~ Jour 7 (partie 3) ~
L'eau m'arrivait jusqu'en haut des cuisses, je franchissais les rochers en puisant dans mes faibles ressources, mes bras frêles tremblaient dès lors que je poussais un peu dessus pour dépasser les obstacles.
Dès que je le pouvais, je courais. Malgré tous mes efforts, je me laissai distancer facilement. Avais-je mangé aujourd'hui ? Je fus assaillie par un violent mal de crâne, les sons autour de moi perdirent tout sens et se mélangèrent dans une cacophonie insupportable, mes yeux ne distinguèrent plus mon environnement qui devint flou. Je sombrai dans un état d'inconscience, lâchant prise.
Je sus que cela ne dura qu'un bref instant car quand je repris mes esprits, la course n'était pas terminée, et je pouvais toujours apercevoir mes concurrentes devant moi. Cependant, mon crâne avait heurté une pierre, du sang coulait de mon arcade sourcilière et je sentis que la partie droite de mon visage était écorchée en passant ma main dessus. Peu m'importait, je n'allais pas me servir de cela comme nouvelle excuse pour abandonner, je me relevai et continuai à avancer.
Soudain, les alentours se métamorphosèrent. Pas petit à petit, comme lorsque l'on avance sur un chemin et que le paysage se transforme lentement. Non, ce fut un changement brusque et net, comme si j'étais passée dans un autre monde.
A présent je n'étais plus dans la rivière, je marchais sur un sentier caillouteux, et des côtés dépassaient des ronces me griffant les mollets. Devant moi, ce paysage s'étendait à perte de vue, il n'y avait aucun signe me prouvant que tout juste cinq secondes avant, je me trouvais dans une rivière. Hormis peut-être mon maillot de bain et mon corps trempé. Malgré l'absence de soleil, je n'avais pas froid, comme si tout cela n'avait aucun impact sur la température.
Derrière les ronces se tenait Bethy, debout et souriante, les joues toutes rouges. Bethy. N'était-elle pas morte ? Je ne comprenais plus rien.
-Abi ? Abi, c'est bien toi ?
J'avais un mauvais pressentiment.
-Je ne pensais pas te revoir... Tu m'as tellement manqué, si tu savais !
Elle ouvrit ses bras, attendant probablement que je me jette sur elle. Je n'en fis rien. Tout cela n'était pas cohérent. Mes pensées s'entremêlaient, quelque chose clochait mais je n'arrivais pas à saisir ce que c'était...
Comment m'étais-je retrouvée ici ? Pourquoi étais-je vêtue d'un maillot de bain et de baskets ? Pourquoi étais-je trempée ? Etait-ce encore un de mes cauchemars ? J'avais l'impression de perdre mes souvenirs petit à petit.
-Abi, s'il te plaît.
Bethy prit un air de chien battu. Je fis un pas dans les ronces, je ne supportais pas de la voir si désemparée. Le sang coulait désormais le long de mes jambes, je m'arrêtai. Le doute dansait dans mon esprit, cette condition était tellement déstabilisante !
Il me fallait ordonner mes idées. Où étais-je ? Aucune idée. Comment étais-je arrivée ici ? J'avais la réponse sur le bout de la langue, pourtant, il m'était impossible de remettre la situation dans son contexte. Qu'avais-je fait la veille ?
Chaque réponse me semblait à la fois si proche et si lointaine... Quelle frustration !
Perdue, je fis un pas en arrière. Bethy – d'ailleurs, je me demandais d'où je la connaissais - laissa retomber ses bras et son accablement se métamorphosa soudain en rage, un pli fit son apparition entre ses sourcils, les coins de sa bouche retombèrent, ses ongles s'enfoncèrent dans ses paumes de mains. Je croyais presque que de la fumée allait sortir de ses oreilles.
-Je savais que je n'aurais jamais dû te faire confiance ! clama-t-elle. Tu m'as laissée mourir, tu t'es servie de moi, sale égoïste. Tu joues les innocentes, mais tu es la pire d'entre nous toutes !
