Crying in the Room
Ses mots me procurent une decharge électronique intense. Je crois que je n'ai jamais autant redouté une conversation. Elle prend un dossier dans un tiroir puis me le tend. Quand à Shawn, je l'entends s'activer au loin. Sur le dossier est marqué son nom. Je sais pertinemment de quoi il s'agit, je ne saurais décrire cette sensation d'insécurité face à elle. Dès le moment où je suis partie, je savais que tout ce que j'avais fait était une erreur. Je me suis sentie mal, et je le suis encore. Elle m'a changée et je tente par tous les moyens de redevenir comme avant.
-Je..., commence-je.
Je n'ai pas le temps de prononcer un mot qu'elle me gifle violemment au visage. Je tiens fermement ma joue de mes mains et essaie de ne pas montrer ma faiblesse. Le courage me manque face à elle.
-Ne crois-tu pas que j'ai été suffisamment gentille avec toi ? Te laisser partir comme ça en sachant que tu en savais un peu trop ? Pauvre conne, tu n'es même pas capable d'avoir la jugeote de partir du pays.
Ses mots me poignardent le cœur d'un coup sec, sanglant, sans empathie. Le plus triste dans tout ça est que ce n'est qu'une vérité parmi tant d'autres.
Très vite, elle part dans une direction en marmonnant. J'essuie les quelques larmes qui ont coulé avant de rejoindre Shawn. Dès qu'il me voit, il ne peut s'empêcher de me demander ce qui s'est passé. Très calmement, je lui dis que ce n'est pas le moment.
Près de deux heures plus tard, tout est presque normal, excepté les corps sur le côtés qui, à chaque fois que la distance est trop courte, me soulève le cœur. J'ai la tête qui commence à tourner, ce sentiment trop enmerdant ! Le canapé situé à quelques centimètres des corps regorge de poussière malgré le nettoyage intensif qu'on vient de faire.
-Tu crois qu'elle va nous tuer ?, demande Shawn.
-Toi fort probable, pour ma part j'en sais rien.
-Arrête de te voiler la face, elle t'a juste garder pour son plaisir sexuel.
En une fraction de seconde, je le balance sur le canapé et saisis une arme blanche avec laquelle je le menace.
-Je te préviens, ne t'avise plus jamais de me parler comme ça une fois de plus, le menace-je.
-Tu vois ! Tu deviens comme elle, dit-il apeuré. Vous êtes folles toutes les deux !
-Je ne suis pas folle !, hurle-je en le prenant violemment par le col.
D'un geste brusque, il me désarme avant de me frapper au visage d'un coup de poings. Je fais de même en le cognant avec mes pieds, il tombe sur les trois corps sous le choc. Il n'a pas le temps de se relever que je lui saute au coup. Je l'empoigne fermement par le coup avec toute cette rage qui émane de mon être. Je ne supporte pas ces mots ! Je ne veux pas les entendre ! Je suis tout sauf folle. Pourquoi refusent-ils de comprendre ? La chance que j'ai eu d'avoir pu vivre aux côtés de grands psychopathes ou sociopathes voire pires. Ce contact m'a permis de voir comment eux voient le monde. Leur version est bien plus sombre et réaliste que celle qu'on essaie de s'imaginer, de se faire croire. Je l'ai compris à mes dépends.
D'un coup, sa main troubla mon champ de vision, je vois rapidement sa tête devenir de plus en plus rougeâtre, ses yeux prêts à sortir de leur orbite et ses veines prêtent à exploser. Je retire mes mains et constate avec effroi que je l'ai volontairement étouffé. Il me fixe avec peur, phobie; je venais littéralement de le terrifier à vie.
Je recule de deux pas, tombe à la renverse avant de réaliser complètement ce que je venais de faire. Ce n'est pas moi ! Mon esprit vagabonde entre diverses pensées toutes plus noires les une que les autres mais mon cœur veut se faire pardonner. Malheureusement, je n'ai pas pu. Je suis déjà bien trop loin de lui pour qu'il puisse m'entendre. Au fond du couloir, se trouve une porte entrouverte, je m'y réfugie et pleure toutes les larmes de mon corps. Encore.
