CHAPITRE 97
Après avoir déposé Paris devant un immeuble en plein centre-ville, je reprends la route en direction de la maison.
Mon portable n'arrête pas de sonner, j'ai regardé il y a quelques minutes et c'était seulement ma mère qui m'appelait.
Mon père ne lui a sûrement pas dit que j'étais partie et elle s'inquiète vu qu'il est déjà 20 heures.
J'ignore la sonnerie qui m'agace les tympans pour me concentrer sur la route.
Le trajet que j'ai eu avec Paris m'a conforté dans l'idée de m'intéresser plus à elle.
Je ne pensais pas qu'un jour je sois cette personne qui prend l'initiative d'être amie avec quelqu'un mais je crois que passer tout mon temps avec des personnes sociables m'a un peu plus ouvert.
Puis Paris ne mérite pas de rester seule.
Je gare ma voiture devant la maison et me détache en attrapant mon portable pour remarquer que ma mère a cessé de m'appeler il y a 5 minutes.
Elle va sûrement me faire un discours sur le fait d'arriver à l'heure pour manger ou quelque chose comme ça.
Je lève les yeux au ciel rien que d'y penser.
J'ouvre la porte d'entrée et tout est calme.
Je m'attends à la voir débouler, les yeux exorbités et le regard meurtrier mais j'ai le temps d'enlever mes chaussures avant qu'elle s'aperçoive de mon arrivée.
Elle me sourit d'un air nerveux, les bras croisés et je comprends que je vais avoir affaire à bien pire qu'un dîner loupé.
Elle a ce regard qui veut dire qu'elle ne peut pas me le faire payer maintenant mais que quand nous saurons que toutes les deux, je vais m'en prendre une.
Je lui fais mon plus beau sourire et essaye de la contourner pour monter mais elle m'attrape le bras pour me stopper.
Je la regarde surprise par son geste un peu agressif et elle me tire dans le salon.
Je vois mon père qui fixe silencieusement quelqu'un et quand je reconnais cette personne j'ai l'impression que le toit s'effondre sur moi.
Je le regarde sans comprendre sa présence et en remarquant mon regard perdu il constate :
« — Tu n'as pas vu mon message, je suppose. »
C'est vrai que Leith m'a envoyé un message mais ça m'est sorti de la tête et j'étais trop préoccupée par le dîner que je venais de louper pour m'en rappeler.
Je sors mon portable et lis le message qu'il m'a envoyé il y a quelques heures.
« Je viens te chercher à 19h30 »
Je m'en veux vraiment.
Cela fait plus d'une demi-heure qu'ils sont tous là à m'attendre et j'ai vraiment l'impression d'être une idiote.
Dans les films ça se passe si bien, le gars envoie un message comme ça et ils passent une bonne soirée mais forcément chez moi tout dérape, le gars se fait coincer entre les deux parents de la folle tarée qu'il voulait emmener.
Seul Nate le connaissait et c'est sûrement la première fois que mes parents sont confrontés à ma vie sentimentale, directement.
D'un côté ils ont le droit d'être au courant mais d'un autre je me dis que c'est un peu délicat.
« — Désolé, j'étais pressée et j'ai oublié de lire ton message. » Lui dis-je en me grattant la nuque.
Son regard me déstabilise tellement que j'en serais presque à oublier mes parents mais mon père me rappelle sa présence en se raclant la gorge.
Je le regarde en craignant ce qu'il va dire.
« — Ton amie est bien rentrée chez elle ? » Me demande-t-il en faisant référence à Paris.
Je hoche la tête lentement, me méfiant de la bombe qu'il va me lancer à la figure.
Mais à son regard je vois qu'il attend aussi que l'on soit seul pour le faire.
J'ai envie de soupirer de soulagement mais je me rappelle que je ne suis pas tirée d'affaire.
« — Donc c'est Leith, il est dans mon lycée. » Le présentais-je mal à l'aise en parlant de lui comme s'il était muet et incapable de se présenter.
« — On est au courant. » Me dit ma mère, elle masque si bien ce qu'elle ressent que je ne sais pas si le fait qu'il se soit présenté lui-même soit une bonne chose ou non.
« — Bien. » Dis-je honteuse que Leith soit en train d'assister à cette scène.
« — On a aussi appris que tu étais partie faire de l'escalade avec lui. » Intervient mon père en commençant à lâcher ses pics.
En soit je pense qu'ils ne sont pas énervés que ce soit un garçon qui débarque à 19h30 comme ça, mais seulement que je leur ai menti et qu'il l'apprenne de cette manière.
Enfin je pense que ça doit aussi un peu les déranger qu'un inconnu embarque leur fille en pleine soirée.
