Face à face


Un rêve.

Tout cela ne pouvait être qu'un rêve.

Pourtant, peut-on sentir la morsure brulante du sable lorsque l'on dort ?

Peut-on se bruler les yeux au soleil rouge qui incendie l'horizon ?

Je ne crois pas.

C'était donc bien réel.

Mais reprenons du début.

        Je me tenais au milieu d'un désert de sable bleu, chaque grain perforant ma peau d'une pointe brulante. Le soleil brillait dans le ciel bleu saphir qui rejoignait la terre dans une ligne pourpre. 

 Où me trouvais –je ? 

Comment étais-je arrivée là?

         Impossible de le savoir, je n'avais pas le temps d'y réfléchir. Tout ce dont je me rappelais, c'est que je m'étais endormi, un soir de fête, pour me réveiller ici. J'avais bien sur eu peur, très peur. J'ai tenté de me réveiller, de me persuader que cela n'était qu'un rêve. Un immense chagrin m'accablait. Mais ni ma famille, ni mes amis ne persistaient dans ma mémoire, tout m'avait été arraché, jusqu'à mes souvenirs. Je ne pouvais pas vraiment m'en plaindre, car cela rendait le voyage moins douloureux. 

Mais à quoi bon ignorer la réalité? 

       Alors j'avançais. La peur ne pouvait me prendre, ou c'était la mort. La seule chose à faire était d'avancer, toujours avancer, sans s'arrêter. Seule cette ligne me permettait de distinguer ciel et terre, de ne pas devenir folle. Le désert saphir s'étendait à perte de vue, s'allongeant au fil de ma marche. Mes jambes, deux os calcinés avançaient machinalement dans le sable, me trainant un peu plus dans une terre aussi inconnue qu'effrayante. Je ne sentais même plus ma sueur. La chaleur me rongeait de l'intérieur, faisant de moi une errante plus morte que vivante, étouffée par l'ardeur d'un soleil d'or. Même le vent se taisait, parfois, un grain de sable s'élevait et me perforait la peau. Là ; je n'avais plus que mes cris et mes larmes pour me maintenir debout.

 Où je me dirigeais ? 

        Je l'ignorais, j'avançais à l'aveugle, comme un enfant, dans l'espoir de trouver quelque chose, n'importe quoi, pour régénérer ma force. 

Car ne dit-on pas que l'espoir fait vivre ? 

        Je marchais ainsi, ignorant les cycles de nuit et de jour, ignorant ma destination, avec pour seul but de survivre. Ce fut ce jour brulant, pareil aux autres que je découvris cette cabane. Petit phare dans la chaleur, oasis dans la désert, elle attendait que quelqu'un la trouve. En l'occurrence, moi, je n'attendais qu'elle. Tout mes espoirs se ranimèrent à sa vue miraculeuse. Etonnement, le bois tenait la chaleur et ne tombait pas en cendre. 

            N'écoutant que mon instinct, je poussai la porte qui s'ouvrit dans un grincement. A l'intérieur, un fauteuil éventré m'accueillit, ainsi que quelques armoires et un lit calciné. Etrange que tout cela ne soit pas détruit. Une cabane en bois abandonnée depuis visiblement un certain temps n'aurait pas fait long feu dans un désert comme celui-ci. 

D'ailleurs, que faisait-elle ici ? 

Où étaient passés ses occupants ? 

            Tout cela ne faisait que m'inquiéter d'avantage, à contrecœur, je me forçai à visiter cette étrange demeure plus profondément. Après une inspiration, je m'avançai, terrifiée. Soudain, alors que j'allai faire un premier pas, un coup retentit vers le centre de la cabane, puis un deuxième, et un troisième. Je me figeai, n'osant bouger, figée par l'appréhension et la peur. Le temps suspendu à un fil, les coups rythmaient les secondes. Une seule pensée me vint à l'esprit.

Il y avait quelqu'un avec moi.

             Tremblante, je m'aventurai à l'intérieur, les coups retentirent plus intensément, le sol vibrait. Les cendres se soulevèrent soudain en un nuage noirâtre de poussière qui envahit tout l'espace. Réprimant un cri de surprise, je me protégeai de mes bras, les yeux clos, un gout amer dans la bouche, les entrailles serrées. Un mauvais pressentiment rongea mon cœur, celui-ci s'affola, s'accrocha, se noua jusqu'à en devenir douloureux. Dans mes narines s'insinuait la poussière, un mélange sinistre de cendre, de fragments d'os et de bois incinéré. 

