01

J'étais Chez Osar quand la sirène retentit dans toute la ville. Un tempête de sable se préparait. Tandis que les gens quittaient le bar pour rejoindre leurs familles et se réfugier quelque part, moi, je prenais mes armes sur le comptoir et renfilais mon foulard qui couvrait ma bouche ainsi que mon capuchon qui couvrait presque mes yeux. Je déposai une poignée de pièces en cuivre près de mon verre vide.

« Bonne chance Erwin, que dieu soit avec toi ce soir. Me dit Osar Jakobac, le propriétaire de la place.
― Il n'a jamais été avec moi. » me moquai-je.

Et je quittai la taverne.

Je pouvais voir le nuage de sable au loin s'approcher. D'ici une heure, la ville allait être plongée dans l'enfer. L'alarme sonnait bruyamment en haut de l'immeuble qu'Osar s'était approprié depuis quelques années. Le bâtiment était attaqué par la moisissure, ainsi que les plantes grimpantes et quelques graffitis décoraient ses murs délabrés. C'était d'ailleurs l'endroit le mieux entretenu  dans cette ville presque déserte.

Je marchai à travers les voitures abandonnées, inanimées depuis déjà beaucoup trop longtemps. Je croisais à quelques reprises des mères et leurs enfants dans leurs bras, courant à toute vitesse pour se cacher je ne sais où. Pourquoi avoir si peur de cette tempête, lorsque tout de cette terre pouvait nous tuer du jour au lendemain? Il fallait seulement s'y faire et continuer à vivre "normalement". Il y avait d'énormes bourrasques de vent qui balayaient tout ce qui n'était pas suffisamment lourd pour rester cloué au sol. La poussière commençait à ce lever du sol.

1h. Plus personne ne se trouvait dans les rues. Enfin, presque. Il y avait moi, évidement. Le sable, tout comme les débris, nuisait grandement à ma vue, donc la masse au sol, presque entièrement recouverte échappa presque à mon attention. Sans perdre une seconde, je m'accroupis pour voir ce qui se trouvait à mes pieds. Le corps d'une jeune femme d'une vingtaine d'années, peut-être, était allongé par terre. J'enlevai le surplus de sablon sur le cadavre. Je ne fus guère surpris d'apercevoir que son front et sa poitrine avaient été percés par une balle. Tuer ou être tué, voilà la réalité de notre pitoyable existence. Je fouillai ses poches et ramassai les pièces de cuivre qu'elle possédait, voilà comment je gagnais ma vie. Par chance sa dépouille n'avait toujours pas été pillée. Je vis alors une ombre dans la tempête au loin. Je levai mon arme et tirai un coup, puis la cible s'écroula. Sans perdre une seconde, je rejoignis celle-ci. Un homme haletant était couché au sol, main sur son thorax, suppliant de ne pas le tuer. Je le regardai de haut sans dire quoi que ce soit.

« Pitié, j'ai une femme et des enfants. »

Puis sans aucun remords, je lui tirai une balle directement dans la tête, me rappelant aussitôt le cadavre de la jeune femme. Je m'accroupis à nouveau et regardai l'artillerie que ma victime possédait. Je reconnus aussitôt les armes. J'enlevai immédiatement son foulard pour vérifier si ce n'était pas un autre de ces pillards. Le tatouage dans son cou était bien là. Ce n'était pas un voleur. Ces armes étaient bien les siennes. La mort était la seule chose que cet chose méritait. 

« Vous êtes combien cette fois ? » Marmonnai-je.

Je savais qu'il ne pouvait pas être seul ici. Ils profitaient de la tempête, j'en étais certain. C'est alors que j'entendis un pistolet s'armer sur ma tempe. Je me relevai brusquement et visai la tête de mon assaillant, mais je ne tirai pas pour autant.

«Pose ton arme. » Dis-je aussitôt.

La personne relâcha son arme, la main tremblante.

« Maintenant réponds à ma question et je te laisse la vie sauve. Vous êtes combien, ici? Lui demandai-je âprement.
― Une vingtaine, nous sommes une vingtaine. » Lâcha-t-il faiblement la voix tremblante.

Il y eut un court silence. Mais je ne baissai pas mon arme pour autant.