« La pire d'entre nous toutes ». Ma mémoire revint soudainement. Le Jeu, la course, la rivière. Bethy était morte, je l'avais vue, je l'avais pleurée, je m'en étais voulue. Il était impossible qu'elle se trouve là an face de moi, sans aucune blessure sur son visage qui avait été mutilé.
Je regardai le sentier qui s'étendait longuement devant moi, décidant de reprendre mon chemin.
-Tu m'abandonnes encore ?!
Même si je ne comprenais pas exactement ce qu'il se passait, je devinai aisément que cette course n'était pas si simple, et qu'il allait me falloir différencier la réalité des illusions. Pourtant, les paroles de cette copie de Bethy me blessaient. Elles étaient vraies, et il me fut difficile de reprendre ma route en ignorant ses accusations.
Je courus afin de rattraper mon retard. A quels pièges les candidates avaient-elles affaire ? Je ne les voyais pas, et elles devaient sans nul doute ne pas me voir non plus.
A bout de souffle, je ralentis mon allure. Comme par enchantement, le cours d'eau fit à nouveau son apparition, me laissant profiter de la fraîcheur dont mon corps épuisé avait besoin. Je rattrapai mon retard. Je passai à côté d'une de mes adversaires. Elle se tenait debout, immobile, le regard dans le vide, comme si son esprit l'avait désertée et vivait un autre moment, ailleurs. C'était très déstabilisant.
La rivière était interminable. Les arbres autour et les bruits incessants me donnaient l'impression de me trouver dans une jungle. Malgré tout cela, je réussissais à garder les idées claires, je ne devais pas oublier qu'à la prochaine hallucination - en supposant qu'elle se déroule de la même manière que la première - mes souvenirs allaient s'effacer. Cependant, je restais confiante, car je venais de dépasser une deuxième fille.
Je ne comprenais pas trop à quel moment survenaient les visions, mais cela restait pour le moment le cadet de mes soucis.
Subitement, à la manière de la précédente fois, le paysage se transforma. J'étais dans une rue bétonné, où la circulation des voitures, dense et lente, m'assourdissait les oreilles, où les gens me bousculaient tant ils semblaient pressés d'atteindre une destination, où les vieilles personnes observaient de leur fenêtre avec désolation le monde tel qu'il l'était devenu, et où ma mère, une expression de fureur sur ses traits, m'attendait au bout de l'allée.
Ma confiance se volatilisa, remplacée par une peur tenace qui me tiraillait les entrailles. Je me répétai inlassablement le mot « illusion », qui, à force, perdit tout son sens, et j'oubliai pourquoi ce mot était devenu si important.
Ethan
Cette épreuve n'était pas difficile, physiquement parlant. La rivière était ce que l'on pouvait qualifier de « magique » et faisait surgir dans l'esprit des candidates des illusions toutes plus barrées les unes que les autres.
Je n'avais pas menti en proclamant que c'était une course. En effet, les songes survenaient entre les mêmes écarts de temps pour chaque participante. En fonction de si elles étaient plus ou moins rapides, elles pouvaient avoir affaire à plus ou moins d'illusions.
Je me trouvais près du lac, je n'avais pas bougé. Je n'avais pas quitté des yeux Abi tout le temps durant lequel elle avait nagé. Il était hors de question qu'elle perde maintenant. Pas si proche du but. Mon cœur battait à tout rompre. Elle ne devait pas échouer.
Elle te manquerait ?
Non. Pas de sentiments, c'était clair si je voulais parvenir à mon but. Je ne devais pas me faire avoir à mon propre jeu.
[ Je vous avoue que cette partie n'a pas été facile à écrire, j'ai eu du mal à trouver l'épreuve, je me suis dit "je ne peux pas faire une simple course, c'est bien trop simple !" C'est pour cela que je poste un peu en retard (en plus j'ai été malade, trop cool)... Voilà, j'espère qu'elle vous a plu et que le résultat vous plaît autant qu'à moi, qui croyais ne jamais y arriver ! Bisous baveux ! ]
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