Je jette un regard à Leith qui essaye de s'excuser pour avoir cafter avec un sourire maladroit.
Je suis tellement mal à l'aise que le fait qu'ils soient au courant n'est qu'un détail futile.
J'ai juste envie qu'il parte et que je m'en prenne la figure avant de dormir pour démarrer une nouvelle journée.
« — Oui, il sait que j'aime l'escalade donc il a voulu me faire plaisir. » Expliquais-je.
Mon père hoche la tête comme il le fait si bien quand il est pleine négociation avec un client, il fait semblant d'être intéressé alors que son esprit est déjà en train de réfléchir à un moyen d'avoir le dernier mot.
« — Et pourquoi tu ne nous as pas demandé à ce qu'on t'emmène en faire ? » Me demande mon père en arquant un sourcil d'un air inquisiteur.
Je vois, il va jouer le rôle du père blessé qui ne comprend pas pourquoi soudainement sa fille à 17 ans décide d'avoir une vie sociale.
« — Parce que l'idée ne m'a jamais traversé l'esprit et qu'il m'a fait une surprise. » Lui dis-je en essayant de ne pas me montrer hautaine.
« — Une surprise. » Répète-t-il en se grattant le menton.
« — Il s'est aussi excusé. » Annonce ma mère en parlant comme s'il n'était pas dans la pièce.
J'attrape mon portable rapidement et envoie un message à Leith pour lui dire de partir discrètement parce que je sens que ça ne va pas être beau à voir.
Son portable vibre alors que je range le mien, ne laissant pas beaucoup de place à l'imagination pour mes parents mais ils sont beaucoup trop focalisés sur ce qu'ils vont me dire pour en faire la remarque.
Leith me jette un coup d'œil pour être sûr que je sois sérieuse et je hoche la tête discrètement.
Il se déplace lentement en direction de l'entrée et je décide de prendre la parole pour attirer leur attention vers moi.
« — A propos de quoi ? » Demandais-je en reprenant le cours de la conversation.
« — A propos de Noël. » Me dit ma mère avec ton plein de sous entendus.
Je ne réponds pas trop surprise par ce qu'elle vient de me dire.
Je regarde rapidement vers l'entrée pour voir s'il est parti et j'entends la porte se fermer.
« — Il nous a expliqué que vous étiez censés vous retrouver là bas pendant la soirée et il est au courant pour ta punition. » Complète mon père.
« — Et donc je peux savoir ce que vous me reprocher ? » Demandais-je en abandonnant mon envie de rester calme.
Ma mère éclate de rire et au regard de mon père je vois que j'ai exactement fait ce qu'il attendait pour pouvoir monter sur ses grands chevaux.
« — Ce qu'on te reproche ? Un garçon de 20 débarque en pleine soirée, déjà c'est impoli de couper un repas et en plus il est plus vieux que toi. Ensuite on apprend que ta crise de Noël était pour lui. » Commence mon père en prenant une voix imposante.
« — Nous t'avons appris des valeurs, la famille avant tout, tu passes de plus en plus de temps dehors et nous ne t'avons jamais me stopper mais nous t'avions demandé une seule soirée, une seule où tu pourrais daigner la consacrer à ta famille. Tu sais, ses personnes qui te nourrissent et te logent depuis ta naissance ? Mais non, tu préfères partir comme une voleuse et je ne veux pas blâmer ton parrain pour être de mèche avec toi parce qu'il voulait te faire plaisir mais sache que tu nous déçois. » Continue ma mère.
J'encaisse sans rien dire, en sachant que l'histoire de Noël allait refaire surface, je n'ai pas eu de discours pour à ce sujet et il fallait bien que cela arrive un jour.
Mais je ne peux pas leur dire que c'était pour connaître l'identité de You, il me prendrait pour une irresponsable puis ensuite il me dirait que je suis ridicule de faire passer un inconnu devant ma propre famille.
Je comprends que je ne pourrais jamais récupérer ce Noël avec ma famille et qu'un jour je vais le regretter quand ils ne seront plus à mes côtés mais en tant qu'égoïste en plein adolescence, c'était naturelle pour moi de faire quelque chose de complètement con et d'illogique pour vivre une nuit pleine de surprise dont je me rappellerais toute ma vie. Je suis consciente d'avoir creusé un fossé entre eux et moi mais je suis trop égoïste pour leur avouer.
« — Et nous ne pensions surtout pas trouver ton petit copain caché de cette façon. » Ajoute mon père.
Je soupire lourdement, les laissant me dévisager ouvertement.
« — Déjà il a n'a pas 20 ans, il en a 18. » Commençais-je.
Ma mère s'apprête à reprendre la parole mais je la coupe.
