Jour 9 (partie 3)

Lassé, le loup cessa ses ruades. Il grogna et, dans un dernier élan d'espoir, tenta de croquer ma jambe. Heureusement pour moi, il n'était pas assez souple. Il ne pensa pas à se rouler par terre pour se débarrasser de moi.

Mes mains frigorifiées retrouvèrent un peu de chaleur dans la douce fourrure de la bête. Blanche mouchetée de noir, elle différait du loup que j'avais rencontré lors de la première épreuve. Cet animal était d'une beauté dangereuse. A présent qu'il avait cessé ses cascades, il me fixait de ses yeux bleus océan, d'un calme plat en contradiction avec sa nature du prédateur. Mon arme de fortune traînait par terre, entourée d'un petit ruisseau de sang.

-Désolée, ne pus-je m'empêcher de lâcher.

J'avais un sérieux problème, je tuais des humaines presque sans pitié, et je m'excusais auprès d'un animal qui avait tenté de me tuer. Ce dernier poussa un gémissement et baissa la tête, les yeux légèrement levés vers moi. Je caressai doucement les poils de son coup. Il n'était pas méchant. Juste victime. Comme moi.

Alors que l'endroit était doucement revenu dans le silence, le vent se leva à nouveau et s'insinua entre les poils de la bête. Je me couchai sur elle, en quête de chaleur. Je tremblais comme une feuille, le coup de l'adrénaline passé, le froid reprenait le dessus. Le loup avança doucement, mon corps fondu dans le sien se balançant au rythme de ses pas.

Bientôt, il s'arrêta brusquement. Il se bloqua sur ses appuis et tourna les oreilles, babines retroussées. Je me relevai, alarmée par ce changement d'état. Je scrutai les alentours. Un gémissement gras parvint jusqu'à mes tympans. Un voile de fumée opaque nous entoura, passant entre les arbres et les faisant disparaître de ma vision.

-Bordel.

Instinctivement, je remontai le col de mon tee-shirt sur mon nez. Alors qu'elle n'était pas encore arrivée à ma hauteur, cette fumée m'intoxiquait déjà. De petits filets de brume s'infiltrèrent dans mes narines, et des crépitements semblables à ceux d'un feu attaquèrent ma gorge. J'étouffai un râle tant bien que mal. Le brouillard obscurcit alors ma vision. Mes rétines s'enflammèrent alors je fermai les paupières et agrippai plus fermement le poil de la bête. Je la sentis se crisper. Soudainement, ses pattes quittèrent le sol et elle les propulsa à une telle vitesse que j'en eus l'estomac retourné.

A présent, je suffoquais. Des particules sèches bouchaient ma gorge et m'obligeaient à laisser échapper de longs râles rauques. Des larmes s'échappaient de mes yeux brûlants. Le loup s'arrêta brusquement, si bien que je me retrouvai propulsée en l'air avant d'atterrir violemment sur le sol raboteux. Je roulai sur quelques mètres dans la terre, un amas de poussière vola autour de moi. L'épaisse brume avait disparu, lentement je repris ma respiration. Je jetai un coup d'œil à mes jambes et constatai qu'elles étaient écorchées de toute part, du sang coulait de mes genoux. J'arrachai rapidement un pan de mon tee-shirt et le nouai autour du gauche, dont la blessure était plus profonde. Des bleus allaient sûrement apparaître du côté de mes bras.

A côté de moi, le loup, dont j'avais presque oublié la présence, grogna. Je me retournai lentement vers lui. Il me regardait sombrement. Il était redevenu le dominant. Mon tueur. Sur les fesses, je reculai précipitamment, les cailloux me rentrant dans les paumes des mains ralentissaient ma minable fuite. Mon dos buta contre une surface dure, mon crâne claqua en même temps. J'avalai un hoquet de douleur, me mordant les lèvres. J'avais si peur que cela en devint douloureux, si douloureux qu'il me devint difficile de respirer. L'animal avançait pas à pas, humant sa victoire, ses grands yeux bleus rivés sur moi. Notre connexion avait été perdue et comme d'habitude, le Jeu reprenait le dessus.

