Etoile du soir (partie2)
A la fenêtre, la ville l'appelait. Quelque chose l'attendait, et elle serait là pour le trouver. Quoi que cela puisse être. Elle irait le retrouver.
Avec les couvertures, Lysa noua une corde, elle l'attacha à une latte qu'elle cala derrière la fenêtre avant de se hisser par la fenêtre et de fuguer. Du moins, de partir. L'oiseau quitte son nid, il était temps qu'elle s'envole à son tour. Le cocon douillet de l'orphelinat laissait place au vaste monde. Mais sa descente eu vite fait de dégénérer. Ses mains tremblaient et glissaient de transpirations, le vent lui fouettait le visage. Contre la brique froide du bâtiment, elle se balançait au bout de sa corde de fortune, espérant ne pas tomber. Le sol se rapprochait, la neige battait contre son crâne. La panique la submergea, vague révélatrice, elle déciderait de son sort. Le stress l'emprisonna, manqua de la faire lâcher prise à plusieurs reprises. Les dents serrées, le souffle court, tremblante comme une feuille, elle se balançait dans une pendule de mort au rythme du vent. Horloge mortelle dans un jeu d'équilibre.
4 mètres
3 mètres
Ne pas tomber
2 mètres
Les tissus glissaient, commençaient à se déchirer.
1 mètre.
Enfin, elle posa les pieds sur terre. Lysa laissa échapper un soupir de soulagement, l'adrénaline avait vibré, mais elle s'en été sorti. Le monde lui appartenait, elle ne se retourna pas. Après quelques profondes inspirations, son cœur ralentit, le nœud se desserra. Libérant sa vie et son courage, libérant son esprit de peur écrasante. Lui restait l'appréhension. Elle reprit sa route vers la ville, le cœur serré.
La ville se dressait comme une forêt de bâtisses de briques. L'odeur de sucre flottait dans l'air et des rires jaillissaient. À l'intérieur, les fenêtres de verre liquide laissaient apparaître des silhouettes d'enfants dansants. Peu de voitures arpentaient la route, les gens restaient chez eux avec leur famille, profitant des bonheurs de fête.
Des vitrines colorées défilèrent devant elle, se présentaient des objets et des jouets insolites sous les lumières colorées. Le ciel coulait sur les pavés, baignait la ville de son humidité. La neige recouvrait d'une couverture de cristal la ville en éveil. Des guirlandes de Noël pendaient entre les bâtiments. Lysa déambulait dur le trottoir, la neige lui caressant les cheveux. Des étoiles dans les prunelles, un sourire admiratif sur ses lèvres, elle s'émerveillait de la magie de ces rues. Le monde lui parut bien différent que celui de sa fenêtre, il était plus vaste, plus complexe, plus enchanteur. Elle avait l'impression d'avoir des milliers de choses à découvrir, sa peur s'était atténuée. Mais elle n'était pas sortie pour rien. Elle devait trouver la raison pour laquelle Nadya avait tant insisté.
Mais par où commencer ?
Où aller ?
Que faire ?
Comment se repérer?
Comment rentrer?
Que chercher?
Elle était sortie sans même prendre la peine de savoir quoi faire. Les larmes recommencèrent à monter, ses yeux se fermèrent. À quoi bon sortir si c'est pour être seule ? Son enthousiasme tomba de haut, elle se sentait à nouveau perdue, séparait de sa vie, amputée d'un membre. Sa peur la renferma dans sa cage mortelle, le monde lui parut soudain moins brillant, moins beau, elle ne s'y sentait pas à sa place.
Les mains dans les poches de son manteau rouge miteux, elle traînait dans les rues, sans même savoir où elle allait. Les pensées envahissaient son esprit. Soudain, une voiture passa à une allure fulgurante près du trottoir et Lysa sursauta brutalement. Une autre la suivit, envoyant une gerbe d'éclaboussure à la jeune fille. Son cœur fit un bond, tout s'entremêla. Brusquement, elle trébucha sur du verglas et malgré ses tentatives de se rattraper, elle bascula au milieu de la chaussée, terrifiée. Les monstres d'acier laissaient échapper des hurlements.
La jeune fille, paniquée, tenta de se relever, des voitures arrivaient au loin, klaxonnaient sur elle. Le bruit lui perça les tympans. La vitesse la dépassait, elle ne suivait plus les voitures des yeux. La neige lui fouettait le visage. La vue brouillée par les larmes et le froid, elle tituba sur la route. Des véhicules la frôlèrent, impossible de savoir où aller, tout se mélangeait. Le monde tournait autour d'elle, à toute vitesse et de plus en plus vite.
Stop !