Je ne saurais dire combien de temps ça m'a pris de me remettre, et encore tout reste flou dans ma tête comme des images qu'on me forcent à avoir.
Une dernière larme coule, avant que je n'aperçoive une vieille télévision muni d'un magnétoscope. Il est clair que c'est une mauvaise idée, mais je n'ai plus rien à perdre. J'actionne le tout et m'assois en tailleur devant celles-ci.
L'image se grise avant d'afficher Lauren. Elle paraît très jeune. Tout autour d'elle se trouvent des murs peints de blanc et de gris avec comme seul mobilier une table et deux chaises, on peut affirmer qu'elle est dans une salle d'interrogatoire et que la cassette est l'enregistrement. Je me demande comment elle a bien pu faire pour l'avoir. J'avance un peu la vidéo et arrête quelques instants après que le policier soit rentré.
-Certains disent que vous pouvez communiquer avec le diable, qu'il vous dicte quoi faire et à qui, que la morale n'est pas dans votre vocabulaire et que les morts se prosternent devant vous lorsque vous venez de les tuer, dit-il d'une voix étrangement calme.
Elle se met à éclater de rire, balançant son dos d'avant en arrière jusqu'à déplacer sa chaise. Son visage se referme aussitôt et ses yeux se posent sur ceux du policier.
-Le diable ne me dicte rien. Je n'y crois pas, je ne communique pas avec l'au-delà ou je ne sais quelle merde vous avez inventé pour vous rassurer, rien de ça n'est réel. La seule chose en quoi je jure est la folie. Après tout, qu'a fait votre dieu pour vous aider ?A part vous laisser crever comme de vulgaires vermines ? La folie est le seul réconfort dans ce monde d'hypocrisie déguisé en humanité.
Il reste bouche bée, moi de même face à sa répartie à son âge.
Un bruit extérieur vient interrompe mon visionnage. Je me dépêche de tour stopper et me cacher dans un coin en priant pour qu'on ne me trouve pas.
Des pas résonnent dans la pièce accompagnée de deux éclats de voix. Ces éclats se dessinent en silhouette féminine dont un qui m'est familière.
-Lauren, murmure-je.
Je la vois prendre à pleine bouche cette autre femme, que je présume être une de ses conquêtes de la journée. Elles ne tardent pas à se dévêtir, devant moi, tandis que je m'imagine à la place de cette femme qui ne sera plus jamais moi.
Je me recroqueville sur moi même alors que les vêtements continuent de valser à travers la pièce sous les cris bestiales des deux femmes. Mon cœur se serre sous leurs gémissements. Ses doigts si doux caressant ma peau, voilà l'un des souvenirs qu'elles m'obligent à revivre. Le temps commence à se faire long...
-Tu seras toujours mienne ?, demande-elle à Lauren naïvement.
J'ai envie de la rouer de coup, de lui hurler que ce n'est qu'une sombre pute qu'elle aura oublier dès qu'elle aura franchis la porte. Cette sombre pute c'est aussi moi.
-Oui toujours, sussure Lauren.
Les mêmes mots... La même intonation... Ce même comportement. Tout porte à croire que ce n'était qu'une rêve, que ce qu'on a vécu n'est que le monde qu'elle me décrivait. En toute honnêteté, je m'accroche encore à ses mots. Quand on vous donne l'illusion de vous aimer passionnément, la chute ne peut être que plus belle; mais on y croit. Je n'ai jamais aimé tous ces films d'amour ni sais, compris pourquoi on agissait stupidement face à ça. Maintenant, je sais: c'est mon âme soeur. Je connais l'amour et le cœur brisé, hantée par ses idéaux. Certains diront, notamment ma mère, qu'elle ne me mérite pas, que cette tristesse disparaîtra. En attendant, je suis en larme dans la chambre de mon âme sœur dans les bras d'une autre.
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