Double tranchant (partie 1)

Monter, toujours monter sans jamais s'arrêter.

S'épuiser à se hisser.

Lorsque l'on regarde le vide, on s'aperçoit vite qu'il ne faut pas lâcher prise.

La haut, sur son sommet, on contemple le monde d'un autre œil, il nous semble plus grand, plus calme, à porter de main.

On ne rêve pas souvent de pouvoir tenir le monde dans sa paume, de l'apprivoiser tel un animal sauvage.

          Il grimpait depuis des heures déjà, la neige lui fouettait le visage de ses grêlons gelés, comme pour ralentir sa course. A plat ventre sur la paroi de cristal, il gravait ses pas, d'entailles aussi larges qu'un doigt, il se frayait un chemin parmi cet enfer glacé.

Ne pas regarder en bas.

Au bout d'une escalade aussi épuisante que périlleuse, il se hissa sur un rocher plat inespéré. Soufflant comme un bœuf, il se reposa quelques instants.

Se refroidir te gèleras et tu ne voudras plus bouger

            Il se releva tant bien que mal, ses jambes chauffées à blanc par l'effort commençaient déjà à refroidir, c'est à peine si des stalactites ne se formaient pas. Il fallait continuer, atteindre son but pour mériter le repos. Chacun de ses pas à la fois lourds et déterminés marquaient une nouvelle trace immortelle du passage de l'homme dans ces montagnes. Soudain, son pied normalement fiché dans la glace dérapa. Dans un cri qui résonna contre les parois de pierre, il sombra malgré ses efforts pour se rattraper, dans un trou qui l'emporta à l'intérieur de la montagne, tel une gueule qui avalait les trop faibles pour elle.

Les hauts sommets se méritent.

Sa fille, Ana, sa fille, Héla et lui, Ethan défilèrent dans l'obscurité. Leurs visages joyeux se muaient en masques de colères et de haine.

Tu nous quitte, grand bien te fasse!

Ne revient jamais!

          Les images du passés, toujours plus accablantes, revinrent à la surface. Des adieux se déroulèrent devant ses yeux. Des larmes, de la joie, mais également du désespoir. Il quitta son logis douillet pour escalader ses monstres de pierres. Soudain, une ombre dégoulina sur le rêve, un mâchoire béante de referma sur lui.

           Il se réveilla en sursaut, nue douleur lui tiraillait le crane et des traits de sueur lui trempaient ses cheveux bruns. Un cri étouffé lui fouetta le visage, un souffle chaud et plaintif s'éleva des ténèbres. Intrigué, il se releva tant bien que mal, sa colonne vertébrale se remit en place. Lentement, il se releva, ses yeux effacèrent les ténèbres. Il se tenait dans une grotte immense, les parois rocheuses s'élevaient à environ deux mètres au dessus de lui et un long couloir s'enfonçait dans la Terre. Le souffle s'éleva à nouveau, faisant trembler les murs et la montagne elle-même. Dans ce soupir, on décelait un appel de détresse, comme si une créature appelait à l'aide depuis le centre de la Terre. Son cœur lui faisait mal, un poids l'oppressait, le forçant à avancer, à aller voir ce qui l'appelait avec tant d'espoir.

            Sa descente dura plusieurs minutes, si bien que la notion de faim, de soif et de fatigue le quittèrent peu à peu. Ce souffle l'obsédait, il devait aller au bout, sa vie même pourrait en dépendre. Vers le centre de cette montagne, une lueur douce mais attirante éclaira les parois de pierre. L'espoir dans les yeux, Ethan s'en approcha, soudain, une silhouette se dressa devant lui.

- N'avance pas! Cria une femme. Dans la voix flottait un drôle d'accent.

           Une femme grande et musclée émergea de l'ombre, elle portait des vêtement ornés de pierreries et de ce qui ressemblait à des fragments d'os. Ses cheveux de feu et ses yeux dorés la rendaient sublime, mais elle se tenait comme un chat sauvage, prête à sortir ses griffes. Une torche dans la main, elle semblait prête à l'enflammer si nécessaire.  Sa peau ambré luisait à la lueur des flammes. Elle même, elle semblait faite de feu. Son visage exprimait de l'inquiétude et du désespoir. En alerte, elle paraissait à la fois demander secours et menacer l'intru. Que faisait-elle donc ici?

.- Qui êtes-vous?

- J'mapelle Livia, toi?

Sa façon de parler était étrange, elle semblait parler une autre langue.

- Je m'appelle Ethan.

- Q'tu fais 'ci?

Il mit du temps à comprendre le sens de la phrase, mais au bout de quelques seconde, il comprit le sens de la question.

Qu'est ce que tu fais ici?

- Heu...J'ai eu un accident, et toi?

