Sang traces (partie 1)

       A ceux qui ont lu le Chant des ronces de Leigh Bardugo, vous serez peut-être tentés de dire que je me suis un peu inspiré de la Sorcière de Duva pour cette histoire (je dis ça car on me l'a dit), sachez juste que c'est faux! Il peut y avoir quelques petites ressemblances mais ce n'est que coïncidence, en tout cas,

Bonne lecture!!!

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résumé : (pour les concours) : Dans ce village, les jeunes filles disparaissent. Liraï le sait, elle sera la prochaine. C'est ce qu'elle se dit jusqu'à ce que le coupable soit enfin arrêté. Du moins, c'est ce qu'elle pensait, car lorsqu'un inconnu qui semble la beaucoup la connaitre arrive au village et qu'une ancienne légende terrifiante refait surface, Liraï n'a plus le choix. Elle va devoir découvrir la vérité, bien plus sombre et bien plus proche d'elle qu'elle en a l'air.

EquipeCDN

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       Liraï vivait dans un de ces villages perdus, sans nom. Là où se rencontrent petites vies et grands rêves. Là où les gens se sentent à l'étroit, mais vivent avec. A des lieues de là se tenait la capitale, véritable phare de ces montagnes. Quand les charrettes arrivaient garnies de marchandises, on sentait encore la fièvre du voyage, on découvrait le privilège de voir la vie après des jours de traversée dans la solitude des éléments.

Comme dans chaque village perdu, on vivait sans prétention, dans l'attente d'un miracle, d'un tournant.

Comme dans chaque village perdu, les légendes couraient. Les chants des esprits hantaient les rues les nuits macabres où on les racontait.

         Le soir, devant le feu, les mères pressaient leurs enfants contre leur ventre, leur contaient des histoires de trahison, d'amour et de magie. On vibrait ainsi, au rythme des pas du Loup Blanc, avalé par la rivière carnivore de Sagva. Et lorsque la Lune disparaissait comme on souffle sur une bougie, certains disaient entendre les pleurs d'Aev, la femme à l'esprit écartelé. Mais dans ce village, la peur et l'angoisse dominaient la nuit.

Car il se trouvait sur la route des démons.

        La première fois, c'était lors d'une longue nuit d'orage, une jeune fille du village disparut mystérieusement. Il s'agissait alors de la plus belle fille du village, ses cheveux pareils à des flammes dansaient au soleil tandis que sa grâce exceptionnelle et son visage fin faisaient tomber les hommes comme des mouches. Aimée de tous, son corps demeura disparu, et du sang s'écoula de la fontaine commune. Le mois suivant, ce fut le tour d'Umela. Celle-ci, la plus belle alors du village, disparut à son tour. Ne laissant de trace autre que du sang dans la fontaine. Chaque première nuit du mois, la plus belle jeune fille du village disparaissait, et du sang remplaçait l'eau dans la fontaine. Au fil des ans, on se fit à ce sacrifice, les mères pleuraient, priant les Saints pour que leur fille ne soit pas la plus belle.

Car à quoi bon être belle, si c'est pour en mourir ?

On disait le village hanté, maudit, on tenta de le guérir, mais rien n'y faisait.

- Ce sera moi, la prochaine, disait Karime, je suis sûre que les filles ne meurent pas, elles sont emmenées dans un endroit où leur beauté est acclamée!

- Et le sang ? répliquaient les autres, tu crois qu'il vient d'où ?

Ce qui suffit à effrayer Karime, laquelle se recouvrit de cendre pour masquer son visage angélique. La nuit suivante, elle avait disparu, et du sang s'écoulait de la fontaine. Liraï vivait seule avec son père, c'était le genre de fille à rester assise lors des fêtes, à se faire discrète, attirant ainsi l'intérêt de tous les hommes comme un aimant. Sans prétention, elle ne se disait pas plus belle, mais son destin prouva le contraire. En effet, ses cheveux aux reflets de soleil et ses yeux de ciel la rendait pareil à un ange tombé des cieux. Havel, un homme étrange et silencieux, la suivait partout tel un prédateur, ce qui ne mit pas longtemps à inquiéter la jeune fille. Il se tenait devant elle, à l'abri de tous les regards, dans l'ombre. Son visage affichait un sourire en coin, tandis que ses yeux se perdaient dans ses cheveux auburns. Tremblant, il fermait et ouvrait continuellement sa main, comme si des soubresauts l'agitaient.

- Tu es belle, dit-il en tournant une mèche de cheveux de la jeune fille.

- Et alors ? répondit Liraï avec un haussement d'épaule, je vais mourir.

- Tu es belle, répéta-t-il alors comme pour lui-même, si belle.

