~ Jour 6 (partie 2) ~


Je pris une grande inspiration en fermant les yeux, me préparant à affronter une nouvelle épreuve. Quand je rouvris les paupières, j'étais dans la cour du collège dans lequel j'avais été. Des groupes d'amis marchaient partout et discutaient des choses de la vie, des choses normales de la vie. Je rêvais de vivre comme eux.

Je n'étais qu'en quatrième. Les gens de ma classe me détestaient parce que je n'étais pas comme eux. Mais comment pouvais-je l'être alors que je savais que dès mon retour à la maison, on allait me battre ?

Ce jour-là, c'était mon anniversaire. Le matin, mes parents m'avaient ignorée. Et personne dans ma classe ne savait que c'était aujourd'hui. Pourtant, un garçon vint me voir. Je me souvenais encore de lui, je le trouvais mignon à l'époque. J'étais seule sur un banc, et il me rejoignit.

-Hey, salut ! Euh... Bon anniversaire.

Voilà. Il m'avait parlé. Mauvaise décision, ineffaçable. Je ne savais plus ce que nous avions fait cette journée, mais je savais que j'avais trouvé cela merveilleux. Pourtant, ce n'était pas ce que mon esprit avait voulu retenir.

Je ne me souvenais que d'un moment : il était en train de gonfler une bulle impressionnante avec son chewing-gum, quand elle avait soudainement éclaté. Chose tellement anodine, mais à laquelle je n'étais pas familiarisée. Un petit rire m'avait échappé.

Je m'étais reprise instinctivement : chez moi, rien qu'un simple sourire me valait une bonne paire de claques...

-Ça te va bien le sourire.

Cette phrase, je me l'étais répétée en boucle toute la journée, si bien qu'en rentrant chez moi, je souriais jusqu'aux oreilles. A peine avais-je franchi le pas de la porte que j'avais reçu un coup de poing dans le nez et le sang avait jailli. Mon crâne avait heurté la poignée, mon poignet droit s'était fait tordre dans tous les sens. Je savais ce qui allait suivre, la peur dévorait déjà mes entrailles, je voulais m'enfuir, ne pas revivre cette scène. Son haleine empestant l'alcool tout près de mon visage, ma mère avait prononcé les paroles les plus blessantes qu'elle ne m'avait jamais dites :

-Tu n'as pas le droit d'être heureuse, salope. T'as un copain, c'est ça ? Mais qui pourrait bien te supporter ? Tu détruis tout ce qui t'entoure.

Un nouveau coup sur la tête. Puis j'avais perdu connaissance.

Je m'étais réveillée sur mon lit. Mes parents avaient dû recevoir de la visite, autrement, ils m'auraient laissée pour morte, comme bien des fois. C'était triste à dire, mais j'avais pris l'habitude de vivre cela. Retrouver une apparence normale et cacher les blessures visibles en me couvrant de la tête aux pieds en plein été, dire que j'étais maladroite, d'où le bleu sur la joue, était devenu... logique. Mon corps chancelait. Mon esprit pleurait.

J'avais ensuite appris que mes parents m'avaient changée de collège. Et j'avais intérêt à n'avoir aucun ami. De longues années de solitude m'avaient attendue.

Noir. J'étais à nouveau là, me montrant que cela n'étaient que des souvenirs. Toute cette obscurité me mettait mal à l'aise, il n'y avait rien ni personne susceptible de me donner envie de combattre. Je ne voulais pas affronter mon passé.

Les souvenirs s'enchaînèrent. A chaque fois, j'étais battue par ma mère. La peur que j'avais éprouvée dans chacun de ses moments se cumula, c'en était insupportable. Je me débattais, mais les anneaux de fer brûlaient ma chair, j'avais l'impression de ne plus avoir de peau. Je hurlais de désespoir, souhaitant que cela ne cesse. Que l'une des filles meurt, ou que je meurs, peu m'importait. Des larmes inondaient mes joues, j'avais mal. Mon cœur battait anormalement vite, je ne parvenais plus à respirer régulièrement.

Je m'imaginais déjà morte. Mon corps pantelant, les yeux dans le vide, plus aucun souffle. Un passage sur Terre plus qu'éphémère. Oubliée de tous et de toutes. Tuée par un stupide Jeu, vaincue par mes propres démons. Prisonnière à jamais.

Ces pensées bousculèrent quelque chose en moi. Je ne voulais pas finir dans ce cimetière, à poursuivre des innocentes. Je ne voulais pas mourir à cause de ma mère. Je voulais gagner ce Jeu et en finir avec tout ça. Je voulais vivre. Et tant pis pour les autres.

Des souvenirs, encore et toujours, de plus en plus sinistres. J'étais terrifiée. Mais je me contrôlais. Cela allait changer. Ces cauchemars devaient me rendre plus forte, pas plus faible.

Ils s'enchaînaient. Recommençaient. Etait-ce le fer brûlant qui m'enchaînait à la chaise ou les images de mon passé ? La réalité se confondait à mes souvenirs, mes pensées emmêlées s'effritaient. Et soudain, plus rien. Je restai dans le noir plus longtemps que d'ordinaire. Etais-je tout de même morte de peur malgré tous mes efforts ? Non ! J'avais pourtant résisté...

Un brutal éclat de lumière me fit fermer les yeux. Je les rouvris une fois le choc passé. Je me trouvais dans la clairière. Les anneaux de métal s'ouvrirent et je détendis mes articulations qui craquèrent. La voix passa telle une feuille guidée par un souffle de vent.

-A demain.

Et disparut, portée dans l'air. Ce n'était pas moi. Un sentiment de fierté m'envahit, avant d'être recouvert par un sale déshonneur. Qu'étais-je devenue, à vouloir absolument gagner ?

Je me levai sans regarder autour de moi, refusant de voir le cadavre de qui que ce soit, refusant d'affronter l'abstraite réalité. Mes jambes me guidèrent jusqu'à ma tente, dans laquelle je me réfugiai immédiatement pour entamer une nuit interminable, durant laquelle il me fut quasiment impossible de dormir tant mes cauchemars me hantaient. Ce ne fut que lorsque le premier rayon du soleil éclaira la toile que je sombrai, épuisée, dans un lourd sommeil.


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