~ Jour 8 (partie 1) ~
Je ne dormis pas de la nuit. Mon état s'empirait de jour en jour. Mon corps était à l'affut de tout, je gardais les yeux ouverts en toute circonstance et me retournais au moindre bruit, prête à me défendre s'il le fallait. Il m'était impossible de me détendre un seul instant, la tension dans mon corps grandissait sans cesse, devenant insoutenable.
En sortant de ma tente, je tombai directement sur Ethan. Je ne m'en réjouis absolument pas.
- Tu vas bien ?
Je croisai les bras et le toisai de haut en bas. Je trouvais sa question stupide et fort humiliante... Un peu décontenancé par mon silence, il s'enquit :
- La... La prochaine épreuve a lieu à midi, devant les bois.
Je ne fis que hocher la tête, toujours aussi peu loquace. Nous n'entendions que les bruits du Camp des gens rigolant, des oiseaux chantant et des feuilles frémissant sous les légères caresses du vent.
- Je comprends que tu m'en veuilles, Abi. Mais tu ne comprends toujours pas !
Et le voilà qui recommençait. Je ne voulais pas entendre ses explications, pas aujourd'hui. Peut-être n'allais-je jamais les entendre, mais tout cela me passait complètement au-dessus de la tête. Pourquoi voulait-il à tout prix se donner raison ? Après la journée de la veille, je pensais que nous n'allions plus parler de cela. Je ne répondis toujours rien, épuisée rien qu'à l'idée d'avoir éternellement la même discussion. Il ne sembla pas apprécier mon attitude, je vis un éclair de rage passer dans ses prunelles noires. Il ne laissa cependant pas tomber, il continua, quoique la voix tremblante, comme s'il tentait de la maîtriser :
- Tu penses qu'il n'y a que toi qui souffre, que les candidates ? Et moi ? Tu penses que j'ai choisi ça ?
Il avait haussé le ton à chacune de ses phrases, en même temps que ma haine à son encontre. Je m'apprêtais à partir, je ne voulais plus l'entendre se plaindre !
- Tu ne pourrais pas arrêter de ne penser qu'à toi un peu ?!
Ce fut la phrase de trop.
Ethan
Ce fut la phrase de trop. La goutte d'eau qui fait déborder le vase ou l'étincelle qui met le feu aux poudres, je m'en contre foutais, mais elle était de trop.
J'eus le temps de la voir lever ses yeux verts, sans vie, sur moi, remplis de larmes, de voir ses poings se contracter, une de ses mains s'ouvrir et s'abattre sur ma joue. Je restai d'abord de marbre. Je n'arrivais même pas à lui en vouloir. Comme si elle prenait conscience de son geste, Abi écarquilla les yeux et un cri étouffé sortit de sa bouche qu'elle couvrit de ses paumes. Toute la haine que je lui inspirais sortait de ses pores.
J'avais déclenché chez elle quelque chose qu'elle voulait éviter à tout prix.
Abi
- Tu as vu un peu ce que tu me fais faire ?!
J'étais sortie de mes gonds. Réagissant ainsi, je réalisai que je ressemblais à ma mère bien plus que je ne le pensais et que je n'osais l'avouer. Je n'avais su retenir mon bras. J'avais eu l'impression que le temps d'une seconde, il s'était décollé de mon corps, et j'avais osé espérer que ce n'était pas moi la responsable. Et pourtant je l'avais fait. J'étais scandalisée par mon propre geste. Même s'il le méritait amplement, jamais je n'avais imaginé lui en coller une.
Je courus en direction des sanitaires, dans la cabine dans laquelle j'avais brisé le miroir. Les morceaux tombés par terre avaient été enlevés. Je donnai un coup dans le mur en poussant un cri à me détruire les cordes vocales. Mes larmes étaient en train d'inonder la pièce en même temps que le sang coulant de mes articulations écorchées. Mes yeux saignaient, mon cœur pleurait. J'entendis des pas discrets s'avancer près de ma cabine.
- Dégage Ethan !
- Ce n'est pas Ethan.
Je ne connaissais que trop bien cette voix. Une voix moqueuse qui allait me faire regretter d'avoir lâché.