Anxieuse, Liraï s'enquit de retourner chez elle, mais dans son dos, Havel répétait encore et encore son dialecte. Sa voix portée par le vent suivi la jeune femme jusqu'à chez elle. Là, elle claqua la porte, étouffant le chant macabre de Havel et tourna le dos au monde extérieur.

         Son père l'attendait devant la cheminée, dans l'âtre, de grandes flammes rouges dansaient et illuminaient la pièce. Cet homme, grand et puissant, avait été mortifié de la beauté de sa fille, déjà fissuré par la mort de sa femme, Liraï craignait que sa disparition ne le brise complètement. Elle détestait penser qu'il se briserait après sa mort. La santé mentale de son père lui importait plus que sa propre mort. Après tout, elle n'avait plus que lui, et chaque jour, cet homme autrefois fort et courageux devenait un peu plus fade et terne.

- Liraï ? appela son père sans se détourner des flammes, tu es rentrée ?

- Oui, je suis là.

- Viens me voir.

Ses pas résonnant dans la grande pièce comme un tintement d'horloge, elle obéit, s'assit près de son père devant les flammes. La chaleur lui caressa la peau.

- Dans trois jours, ce sera le premier du mois, tu le sais ? commença son père, hypnotisé par le feu.

- Oui et... Havel est... étrange avec moi en ce moment. confia-t-elle sans répondre à sa question, les yeux baissés.

- Tu penses qu'il est la cause de tout ça ?

- Je ne sais pas, peut-être.

- Alors il faut le tuer.

Liraï crut d'abord avoir mal entendu, mais son père avait dit ces mots dans un calme infini, effrayant et terriblement sérieux. Ses paroles lui glacèrent le sang.

- Quoi ? s'enquit-elle, refusant de croire son père capable de tels propos.

Il ne le pense pas vraiment.

Malgré tout, elle se doutait qu'il serait prêt à tout pour l'empêcher de mourir, consumé par sa douleur, il avait peu à peu perdu la raison. Tuer quelqu'un d'autre que sa fille ne lui faisait ni chaud ni froid, il ne distinguait plus le bien du mal.

- Il faut le tuer, si c'est lui qui fait disparaître ces filles depuis le début, il faut le tuer. N'a-t-il pas causé assez de morts comme ça ?

- Mais, ce n'est peut-être pas lui... je... il ne faut... Il a un frère, Mecki.

Un garçon charmant et charismatique, Liraï ne voulait pas le voir pleurer, son frère était certes étrange mais Mecki ne méritait pas une telle douleur.

- Je sais. dit son père.

- Alors...

Elle s'interrompit lorsque son père posa une main apaisante sur son épaule, ses yeux enfin décrochés du feu, il sourit. D'un sourire teinté de peine et de tristesse, il exprimait son amour par des mots, des gestes qui n'avaient pas sauvé sa femme. Il pleurait chaque nuit d'amour et de remords, pour serrer sa fille si aimée dans ses bras chaleureux.

- Je ne veux pas te perdre, Liraï, pas après ta mère.

Elle ne trouva rien à répondre, son père, de toute façon, ne tuerait pas Havel, ce n'était que des paroles en l'air, dues à son manque de discernement.

- Je sais, papa.

Puis, comme pour se convaincre de ses propres paroles, elle murmura,

- Je sais.

                                                                                                ***

        Le lendemain matin, le village fut réveillé par des hurlements d'horreur, s'ensuivirent des gémissements pour laisser finalement place au silence. Tout le monde, y compris Liraï, se précipita vers le centre du village, là où se trouvait la fontaine. Un mauvais pressentiment saisit la jeune fille. Pourtant, ce qu'elle vit aurait dû être une bonne nouvelle, alors pourquoi ressentait-elle cet affreux sentiment de douleur ? Ce doute atroce, qui lui serrait les entrailles. La vision à laquelle elle fut confrontée lui arracha un cri rauque. Dans une mare de sang, seul dans le froid et agonisant, gisait le frère de Mecki, Havel, sous le regard inquisiteur d'Iphila. La femme, vieille et édentée, tenait un couteau ensanglanté tout en contemplant son œuvre comme un artiste sa peinture. Sauf que le sang servait de peinture et le couteau de pinceau. Qui aurait cru qu'une vieille femme comme Iphila puisse être aussi sanguinaire ?

- C'était lui ! hurla-t-elle en brandissant son arme, lui qui enlevait nos filles, j'ai retrouvé des bocaux de sang et des objets des filles mortes dans sa cave, ainsi que ceci !

Un sourire de dégoût se dessina sur ses lèvres, elle leva un bout de papier, puis le reporta devant ses yeux pour commencer une lecture pleine de haine et de rancœur.

