05

Déjà une semaine que nous étions enfermés ici. J'avais été témoin de plusieurs atrocités... Un soir, Erwin avait apporté un homme d'une trentaine d'années ici, puis l'avait décapité sous nos yeux. Aël n'avait rien pu faire.

J'étais recroquevillée dans le lit face à la porte qui menait au petit balcon. Je le regardais assit dangereusement sur la rambarde à regarder les étoiles, puis, tel un funambule, il se leva agilement sur celle-ci. Il marcha en équilibre un moment. J'avais presque envie qu'il tombe, qu'une énorme bourrasque l'emporte. Je le regardais, presque hypnotisée par tous ses faits et gestes...  Puis, quand il perdit l'équilibre et manqua de peu de tomber dans le  vide, un petit cri nerveux s'échappa involontairement de ma gorge. Il cessa de faire le clown et revint à l'intérieur, avec un sourire dépravé aux lèvres. Il m'avait entendu et ça l'amusait.

Je me réveillai et sursautai par la même occasion en voyant Erwin à quelques centimètres de moi. Un sourire fendu jusqu'aux oreilles habillait son visage. Il me fixait de ses grands yeux verts d'un air animal. Il s'éloigna et quitta la pièce. Je tremblais en sa présence, comme à l'habitude. Seth n'était plus à mes côtés et Aël ne se trouvait pas non plus dans la pièce comme toutes les nuits.

« Les garçons sont partis chasser le petit-déjeuner. C'est plus simple avant le levé du soleil. »

Ils m'avaient encore laissée seule avec lui ? Je ne savais pas si je devais rire ou pleurer.

« On va pouvoir s'amuser un peu. » lâcha-t-il sardoniquement.

Il agrippa mon bras et me tira brusquement hors du lit. Je lui criai de me lâcher, mais il ne m'écoutait pas. Il m'apporta dans la salle à manger, là où la table était déjà mise.

« Maintenant, tu t'assois et tu ne bouges plus. »

Il me poussa sur une chaise. Il vint pour me dire quelque chose, mais hors de moi, je me relevai et le bousculai. Il me regarda, irrité. Erwin me repoussa violemment à nouveau sur la chaise.

« Je t'ai dit de t'asseoir et de ne plus bouger ! » hurla-t-il les dents serrées.

Au même moment, il empoigna une fourchette et la planta solidement dans ma main. Mon cœur s'arrêta et je commençai à haleter. J'avais mal, affreusement mal. Je ne pouvais pas bouger ma main. L'ustensile s'était enfoncé jusque dans la charpente de la table. Les yeux de mon agresseur devinrent sitôt ronds. Il ouvrit la bouche et plaqua sa main sur celle-ci. Il approcha de quelques petits pas et regarda son œuvre.

« Aël va me tuer. »

Il prit une pause et regarda partout nerveusement en quête d'une quelconque réponse. Puis il s'accroupit pour être à ma hauteur.

« C'est douloureux ? »

Je me mis à pleurer. De douleur, oui, mais aussi de rage. Au simple contact de ses doigts sur le manche de la fourchette, je me mis à hurler. Il s'éloigna brusquement.

« Réfléchi, Erwin, réfléchi. »

Il partit et revint.

« Je vais compter jusqu'à 3 et tirer, d'accord ? »

Je hochai la tête, les yeux embués.

« Un. Deux. »

Et il arracha la fourchette sans même dire "trois". Je hurlai en pleurant d'avantage.

« Mais où est le trois ?
— Trois. »

Je pleurais sans pouvoir m'arrêter. Il me prit alors dans ses bras et me serra un peu. Il écrasa ensuite sa main sur ma bouche pour me faire taire. Il se distança, et regarda ma main qui ruisselait de sang. Je ne me sentais pas très bien.