« Maintenant, laissez-moi partir. Je ne faisais qu'obéir aux ordres.
― Te laisser partir ?
―Vous me l'avez promis, laissez-moi partir, je vous en pris !
―J'ai dit ça ? J'ai dû me tromper. »

Puis je lui tirai une balle dans la tête. Je pris ce qui m'intéressait sur son cadavre et rentrai aux ruines un peu plus loin qui me servaient de chez-moi avec mon frère. Je grimpai au quatrième étage de l'édifice ravagé. Les escaliers étaient presque inexistants, et c'était pour ça que j'avais choisi cet endroit comme domicile. Cet immeuble rappelait la désolation de notre monde et me rappelait chaque jour la dureté de la réalité : la pauvreté, les ruines, les morts. Parfois, j'allais au dernier étage existant de ce vestige et je regardais au loin, me rappelant que c'était l'être humain qui avait lui-même anéantit l'humanité. L'espoir était un mot qui m'était inconnu, tout comme remords et tous ces mots inutiles qui rendaient l'humain faible. Mon frère, lui, n'était pas comme moi. Il était rêveur et voyait le bon côté des choses. Il vivait dans un monde imaginaire et moi dans la réalité. Tout le monde méritait la mort. Tout le monde avait déjà commis quelque chose qui ne leur donnaient pas le privilège à la vie plus qu'un autre.

***

Nous nous étions réfugiés pendant la tempête et nous étions tombés sur une mine d'or. Nourriture, pièces de monnaie, etc. Les lieux étaient déserts pendant la tempête, donc nous avions déduit que plus personne ne vivait ici. Fuir. Fuir était la seule chose que nous pouvions faire. Mais nous étions toujours marqués au fer rouge dans le cou. Les Ramencheurs. Je souhaitais de tout mon être qu'ils nous croient morts, mon frère et moi. Peut-être pourrions nous vivre une vie... « normale » n'était pas approprié à notre ère, mais une vie sans torture, une vie plus paisible. Je fouillai dans une petite armoire pendant que mon frère cherchait, lui aussi, des choses. C'est alors que je sentis une lame de couteau se poser sur mon cou.

« Alors on entre chez les gens maintenant ? » Dit-il d'une voix doucereuse.

Son ton fade et mielleux à la fois me donnait des frissons de peur. La lame sous mon menton était appuyée sur ma chair et je n'osais plus bouger. J'avais peur pour mon frère. Où était-il ? Puis j'entendis une arme s'armer un peu plus loin. Le couteau, lui, ne bougea pas pour autant.

« Mon pistolet est pointé sur ta tête. Alors je ne ferais pas de bêtise si j'étais toi. Dit mon frère d'une voix ferme.
― La mort ne me fait pas peur. La mort n'est rien dans ce monde. Tir si c'est ce qui fait ton bonheur. Moi, j'ai déjà du sang sur les mains, je sais ce que c'est tuer. Toi, t'es qu'un gamin qui tient une ar... »

Un coup de fusil retentit. L'homme derrière moi s'écroula. Je me retournai brusquement vers mon frère.

« Je vous donne un conseil, vous feriez mieux de foutre le camp avant qu'il soit trop tard. » Lâcha l'homme presque imperceptiblement.

Mon frère tira à plusieurs reprises dans le corps de l'inconnu jusqu'à ce qu'il ne respire plus. Il vint ensuite vers moi et me tendit l'arme la main tremblante. Il se laissa tomber par terre et prit sa tête entre ses mains. Je regardai le corps couché au sol. Je pris son couteau pour l'examiner. Les initiales E. H. étaient gravées à la main.

« Edward ? Ethan ? Marmonnai-je à voix basse. Quel était ton nom... »

Ses yeux, toujours ouverts, étaient protégés par des lunettes rappelant celles d'un aviateur. Il était probablement venu de l'extérieur, si l'on se fiait à son accoutrement. Un capuchon recouvrait la majorité de la partie supérieure de son visage et une écharpe couvrait sa bouche, ce qui l'avait probablement aidé à respirer dans la tempête. Un fin filet de sang venant de son nez avait coulé sur sa joue. Son corps, déjà légèrement refroidit, baignait dans un petit lac de couleur rouge et me donnait presque la nausée. J'essuyai, du revers de la main, la ligne de liquide rouge sur la joue de l'inconnu, comme ça, sans raison valable, ce qui laissa une tache rougeâtre. Mais au contact de ma peau sur la sienne, j'eu une espèce de vision.