- Il y a ici la liste des plus belles filles du village, toutes celles qui ont disparu ont eu leur nom barré, Daisy, Umela, Neia, Lorys, Foeza, Nygy, Cherlaye, je vous passe les anciennes, il y a aussi Karime, Georgia, Nala, Liraï !! La seule qui n'a pas son nom barré ! Il n'a pas encore trouvé les autres, ce salaud !

À ses mots, elle émit un son entre un grognement et un cri, avant de rouer de coups de couteau le corps de Havel, qui n'avait même plus la force de crier. Il fallut que son mari, vienne la tirer de sa rage pour qu'elle s'éloigne du corps, griffant comme un chat sauvage.

- Tu as tué ma fille ! continuait-elle de hurler, bien que Havel soit déjà mort, tu n'auras jamais droit au repos éternel, on ne priera pas pour toi ! Que ta famille soit maudite !

Ses cris se perdirent dans la foule, les furieux se pressaient pour couvrir de honte et d'injures le corps de Havel, d'autres pleuraient ou vomissaient à la vue du sang. Le village tout entier arrachait des membres au corps, écrasait ses organes, ce fut un massacre aveugle.

             Mecki, lui, se tenait à l'écart, le visage dans les mains, comme un enfant blessé, abandonné. Lorsqu'il retira ses mains, Liraï vit que ses yeux brillaient, fixant le vide, il semblait rendre son dernier hommage à son défunt frère. Dans son air renfermé, la jeune fille perçut autre chose que de la peine, de la gratitude, plus légère qu'une brise d'été mais bien réelle.

             La jeune femme s'approcha de lui lentement, elle s'attendait à ce qu'il se tourne vers elle, mais au lieu de ça, il resta figé dans sa contemplation du vide. Elle lui saisit affectueusement l'épaule. Il ne bougea pas. Sa peau était si gelée qu'elle crut un instant qu'il était mort. Hésitante, elle demanda :

- Mecki, ça va ?

- A ton avis ? répondit-il froidement sans même lui accorder un regard.

- Je... suis désolée, annonça-t-elle en baissant honteusement les yeux. Je sais que c'était ton frère, que sa mort te...

- Il méritait de mourir.

- Quoi ?

- Après tous ses crimes, j'aurais réagi de la même manière qu'Iphila, mais le pire, c'est de prendre conscience que son propre frère commettait des crimes terribles sans te mettre au courant. Le pire, c'est de voir le déshonneur et la trahison te serrer jusqu'à t'étouffer.

Liraï ne sut pas quoi répondre, elle se contenta d'acquiescer d'un hochement de tête. Enfin, Mecki se tourna vers elle. Des larmes serpentaient sur ses joues de bronze et dans ses yeux brûlait une flamme de renaissance. Sa force l'élevait plus haut. Mais à ce moment, malgré tout son courage pour affronter cette épreuve, il ressemblait à un petit garçon seul, laissé comme on abandonne un objet brisé.

- Malgré tout ça je l'aime toujours, continua-t-il avec un sourire sans joie, il est mon frère, mon sang, ma famille, et je l'aime.

Après quoi, sa voix se brisa, il se tourna et s'enfuit. Liraï se lamentait pour lui, lorsque sa chair se retourne contre soi, la douleur n'est que plus grande. Un grand vide s'installa dans le village, les habitants semblaient des âmes perdues, ils hantaient le village au lieu de le peupler. Le père de Liraï, rebattit, ne se laissait plus abattre par la douleur, son regard devenait plus brillant chaque jour et sa fille le sentait plus fort, plus apte à accepter la vie. Laraï se réjouissait de cette résurrection.

           Havel ne fut pas enterré, on jeta son corps dans une rivière et il n'y eut ni prière ni cérémonie. Quelques jours après, la première nuit du mois arriva. Aucune fille ne disparut. Iphila n'avait pas menti, dans la cave de Havel, des bocaux, des membres amputés et du sang prenaient la poussière. On enterra les restes de ces jeunes filles victimes de leur beauté, et on brûla la maison d'Havel, laissant la cendre s'envoler vers le ciel, là où les âmes se retrouvent.

La vie reprit son cours, et Mecki reprenait chaque jour un peu plus de vie. Une jeune fille, Amera, dépassa finalement Liraï en beauté, mais celle-ci n'y vit que de la chance.

Car quelque mois plus tard, la terreur saisit de nouveau le village, si bien que chacun se méfiait de tout, y compris de sa propre ombre.

Un soir d'été, et pas la première nuit du mois, Amera disparut, et du sang s'écoula dans la fontaine.

Le vrai coupable courait encore, et il réclamait du sang.

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