***

Elle vacillait et ne semblait plus être totalement là. C'est d'ailleurs quelques secondes plus tard qu'elle s'effondra dans mes bras. Je la pris et allai la déposer sur le lit et pressai sa main pour stopper l'hémorragie. Je soupirai. J'allais finir par la tuer avant d'avoir obtenu les informations nécessaires. J'étais beaucoup trop impulsif et violent. Aucune chance qu'elle me fasse confiance et qu'elle se confie à moi. J'étais stupide, pourtant ça me plaisait. Je fus alors coincé. Je devais cacher les preuves avant qu'Aël n'arrive. Malheureusement, je ne pouvais plus relâcher sa main. Un cadavre était beaucoup plus difficile à dissimuler. Je voulais lui donner de mon sang, mais encore une chose me posait problème : je n'avais pas mon couteau. Sur un coup de tête, je me mordis la main jusqu'au sang. J'eus affreusement mal, mais bon. Je la fis donc boire.

La porte s'ouvrit alors et je me jetai presque sur Loki pour la cacher. Aël entra dans la chambre et son visage se décomposa.

« Mais qu'est-ce que tu as fait !? » s'exclama-t-il.

J'étais couvert de sang à cause du mien et du sien et elle était toujours inconsciente...

« Elle... Hum... Elle s'est blessée et je la soigne, ce n'était qu'un accident... C'est bien hein ? Je fais quelque chose de bien Aël. »

Seth entra dans la chambre à son tour avec mon arme ensanglantée de tout à l'heure. Je me frappai le front avec mon poing fermé. J'étais définitivement stupide. Il regarda la fourchette et la prit pour la lancer sur moi.

« Ce n'est pas bien si c'est toi qui l'as blessé ! » s'exclama-t-il énervé.

Il me bouscula ensuite pour prendre ma place. Quand il vit que la main de Loki n'avait presque plus rien, je souris de toutes mes dents. Le visage d'Aël s'adoucit.

« Depuis quand tu soignes les gens toi ?
— Depuis qu'ils me sont utiles. C'est les premiers Ramencheurs vivants que nous avons ici. Cette fois, je crois bien que c'est la bonne...! »

Aël soupira. Je lui souris d'avantage et il me bouscula en me frappant amicalement l'épaule avec son poing.

« Je te déteste grand frère.
— Je t'aime aussi petit frère. »

Puis je l'attrapai par le cou en le coinçant à l'intérieur de mon bras et frottait mon poing sur le haut de son crâne.

***

Je me réveillai en ne ressentant plus aucune douleur. Je vis ma main couverte de substance rougeâtre asséchée, mais je ne voyais plus aucune trace de blessure. Je me trouvais encore et toujours dans le fameux lit. Je me levai d'un bond et réalisai aussitôt que ma jambe ne me faisait plus souffrir. Sans plus attendre, entre la panique et la joie, j'arrachai mon bandage au niveau de mon genou. Plus rien, comme si rien ne c'était passé.

« Je t'ai donné de mon sang. Ça va, ne me remercie pas. » lâcha une voix que je connaissais bien.

Je levai les yeux et le vis dans l'embrasure de la porte, bras croisés. Il portait un t-shirt d'un blanc immaculé. C'en était presque hypnotisant. Il s'approcha et vint à quelques centimètres de moi. Je détournai la tête, car il était beaucoup trop près.

« Je te dégoûte ou te fais peur ? » me demanda-t-il doucement dans le creux de l'oreille.

Il m'avait poignardé un peu plus tôt, comment ne pas avoir un peu peur de lui ?

« Tu me dégoûtes. »

Il me contourna le regard vide et se laissa tomber sur le lit. Il fixait le plafond.

« Tu as envie de jouer à un jeu que tu connais déjà ?
— C'est-à-dire ? demandais-je curieusement.
— Une question contre un souvenir, tu t'en rappelles ?
— Hors de question. La dernière fois, tu ne m'as pas laissé voir ce que je voulais.
— Et si tu regardes mon passé d'abord ? » dit-il d'une petite voix.

