secrets, déballe-je.

-Petite Camz', je sais très bien et vous aussi qu'on ne le pense pas. Elle le fera, tout simplement parce que vous êtes son petit...bijou.

-Comment connaissez-vous mon surnom ?

-Je n'allais pas enrôler quelqu'un dont je ne connais pas tout les secrets.

-Vous n'en savez rien, nie-je.

-J'ai vu bien trop de choses. Bien trop de situations de le seul nom pourrait faire peur au diable. Par conséquent, marché conclu ?

Je lui serre la main contre mon gré. J'ai l'impression d'avoir fait un pact avec le diable. Jamais je n'aurais imaginé avoir plus peur d'un humain ayant toute sa raison... Je ne tarde pas à sortir au plus vite de cette pièce glacial. Je ne sais même pas qui est ce Lorenzo. Ou Fernando, peu importe.

-Camila !, entends-je.

-Bordel ! Vous m'énervez là ! Vous voulez que je vous tue c'est ça !

Shawn s'arrête net, légèrement déstabilisé par ma réplique. Il secoue la tête, et fait un geste étrange de sa main droite. Sans que je m'y attende, il se lance dans un monologue incompréhensible. J'hoche la tête pour acquiescer, souris et commence à partir mais il me retient.

-Tu n'as rien écouté. Pas vrai ?

-Fait court, j'ai un truc urgent à faire.

Il hausse un sourcil, intrigué.

-Bref, il se rapproche de mon oreille et regarde au alentour. Lauren veut te voir maintenant.

-Quel sorte d'affaire froduleuse tu fais avec ?

Il lève les yeux au ciel et me reproche qu'il n'a pas réellement le choix. J'affirme le contraire, mais le temps d'exposer mes arguments, on est déjà arrivés aux vestiaires. Je vois Lauren, correctement vêtue, les jambes allongées, en train de bouquiner. Je toussote afin de faire part de ma présence. Elle lève le nez de son livre et affiche un grand sourire sournois tout en se levant.

-Ah, tu es là. Et en avance en plus. Dois-je en déduire que je t'ai manqué Mila' ?

-Mila'? On se donne des surnoms maintenant, m'exaspère-je.

Elle ricane et se lève. Sa démarche est encore plus terrifiante que d'habitude, préférant le grand spectacle. Elle donne l'impression de raconter une histoire pourtant, aucun mot ne sort de sa bouche. Désormais, deux pauvres centimètres nous sépare. Elle pointe son index sur mon front en murmurant.

-Toi, tu as quelque chose à me demander. Dis !

Je sursaute ainsi que Shawn à son autorité. Ses yeux émeraudes ne sont plus ce qu'ils étaient. Elle n'a plus l'air d'être ce que j'ai vu. Je suis limite déçue, de ne plus retrouver cette femme.

-N'affiche pas cette tête de mort voyons. Tu ne l'es pas. Pour l'instant, rie-t-elle.

-Tu veux qu'on taide a sortir. Bien mais je veux savoir tout ce que tu as en tête, absolument tout. Et n'oublie aucun détail. Ce serait dommage que l'un de nous deux ne fassent trop de bruit, menace-je.

-Mais c'est qu'elle mordrait presque, s'enthousiasme-t-elle.

-J'attends. Tu n'es pas en mesure de débattre.

-Ahah, la bonne vieille blague. Oh, un jouet, dit-elle en pointa une arme sur nous. Vous voyez, je n'ai pas réellement besoin de votre aide. Je voulais juste vous taquiner un peu. Mais apparemment, vous croyez tous que je suis facile à emprisonner. Mais voyez vous, vous ne me faîtes pas confiance, pourtant moi oui. Mais d'après ce qu'on enseigne aux enfants, moins par plus ça fait moins. Donc la confiance n'est pas réellement là mais suffisamment pour que je puisse avoir ce que je veux. Retenez cette leçon et à l'avenir tâchez d'être prudent, il se peut que les démons sortent de l'oubli.

Elle disparaît la seconde qui suit. Laissant juste un dossier de couverture vide. Ce nom me dit vaguement quelque chose. À la télévision, je crois que je l'ai vu. Nous restons abasourdi.

-Elle est venue chercher quoi ici ?, demande -Je.

-J'en ai aucune idée. Mais ça ne présente rien de bon.

Je prends le dossier entre mes mains et pars à toute vitesse. Shawn marche à mes côtes sans un mot. Je lui propose gentillement de manger dehors pour oublier un peu notre misérable vie de soumis.

J'allume le contact et j'attends que mon copilote embarque. Tous les regards mauvais de nos internes sur nous. Ignorer est la solution qu'on m'a toujours conseillé mais parfois une claque vaut bien plus.
Le trajet se fait en silence. Mes mains se crispent sur la route, l'angoisse commence à prendre place. Une main se pose sur mon épaule. Shawn me suggère de lui laisser le volant. Je me range sur le côté et le lui passe.

-Pose ta tête un peu. Tu as bien une demi-heure avant qu'on atteigne le premier restaurant.