Jour 10 (partie 3)


Pour une fois, je n'hésitai pas. Il était trop tard pour réfléchir, à quoi bon ? Portée par mes pas, je glissai vers mon ennemie de toujours. Je m'abaissai gracieusement et saisis un poignard qui effleura le sol et laissa flotter une note pour le moins mortelle. Dans ma poitrine, le chef d'orchestre voulait se faire entendre. Avait-il peur ? Était-il impatient ? La lame de mon nouvel instrument réverbérait la pâle lumière du jour.

Un bâillement sonore m'échappa, je m'ennuyais. En réalité j'étais épuisée, mais je me rassurais du mieux que je pouvais. Mon double et moi nous dévisagions comme deux inconnus. C'était affolant de découvrir que je ne me connaissais pas.

Animée par la rage et la folie, j'hurlai à plein poumons. Puis je ris, enjouée par cette nouvelle épreuve. Elle était orignale, c'était indéniable. Je courus aussi vite que je le pouvais, nous étions séparées par une vingtaine de mètres. Vingt mètres qui furent trop longs pour ma courte nuit, mes jambes ne supportèrent pas mes foulées rapides et lâchèrent. Un mur de poussière piquota mes yeux, bloqua ma gorge et épuisa mon nez. J'entendis tout de même un ricanement.

J'étais déjà couverte de sueur, mes cheveux capturaient mon visage. Je me redressai en position assise, jambes tendues devant moi. Ma sosie était pliée en quatre, cruellement heureuse de me voir dans un état si navrant. Je me remis sur pieds mécaniquement, à coups de reniflements.

- Et alors quoi ? balançai-je, bras ouverts et tête pantelante. Je suis tombée, on s'amuse ?

Je ne savais pas à quoi je jouais, mais elle reprit son sérieux.

- Tu n'as cessé de tomber toute ta vie, et tu continues, renchérit-elle. Décidément, tu accumules les échecs.

Un pas après l'autre, je la rejoignis. J'annonçai :

- Je vais te tuer.

Je jetai mon bras armé vers sa poitrine, la regardant dans les yeux. La lame coupa l'air avant de se planter... dans le vide. Elle avait esquivé avec une aisance et une grâce déconcertantes, presque au ralenti. Je tournai lentement mon regard vers elle en plissant les yeux. Elle me fit un clin d'œil.

Ethan

- Tu t'es servie de moi ?

Maëlle sourit. Pourquoi sourit-elle ? Ne voit-elle pas qu'elle vient de me briser ? Encore. Ce n'était pas assez. Mes mains entourent son visage et ma seule envie en cet instant est de l'écraser. La colère emplit mon corps et vainc ma déchirante tristesse. Ses grands yeux me regardent sans réellement me voir. J'aurais dû le remarquer avant. Cette fille est atteinte.

- Comment le cœur peut-il être si détruit que la vie des autres ne devient qu'un jeu ? demandai-je, suppliant.

Je lui ai tout confié. Pendant ces dix jours qui ont révélé une partie de moi que j'ignorais, Maëlle est devenue la seule personne capable de me comprendre, comprendre ma douleur passée, comprendre la douleur du Jeu. Elle semblait être victime tout autant que moi. Je me suis trompé. La récompense promise a été exquise. Et c'est terminé. Elle aussi, a joué. Nos regards se percutent et je comprends que j'avais raison : ses énormes yeux ont sondé mon âme plus que je ne l'imaginais.

- Quand tu pourriras dans ce Camp après plusieurs mois seulement, à voir les candidats disparaître un à un sans rien demander, tu comprendras. Et tu me pardonneras. Quand bien même tu voudras croire que ton âme est encore pure, tu ne tiendras pas longtemps. Tu choisiras ta victime, pour fuir. Tu seras prêt à tout.

- Je ne te crois pas. Tu es la plus ignoble des créatures. Je ne te pardonnerai jamais, tu m'entends ?

Sa main caresse ma joue, essuie mes larmes. Elle tente un sourire. Et part.

Plus la fin du Jeu approchait, plus mes souvenirs remontaient. C'était horrible, je pensais que ce jour là, elle était partie pour de bon. L'écorce rugueuse de l'arbre contre lequel j'étais assis me rappelait la douleur que j'avais éprouvée. J'avais été anéanti. Les épreuves avaient noirci mon âme. Et elle, me l'avait prise. Serai-je capable de faire endurer la même chose à Abi ?

- Je te pardonne Maëlle.

Abi

Ne me décourageant pas, je sautai sur elle prête à la réduire en bouillie. Au moment où mon corps allait heurter le sien, elle fit un pas sur le côté. Je me rattrapai de justesse, retenant ma chute par de petits pas. Comment faisais-elle ? Je me retournai, rencontrant ses yeux verts semblables aux miens. C'était un vert qui ne rappelait ni la nature, ni l'espoir. C'était un vert vipère, l'animal silencieux qui nous paralyse pour mieux savourer la mort.

