~ Jour 4 (partie 2) ~

Elles coururent toutes du plus vite qu'elles pouvaient. Bethy m'attendait. J'affirmai :

-Si tu m'attends, je reste ici. Sauve-toi, s'il te plaît, tout ira bien pour moi.

Je détestais mentir, mais il le fallait. Elle s'en alla à contrecœur, voyant que je ne renoncerai pas. Des bras solides m'emprisonnèrent et me plaquèrent contre un torse musclé. Ethan respirait bruyamment, il caressait mes cheveux avec tendresse. Mon cœur produisait un drôle de vacarme contre sa poitrine, une peur perfide commençait à me contrôler.

-Cours, et ne t'arrête jamais.

Sa voix se brisa sur ces mots dits précipitamment, en même temps que mon cœur. Il me relâcha. Les larmes qu'il retenait étaient poignantes. Etait-il sincère ? Je m'en allai et me laissai engloutir par la nuit. J'allai mourir, pas sans me battre. Je m'enfonçai dans les arbres, leurs racines sortant du sol me tendaient des pièges. Le silence fut brisé par un cri déchirant, venant du fin fond des Enfers, un cri aussi terrifiant que bouleversant. Un cri inhumain.

Elles étaient sorties de leur tombe. Plusieurs cris moins forts que le premier suivirent, avant que le calme ne retombe. Ni l'un ni l'autre n'était rassurant. Je continuais de courir, les branches écorchaient mon visage et l'air fouettait farouchement ma peau, j'inspirais de grandes goulées d'air.

Il se mit à pleuvoir, le sol devint plus glissant, je fus obligée de ralentir pour éviter la chute. Cela ne servit à rien. Une racine. Mon pied droit coincé. Mon corps par terre. Mon menton se cogna violemment contre la boue. Je hurlai. La pluie se fit plus forte, je peinais à avancer. Je n'arrivais pas à me relever, je rampais désormais tel un vulgaire ver de terre. La noirceur du ciel m'empêchait de voir quoi que ce soit, la pâle clarté de la lune, elle-même de par sa flavescence semblant malade, était cachée par les nuages. Et pour couronner le tout, un coup de tonnerre éclata, le plus violent que je n'avais jamais entendu.

La boue collait sur mes vêtements, mon visage, un liquide chaud coulait le long de mes joues. Je saignais. Je me sentis oppressée, je n'avais plus aucun espoir. Je roulai sur le dos et attendis, fermant les yeux. Un bruit lent et régulier vint se rajouter à ceux de la tempête. Des claquements sur le sol, et des gémissements plaintifs me donnèrent un mauvais pressentiment. C'était impossible. Pas déjà.

Je levai la tête. Une trentaine de mètres derrière moi, une horde de revenantes marchaient lentement, vacillant sur leurs jambes décharnées. Le teint blafard et le regard éteint, certaines plus dépéries que d'autres. Je me vis alors perdre le Jeu et être enterrée dans cet endroit, pour ne jamais cesser d'y participer.

Je tentai de rester impavide, seulement, c'était irréalisable. Combien étaient-elles ? Dix ? Cinquante ? Cent ? Je n'osais l'imaginer. Elles s'approchaient de moi, à moitié nues, leur chair putréfiée manquant à certains endroits. Leur vue me flanqua une nausée atroce accompagnée de tremblements, leur odeur pourrissante bloqua mon souffle saccadé. Je tentai de les fuir, d'abord à quatre pattes, puis me forçant à me mettre debout malgré le sol glissant et à courir. Je voulais mourir, encore, mais pas comme ça ! Cela me répugnait. J'étais plus rapide. Elles ne pourraient me rattraper. Du moins, c'était ce que je pensais.

Quand le bruit de leurs pas s'éteignit, je ne ralentis pas. Et je fis bien : quelques secondes plus tard, je les entendis de nouveau, plus rapides. Trop rapides pour des mortes-vivantes.

Contrairement à moi, elles ne ralentissaient pas, elles n'avaient nul besoin de se reposer. Respirer devint un exercice de taille. Un point de côté fit son apparition, suivi d'un deuxième. Je retenais mes larmes. Je fis des virages entre les arbres, espérant qu'elles prendraient la même direction que moi, pour tenter de les semer, il se trouvait cependant qu'elles n'étaient pas assez bêtes. Elles gagnaient du terrain.