Elle laissa échapper un cri. Un cri perçant d'un enfant perdu. Elle plaqua ses mains contre ses oreilles pour couvrir son propre cri, celui des voitures et des piétons. Laissez – moi !! Les passants criaient, l'appelaient, on sentait leur peur dans les voix tremblantes. Ses sens s'entrechoquèrent, la glace se brisa. Son cœur battait à tout rompre, une douleur lui tiraillait les entrailles. Brulant ses forces, la consumant peu à peu, une fatigue la saisi, un besoins insatiable de dormir, de tout faire disparaitre. D'un claquement de doigt, elle le voulais, le devais, tout perdait son sens.
Stop !
Les larmes affluaient et débordaient, elle se laissa tomber. Une foule l'entoura, l'emprisonna dans ses yeux braqués sur elle.
Laissez-moi !
Elle pleura, se laissa emporter.
Laissez-moi.
Le monde ralentit, se referma lentement, et avec lui les paupières de Lysa. Tout revint à l'obscurité.
Stop...
Rien que le silence, l'obscurité et le vide l'entourait. Elle se sentait en paix. Enfin un monde sans cauchemar, sans peur, sans monstres de fer. Rien, c'était le mot parfait.
Rien
Rien qu'un vide hypnotique, séduisant.
Rien qu'une paix dans un onde dépourvu de tout.
Rien
Soudain, l'obscurité se déchira tel une feuille de papier. Une étoile se dessina dans un craquement coupé par l'acoustique. Des mains sortirent du mur de nuit et saisirent ses bras et ses pieds, entraves, menottes lui coupant le sang. L'appréhension lui grignota la chair, la rongea de l'intérieur comme un parasite. Mais elle ne pouvait pas crier, ni même ouvrir sa bouche, un fil invisible liait ses lèvres, nouaient sa chair. Le visage de Nadya se dessina dans le noir, ses yeux perçants de hiboux la fixaient et sa bouche formait un rictus aux dents pointues..
- Alors, tu l'as trouvé ? Brailla-t-elle, Lysa ne put répondre, grignotée par la peur.
Elle se débattit, tentai d'arracher les mains, de simples couinement misérable s'échappaient de sa gorge. Ses yeux, également, refusaient de se fermer. Les mains ne bougèrent pas d'un centimètre.
- Tu l'as trouvé ?? Répéta la vieille, encore et encore en boucle, des images de voitures et de foule tourbillonnaient dans. Sa voix formait des serpents qui se faufilèrent dans les oreilles de Lysa, mais impossible de bouger. Soudain, Nadya ouvrit une bouche béante. Celle-ci s'allongea, s'allongea comme celle d'un spectre jusqu'à atteindre la taille de Lysa.
- Tu ne l'as pas trouvé ? Prononça Nadya sans remuer les lèvres, alors tu ne sers à rien !!
À ses mots, elle engloutit Lysa dans sa bouche gigantesque.
La jeune fille se réveilla en sursaut. Ses yeux s'ouvrirent sur une pièce éclairée et parfaitement réelle. Elle rasa du regard la salle, son cœur restait accroché dans sa poitrine. Des gouttes de sueur, perlaient sur son front. Les yeux ronds, elle détermina l'endroit où elle se tenait. Une couverture rose lui pendait aux épaules. Un matelas moelleux la retenait. Sa tête, quant à elle, reposait sur un coussin violet. Elle ne trouva aucunes traces de Nadya, de mains ou même de voitures. La vue d'un endroit intérieur et chaleureux la rendait plus confiante, plus familiarisée, chassait ses démons, la relevait.
Avait-elle rêvé de sa chute ?
Au coin de la salle trônait un sapin verdoyant, recouvert de guirlandes luisantes, il se tenait droit comme un roi et rayonnait dans toute la maison. Régnant sur l'esprit festif. Lysa se trouvait dans un salon de petite taille, une table en bois laissait reposait des couverts et un feu brûlait devant un canapé, les flammes tournoyaient dans leurs robes d'enfer, des danseuses avides de puissance dans leur danse macabres mais magistrale. Les murs beiges s'écaillaient par plaques jaunâtres. Un odeur de chocolat voletait dans l'air, réconfort flottant agitant ses ailes parfumée pour éclairer les visages.
Une femme entra dans la salle avec une démarche dansante, elle sifflotait un air de Noël, cet air qui réunis les ennemis et fait bâtir des armées en retraite. Lorsqu'elle aperçut Lysa, elle poussa une exclamation de surprise et se précipita à son chevet, prenant sa main dans une douceur inégalée. Des cheveux bruns bouclés tombaient jusqu'à ses épaules et des yeux marrons en amande sublimaient son regard. Sa peau de cuivre rayonnait à la lueur des flammes et un sourire maternel se peignait sur ses lèvres pulpeuses. Elle avait l'air d'avoir 20 ans.