« Erwin, il s'appelait Erwin. » Dis-je à mon frère.

Seth releva la tête de ses mains, me questionnant du regard. Ses yeux bruns me fixaient, mais je ne pouvais pas lui expliquer.

« On doit partir, je ne le sens pas.
― On ne peut pas. On va rester ici pour la nuit, d'accord ? Tu pourras dormir, te reposer, et moi, je monterai la garde. »

Il parlait avec une fausse assurance, mais sa voix tremblait depuis l'événement de tout à l'heure. Il m'indiqua que nous pouvions nous installer dans la pièce voisine. Il alluma un petit feu pour nous réchauffer, puis je tombai lentement dans les bras de Morphée malgré les visions d'horreur du cadavre d'à côté.

***

J'ouvris les yeux brusquement, avec une énorme douleur au thorax car, certes, mourir n'était pas une activité très agréable. Un goût de fer avait élu domicile dans ma bouche et ne semblait pas vouloir partir. Je me levai lentement en m'habituant rapidement à l'obscurité, car même si je voyais anormalement bien dans le noir depuis les 11 dernières années, il y avait toujours quelques secondes d'adaptation. Le sang bouillait dans mes veines, j'avais une soudaine envie de meurtre. J'avais besoin de tuer. Tuer pour décompresser un peu. C'est alors que j'entendis le crépitement d'un feu dans mon domicile. Les idiots n'avaient pas compris ma mise en garde. Je jetai un rapide coup d'œil à la pièce et un objet attira mon attention. Un pistolet ou un couteau étaient trop simples. Je pris la pelle en métal et l'examinai rapidement. Je m'étais toujours douté que celle-ci allait me servir un jour. Bêche sur l'épaule, je me dirigeai vers la pièce voisine. Le grand brun, hypnotisé par les flammes, ne me vit pas arriver. La fille dormait. Une fois derrière lui, je lui lâchai une petite salutation pour attirer son attention. Il se retourna brusquement et au même moment, je le frappai au visage avec mon arme métallique.

« Vous auriez dû partir quand vous en aviez encore la chance. » Dis-je hargneusement.

Je regardai la fille en me demandant ce que je pouvais bien lui réserver.

J'avais attaché la fille à son poignet sans qu'elle ne se réveille et ensuite noué la corde à mon poignet. Même si je finissais par être rattrapé par ce qu'on appelait sommeil, au moindre petit mouvement de sa part, j'allais me réveiller. De plus, Aël ne pourrait pas la laisser partir. Elle n'allait donc jamais franchir le seuil de la porte.

Je m'étais endormi et la voleuse dormait toujours. Nous étions appuyés sur un mur et elle s'était blottie, au courant de cette nuit froide, sur mon épaule. Elle semblait sereine et respirait paisiblement. Je continuais donc à tailler le pitoyable morceau de bois que j'avais entre les mains à l'aide de mon précieux couteau. Le soleil était aveuglant et la température d'aujourd'hui s'annonçait étouffante. Elle se blottit encore un peu plus en souriant bêtement.

***

Je me réveillai, sans pour autant ouvrir les yeux. Le soleil me caressait le visage et j'étais affreusement bien. J'étais envahie par une sérénité redoutable. J'étais adossée à un mur et j'étais étrangement confortable. Je me blottis un peu plus sur Seth.

«Mademoiselle prend ses aises. » Affirma une voix froide.

Je me crispai aussitôt et j'ouvris brusquement les yeux. C'est en voyant l'inconnu, bien en vie, aiguiser un banal morceau de bois avec son couteau que mon cœur cessa de battre. Je tentai de m'éloigner le plus rapidement possible, mais je fus stoppée dans mon élan. Il leva son bras pour me montrer son poignet et mon bras suivi. J'étais attachée à lui. Je paniquais.

« Tu dois te demander pourquoi je suis toujours en vie, non ? Demanda-t-il, presque impatient. C'est simple. »

Il s'approcha de moi suffisamment pour que je puisse sentir son souffle sur mon visage. Je voyais pour la première fois sa bouche et ses yeux verts qui avaient repris vie. Il ne portait plus ses lunettes et me regardait de la tête au pied avec un sourire dépravé.

