~ Jour 3 (partie 5) ~
C'était donc ça. Pourtant, le Temps continuait sa course. Peut-être le parcours se reformait-il derrière. Il y avait plus de filles que sur les épreuves précédentes, nous étions six au total, elles devaient avoir eu du mal sur la falaise. Toujours pas de Bethy en vue. J'espérais qu'elle avait franchi la montagne...
Même si j'étais épuisée, je ne le sentais pas, ou n'y portais guère attention. Je devais survivre. Alors je sautais de rondin en rondin, beaucoup plus facilement que la première fois, sans tomber, et réussis à devancer trois de mes concurrentes.
Le mur fut une autre paire de manche. En effet, mon esprit ne sentais pas l'épuisement, mon corps, si. Je tombai deux fois. Plus de peur que de mal.
Tic tac tic tac...
J'arrêtai de faire attention à qui je doublais et qui me doublait pour me concentrer d'avantage, même si je savais que je n'étais pas dernière. C'était une bonne chose. Je n'étais cependant pas première non plus.
Le mur franchi, j'aperçus la chevelure de Bethy secouée de gauche à droite. J'étais enfin rassurée. Moi, je ne courais plus, ou presque. Je trainais les pieds et respirais à grande peine.
J'atteignis le tunnel. Combien de temps cela faisait-il que cette épreuve durait ? Plusieurs heures, sans aucun doute. Soudain, un lointain bruit me parvint. Comme le son des cloches de l'église près de chez moi.
La cloche sonne son huitième coup et s'arrête, comme elle l'a fait pour le septième et le sixième. L'écho reste en suspens dans l'air, j'inspire profondément en même temps, forçant mes côtes broyées à se soulever. Deux heures qu'elle m'avait serrée si fort contre elle que j'en souffrais.
Le son des cloches se répercutait bruyamment, si bien que je fus obligée de me boucher les oreilles, évitant l'explosion de mes tympans. Surprise par ce vacarme, je m'étais arrêtée, sans même savoir s'il s'agissait de la fin de l'épreuve ou d'un autre obstacle. Puis plus rien. Silence total. Plus de tic tac. Plus de cloches. Finalement, un courant d'air glacé accompagna cette voix glaçante à laquelle je ne me faisais pas :
-A demain.
Je me laissai tomber sur le dos. Bordel. Je ne ressentais rien, pas une once d'émotion. Epreuve remportée ou non, j'étais déjà morte.
-Heureuse que tu sois là !
Le timbre jovial de Bethy réussi au moins à me faire sourire pour une raison : elle était en vie. Je me relevai et l'enlaçai, trop hébétée pour dire quoi que ce soit.
Je ne savais comment nous devions repartir, alors je me renseignai auprès de mon amie, qui me répondit que nous devions probablement rejoindre la falaise et nous infiltrer dans une crevasse en sens inverse. Alors c'est ce que nous fîmes. Nous nous relevâmes après en avoir traversé une. Je nous comptai. Sept. Encore six épreuves. Six jours face à la mort. Six jours pour perdre mon âme, si elle n'avait pas déjà déserté.
Ethan était là lui aussi, dans sa nonchalance habituelle, pas affecté le moins du monde par la mort d'une personne. En même temps, il était le maître du Jeu, et qui savait depuis combien de temps ? Il nous fit signe de repartir. Je quittai Bethy, j'avais besoin d'être seule.
Une fois au Camp, je pris une longue douche, et la terrible réalité me frappa aussi sèchement qu'un couteau griffant mon corps. Je me sentais sale, sale de participer à un tel Jeu, sale de culpabiliser alors que je souhaitais rester en vie, sale d'avoir souhaité la mort d'une fille. Comment pouvais-je blâmer Ethan alors qu'au fond, je n'étais pas si différente ? Pourtant, j'avais beau frotter, passer maintes et maintes fois aux mêmes endroits, rien n'y faisait. La boue était partie, pas moi.
Je me résignai à sortir, toujours aussi tendue qu'auparavant. A la sortie des sanitaires, les étoiles avaient pris place dans le ciel. On m'attendait. Je reconnus immédiatement la silhouette fine et musclée d'Ethan, j'espérai qu'il ne me retiendrait pas. Je n'avais pas la force de me battre avec lui. Evidemment, il n'en avait rien à faire et me prit par la taille, ce qui provoqua une soudaine frénésie de mon cœur et ma tension s'atténua un peu. Je ne me débattis pas, autant ne pas perdre de temps inutilement.
-Comment vas-tu ?
J'optai pour l'honnêteté :
-Mal.
Son visage s'assombrit et je crus voir son regard empli d'une certaine tristesse. Ethan ? Triste ? C'était ridicule.
-Abi, ne m'en veux pas. Je t'ai déjà dit que ce n'était pas de ma faute. Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai eu peur aujourd'hui. J'avais si peur que tu perdes.
Je ne répondis pas, les larmes perlaient au coin de mes yeux. Cet idiot lunatique m'épuisait. Il ne me connaissait pas, quel était son but avec moi ?
-Abi... les épreuves sont conçues pour faire jaillir tes pires peurs. Si tu es là, tu as forcément vécu des choses horribles. Tu... Tu veux en parler ?
Je ne l'avais jamais vu dans pareil état. Lui, si fière et sûr de lui, se montrait tout à coup gentil... Ses mots me faisaient mal, je ne voulais pas lui faire de peine, mais j'avais aussi trop peur qu'il se joue de moi.
Je plantai mon regard dans le sien. Il paraissait tellement sincère. Puis, comme s'il prenait conscience d'une chose, son regard s'illumina et il se pencha lentement vers moi. Son parfum mentholé m'envahit les narines, ses lèvres se posèrent délicatement sur mes miennes. C'était tout ce dont j'avais besoin. Je ne voulais pas parler, je voulais oublier, me perdre en lui. Mes lèvres s'entrouvrirent et l'instant d'après, sa langue pénétrait ma bouche.
Je voulais être rassurée, c'était parfait. Je posai mes mains sur son torse tandis que les siennes raffermirent leur emprise. Nos respirations devinrent plus rapides, notre baisé plus pressé, plus passionné. Nous ne faisions plus qu'un. Ses caresses le long de mon dos provoquaient en moi des vagues de frissons incontrôlables.
Je m'écartai lentement. C'était mal, il se servait de moi tout comme je me servais de lui. Mais j'en avais eu besoin. Et je devais me contenter de cela. Je me détachai à regret de lui et rejoignis ma tente. Je sentis son regard sur moi, cependant, il ne chercha pas à me rattraper. C'était mieux ainsi. Enfin, c'était ce dont je tentais de me persuader.
Une fois couchée, je touchai mes lèvres gonflée et réalisai quelque chose, qui me terrifia : Ethan m'avait embrassé.
N'était-ce pas censé êtrela récompense promise ?
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