11
J'avais dévalé les escaliers de bois en un fragment de seconde. Le son de la lourde pluie résonnait partout dans la maison, pourtant je savais que celui-ci n'avait pas recouvert le vacarme que je venais tout juste de faire.
Sans réfléchir une seule seconde, j'ouvris la porte et une vague de gouttelettes s'attaqua à ma peau. Mais avant même de poser le pied de l'autre côté du seuil de la porte, des bras s'enroulèrent autour de mes épaules et me tirèrent vers l'arrière.
« Tu es devenue folle?! » hurla Seth paniqué, m'éloignant le plus loin possible de la sortie.
Je me débattais comme si ma vie en dépendait, tandis que mon frère ne comprenait plus rien à la situation. Osar nous rejoignit, perplexe. Ce fut ensuite au tour d'Aël, plus ou moins calme, d'arriver. Mais lorsque son regard croisa le mien, il fit demi tour et se jeta vers la porte toujours ouverte. Je m'arrêtai, puis me laissai tomber à genoux sur le sol décrépit, épuisée. Seth et son acolyte firent tout deux quelques pas vers l'avant, tandis que le brun revenait à l'intérieur. Les garçons se mirent à chercher des couvertures, des morceaux de tissus pour couvrir une minime fraction du sol. Aël, méconnaissable, la peau déformée, posa le corps d'une jeune femme dans le même état que lui.
« J'ai besoin de quelque chose de tranchant. Maintenant. »
Osar sorti un minuscule poignard à la lame rétractable de sa botte et le tendit à son ami. Celui-ci le pris et retira son gant, avant de s'ouvrir brutalement la main droite. Il appuya ensuite sa paume sur les lèvres de la fille, me rappelant ce qu'il avait fait à mon frère, plusieurs semaines plus tôt.
À l'aube, son corps entier avait cicatrisé. J'étais resté à son chevet toute la nuit, avec Aël. Elle était petite, maigre. Ses cheveux était noir et brillant, coupés grotesquement au niveau de ses épaules.
Sans bouger, ses yeux s'ouvrirent brusquement. Je retins mon souffle face à ceux-ci: un voile blanc s'étendait sur l'entièreté des ses pupilles et des iris.
« Où suis-je... » lâcha-t-elle d'une douce voix, en regardant le vide.
Aël l'aida à s'assoir, ce qui la surpris. Elle toucha alors à ses bras et à son visage du bout des doigts. Des larmes se mirent à couler sur ses joues.
« Qui que vous soyez, je vous remercie, je vous dois la vie. »
Je vins pour prononcer quelques choses, mais rien de sortit. Elle posa ensuite ses petits yeux en amandes sur Aël même si nous savions tous qu'elle n'y voyait rien. Pourtant, dans un geste lent, elle entoura le visage du brun de ses mains et parcourait délicatement celui-ci, à la recherche de tout les traits de son visage. Elle glissa ensuite ses mains sur les épaules d'Aël et glissa jusqu'aux mains de son sauveur. Elle s'attarda alors celle de droite, en glissant ses doigts sur la main meurtrie.
« Merci de m'avoir sauvé la vie. » finit-elle par dire.
Il me regarda, éberlué. C'est alors que l'inconnue se leva brusquement, presque paniquée. Sans que personne n'y comprennent quelque chose, elle se mise à tournée sur elle même, sans faire un seul pas. Elle tournait vers la gauche, puis changeait brutalement de direction. Nous pouvions presque entendre les battements de son coeur.
« Où est la sortie?! »
Osar, qui venait de se joindre à nous, s'empressa de la diriger vers la porte, mais elle eu l'air d'être surpris quand sa main toucha celle de l'aîné.
« Qui êtes-vous ? Vous n'êtes pas celui qui m'a sauvé?