Alors qu'il paraissait si concentré, son attention fut déviée par un craquement ; il se redressa, alarmé, et fit jouer ses oreilles. Même s'il semblait avoir oublié mon existence, je restais vigilante. Sans bruit, je tordis mon coup et constatai que ce sur quoi je m'étais heurtée n'était autre qu'un mur. Quelques mètres plus loin, il disparaissait, il devait certainement former un angle qui, peut-être, me mènerait à une porte. Je fis à nouveau bifurquer mon regard vers le carnivore, une de ses quatre pattes en l'air. Son attitude m'inquiétait. Si je n'étais plus sa proie, de qui l'était-il lui ?

Sa gorge émit un aboiement étouffé et il grogna, peu convaincu. Il déguerpit aussi vite qu'il était arrivé, me laissant seule, dans l'incompréhension la plus totale. Je relâchai doucement mon souffle que j'avais bloqué, décontractant mes abdominaux. Appuyée contre le mur afin de soutenir mes jambes tremblantes, je me relevai. L'arrière de mon crâne me lançait, mes doigts récoltèrent quelques gouttes de sang quand je l'inspectai. De plus, ma chute au sol avait endommagé mes côtes plus que je ne le croyais, je ne l'avais pas senti sur le coup, mais un énorme hématome allait sans doute bientôt colorer mon corps. Je devais faire avec.

Courbée, je suivis le mur, respirant lentement, silencieusement. Comme je l'avais deviné, une porte me permettait l'accès. Cependant, ce n'était pas n'importe quelle porte. Le tapis dont je ne me souvenais que trop bien, à la chaleureuse inscription Bienvenue était posé sur le balcon grinçant. L'arche dorée surplombant la porte se craquelait. Et là, au milieu de tous ces décombres, suspendue à un fil transparent... la tête d'Ambre. Je titubai, battit des paupières un nombre incalculable de fois, avalai de grandes goulées d'air qui semblaient inexistantes, m'ancrai à un sol qui se dérobait sous mes pieds.

C'étaient trop d'émotions à gérer en même temps. Dégoût. Accablement. Colère. J'étais une plage sur laquelle un tsunami s'abattait sans pitié, détruisant tout, faisant s'envoler le sable blanc. Il devenait sale, envahi par des parasites. Le choc encaissé et guidée par une curiosité malsaine, j'approchai la tête pendante.

J'étais juste en face. Son visage au teint normalement melliflu était d'une pâleur fantomatique et la raideur de sa peau concurrençait celle des écailles des serpents. Ma respiration relâchait sur elle une petite fumée blanche, tel un voile qui l'emportait. Je n'entendais que le tambourinement de mon cœur.

Jusqu'à ce qu'une brindille craque. Je sautai pour faire un demi-tour, cognant au passage Ambre. Ce ne fut qu'à cet instant qu'un cri m'échappa, comme si je prenais seulement conscience que la veille encore, elle était en vie, que je la connaissais. Elle tomba gravement sur le sol de bois pourri, roula, dévala les marches avant de s'arrêter sur l'herbe. Ses pupilles étaient fixés sur moi, elles me jugeaient.

Une seconde brindille craqua. Alertée, je détournai les yeux. Il n'y avait rien. Peut-être était-ce le vieux bois de la maison qui se plaignait. Pourtant aucun vent ne soufflait, un étrange calme régnait. Alors que je finis par penser que rien ne se jetterai sauvagement sur moi, une silhouette, au loin, retins mon attention. Elle se tenait debout, un peu bancale, et approchait. Elle semblait humaine. Mon instinct me hurlait de fuir au plus vite, mais je restais trop intriguée pour faire le moindre le geste. Une de mes mains agrippée à la rembarde du perron était impossible à décrocher tant je serrais. Des gouttes de sueur glissaient le long de ma colonne, j'avais la chair de poule.

Enfin le corps fut assez visible pour moi. J'ouvris la bouche, sans bien savoir pourquoi, peut-être pour crier, ou alors essayer d'inspirer de l'air. À présent, en face de moi, sur deux fines jambes putréfiées, se tenait un zombie. Sans tête.

[ C'est le grand retour ! Je suis tellement désolée de toute cette attente... Mais voilà, c'est là, c'est arrivé, la plus grosse partie de la correction est terminée ! Si vous n'êtes pas au courant des petits passages à relire pour comprendre la suite, je vous invite à retourner à "Jour oups", où tout est indiqué avec précision... Promis il n'y a pas grand chose, mais c'est important !

Sinon, qu'avez-vous pensé de ce chapitre "retour" ? Ça promet de bouger dans le prochain chapitre, hâte de vous faire découvrir ça ! N'hésitez pas à me faire part de vos impressions 😘

Gros bisous ! 💋]

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