« Je vis, je meurs, puis je reviens à la vie. »

Il se leva et détacha le lien de son poignet, mais il m'attacha au radiateur de la pièce. J'étais incapable de dire quoi que ce soit. Je voulais mon frère, je voulais Seth. J'avais besoin de lui. Je croyais devenir libre dès la seconde où j'avais quitté les Ramencheurs, mais à cet instant, j'étais tout sauf libérée. Et sans pouvoir me retenir, j'éclatai en sanglots.

« Vous auriez dû partir quand vous le pouviez encore. Je vous avais prévenu. »

Puis il quitta la pièce. Je pleurai à en perdre le souffle. Je tirai mon bras, je voulais me détacher, mais je n'en avais pas la force. La corde rêche m'entaillait le poignet. Je hurlais, je criais, je voulais partir.

Je m'étais calmée, je regardais le vide, je regardais le ciel beaucoup moins radieux. C'est alors que quelqu'un entra. Je n'avais plus la force de réagir. Le jeune homme s'accroupit devant moi. C'était la première fois de ma vie que je voyais son visage, mais je n'avais pas plus confiance en lui que l'autre. Il avait les cheveux bruns et les yeux bleus. Une écharpe était enroulée autour de son cou. Il portait des vêtements dans les teintes de beige et de gris. Ses mains étaient déguisées avec des gants qui protégeaient seulement ses paumes, car le bout de ses doigts étaient dénudés... Il essayait de me regarder dans les yeux, mais je détournais le regard à chaque fois.

« Es-tu blessée ? » Demanda-t-il soucieusement.

Son calme et son insécurité me heurtèrent brutalement. Mais je ne lui répondis pas pour autant. Il regarda alors mon poignet minutieusement, et à ma plus grande surprise, il me détacha.

« Ne tente pas de partir. De toute manière Erwin te traquerait jour et nuit... » Dit-il doucement.

Il m'aida à me relever et me conduisit dans l'autre pièce. C'est alors que je vis Seth, dans un état déplorable. Il était assis sur une chaise, semi-conscient. Son visage était blessé. Deux démarcations de sang avaient coulé de son nez, sa lèvre inférieure était enflée et il avait une plaie béante à l'arcade sourcilière. Je me jetai sur lui, recommençant à pleurer. Mon frère se mit alors à gémir. Je me reculai brusquement pour voir ce qui se passait. Le brun m'éloigna un peu.

« J'imagine que c'est ton frère, mais il est blessé... Il a la jambe cassée et c'est facile de lui faire mal...
― Pardon ? Paniquai-je.
― Je suis sincèrement désolé.. Je suis arrivé trop tard pendant la nuit... Je n'ai pas pu empêcher mon frère de faire une bêtise... »

Je me remis alors à pleurer et il me prit dans ses bras avant que je ne m'écroule au sol. Il m'assit au sol doucement.

« Je sais que ce n'est pas facile, mais dis-toi qu'il ne pourra simplement pas marcher pendant quelques jours... Si Erwin n'avait pas eu cette pelle, il l'aurait tué. Je suis tellement désolé... » Répéta-t-il.

Je le regardai alors dans les yeux pour la première fois. Il semblait sincère. Il me regarda quelques secondes, se releva et quitta la pièce, allant dans un endroit que je n'avais pas exploré hier. Il revint avec un bol entre les mains et le posa sur une table derrière Seth.

« Je meurs de soif. Dis-je sans réfléchir.
― Ah oui ? »

Et aussitôt, il repartit.

Il revint avec une petite gourde en cuire et me la remit. Je cessai de respirer quand je vis un couteau parfaitement aiguisé dans ses mains. Il me tendit la flasque en souriant d'un sourire charmant.