Non, non et non ! Ce n'était qu'une ruse pour se rapprocher de moi.

« D'accord. »

J'eus une soudaine envie de me frapper. J'étais probablement idiote. Il me fit donc signe de m'approcher avec le bout de son doigt en me regardant malicieusement, couché, appuyé sur ses coudes. Je fis un pas vers lui et il attrapa mon bras en me tirant. Je tombai sur lui et amortis ma chute avec mes mains sur son torse. Il était un connard, mais pourtant, je ne pus m'empêcher à ce moment de réaliser à quel point il était beau, mais je me repris aussitôt et enlevai mes mains sur lui. Erwin me fixait de ses grands yeux verts et attendait la suite impatiemment.

« On s'y prend comment cette fois ? » demanda-t-il.

Je m'assis en tailleur sur le lit et il fit de même face à moi. Aël entra dans la pièce, vint pour dire quelque chose, mais se tut.

« Qu'est-ce qui se passe ici ?
— On s'apprêtait à faire des enfants, quoi d'autre ? » dit Erwin l'air innocent et en levant les yeux au ciel.

Pour la première fois, il me fit rire avec son air angélique. Ça le fit alors sourire. Il me regardait doucement et ça me déstabilisa. Je cessai aussitôt de rigoler et repris mon sérieux. Aël leva un sourcil en nous dévisageant.

« Elle va mieux petit frère, tu n'as aucune raison de t'inquiéter.
— Dès qu'elle est avec toi, j'ai une raison de m'inquiéter. »

Je regardai alors les deux frères se fixer. Le silence était pesant à l'instant même. Je n'osais rien dire, de peur qu'une dispute éclate.

« Ça va Aël. Ne t'inquiète pas. Je t'appellerai s'il y a quoi que ce soit. » le rassurais-je.

Il me sourit avec peu d'assurance et quitta lentement la pièce en nous surveillant subtilement. Erwin me fixait et me sourit de toutes ses dents en signe de victoire. Je soupirai. Avais-je pris la bonne décision en renvoyant son frère plus loin ? Puis sans le mettre en garde, je glissai mes mains sur sa nuque, ce qui le fit frissonner. Il me regardait presque perplexe. Ayant marre de le voir me fixer comme ça, je déposai mon front contre le sien et fermai les yeux. Je sentais son pouls, il respirait rapidement et semblait atrocement nerveux, ce qui me surprenait de lui. Que cachait-il pour craindre ses souvenirs à ce point ?

Je n'étais plus dans la même maison, la même chambre que la dernière fois. Aël était là et sculptait un morceau de bois appuyé sur un mur. Il avait l'air d'avoir environ 15 ans. Il était plutôt mignon avec ses airs de mécheux, les cheveux en bataille. C'est alors qu'une porte s'ouvrit brusquement et un couple entra en s'embrassant langoureusement. La fille retira le t-shirt d'Erwin en le poussant sur le sofa de la pièce. Son sourire pervers était fendu jusqu'aux oreilles. Aël soupira et leva les yeux au ciel, puis lâcha simplement :

« Encore ? »

La fille se jeta sur l'autre et l'embrassa à nouveau à pleine bouche pendant qu'il glissait ses mains sous son chandail. Aël quitta donc la pièce pour leur laisser un peu d'intimités.  Puis quand la fille blonde s'attaqua à la braguette du pantalon de  l'adolescent, je quittai directement le souvenir en me distançant le  plus possible de celui qui me regardait vicieusement.

« Je ne veux pas voir ça ! » dis-je, choquée.

Il ricana. Il semblait satisfait que je sois tombée sur ça.

« Tu ne voulais pas voir la suite ? demanda-t-il d'un air faussement déçu. Le meilleur était à venir ! » s'exclama-t-il.

Un énorme silence s'installa et il me reluqua en se mordant la lèvre. J'avais subitement envie de partir.