Je voulais me cacher, même si cela ne servait à rien. « Elles vous trouveront. » Mais comment ? Je devais essayer. Je piquai un sprint, tentant le tout pour le tout, virai à droite, puis à gauche, variant les chemins. J'avais maintenant peu de temps. Je m'arrêtai quand j'atteignis une bute, en-dessous de laquelle se trouvaient des pierres, s'enfonçant un peu. Je m'accroupis et me serrai, espérant que cela suffirait. Recroquevillée sur moi-même, le menton posé sur mes genoux, je tentais de calmer le bruit de ma respiration trop bruyante. Me retenir de pousser un vain cri de détresse fut presque insurmontable tant mes organes menaçaient de déserter. Pourtant, au beau milieu de ce chaos, ce moment de répit me parut soudain indispensable.

Répit de courte durée car bientôt, elles me rejoignirent. Elles cessèrent de courir. Leur puanteur parvenait jusqu'à mes narines. Me rendant compte de cela, je fus saisie de panique : et si elles me sentaient ? Elles reprirent leur marche, plus lentement, râlant sinistrement. J'avais visé juste. C'était vers moi qu'elles se dirigeaient. L'heure avait sonné. Je me rendais. Mon cœur menaçait de bondir hors de ma cage thoracique. Un nœud dans la gorge, je retenais fermement mes larmes. La peur ne fit plus qu'un avec moi, elle grouillait sur ma peau comme si un millier d'insectes me piquaient en même temps.

D'autres pas d'une course effrénée se dirigeaient vers l'endroit où j'étais cachée. J'aperçus alors l'ombre d'une fille, vivante, surgir devant moi. Elle s'arrêta, vit les zombies, me vit, et s'enfuit. Une idée surgit dans mon esprit. Comment pouvais-je penser à une chose pareille ?! Je n'étais pas comme ça. Pourtant, mon instinct de survie prit le dessus, ma décision était déjà prise. Je sortis en vitesse de ma cachette et rattrapai la fille à grandes enjambées. Voyant que je la suivais, elle accéléra, mais j'étais plus rapide, l'adrénaline parcourait mes veines. Elle vociféra :

-Dégage !

J'aurai probablement réagi de même dans sa situation, alors je ne lui en voulus pas. Je courus avec elle jusqu'à ce que les mortes nous rattrapent suffisamment, ne lâchant pas l'allure. C'était le bon moment. Je bondis sur elle et nous roulâmes sur le sol. Elle se débattait, elle avait bien plus de force moi, si bien qu'elle attrapa un objet qui pendait à sa ceinture et je vis trop tard l'éclat dangereusement scintillant s'enfoncer dans mon épaule, lacérant mon articulation.

J'avais énormément mal. La douleur me posséda, faisant un instant lâcher ma détermination. Mais les revenantes - c'était le cas de le dire - n'étaient plus loin. Alors je fis abstraction de la douleur, enlevai d'un coup sec la dague, et la plantai dans son tee-shirt afin de la clouer au sol. Je la maintins ainsi encore quelques secondes et attendis le moment propice. Les mortes-vivantes n'étaient qu'à deux mètres. La fille avait compris mon plan et l'étincelle de colère que j'avais perçue dans son regard laissa place à de la compréhension. Elle se débattait toujours, mais sa détermination lâchait, pas la mienne.

-Désolée, dis-je simplement en sautant, d'un ton qui, je l'espérais, traduisait mon dégoût envers mon action, même s'il ne m'avait pas arrêté.

Elle n'eut pas le temps de réagir, les filles se jetèrent sur elle, je tournai alors le dos à cette scène écœurante. J'entendais les bruits de mastication, de chair maltraitée ainsi que ses gémissements de douleur, les pleurs qu'elle ne pouvait retenir, tels une prière silencieuse. Elle poussa un dernier cri déchirant, je me mordis le poing pour m'empêcher de me joindre à elle. L'explosion désormais familière résonna dans le ciel, et les zombies partirent sans demander leur reste.

L'épreuve terminée, je pris réellement conscience de ce que j'avais fait, de la personne que j'étais devenue. Je plaquai mes mains sur mon visage et me laissai choir, tout en pleurant et hurlant. Je hurlai plus fort que la pluie, plus fort que l'orage. Je hurlai pour signaler mon désespoir et exprimer ma douleur. La gorge en feu, je continuais, souhaitant utiliser la douleur pour me punir, pour ne plus sentir ces démons qui me bouffaient et faisaient de moi un monstre. Ma voix était si puissante que c'est à peine si j'entendis le quotidien :

-A demain, soufflé dans mon oreille.

On me souleva de la terre.

-Tu ne dois pas t'en vouloir, Abi. Ce n'est en aucun cas ta faute.

J'avais tué quelqu'un, pour me sauver moi. C'était de mafaute. Je ne sentais pas ma blessure à l'épaule. En revanche, de multiplesblessures avaient déjà touché mon esprit.


[ Je dédicace ce chapitre à CorentinDiKent car il lit cette nouvelle depuis le début, passez voir ses œuvres, il mérite plus de vues !

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