« C'est à toi maintenant. Dit-il gentiment.
― Qu'est-ce que c'est..? Demandai-je hésitante.
― De l'eau, tout simplement.
― De.. De l'eau? Je... Je n'en ai pas bu depuis des années.
― Elle se fait rare maintenant. »

Je pris la bouteille et je bus un peu. Elle était fraîche. J'avais oublié que ce breuvage était aussi exquis. Je lâchai un soupir de satisfaction, il me sourit à nouveau, puis il retourna au petit bol qu'il avait laissé sur la table, qui était d'ailleurs dans un piètre état. C'est alors que je le vis retirer son gant. Sa paume était remplie de cicatrices, puis il se tailla l'intérieur de la main sous mes yeux et referma le poing au-dessus du récipient. Le liquide chaud ruissela dans le bol. J'étais horrifiée par la scène. Il essuya le surplus de sang sur ses vêtements et remit son gant tout en me disant :

« Je suis le frère d'Erwin et comme tu l'as sans doute remarqué, il est mort, puis revenu à la vie. »

Il revint vers moi et s'accroupit pour me dire quelque chose.

« Il y a 11 ans, notre vie a changé. Il y a 11 ans, nous avons eu le choix entre deux chemins, le bien ou le mal. Il y a 11 ans, mon frère a fait le mauvais choix, pensant pourtant avoir fait le bon. Il y a 11 ans, moi, j'ai choisi le bon côté. Il y a 11 ans, nous étions morts. Moi, c'est Aël. » Dit-il en me tendant la main.

Je lui serrai la main, incertaine. De plus, c'était sa main mutilée donc ce geste le fit grimacer vaguement. Il se releva et se dirigea pour une énième fois au petit récipient rond. Lui aussi pouvait donc...? Je ne comprenais rien à tout ça.

« Tant et aussi longtemps que je serai là, vous ne craignez rien. »

Il prit le bol et s'approcha de Seth. Je fronçai les sourcils et quand je le vis donner son sang à mon frère, que je le vis lui faire boire ce liquide rouge, j'eus envie de vomir. Seth se débattait faiblement, car il ne voulait pas ingurgiter ce liquide chaud. Des gouttelettes coulaient aux coins de ses lèvres. Mon grand frère ouvrit les yeux brusquement et Aël posa sa main sur sa bouche pour l'empêcher de recracher. Les deux se fixaient intensément. Ils ne disaient rien et moi, j'étais paralysée.

« Pardonne-moi... » Murmura le brun.

C'est alors que, pensant que mon frère n'était pas un bagarreur et qu'il n'avait pas assez d'énergie pour faire quoi que ce soit, Seth se prit pour un héros. Il mordit la main de son agresseur et le frappa violemment au visage. Aël trébucha, main appuyée contre sa joue probablement douloureuse. Étrangement, je sautai au secours de l'inconnu. Il regardait le vide et ne bougeait plus. J'avais peur qu'il riposte, comme l'autre cinglé nommé Erwin. J'enlevai lentement sa main de son visage pour voir les dommages. Les bagues tranchantes aux doigts de mon frère avaient fait leur travail. Une plaie et une ecchymose disparurent alors devant mes yeux. Il baissa les yeux et enleva son gant. Il me montra sa paume qui était maintenant marquée d'une nouvelle cicatrice. Puis il renfila sa protection.

« Tu n'as plus rien ! Lâchai-je ébahie.
— Mais j'ai mal... Dit-il d'une petite voix. Très mal. J'aurais dû l'attacher... Je ne pensais pas qu'il reprendrait autant de force en quelques gorgés de sang... Avoua-t-il. Le sang n'était que pour l'aider. »

Il se leva sans mon aide et cracha du liquide rouge sur le sol. Il regarda à nouveau Seth dans les yeux, puis quitta la pièce, tête baissée... Je me dirigeai brutalement vers mon imbécile de frère et je le giflai crûment au visage.

« Mais qu'est-ce qui t'a pris ?! Hurlai-je. Et s'il avait été comme l'autre hein ? Dis-je faiblement. Il t'aurait tué, Seth ! »

Et c'est à ce moment même que je vis que son arcade sourcilière était maintenant cicatrisée. Les mots se coincèrent dans ma gorge. Je n'arrivais plus à dire quoi que ce soit. Il me regardait en fronçant les sourcils. C'était donc ce que le brun avait voulu faire, si je comprenais bien ? Il l'avait soigné ?

« Pourquoi me regardes-tu comme une imbécile ? Lâcha-t-il brusquement.
— Celui qui ne te voulais aucun mal.... Commençai-je.
— Aucun mal ?! Il voulait me tuer comme son frère ! Il... »

Mon poing s'écrasa durement sur sa mâchoire.

« Tu te tais et tu m'écoutes à présent ! Dis-je autoritairement.
— Oui m'dame.. » Lâcha-t-il en baissant les yeux.