« C'est si difficile de te cerner. Cette fille, je ne connaissais même pas son prénom et pourtant, je pouvais faire tout ce que je voulais avec elle. » m'avoua-t-il.

Il s'approcha un peu et je le regardai, complètement neutre. Il me sourit et je ne répondis pas à celui-ci. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi beau, mais d'aussi étrange à la fois. C'était probablement ce qui me déstabilisait le plus chez lui. Il était un beau salopard, oui.

« J'imagine qu'avec ce souvenir, tu ne voudras pas répondre à l'une de mes questions ?
— Demande toujours ? dis-je en soutenant son regard.
— Veux-tu danser avec moi ? »

Il avait prononcé sa dernière phrase dans un faible murmure. Et si je lui répondais non, il m'y forcerait ? Probablement. Je le regardai, étonnée. Il cachait assurément quelque chose.

« Si je refuse ?
— Je comprendrais. »

Quoi ? Il se leva difficilement et s'éloigna lentement. J'empoignai alors son bras fermement. Il se retourna vers moi, sourcils levés.

« Tu es l'être le plus anormal que j'ai rencontré en 16 ans. »

Il se frotta la nuque en détourna le regard.

« Et c'est quelque chose de bien ?
— Non, pas vraiment. » répondis-je sèchement.

Je relâchai son bras et il partit l'air pensif. Il était tout un phénomène.

Je m'étais affalée sur le lit et Seth m'avait rejoint. Il m'avait pris la main et l'on fixait le plafond. Nous n'avions ni besoin, ni l'envie de dire quoi que ce soit. La présence de l'autre nous suffisait amplement. C'était lui qui m'empêchait de craquer dans cet endroit de malheur.

***

« Ils ne parlent pas. Tu ne trouves pas ça étrange ?
— C'est vraiment toi qui trouve leurs comportements étranges ? »

Il haussa les épaules et continua de jouer avec son couteau.

« Tu crois qu'ils sont vraiment frère et sœur ?
— Je crois, oui. »

Il prit une pause, puis recommença :

« Et tu penses que...
— Tu veux bien la fermer à la fin ? » le coupai-je.

Erwin se figea et fixa la table devant lui.

« Tu crois que j'ai été adopté, que c'est pour ça que je suis si différent de toi ?
— Tu veux bien arrêter de dire des trucs stupides ? »

Il rangea son couteau et posa enfin son regard sur moi.

« Je suis si impulsif. Comment toi, tu réussis à conserver toute ces pulsions à l'intérieur de toi ? »

Je déglutis.

« Comment tu fais Aël, dis-moi ? »

Je haussai les épaules. Je ne le savais pas moi-même.

« Je ne sais pas Erwin, mais je trouve que tu fais beaucoup d'effort depuis le début de la semaine.
— Tu trouves ? Moi, je ne vois aucune différence. »

Je m'approchai et m'assis en face de lui.

« Tu ne les as pas encore tués, c'est un très bon début, dis-je avec un léger air moqueur.
— C'est vrai, par contre je les ai blessés. »

Je soupirai. Impossible de le raisonner. Il se leva brusquement et quitta l'appartement en claquant la porte bruyamment. Il était définitivement de mauvaise humeur aujourd'hui. Pourquoi ? Ça, c'était une tout autre question à laquelle je n'avais pas la réponse, comme toujours. Ça arrivait si fréquemment, sans raison, que je ne me souciais plus de ses petites crises.

Deux heures passèrent et il rentra complètement saoul accompagné de son meilleur ami. Osar l'aidait à tenir sur ses pieds... Il l'avait raccompagné, comme c'était gentil de sa part. Ses cheveux gris lui tombaient devant ses yeux vairons, qui semblaient atrocement épuisés.

« Il a encore foutu la merde dans mon bar. Il a éclaté la tête d'un client sur le comptoir.
— Je suis désolé. » dis-je sincère.