— Je suis Osar, Osar Jakobac. Nous sommes quatre ici. »
Elle hocha la tête sans rien ajouter. Au contact de ses pieds nues sur les galets à l'extérieur, sa longue jupe, qui dénudait ses chevilles, remua en suivant le mouvement des énormes bourrasques de vent qui emportait de vieilles feuilles d'arbres loin d'ici. Elle hurla un mot dans une langue étrangère avec un accent mystérieux, en levant son bras gauche à la hauteur de ses épaules. Un rapace, d'une envergure d'environ 2 mètres sorti d'entre les branches et vint se poser sur son bras en lacérant sa peau à l'aide se ses serres acérées. Son duveteux plumages était terne comme le paysage répandu sur les terres asséchés de la vallée. Ses yeux étaient d'un orangé hypnotisant.
« Il est mes yeux et mes oreilles, expliqua-t-elle en ébouriffant les plumes grisonnantes de l'oiseau.
— Qui es-tu ? » Demanda alors Aël.
Elle se retourna vers son interlocuteur et lâcha sur un ton impassible, et le regard vide:
« Je suis Aïko Mori, du village des Incolamontis. Mes semblables ont été massacrés par des barbares servant un tyran qui nous était inconnu jusqu'à ce moment, il y a 3 jours. »
Le visage d'Aël s'assombrit et ses poings se fermèrent. Il tourna les talons et vint pour revenir à l'intérieur mais la petite l'interpella:
« Aël, c'est ça ? »
Le brun se retourna, tandis que la jeune femme laissait son oiseau reprendre son envole... Son visage s'était décomposée.
« Suivez-le. Une vie est en jeu. » affirma-t-elle la voix cassante.
Les deux aînés étaient parti à la poursuite du rapace, priant à mon frère et moi de rester ici et de garder un œil sur l'étrangère.
Beaucoup de sang. Un corps au pouls très bas, presque inexistant. Un homme au corps meurtris, méconnaissable.
Sans scrupule, j'arrachai l'une des treize flèches à multiples pointes encrées dans sa peau. Je l'examinai avec Seth complètement déconcerté par ce qui se présentait devant nous.
« Ils savent se qu'ils font. Amos n'est pas le bras droit pour aucune raison. »
Lorsque Aël termina d'installer le mourant dans le lit, à ma plus grande surprise il se retourna vers nous, le regard remplis de haine. Puis sans m'y attendre, l'aîné de la pièce se jeta sur moi en m'attrapant à la gorge.
« Qu'est-ce qu'ils y ont fait ?! Qu'est-ce que vous savez ?! » hurla-t-il à s'en briser les cordes vocales.
Seth tenta de me libérer, mais la poigne de mon interlocuteur était trop serré. Je voyais trouble et mon frère était un incapable. Il était faible face à l'autre individu et ne pouvait que hurler. Puis, soudainement, le brun s'écroula, suite à un sourd craquement. Osar était dressé devant moi, le visage en sueur.
« Je lui ai cassé la nuque. »
Je glissais sur le sol à côté du cadavre, à la recherche de grande bouffée d'air. Seth me serra dans ses bras en pleurant comme une fillette.
« Ils sont tous cinglés autant l'un que l'autre, je vais finir par te perdre Loki. Je ne peux pas te protéger. »
Je fermai les yeux, plus détendu dans les bras de mon aîné.
Il m'étendit dans un lit, me suppliant de prendre quelques minutes de repos.
Je m'éveillai au côté du blessé. Celui-ci n'était ni endormi, ni éveillé. Ses grands yeux verts ne reflétaient aucun signe de vie. Pourtant, son thorax se soulevait légèrement après plus ou moins 10 secondes. Il était revenu. Il était vivant. Et nous, nous étions restés.
Les flèches avaient été retirés et ses plaies pansées. Pourtant, sa peau était couverte de sang séché et ses bras et son visage était couverts de brûlures. Je pris alors sa main et la regardait doucement. Celle-ci était tremblante, les jointures blessées et ensanglantées. La paume coupée et infectée. L'on pouvait compté maintenant que 4 doigts à sa main, puisque l'un d'eux avaient été sectionné. Un mercenaire devait maintenant se promener fièrement en portant l'annulaire, de celui qu'il avait laissé pour mort, autour de son cou en guise de trophée.
« Tu lui fais mal... »
Effectivement, paralysé, Erwin pleurait. De petites gouttelettes coulaient sur ses joues crasseuses.