J'entretenais une étrange relation d'amour-haine avec mon frère. Je l'adorais, mais l'envie de le frapper faisait maintenant partie du quotidien.

« Il t'a soigné, tu m'entends ? Tu n'as plus aucune blessure au visage. »

Il se leva donc brusquement sur une seule jambe, en me bousculant "gentiment" pour que je m'écrase au sol. Il se dirigea en sautillant sur un pied jusqu'au seul carreau, d'une petite fenêtre, toujours présent. Il regardait le faible reflet légèrement effacé par la crasse et la moisissure. Je vis alors qu'il était autant ébahi que moi.

« Wouah, c'est encore plus cool que ce que tu sais faire, Loki! » Se moqua-t-il.

Je lui adressai mon majeur et au même moment, le brun entra à nouveau dans la pièce. Mon frère se raidit en le voyant et il devint blême. C'est alors qu'Aël prit la pelle dans le coin de la pièce en la regardant de tous les côtés et leva les yeux vers Seth. Il avala de travers et il ne savait plus comment agir. Le brun s'approchait lentement de mon frangin avec l'objet entre les mains. Ils n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Puis brusquement, sans avoir réellement le temps de comprendre, il balança la pelle par la fenêtre et le verre explosa en plusieurs morceaux. Son visage était près, extrêmement près, de celui de Seth, pour l'obliger à le regarder dans les yeux. L'idiot du même sang que moi tentait de détourner le regard, mais ce fut un lamentable échec.

« Que se soit clair. Je suis de la même famille que celui qui t'a cassé la jambe. Tu refais ça une autre fois et je te laisse littéralement pourrir dans un coin. »

Il poussa mon frère sur le mur avant de lui murmurer: « c'est bien clair j'espère? ». Il hocha nerveusement la tête à plusieurs reprises. Le brun se retourna vers moi avec un sourire radieux collé aux lèvres.

« J'ai jeté la pelle. Ça sert à enterrer les morts, pas à en faire. » Dit-il paisiblement.

Il s'assit alors sur la chaise de mon frère, mais il ne disait plus rien. Seth tremblait dans son coin, mais fixait l'individu au centre de la pièce qui avait volé sa place. Aël regardait ses mains et examinait ses doigts.

« Loki. C'est étrange pour une fille. »

Il sortit alors un canif du côté de sa botte gauche et sortit une pomme d'une de ses poches. Il découpa des quartiers à l'aide de son couteau et les mangea à même la lame. Je me mise à saliver. Il leva les yeux vers moi et termina sa bouchée.

« Oh excuse-moi, quel idiot je suis. Tu en veux ? »

Je hochai aussitôt la tête comme une gamine. Il découpa un morceau et me le tendit. Je le pris sans hésitation et le mangeai en fermant les yeux. Quel délice ! Je ne me rappelais pas la dernière fois que j'en avais mangé.

« Où trouves-tu toutes ces choses ? De l'eau douce et claire, des fruits ?! Je pensais que tout était en train de mourir.
— À trois jours de marche. Je revenais de là quand j'ai arrêté le massacre que mon frère tentait de faire. J'ai espoir. J'ai espoir que le monde redevienne un monde où il fait bon d'y vivre. Celui d'autres fois, mais sans la guerre, sans la famine, l'inégalité, etc. »

Puis il continua à manger. Le grand brun de ma famille regardait jalousement la scène de dégustation.

« Tu en veux toi aussi ? Demanda Aël sans même lever les yeux.
— Ouais... Lâcha-t-il, hésitant.
— Bah viens le chercher. »

Mon frère s'approcha lentement tandis qu'Aël se leva. Quand mon frère fut assez près, l'autre coinça un morceau entre ses dents. Seth comprit et refusa aussitôt. Le brun mangea donc le quartier.

« Oh allez, je parie que tu n'as pas mangé de fruits depuis une dizaine d'années. » Dit-il sur un ton de provocation et de défi.