C'est alors que mon frère se jeta sur Osar et... L'embrassa ? Je savais que les deux garçons avaient toujours été très proches depuis qu'ils s'étaient rencontrés, mais jamais je n'aurais anticipé ça. C'était probablement seulement les effets de l'alcool. Le plus âgé le repoussa doucement, confus.

« Toujours aussi impulsif, ce petit. » lâcha-t-il toujours perplexe.

Erwin eut un faible sourire puis s'effondra. Son ami le rattrapa de son seul bras et je vins sitôt l'aider.

« Ce petit ? » répéta une petite voix féminine.

Le gris haussa un sourcil et se tourna vers la fille. Aussitôt, il lui sourit d'un sourire charmeur.

« J'ai 2 ans de plus que lui. » répondit-il.

Elle s'approcha timidement et avoua :

« Il a l'air plus âgé que toi. »

Non, pas parce que mon frère semblait beaucoup plus vieux que son âge réel, comme quand il était enfant, mais bien parce que, malgré sa carrure, Osar ressemblait encore et toujours à un adolescent.

« J'ai 22 ans. »

Je vis la surprise sur son visage.

« Tu es plus âgé que je pensais, sans vouloir te vexer. » lâcha la fille.

L'aîné rigola faiblement, puis, sans mon aide, traversa la pièce jusqu'à la chambre en portant Erwin sur son épaule. Je le suivis et je le vis le déposer difficilement sur le lit. Il souffla un bon coup et se retourna vers la fille en lui tendant sa main :

« Je suis Osar. »

Elle lui serra alors la main, incertaine.

« Loki Mendax. »

Le regard du jeune se tourna vers moi.

« C'est donc vrai ce qu'Erwin m'a raconté ? Vous détenez bien deux Ramencheurs? »

Je hochai la tête en baissant les yeux.

« J'espère que vous obtiendrez toutes les informations nécessaires pour les détruire. » marmonna-t-il en redressant ma tête du bout des doigts pour plonger son regard noir dans le mien.

Je hochai nerveusement la tête, mais mon regard changea aussitôt de trajectoire quand je vis Seth entrer dans la pièce. Osar regarda alors ce que je regardais. Puis un énorme sourire se traça sur ses lèvres. Il me donna un coup de coude pour attirer mon attention. Il me fixait d'un regard malsain, voir pervers. Je le poussai, gêné. Mes joues me brûlaient.

« Qui c'est ? » demanda le brun.

Osar lui sourit et, sans prévenir, parti, le laissant dans la confusion. Loki le rejoint et le prit dans ses bras en lui demandant faiblement à l'oreille :

« Où étais-tu ? »

Je ne compris pas sa réponse, mais il ne devait pas se trouver bien loin. Notre appartement miteux n'était pas si grand après tout.

***

Je me réveillai avec une énorme migraine. Un orage grondait à l'extérieur et toutes les pièces étaient plongées dans l'obscurité. Je ne voyais ni entendais qui que ce soit. C'était étrange. Ils ne pouvaient tout de même pas être sortis avec une telle température ? Je sortis du lit où je me trouvais. Je ne me rappelais de rien. J'avais probablement bu la veille.

« Il y a quelqu'un ? » marmonnai-je incertain.

J'entrai dans la cuisine puis un énorme coup de tonnerre me fit sursauter. Je ne pus d'ailleurs m'empêcher de lâcher un petit cri de fillette. J'entendis alors un rire sourd, de quelqu'un qui se retenait de rire de moi. La brunette était recroquevillée dans un coin. Je m'approchai alors d'elle et tout son amusement disparu. Je lui faisais peur, évidemment. Je faisais peur à tout le monde, Aël y comprit.

« Où est mon frère ? » la questionnai-je faiblement.

Elle resta muette. Je soupirai, mais n'insistai pas. Elle n'avait pas envie de discuter. Je sursautai à nouveau en entendant une seconde fois le tonnerre, la main sur le cœur. Elle pouffa à nouveau de rire.