Ambre
J'avais rigolé en voyant la frêle Abi mettre une claque au robuste Ethan. Moi aussi cela me démangeait de lui en mettre une, il le méritait plus qu'amplement. Mais si je voulais aller jusqu'au bout, je devais jouer mon rôle du début à la fin: celui de la peste que tout le monde hait. Ainsi, je ne liais aucune affinité avec les autres, et il m'était plus facile de rester indifférente à leur sort. Enfin, aussi indifférente qu'il était possible de l'être dans un tel Jeu. Cela se compliquait de jour en jour, et même si cela ne se voyait pas, j'étais détruite.
Mais là, en voyant Abi frapper Ethan et prendre ses jambes à son coup juste après, quelque chose m'avait poussée à aller lui parler. Je m'assis contre la porte. Les sanglots d'Abi résonnaient dans la salle, s'arrêtant et reprenant ensuite de plus belle.
- T'es venue pour te foutre de moi ? Épargne ta salive pour aujourd'hui sale vipère, j'en ai assez.
Cela fit mal. Tout le monde ici me considérait vraiment comme la méchante de l'histoire. Enfin, après tout, c'était bien le rôle que je voulais tenir. Non ?
- Ça fait du bien de lui mettre une tarte ? demandai-je.
Apparemment, ma question l'étonna assez pour arrêter sa crise de larmes. Je crus qu'elle n'allait pas me répondre et je m'apprêtais à repartir quand sa voix, semblable à à un murmure et abîmée par le torrent de ses pleurs, me répondit :
- Ça aurait fait du bien à n'importe qui, j'imagine... pas à moi.
Piquée par la curiosité, je m'enquis :
- Pourquoi ?
Je regrettai immédiatement ma question. Elle devait déjà avoir du mal à supporter ma présence, si en plus je me mêlais de sa vie, la prochaine claque allait probablement être pour moi.
- Peu importe pourquoi, en fait, me repris-je.
De l'autre côté de la porte, je l'entendis soupirer. Elle sembla réfléchir avant de me proposer :
- Si je réponds à ta question... Tu répondras à la mienne ?
- Bien sûr.
J'avais répondu trop vite. Qui savait quelle question elle était susceptible de me poser ?
- Enfin, je répondrai du mieux que possible.
Cela sembla lui convenir :
- Quand je l'ai frappé, je me suis identifiée à ma mère. Elle me frappe.
Je soufflai suite à cette révélation, sans rien répondre. Je sentais qu'il valait mieux que je me taise. Après un court instant de silence durant lequel j'avalai difficilement l'information, ce fut à son tour de poser la question :
- Pourquoi tu participes ?
Ma méchanceté exagérée habituelle ayant disparu face à une soudaine gentillesse avait dû lui faire se poser quelques questions, elle n'était pas stupide. On ne participait pas par plaisir à ce Jeu. Contrairement à la dernière fois, je répondis honnêtement :
- Je n'ai pas eu le choix, comme nous toutes.
Sans amie, j'avais eu le temps de percer quelques mystères, même si je ne les comprenais pas bien. Je m'attardai un peu sur ce point, pour le lui faire comprendre.
- D'après ce que j'ai compris, tous les gens de ce Camp ont... des problèmes. Et certains plus gros que les autres. Ceux-là participent au Jeu, même s'ils ne le souhaitent pas au départ. Personne ne soupçonne que les épreuves sont mortelles, alors on se laisse embarquer.
Je m'arrêtai quelques secondes, souhaitant être sûre qu'elle avait bien compris. Elle n'était pas idiote, juste aussi brisée et paumée que moi. Je repris :
- Je participe parce que mon père m'a abandonnée dès mon plus jeune âge et ma mère tente de m'élever, mais elle souffre de troubles psychologiques. Elle s'est mariée trois fois, et a eu un enfant à chaque fois. Son copain actuel a l'air d'être un homme bien, pour une fois, c'est pour ça que je me suis permise de partir, en voulant échapper à cette vie. Apparemment, j'ai choisi le mauvais endroit.
J'avais tout dit. C'était sorti tout seul. Peut-être parce que je pensais que j'allais dorénavant être moins seule pour porter ce poids. Je me levai et sortis des sanitaires, décidée à reprendre mon rôle.
Ce n'était pas le moment de craquer.
[ Alors, si détestable que ça Ambre ? Que pensez-vous de cette partie ? Et êtes-vous prêts pour la prochaine épreuve ? Bisous baveux ! ]
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