Il coupa un autre morceau et le mordit de la même manière et sourit. Il jouait avec mon idiot de frère, et celui-ci était trop bête pour comprendre. Seth se passa une main dans le visage et étrangement soumis au brun, il s'approcha lentement en hésitant. Soupirant par la lenteur de Seth, et perdant légèrement patience, Aël agrippa le chandail de mon frère et l'approcha plus rapidement, d'un coup plutôt sec. Il n'eut donc pas le choix d'attraper l'autre moitié du morceau de pomme. Aël s'éloigna le visage de quelques centimètres en mangeant maintenant sa portion du quartier. De plus, il souriait en coin. Il relâcha aussi le t-shirt de mon frère qui lui, avait les yeux fermés et semblait partagé par le dégoût et la satisfaction. Puis au même moment, une porte s'ouvrit brutalement.

« Salut Erwin. Lâcha Aël en terminant de manger son morceau, toujours en fixant mon frère.
— T'as tout de même pas encore embrassé ton rescapé ? Dit-il sur un ton plutôt moqueur.
— Mais non ! Je m'amuse un peu, c'est tout. »

Il aida alors Seth à s'asseoir. Le psychopathe laissa tomber une de ces énormes bêtes, qui rôdait la nuit, parterre. Mais celle-ci était morte. Fraîchement tuée, car le sang coulait toujours.

« Je peux savoir pourquoi elle est ici ? Dit-il en me pointant. Rapporte là de l'autre côté, espèce d'idiot. » Dit-il plus sévèrement.

Aël n'était pas désobéissant à son frère, mais il n'était pas soumis non plus. Il m'aida à me relever et m'apporta dans la chambre voisine. Puis il m'aida à m'asseoir à nouveau.

« Pourquoi tu as fait ça avec mon frère ?
— C'était pour m'amuser.
— Pourquoi lui ?
— Parce qu'il m'énerve, désolé de te l'apprendre. Si tu n'étais pas si charmante, ce serait peut-être tombé sur toi. Mais encore là, les filles ont toujours eu une tête de mule. Tu aurais probablement refusé, contrairement à ton idiot de frère. Je lui ai fait peur, il n'ose plus désobéir. Les garçons ont toujours été plus facilement manipulables. Je n'aurais rien fait s'il avait refusé à nouveau.
— Ton frère a dit que tu embrassais tes rescapés...? Demandais-je curieusement.
— Ce n'est qu'arrivé qu'une seule fois. Ou peut-être deux. Euh..Disons trois.
— C'était de jolies filles ? » Demandai-je, moqueuse.

Il baissa la tête et secoua la tête de gauche à droite avec un sourire en coin.

« C'est vrai ? Le questionnai-je presque surprise.
— Je te l'ai dit, les gars sont plus faciles à manipuler. Ils sont plus faciles à cerner aussi. Ton frère par exemple. C'est un bagarreur, probablement très protecteur envers toi, il joue au dur à cuir, mais il est loin d'en être un. Il se soumet plutôt rapidement. Je me trompe ?
— Rien n'est faux.
— Toi, par contre, je ne sais presque rien. Tu es plutôt sympa, peut-être sensible, mais quoi d'autre ? »

Puis un silence s'installa. Il s'assit à côté de moi. Nous regardions le mur devant nous.

« Donc tu aimes les hommes ? » Lui demandai-je.

Il pouffa faiblement en secouant la tête.

«Je ne crois pas, non. En fait, je n'en sais rien. »

Il baissa la tête.

« La seule fois que j'ai aimé quelqu'un, mon frère l'a décapité devant mes yeux. »

Je ne savais plus quoi dire. Je posai ma main sur son épaule et au premier contact avec lui, je vis la scène. Les images défilèrent devant mes yeux et j'eus la nausée devant cette scène d'horreur. Une jeune fille et du sang. Beaucoup de sang. Les larmes me montèrent aux yeux.

« Je ne sais pas comment c'est possible, mais je sais que tu arrives à voir des choses, et je suis désolé que tu aies vu ça...
— Tu le sais ? Et tu n'as pas... Peur ? Demandai-je nerveusement.
— Loki. Je peux mourir et revenir à la vie. Ça en prend plus pour me faire peur.
— Aël! » Hurla alors une voix rauque et agressive.

Le brun se leva et s'excusa. Puis il partit. J'espérais m'être fait un ami et non un ennemi. Je souhaitais qu'il nous aide à partir. Je voulais partir avec Seth. Ce n'était pas la gentillesse d'Aël qui allait me faire changer d'avis. Je voulais quitter cet endroit.

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