« Ça te fait rire ? »

Je m'assis alors à côté d'elle dos au mur, en appuyant ma tête sur celui-ci. Un long soupire s'échappa de ma gorge. J'écoutai le son de la pluie et la fille restait toujours aussi silencieuse. Ma main glissa sur le sol et frôla la sienne. Nul besoin de préciser qu'elle retira celle-ci rapidement.

« Ne me touche pas... » murmura-t-elle.

Je tournai la tête pour la regarder. Elle me fixait droit dans les yeux comme elle le faisait toujours et je me sentais drôlement mal. Je vis alors qu'elle tremblait. Et pour une fois, ça ne semblait pas être par la peur. Je me levai rapidement et retournai dans la chambre et pris toutes les couvertures du lit. Je revins à Loki et m'accroupis en la couvrant de celles-ci. Elle ne repoussa pas mon geste et semblait même presque reconnaissante.

« Merci, c'est gentil. » lâcha-t-elle sincère.

Je m'étouffai en l'entendant.

« Gentil ? répétai-je ahuri. Je... Moi ? Mais... Euh... » bafouillai-je.

Elle hocha la tête en se blottissant dans les couvertures.

« Les garçons sont partis depuis longtemps ?
— Avant la tempête. Un peu plus d'une heure, je crois. Ils allaient chasser un peu.
— Encore ? Ils ne venaient pas d'y aller...? C'est complètement irresponsable de la part d'Aël d'être sorti. Il devait savoir qu'un orage se préparait. » dis-je faiblement.

C'est alors que mon ventre se mit à gronder bruyamment, c'en était presque gênant.

« J'ai dormi combien de temps ?
— Presque une journée entière.
— Je meurs de faim. Tu veux quelque chose ?
— Non merci, dit-elle sèchement.
— Je ne vais pas t'empoisonner, tu sais. Tu vas voir, quand j'aurai terminé de cuisiner, tu en auras l'eau à la bouche. » affirmai-je.

Je me levai et rejoignis la cuisine. J'allumai ensuite un feu...

***

       

« J'aurais dû savoir qu'une tempête approchait. Je me sens tellement stupide ! » m'emportai-je.

Seth m'attrapa par les épaules et me secoua pour me ressaisir.

« C'est moi qui ai insisté pour sortir encore une fois. Tu sais tout autant que moi que ce n'est pas du gibier qu'il manque chez toi. »

Je me concentrai sur ma respiration et me laissai tomber par terre en entraînant le brun dans ma chute. Il me tenait toujours les épaules, mais ses mains glissèrent jusqu'à ma nuque. Je levais les yeux vers lui et il me sourit.

« Ça va aller. J'ai déjà survécu à pire. On est à l'abri de la pluie, tu n'as pas besoin de t'inquiéter.»

Je soupirai et inconsciemment, je me blottis dans son cou, même si je savais que ça le rendait complètement mal à l'aise. J'entourai mes bras autour lui en le serrant contre moi. Une larme perla sur le coin de mon œil et se sauva sur le cou de mon ami.

« Aël...? Est-ce que tu pleures ? »

Et j'éclatai en sanglots, enragé contre moi-même.  J'étais capable de mettre les autres en danger, comme Erwin, et le  problème, c'est que ce n'était pas la première fois que ça arrivait.

Je me réveillai couché, blotti contre ma seule autre source de chaleur. Je n'entendais plus la pluie. L'autre dormait, mais ses rêves semblaient agités.

Je me levai et sorti de l'édifice où nous nous étions réfugiés. Il faisait toujours nuit, nous n'avions eu que peu d'heures de sommeil. Les étoiles brillaient dans le ciel noir et une petite brise me donnait de légers frissons.

« On doit partir. Maintenant. » lâcha une voix claire et nette, mais pourtant paniquée, qui me fit sursauter.