- Je te connais mieux que quiconque, affirma-t-elle.

Elle anticipait. Comment étais-je censée la vaincre si mes mouvements n'avaient aucun secret pour elle ?

- Tu as pris des nouvelles de maman dernièrement ?

N'y tenant plus, je laissai filer le poignard dans sa direction. Elle s'assit tranquillement et il passa au-dessus d'elle. Il rejoignit le sol plus loin, affichant sombrement mon raté.

- Apparemment non. Tu es vraiment une fille indigne.

Mon sang bouillonnait, mon corps entier battait au rythme effréné de mon cœur.

- Tu as commis tant d'erreurs. Je ne pense pas que tu mérites d'exister. Papa et maman ne veulent que ton bien. Si tu ne comprends pas, qui faut-il réellement blâmer ? N'oublie pas que tu as tué Bethy. Et toutes les autres, sinon tu ne serais pas là.

Des larmes brûlantes rongèrent mon visage.

- Tu penses sincèrement qu'Ethan veut de toi malgré tout cela ?

- Tu n'es pas moi putain ! clamai-je aussi fort que possible.

Les yeux fermés vers le ciel, je repris le contrôle de moi-même. Plus rien autour n'avait d'importance, la respiration du vent, l'air fétide, pas même les pas qui se rapprochaient. Ce qu'elle disait était faux. Elle n'était pas réel. Le vide me combla.

- Si c'est le cas, alors tue-moi.

Ses paroles murmurées amèrement dans mon oreille résonnèrent mille fois avant d'atteindre mon cerveau. "Fais-le" ordonnaient les palpitations de mon cœur.

De mon coude, j'entourai son cou sèchement. Cette fois, elle ne se défendit pas. C'était étrange. J'étais derrière elle, son dos reposait contre ma poitrine. Ma tête par-dessus son épaule, je fixais le vide de mes yeux asséchés de leur humanité. Je compressai son cou fermement, le cerveau ailleurs. Elle gesticulait et laissait échapper des gémissements plaintifs. L'animal désespérait. Les mouvements de sa gorge contre la peau de mon coude me faisaient frémir. Je sentais ses os. Ça bougeait, ça geignait, ça cherchait.

Plus loin, les armes par terre m'appelaient. La hache semblait plus cruelle que les autres. Elles étaient là pour m'aider, pourquoi m'épuisais-je ? Je n'aurais pas eu à supporter ce corps lourd entre mes bras.

J'agrippai le tee-shirt de mon adversaire et la balançai violemment sur le côté. Elle tomba et balaya la poussière autour d'elle, la poussière de sa gorge probablement en feu. Elle toussait et riait en même temps. Avant qu'elle ne m'agressât de nouveau à coup de remarques savamment choisies, je décollai du sol pour m'envoler vers le ballet tranchant.

La distance était courte et paraissait pourtant inatteignable. Comme la victoire. Une, deux ; une, deux. J'embrassai le sol, saisis la hache et me relevai, des cailloux plein les genoux. Des tâches de sang peignaient mes articulations. J'avais chaud et dans mes bras osseux, la hache semblait peser trois fois son poids.

Dans mon esprit, un rien de tout s'entremêla. Très vite, je dus affronter le regard hagard de ma mère, celui répugné de mon père, mort de Bethy, hypocrite d'Ambre, bouleversé d'Ethan. Et si tous ces regards ne devenaient qu'un : le mien ? Je ne voulais pas, je ne voulais plus. En fait, j'avais peur de la victoire. J'avais peur d'Ethan aussi. Et si tout cela était vain ? J'avais peur de demeurer dans l'angoisse du Camp à tout jamais.

Je m'arrêtai. Mon autre moi n'était qu'à quelques pas, là par-terre, offerte, comme prête à être sacrifiée au roi Soleil. La hache frappa la terre. J'avais renoncé. Un dernier sourire egaya son visage. Un sourire d'adieu.

Et des larmes noircirent ma vision.

[ ME TUEZ PAS !

Hihihi salut salut, heureuse de vous retrouver :) oui je sais, une seule question tourne dans vos petites caboches :

- C'est fini ???

AH AH ! Peut-être que oui. Peut-être que non.

Bon j'avoue, non, ce n'est pas fini, laissez le livre dans votre bibliothèque !! La partie 4 va arriver. Mais sera-t-elle du pdv d'Abi ? Est-elle morte ? Waa j'aime trop je contrôle la situation !

Bon.

Votre avis concernant le chapitre en général ?

Le flash back d'Ethan ?

Le combat de notre héroïne ?

Vos espérances pour la suite ? 😏

Voili voilou, je n'en dis pas plus ! À très vite, bisous !

Insta : z_ecris ]

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