Elle lui adressa un signe de tête.

- Suis moi.

           Il prirent la route à travers les galeries rocheuses. Ethan ignorait quoi penser de cette femme, elle semblait tout droit sortie de la préhistoire, mais elle était trop civilisée et trop propre pour que ce soit le cas. Il aurait du avoir peur, mais avoir quelqu'un à ces coté rendait la solitude et l'obscurité moins oppressantes. Ils poursuivirent leurs routes ensemble, le halo de lumière de la torche éclairait leur chemins. Plus ils descendaient, plus la chaleur les enveloppait. Le passage se rétrécissait, les écrasait. Durant ce voyage, entendre une autre voix que la sienne apaisait sa douleur. 

- Alors, commença-t-il, d'où viens-tu?

Elle répondait toujours en fixant devant elle, jamais elle ne le fixa dans les yeux.

- J'viens de Yonliam, c't'un royaume en guerre. Répondit-elle d'une voix assurée.

- Yonliam? C'est quoi ça?

Ethan n'avait jamais entendu parlé de royaume nommé ainsi.

- C'le plus beau royaume d'Axilia, avec ses Forêts d'cerisier roses et ses montagnes neigeuses. Pis ya aussi Schaol, c'est un royaume à coté, là bas, il y a que du froid et des légendes. Des villages perdues et des rivières.

                Cette femme était peut-être devenue folle avec le temps? La solitude avait brouillé son jugement et elle avait commencé à confondre imagination et réalité. Du moins, il le pensait, car ni Yonliam, ni Schaol ni Axilia n'existait sur Terre. Malgré tout, il acquiesça et demanda plus d'explications. Ne voulant pas perturber la jeune femme, il préférait encore parler que de l'abandonner et se retrouver seul.

- Dans Axilia, y a huit royaumes. Even, Enki, Yonliam, Oro, Sirix, Médys, Ilkaé et Givril, c'est là d'où j'viens. Mais c'la guerre. 

- Pourquoi y a-t-il la guerre?

Dans les yeux doré de Livia brillait une mélancolie accablante. Ses yeux brillèrent, son récit se poursuivit.

- Avant, Axilia était gouvernée par un roi, Roy. Mais c'te roi était tyrannique et cruel. Alors, son fils Drax s'est rebêlé et l'a tué. Mais en s'mettant à régner, il est d'venu pire qu'son père. Il a monté une armée pour contrer la rébellion, une alliance plusieurs royaumes contr'lui. Moi, j'fais parti d'cette rébellion.

- Et comment es-tu arrivée ici?

- Si t'veux l'savoir, faut que tu l'voix par toi même, suis moi.

               Ethan n'osa pas poursuivre. Sans voix, il digérait ces informations plus illuminées les unes que les autres. Il ignorait pourquoi, mais au fond, il croyait au récit de Livia, comme si quelque chose le forçait à y croire. Comme ce souffle, empli de mystères, qui l'attirait vers son centre, qui lui murmurait la vérité. Axilia, d'après ce qu'il avait compris, était une autre planète que la Terre. Peuplée d'humains mais aussi de créatures aussi majestueuses que dangereuses. La guerre le ravageait

Comment croire une telle chose? 

Qui était Livia? Comment était-elle arrivée ici? Était-elle folle? Liée au souffle qui l'appelait?

           Il l'ignorait, peut-être était-il devenu fou, ou alors on l'avait drogué? Mais il ne parvenait pas à ne pas croire à ce récit. 

Ses pensées se brouillaient et la fatigue lui grignota la conscience.

              Lorsqu'il s'endormit sur l'épaule de sa compagne, il rêva d'un village hanté par une malédiction, d'une rivière qui mange les hommes et d'un voyageur en quête de vérité.

                                                                               ____***___

         -Ethan! Souffla une voix, ouv'tes yeux b'sang! Aller!!

           L'intéressé sentit des mains le secouer, il ouvrit lentement les yeux, s'extirpant de son rêve et de son sommeil lourd et pierreux. 

- Kwa?? Murmura-t-il.

- J'ai besoins de toi, viiiite!!!

A peine eut-il le temps de se relever, qu'elle le trainait par le bras.

- Faut que tu la soigne, ou elle va mourir.

D'un geste, elle désigna son secret si cher, ce qui l'avait amené ici, ce qu'elle cachait et qui prouvait la vérité de son récit.

           Le cœur d'Ethan se serra, malgré ce que lui montraient ses yeux, il peinait à croire ce qu'il voyait. Ses entrailles se serraient. Il se frotta les yeux, cligna, se pinça encore et encore, mais la vérité ne pouvait lui échapper. 

Devant lui, au écailles de nacre et à l'haleine brulante, se tenait un immense dragon.



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