Je me tournai vers Seth qui était déjà parfaitement éveillé. Une sirène retenti alors au même moment, une que je n'avais jamais entendue auparavant.

« Maintenant, j'ai dit ! »

Et sans prévenir, il partit en courant en m'entraînant avec lui. Il ne faisait même pas attention là où il mettait les pieds :  des petites gouttelettes lui éclaboussaient les joues quand il posait  un pied dans une flaque d'eau qu'il n'avait pas pris la peine d'éviter. C'est alors que j'entendis des chiens commencer à aboyer. Le brun courait devant et me tenait toujours la main.

« Cours, cours, cours ! »

Des cris éloignés résonnèrent dans la nuit. Je manquais de souffle. Comment pouvait-il courir autant ? J'étais déjà épuisé. C'est alors que Seth trébucha en voulant s'arrêter beaucoup trop rapidement, car un chien venait d'apparaître devant nous. Il s'écrasa dans une petite marre d'acide et je sortis mon pistolet en pointant le canon sur l'animal agressif.

« Non ! Tu vas leur indiquer notre position ! »

Il se releva et prit l'arc qu'il avait sur le dos et visa le chien en pleine tête. Une fois la bête abattue, il m'accorda un bref regard, se releva et reprit difficilement sa course. Les sirènes ne cessaient pas.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? » criai-je.

Il ne me répondit pas.

Il entra alors dans l'édifice où se trouvait mon chez-moi. Il escalada les escaliers 4 à 4. Je ne l'avais jamais vu aussi pressé de retourner à l'appartement.

Nous n'étions pas encore rendus au bon étage que Seth me poussa brusquement dans une pièce en me poussant contre le mur. Il plaqua sa main sur ma bouche pour m'empêcher de dire quoi que ce soit et me regarda dans les yeux. Il posa un doigt sur ses lèvres pour m'indiquer de ne faire aucun bruit. Il était blessé, mais l'adrénaline l'empêchait de souffrir, pour le moment.

« Ils ne sont pas loin, les chiens les ont sentis ! » hurla une voix qui m'était complètement inconnue.

Nous restâmes ainsi quelques minutes.

« Les Ramencheurs. » lâcha-t-il finalement dans un faible murmure.

Il me relâcha et se laissa tomber au sol pour s'asseoir. Je m'accroupis près de lui.

« Viens, on rentre à la maison. Je vais prendre soin de toi, lui murmurai-je. Tu peux encore marcher ?
— Je crois, oui. »

Je l'aidai à se relever, avec difficulté.

J'ouvris la porte et je tombai nez à nez avec Erwin et Loki assis en face-à-face, éclairés par des bougies. Les deux rigolaient et discutaient. Ils semblaient beaucoup s'amuser. Ils avaient probablement parlé toute la nuit. Je claquai la porte, épuisé. Les deux tournèrent la tête, sourcils levés. La fille se leva alors brusquement en apercevant son grand frère.

« Seth, qu'est-ce qui s'est passé ?!
— Les Ramencheurs. Ils sont de passage avec les chiens. »

Elle devint blême et Erwin l'aida à s'asseoir.

Le brun s'était endormi après que je lui ai donné à boire et pansé ses plaies. La brunette s'était aussi assoupie près de lui. Je retournai dans la cuisine où Erwin rangeait les derniers bols.

« Vous avez passé un bon moment ? »

Il haussa les épaules, un sourire en coin.

« Je lui ai fait à manger et elle a commencé à baisser sa garde. On a discuté de tout et de rien.
— C'est vrai ? »

Mon frère hocha fièrement la tête, mais redevint sérieux.

« Pourquoi es-tu sorti ?
— Il voulait chasser. Il adore tirer à l'arc... Tu l'as déjà vu faire ? Il est excellent !
— Aël?
— Oui?
— Ne t'attache pas trop cette fois, tu veux bien ? Tu me connais Aël, je peux être imprévisible. »

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