Je me levais et fis alors face à son frère. Il s'approcha brusquement, mais à ma plus grande surprise, il me serra dans ses bras. En se blottissant dans mon cou.
« Pardonnes-moi Loki. Pardonnes-moi, je ne voulais pas, je me suis emporté, murmura Aël la voix tremblante.
— Je te pardonne. » répondis-je faiblement.
Celui-ci me repoussa et s'éloigna rapidement avant de se vider les tripes quelques secondes plus tard sur le sol.
« La mort. Je n'y arrive pas... C'est la deuxième fois que je reviens à la vie en 11 ans... C'est si... douloureux... » se lamenta-t-il en pleurant.
Je m'approchai, incertaine. Il se releva et me regarda. Des filaments de sang ruisselaient de son nez et il avait d'énorme cerne sous les yeux.
« Tu devrais t'asseoir... »
Il hocha la tête et vint s'asseoir aux pieds de son frère. Il essuya le sang du revers de sa main et toute son attention se posa sur Erwin.
« Pourquoi il ne guérit pas... Je lui ai même donné du sang, ça n'a rien changé... Je croyais qu'il était mort... Je le retrouve et je me demande maintenant s'il va s'en sortir... S'il ne peut pas guérir, il ne pourra pas revenir à la vie.
— Du poison.
— Pardon..?
— Ce sont des flèches empoisonnées. Qu'il a eu en grande quantité. Amos, l'homme qui nous pourchasse à été un cobaye avant d'être bras droit. Ils savent ce qu'ils font, crois-moi. Ton frère a eu de la chance, il est fort. Une aussi grande dose était supposé le tuer définitivement. Je connaissais les rumeurs de tout ce qui tournait autour de ce nouveau produit, mais Seth et moi sommes partie trop tôt pour comprendre. Maintenant tout s'éclaircit. Je crois que ce produit sert à détruire son système immunitaire, à ralentir tout le processus de guérison.
— Comment peux-tu en être certaine... je... Tu ne connaissais même pas notre existence il y a moins de 3 mois...
— Je vois des choses Aël, depuis très longtemps. » lâchai-je sur un ton détaché.
Il soupira et hocha la tête. Il se leva chancelant, en s'agrippant au mur.
« Qu'est-ce que tu fais ?
— Je vais chercher quelques choses pour nettoyer ses plaies, je dois le faire régulièrement et... »
Il vint pour vomir à nouveau, mais se retint, le poing appuyer vigoureusement sur ses lèvres.
« Je vais m'en occuper, dis-je en laissant les mots débouler rapidement de ma bouche. Reposes-toi. »
Le brun me regarda quelques secondes, pantois, avant de me remercier silencieusement.
Je m'étais alors installé au chevet du mourant, à l'observer plusieurs minutes, sans rien faire. Puis, j'avais commencé à examiné une flèche qui se trouvait toujours dans la pièce. Je retirai donc les couvertures qui le couvrait pour l'observer en entier. Une respiration irrégulière, de nombreuses plaies purulentes, des bandages de fortunes, un regard vide... Sa vie était si fragile à l'instant... Le laisser s'en sortir était nous condamnés à rester emprisonné. Du moins, c'est ce que me dictait ma tête. Je frôlai son torse avec la pointe de la flèche, puis, impulsivement, face à lui si faible, je stoppai au niveau de son coeur. Lorsque sa poitrine se soulevait, la pointe de la flèche pressait contre sa peau. Je me mises alors à appuyer... Je regardais la pointe s'enfoncer jusqu'à ce que le sang perle sur sa peau, mais soudainement, j'arrêtai tout ce que j'avais entrepris je retirais l'arme blanche de son torse, les mains tremblantes. Des larmes se mises à couler. Je me laissais tomber à ses côtés. J'étais incapable de le tuer, incapable d'enlever la vie à quelqu'un. Ce n'était pas à moi de décider de qui avait le droit de vivre ou non.
J'étais resté là plusieurs minutes, peut-être une heure, sans rien faire, à fixer le plafond.
J'avais nettoyer quelque plaie, délicatement, comme si j'essayais de me faire pardonner. Je dus le retourner puisque son dos était tout aussi meurtrie. C'est alors que je vis une marque, un numéro marqué au fer rouge.