             Lorsque la poussière fut retombée, je levai les yeux, les coups avaient cessés. Une silhouette se découpa dans l'air, imposante, masculine et raide. Intriguée, je retirai mes bras de mon visage et m'approchai, un serpent froid dans le dos. Un homme se tenait désormais au centre de la pièce. Un masque de lapin au sourire glaçant sur le visage, une tunique blanche tachée de ce qui paraissait être du sang séché, des mains crispées, des cheveux bruns emmêlés, un couteau à la main. En le voyant, je me figeai, incapable du moindre geste. Il me fixait de ses yeux noirs, comme pour me dévorer. Moi, aussi pétrifiée qu'une statue  de cristal, ne pensais qu'à une seule chose.

Je le connais.

Je savais que j'avais déjà vu cet homme quelque part, mais où ? 

               Impossible de le savoir. Les yeux dans les yeux, tremblante comme une feuille, la terreur à l'état pur brulait dans mon cœur, inondée par la panique, mais incapable de bouger. Des larmes serpentaient le long de mes yeux exorbités, plaquée contre le mur, je mourrais d'envie de hurler. Mes mains rougies convulsées de spasmes nerveux. Soudain, j'aperçus un mouvement à ses pieds, mon sang se figea, c'était une femme. Une femme à moitié dévorée, la chair pendait sur ses os, le sang séché formait des croutes immondes sur sa peau pale. Gémissante, à bout de force, elle me jeta un regard gris de pitié, puis son regard s'éteignit comme une étoile morte. Je posai un regard terrifié sur l'inconnu, il n'y avait aucun doute, c'est lui qui avait fait subir une tel souffrance à cette femme, il l'avait dévoré.

Un cannibale.

            Prise de terreur, recouvrant soudainement la capacité de mouvement, je m'enfuis en courant vers la porte, hurlant, me maudissant intérieurement. Jurant, trébuchants je m'élançai, ignorant mes jambes en coton. Seul m'enfuir d'ici m'importait. Un claquement retentit. Il était juste derrière moi.

            Soudain, ma vision se brouilla, mes forces me quittèrent, je me retournai. Il se tenait derrière moi, son masque gisait dans le sable. Son visage, fin et pale me fixait avec un air dur et incinérateur. Des traits angéliques et presque féminins, des yeux pétillants d'une folie meurtrière. Ses lèvres roses recouvertes de sang, sa peau de porcelaine contrastait avec le liquide écarlate. Du sang sur la neige. 

          Je le reconnus enfin, c'était l'incarnation de mes pires peurs, le cannibalisme, les lames, la beauté, l'amour, les masques d'horreur, je l'avais vu en rêve, il me suivait partout où j'allais. M'inspirant la peur, il arpentait mes cauchemars et maudissait mes songes. 

Il était ma peur personnifiée. 

Je restait recroquevillée sur le sable, pleurant toutes les larmes de mon corps, écrasée par une terreur démesurée, rongeant ma raison tel un parasite.

          Soudain, alors qu'il abattait son couteau sur ma chair, je me réveillait en sursaut. Ma chambre, plongée dans l'obscurité, m'accueillait à bras ouvert. Mon cœur ralentit péniblement, je gardais toujours ce gout âcre et ferreux du sang dans la bouche. Respirant par saccades, mes yeux affolés arpentant chaque recoins de ma chambre, je tentai de revenir à la raison. Les souvenirs affluaient à nouveaux, ma vie revint en ma mémoire. 

         Lorsque la tension fut calmée, je poussai un soupir de soulagement, tout cela n'était qu'un rêve! Mes peurs personnifiées, cet enfer bleu, j'avais rêvé tout cela! Je passai ma main dans mes cheveux, des grains me frottèrent la main. 

Des grains de sables?

J'allumai la lumière, et jetai un coup d'œil au lit, des grains de sables roulaient sur le matelas. 

 Le souvenir d'une sortie à la plage la veille me revint en mémoire, m'arrachant un soupir de soulagement.

Rassurée mais un gout amer dans la bouche, je décidai de sortir me changer les idées.

Mais, alors que je me levais, un autre souvenir me revint, celui d'une douche juste avant d'aller au lit. 

Un mauvais pressentiment prit ma gorge. 

Sûrement la fatigue! 

J'écartai la couverture pour sortir me remettre les idées en places, je ne parvenais pas à rester tranquille.

Mais mes jambes émergèrent de mon lits, recouvertes de croutes de sang et de brulures.

Fin

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 tarte_au_citron 

 

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