- Bonjour ! Déclara-t-elle d'une voix douce, je m'appelle Akhela, et toi ?
- Je... M'appelle Lysa, celle-ci, les images de son horribles rêves gravées dans sa tête, tentait de reconstruire le vrai de faux.
- Heureuse de te rencontrer !
- C'est quoi cet endroit ?
- Tu as eu un...Accident, poursuivit Akhela en passa sa main dans les cheveux dorés de Lysa. On a préféré t'emmener ici avant d'appeler les urgences. On a dit que tu étais notre fille pour éviter les soupçons. Ici, c'est chez nous. Mon mari est parti travailler, moi, je suis vétérinaire, mais c'est mon jour de congé. Lui, il travaille dans les magasins.
- Quoi ? Elle ne comprenait plus rien, qu'est-ce que les magasins venaient faire là-dedans ?
- Désolée, c'est encore un peu confus tout ça pour toi. Tu as trébuché sur la route et tu as fait une crise d'angoisse, du moins, ça y ressemblait. Avec des malaises et tout ça tu aurais pu mourir!
Elle ne répondit pas, sa tête la démangeait. Elle se releva tant bien que mal et offrit un embryon de sourire à Akhela. Celle-ci prit un air espiègle et lui demanda :
- Qui sont tes parents ? Ils doivent s'inquiéter, non ? Tu étais toute seule alors on ne voulait pas te laisser, mais il ne faudrait pas qu'ils nous accusent.
- Je suis orpheline...
- Quoi ? Oh, ma pauvre, je suis sincèrement désolée...
- Ce n'est rien...
- Je vais appeler l'orphelinat.
- NON !! Surtout pas !! Si l'orphelinat la ramenait, elle ne pourrait plus partir. Akhela eu l'air intrigué.
- Et pourquoi ? Interrogea-t-elle.
- Je dois trouver quelque chose, annonça machinalement Lysa en fixant le sol. C'est très important.
- Ah oui ? Et quoi donc.
Lysa releva la tête, sa lèvre tremblait et des larmes recommençaient à couler.
- Je ne sais pas ! J'ai perdu mon refuge et mon étoile !
- Ton étoile ?? Akhela plissa les yeux.
- L'étoile du soir.
- Ah !! Tu veux parler de l'étoile du Berger ? Celle qui pointe le nord ? On dit qu'elle a guidé des voyageurs dans le désert, est ce qu'elle te guidait toi aussi ?
- Pardon ?
Akhela ne paraissait pas du tout surprise, elle avait annoncé cela comme une nouvelle banale. Ses yeux pétillaient de vie, mais le plus réjouissant chez elle, s'était son âme d'enfant. Elle mena Lysa jusqu'à son canapé et fixa les flammes dansantes. Lysa, hypnotisée par ses danseuses flamboyantes, se laissa transporter par le récit d'Akhela. Celle-ci, la mine grave et les yeux mi-clos, s'assit à côté d'elle.
- On raconte souvent ce genre d'histoire, s'expliqua-t-elle, personne n'y croit, mais moi si. Je suis persuadée que la magie existe, que les étoiles nous guident et que Noël est un jour empli de cette magie. Je suis née en Egypte, un pays de légendes, mais très dangereux. Mes parents m'ont sauvé d'une tempête de sable. J'avais 5 ans ce jour-là. Lorsque je me suis réveillée, j'étais seule. Alors j'ai suivi l'étoile du Berger et elle m'a amené ici. Tu veux savoir le plus étrange ? Et bien, une autre tempête de sable se préparait, et alors que j'allais l'affronter, elle s'est ouverte et m'a laissé passer. C'était le jour de Noël ici. Alors depuis je crois en la magie. Ça peut paraître fou et insensé, mais je sais ce que j'ai vu. Personne n'y croira jamais.
Sa voix se brisa à la fin de son récit, elle s'essuya les yeux d'un revers de la main. Pleurant en silence, elle affrontait ses démons avec une assurance remarquable. Lysa ressentit comme un poignard au cœur, une tristesse aspirant ses pensées dans un gouffre sans fond. Voir une femme pleurer comme ça la brisait. Mais elle se réjouissait que quelqu'un ait eu une étoile également. Une étoile qui l'avait guidée jusqu'à la fin. Comme elle avait raconté des histoires à l'étoile du soir. Akhela passa une nouvelle fois sa main sur son visage et se tourna vers Lysa, ses yeux rougis et gonflés. Malgré cela, elle souriait sincèrement, malgré les épreuves, elle se relevait.
- Moi, je te crois, murmura Lysa d'une voix hésitante.
- Peut-être... Que tu dois suivre l'étoile toi aussi ? Jamais Lysa n'avait entendu une question aussi étrange.