« Ces salauds t'ont aussi marqué comme un animal. » dis-je faiblement en passant mon doigt sur le numéro qui décoraient mon épaule au même endroit que lui.
Un 5 ornait son épaule, tandis qu'un 11 ornait la mienne. Ces numéros nous identifiaient à quelque chose. Mais quoi? Seth était marqué d'un 7 et pourtant...
Je quittai la pièce et sortie d'un pas pressé, mais j'heurtai l'étrangère à la sortie.
« Pardonnes-moi, je ne regardais pas où j'allais.
— Tout va bien? » Demanda-t-elle de sa légère voix.
Je hochai la tête, sachant très bien qu'elle n'y voyait rien.
« Depuis quand êtes-vous ici, avec eux, ton frère et toi ? Lâcha-t-elle avec un brin de curiosité.
— Comment sais-tu que Seth est mon frère?
— Je l'ai supposé. Je n'y vois peut-être rien, mais j'entends tout. Alors?
— Nous sommes ici depuis beaucoup trop longtemps. Dès que tu en auras l'opportunité, pars. Pars tant qu'il en est encore temps. »
***
Seth me détestait. J'en étais certain. Il ne me regardait même plus.
« Seth? »
Celui-ci leva les yeux vers moi sans rien dire. J'ouvris la bouche pour dire quelque chose, mais les mots se bloquèrent dans ma gorge. Il soupira en roulant les yeux, ennuyé par ma présence.
« Je.. Je...
— Tu es désolé, c'est ça?
— Oui, mais... Je... J'aimerai te montrer un endroit, tu v-veux venir..?
— Non. Pas vraiment. » Finit-il par répondre durement.
Je hochai la tête, légèrement déçu. Je me levai doucement, les membres endoloris. Je vins pour franchir le seuil de la porte, mais sa voix qui s'était adoucie se fit entendre.
« Attends Aël... marmonna-t-il en passant sa main dans ses cheveux. Que voulais-tu me montrer..? »
À ma plus grande surprise, mon sourire qui venait d'illuminer mon visage fut légèrement contagieux.
« Suis-moi. »
Il se leva, tout de même incertain.
Nous marchions depuis environ 10 minutes, et plus le temps passait, plus il semblait impatient.
« Nous y sommes. »
Au moment exact ou je prononçai le dernier mot, je l'entendis lâcher un juron, tandis que je me retournai en le voyant chuter à cause d'une racine.
Quelques secondes plus tard, je me retrouvai avec lui entrain de dévaler un petit monticule de terre.
Une fois avoir terminé de chuté, je me retrouvai à califourchon sur le brun. Désorienté et légèrement gêné, je ne pus m'empêcher de seulement regarder Seth qui me regardait les yeux écarquillés, les cheveux en batailles et les joues teintés de rouge.
... Teintés de rouge puisqu'il s'était égratigné le visage en tombant.
« Tu vas bien ? » me demanda-t-il en enlevant une feuille coincé dans mes cheveux emmêlés.
J'hochai la tête tandis que mes joues s'empourpraient.
« Toi ça va ? » le questionnai-je à mon tour d'une toute petite voix.
Il me sourit sincèrement et seul ce sourire me confirma que les blessures sur son doux visage n'étaient que superficielles. Je me relevai et lui tendit la main pour qu'il puisse faire de même.
Nous regardâmes alors autour de nous, nous étions tombés bien bas. De plus, la pente était beaucoup trop escarpée pour que nous puissions remonter par là. J'examinai les alentours en observant les arbres aux branches dégarnies de feuilles. Le sol était boueux, avec des carcasses d'animaux décomposé. Ce n'était définitivement pas ça que je voulais montrer à l'aîné de la fille. Une odeur putride emplissait mes narines et me dégoûtait horriblement, ce qui était aussi le cas de mon ami.
« Où sommes-nous tombé ? » s'inquiéta le brun.
Le cris d'un prédateur venant de loin résonna dans la sombre forêt, me faisant frissonner.
« Beaucoup trop bas. » lui répondis-je alors.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top