~ Jour 5 (partie 4) ~


Je courus loin. Je ne voulais pas aller dans ma tente, je voulais partir. Je sortis du Camp. Dans la rue, les gens me regardaient comme si j'étais une dégénérée, avec mes vêtements crasseux, mes cheveux gras, mon expression désespérée... Ils avaient probablement raison.

Je bousculais tout le monde, tout le monde me bousculait. Je m'arrêtai un instant afin de demander à une passante, le plus naturellement du monde :

-Quelle heure est-il s'il vous plaît ?

Elle me jeta un regard mauvais, avant de tout de même me répondre :

-Midi.

Elle s'en alla brutalement. Midi. L'épreuve n'avait duré qu'une seule heure. Une heure qui m'avait paru interminable, et durant laquelle Bethy était morte. Je regardais toutes ces personnes, ignorant le calvaire qu'était ma vie. Si je n'avais plus Bethy, je n'avais plus aucune raison de rester.

Peut-être en faisais-je trop. Avais-je vraiment une raison pour tout abandonner ? Je n'avais pas les idées claires, je devenais folle. Le monde autour de moi se mit à tanguer et j'eus l'impression que l'on me frappait violemment la tête, en continu. Bientôt les rues ne devinrent plus qu'un fond abstrait, comme mes pensées. Je m'écroulai sur le sol et aperçus au-dessus de moi - probablement était-ce une hallucination - Ethan.

Ethan

J'étais vraiment trop con. Si je continuais ainsi, j'allais perdre à mon propre jeu. Ma vie ne se résumait qu'à ça : un putain de jeu. Le but était qu'Abi tombe amoureuse de moi, pas le contraire. Pas de sentiments. Depuis que j'étais à Strange Camp, c'était elles ou moi. Et aujourd'hui plus que jamais, c'était elle ou moi. Nous n'avions dépassé que le cinquième jour d'épreuve, pourtant jamais je n'avais senti ma victoire aussi proche.

J'avais du mal à rester insensible avec Abi. Mais si elle était là, je l'avais senti, c'est que c'était elle. Alors si je voulais qu'elle reste ne vie, je devais tout faire pour qu'elle pardonne chaque connerie que je faisais. Même le baiser. Je savais pas ce qui m'avait pris en faisant ça. Un moyen de vérifier que ma tactique fonctionnait.

Mais en ce moment, je me demandais comment j'allais pouvoir résister à la tentation alors qu'elle était allongée là, sur mon lit. Après l'épreuve, elle était partie. Et je n'étais pas idiot au point de la laisser seule alors qu'elle venait de perdre cette salope de Bethy qu'elle considérait comme son amie. Je l'avais vue tomber brutalement sur le sol, alors sans plus attendre, je l'avais récupérée et ramenée à l'endroit où j'étais forcé de vivre.

Elle était partie dans la rue sans remettre son tee-shirt, elle, si pudique et réservée.

Je l'observais dormir quand soudain, elle papillonna doucement des yeux et changea de position. Ses paupières s'ouvrirent. Je vis se succéder l'incompréhension puis la panique avant qu'elle ne dirige son regard sur moi, et son expression laissa place à l'effroi. Elle regarda son corps vêtu simplement de ses sous-vêtements. D'emblée, elle recouvrit sa peau laiteuse par la couverture.

-Qu'est-ce que je fais là ? Pourquoi tu es là ? s'affola-t-elle.

-Tu t'es évanouie dans la rue, et je t'ai récupérée, la rassurai-je.

-Tu m'as suivie ?

-Je t'ai sauvée.

Elle se tut, ne sachant probablement pas quoi ajouter. Elle mordilla sa lèvre inférieure et se passa la main dans les cheveux. Si elle n'arrêtait pas immédiatement, c'était mes lèvres qui allaient mordiller les siennes. Putain, non. Je refoulai immédiatement cette vague de désir au plus profond de moi. Je devais garder la tête froide.

-C'est là que tu... vis ?

Je hochai la tête. Comme j'étais obligé de rester ici tout le temps, le Camp me « fournissait » une maison.

-Ethan... Il me faut des explications. On n'arrête pas de me dire « c'est le Camp ». Qu'est-ce que cela signifie ? Et comment de telles choses sont possibles ?

-Je n'en sais pas beaucoup plus. Le peu de choses dont je suis au courant, cela doit rester secret.

C'était faux. Je savais tout. Sauf qu'elle ne devait pas savoir, sinon, il était certain que tous mes plans seraient compromis.

Je sortis de mon armoire de vieux vêtements qui n'étaient plus à ma taille. Les siens étaient trop dégoûtants pour qu'elle ne les remette.

-Habille-toi, je te raccompagne.

Je quittai la pièce. Quelques minutes plus tard, elle me rejoignit. Je ne la regardai pas, j'avais peur, de ce que je pouvais faire en la voyant dans mes habits. Nous traversâmes les bois. Moi, j'avais l'habitude, mais elle, que pensait-elle en voyant mon lieu de vie ? Que je vivais comme un vieil ermite ? Après tout, je m'en foutais !

Quand nous rejoignîmes le camp, un voile noir éclairé par une demi-lune avait recouvert le ciel. Une fois devant sa tente, je me retournais sans un regard pour elle.

-Ethan...

Je m'arrêtai sans la regarder.

-Je suis désolée. D'avoir été aussi cruelle. Et je te remercie pour... ce que tu as fait pour moi.

Elle revenait sur ce qu'elle avait dit. Elle me compliquait la tâche. Il fallait qu'elle croie que cela me touchait. Je me jetai sur elle et entourai sa fine taille de mes mains. Ses yeux embués de larmes scrutaient les miens, son souffle s'accéléra en même temps que le mien et ses lèvres s'entrouvrirent légèrement, attendant avec avidité que nos bouches s'effleurent. Je me penchai. A présent qu'elle était prête, je devais l'humilier, la frustrer, afin qu'elle se batte jusqu'à la fin pour penser m'humilier à son tour.

-Tes mots n'excusent rien. Tu as vu l'effet que je te fais ? Si tu me détestais vraiment, tu ne serais pas prête à mettre ta vie en danger pour obtenir un simple baiser de ma part. Tu es pitoyable, Abi.

Je la lâchai et m'enfuis, sans avoir le temps d'éviter de croiser son regard envahi par le désespoir, la souffrance, et la colère. La pauvre, si elle savait que ce que je manigançais était bien pire que ces mots.



[ Première fois dans la tête d'Ethan... personnage complexe que j'ai dû modifier lors de la correction, on se demande ce qu'il manigance, non ? ]


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