- Mais il fait jour !!
- Ah...
Akhela posa une main sur la joue de Lysa et lui adressa un embryon de sourire.
- Tu sais.... Très peu de personnes croient en la magie. C'est un don rare et inné. Continue de croire et d'espérer. Crois-moi, ça te sauvera la vie plus d'une fois. Si tu veux, je n'appellerai pas l'orphelinat, mais promets d'y retourner avant la nuit !!
- C'est promit...
Lysa lui en serait éternellement reconnaissante. Elle avait beau ne pas connaître les gens, Akhela lui semblait différente, plus tolérante, plus éveillée. Mais Lysa ne connaissait qu'elle et ne pouvait en être certaine, mais au fond, elle se doutait que n'importe qui d'autre aurais appelé. Elle ne savait pas quoi rajouter, si ce n'est un « merci » à mi-voix. Soudain, une drôle d'odeur emplie la pièce, un mélange de sucre, de sel et de fumée, ce qui arracha un haut-le-cœur à Lysa accompagné d'une grimace écœurée.
- Oh mon dieu !! Hurla Akhela et bondissant du canapé, j'ai oublié le repas !!! Oh là là!! Il n'y a que moi pour ce genre de bêtise !
A ses mots, elle se précipita vers la cuisine, laissant Lysa seule devant le ballet de flammes. Soudain, Akhela toussa et une fumée noire émana de la cuisine, suivit d'une série d'injures que Lysa préférait ne pas écouter. Quelques minutes après, l'égyptienne refit surface, un sourire triomphant placardé sur son visage recouvert de poudre noire.
- Ah ah !! Victoire !! J'ai seulement fait brûler le gâteau, le reste va bien !!!! C'est super !!
- Euh...
- Oh, désolée, je t'ai laissée sur le fait, ne t'inquiète pas j'arrive !! Il faut que j'achète un autre gâteau ! Tu veux m'accompagner ?
- Euh...Oui, je trouverai peut-être où aller.
- Yihaaaaaa !!! C'est super !! Je vais te donner un manteau, il t'ira à merveille !!
Un battement de cil, Lysa se retrouvait flanquée d'un manteau en laine bleue, la manche droite plus grande que la gauche. De plus, des dizaines d'erreur de tricot et de trous décoraient le manteau. Comme si le manque de rigueur ne suffisait pas.
Le ridicule ne tue pas
Non, mais il est ridicule.
Akhela l'observait comme un coach ou un mannequin, se tenant le menton tel une professionnelle avec un regard critique.
- C'est super !! S'exclama-t-elle soudain, je suis vraiment douée !!
- Euh si...si tu le dit. Mais j'ai ma veste ! Lysa était persuadée que le monde entier la regardait en riant.
- Quoi ? Ce machin tout troué ? La coupa Akhela, pas question !! Et puis, considère que c'est un cadeau de Noël !!
Un cadeau de Noël ??
Lysa ne répondit pas, une brume lui envahit l'esprit. C'était son tout premier cadeau de Noël, depuis 6 ans, le seul qu'on ne lui ait jamais fait. Cette fois-ci, des larmes de joies veinèrent ses joues. Une gratitude sans faille la pris.
- Tu pleures ? S'exclama Akhela, c'est si horrible que ça ?
Elle faisait une moue vexée. Lysa, une étincelle dans le cœur, se précipita dans les bras de sa seule amie depuis toujours.
- Il est parfait, murmura-t-elle, merci...
Des bras chauds entourèrent sa taille, une étreinte d'amitié sincère enveloppa Lysa. Pour la première fois, elle se sentait réellement aimée, pour la première fois, ses larmes ne furent pas de chagrin mais de joie. Le monde lui souriait. Une chaleur rassérénant parcouru son corps. Des milliers de lueurs emplirent son esprit. Le cœur plus léger que les ailes d'un papillon, elle se laissa emporter par cet instant unique. Personne ne pourrait le lui prendre. Les secondes devinrent des minutes, mais il lui sembla qu'un instant trop court venait de se produire lorsque les deux filles se séparèrent.
- Où va-t-on ? De manda Lysa comme à une mère.
Non
Akhela était une amie
Elle n'avait qu'une seule mère.
A cette pensée, Lysa leva la tête, les cristaux de neiges de pleuvaient plus, un ciel blanc comme neige dominait le monde. Le froid était atténué par le manteau d'Akhela, finalement, Lysa le chérissait comme un objet unique. D'ailleurs, il était réellement unique.
- Au marché de Noël, répondit Akhela, tu y es déjà allé ?
- Non..
- Tous ce qu'elle savait des marchés de Noël, c'est qu'ils avaient lieu à Noël, et que l'on y vend des choses.
- Vraiment ? Tu verras, c'est super !
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