« — Je peux savoir combien d'année d'écart vous avez ? 7 ans, un peu plus et tu aurais été un pédophile. » Déclarais-je sans mesurer l'ampleur de mes mots.
Je ne pense aucune des choses que je dis mais les laisser me dénigrer, me traiter de fille indigne sans une seule fois se mettre à ma place m'insupporte au plus haut point.
Mon père me fixe et je peux voir de la déception dans son regard.
Mais ma fierté me rappelle que je ne peux pas me rabaisser à ce point pour m'excuser et m'encourage à continuer.
Je suis en train de ruiner l'image parfaite de leur fille, je suis en train de détruire cette relation pour un garçon mais je suis trop têtue et comme on dit l'amour rend aveugle.
« — Et si ça peut vous soulager ce n'est pas mon petit ami caché. » Complétais-je.
Ma mère me regarde choquée par ce que j'ai dit et mon père a détourné le regard pour arborer une expression blessée.
Mon cœur se serre face à ce spectacle et je reviens à la réalité, la colère me quittant pour laisser place à la culpabilité mais je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit que mon père m'ordonne d'un ton agressif et autoritaire :
« — Va dans ta chambre. »
Mais je décide d'aller dans ma voiture.
J'enfile mes chaussures et me dirige d'un pas rapide dans ma voiture pour m'enfermer.
Je suis beaucoup trop honteuse et blessé à la fois mais je sais que je suis allée beaucoup trop loin dans mes propos et je ne sais pas comment rétablir la situation.
Je respire avec difficulté, essayant d'empêcher les larmes qui me troublent la vue.
Quelqu'un frappe sur la fenêtre de ma portière, me faisant sursauter.
Je renifle et passe rapidement mes mains sur mes yeux pour essayer de cacher mon chagrin puis ouvre la fenêtre pour voir Leith qui me regarde.
« — J'allais partir mais je t'ai vu sortir comme ça. » M'explique-t-il.
Je hoche la tête et me penche de l'autre côté pour lui ouvrir la portière.
Il contourne le véhicule et s'installe à ma place pendant que je referme la vitre.
« — Ca va ? » Me demande-t-il.
Je secoue la tête négativement, honteuse de ce que j'ai fait et honteuse de paraître aussi faible devant lui.
« — J'ai pas envie que tu me vois comme ça. » Lui avouais-je.
Il sourit face à ma stupide remarque.
« — Tu te rappelles de la fois où je suis arrivé saoul à l'école ? » Me demande-t-il.
Je hoche la tête.
« — Ce jour là je t'ai parlé de ma mère, j'ai tellement regretté sur le moment d'avoir été aussi faible devant toi puis ensuite j'ai compris que je n'avais pas à l'être. Il ne faut pas que tu aies honte d'être humaine avec moi. » Me dit-il dans un murmure.
« — Je sais. » Lui dis-je en passant une main dans mes cheveux sans le regarder.
« — Je suis désolée de ne pas avoir vu ton message. » Lui dis-je.
« — Et je suis désolé d'avoir dit la vérité à propos de Noël. » Me répond-il.
« — Non c'est pas grave, de toute façon je suis contente qu'ils soient au courant. » Lui avouais-je.
« — Et pourquoi tu es triste ? » Me demande-t-il.
« — J'ai traité mon père de pédophile, y'a que moi pour faire une chose pareille. » Lui dis-je essayant de ne pas lui montrer que je prends la situation très au sérieux.
« — Il sait que tu ne le penses. » Me rassure-t-il.
« — Ca ne change rien de toute façon, j'ai merdé. » Constatais-je.
« — Il y a toujours une solution. » Me répond-il.
Je ne réponds, fixant la porte du garage en face de moi et reniflant de manière peu élégante.
Je me tourne subitement vers Leith.
« — Tu as déjà eu envie de revenir en arrière pour ne pas faire une erreur, tu vois cette erreur, cette chose que tu as faite sans réfléchir et maintenant tu dois assumer les conséquences ? » Lui demandais-je.
Il me regarde un peu troublé par ma question puis tourne sa tête pour regarder à son tour devant lui.
« — Oui, définitivement oui. » Me dit-il.
« — Tu m'as dit que y'avait une solution. » Lui rappelais-je.
« — Je pense que pour moi il n'y a aucune solution. » Me répond-il.
« — Et pourquoi ne pas dire la vérité ? » Proposais-je.
« — Je pense que la vérité est bien plus moche. » Me dit-il.
« — Tu sais la plupart du temps la vérité est le remède pour tout, mais des fois la pilule a plus de mal à passer mais un jour tout va mieux. » Lui répondais-je.
Il sourit comme si j'étais un enfant qui disait quelque chose de naïf.
« — Je verrai. » Me dit-il mais je sais très bien qu'il ne le fera pas.
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