CHAPITRE 75


Je mords dans mon sandwich, faisant taire mon estomac qui se plaint depuis quelques heures.

« — De toute façon ça coute chère les tatouages. » Admet Perla en attrapant sa bouteille d'eau.

J'ai envie de lui faire remarquer que l'argent n'est pas vraiment un problème pour elle, mais je me ravise en comprenant que c'est une manière pour elle de nous dire qu'elle abandonne l'idée.

« — T'as sûrement raison. Et si ça peut te rassurer, j'ai oublié mon ancien copain alors que c'était vraiment très sérieux entre lui et moi. » Lui répond Jane d'un air nostalgique.

« — Il s'est passé quoi ? » S'inquiète Perla en se penchant vers Jane.

« — Je le connaissais depuis toute petite, il a été notre voisin depuis que nous avions emménagé ici et j'ai commencé à jouer avec lui puis de fil en aiguille quand on a commencé à évoluer, je l'ai vu d'une autre façon. Pour moi ce n'était plus que mon meilleur ami, j'étais vraiment attachée à lui et il était devenu vraiment beau, on ne va pas se le cacher. Puis il est sorti avec plusieurs filles, vous savez, les amourettes du début du collège et c'est là que j'ai réellement compris que je l'aimais. J'étais jalouse, insupportable et j'ai failli le perdre à cause de ça. Puis nos deux familles sont parties en vacances pendant une semaine ensemble et notre relation a évolué. J'étais en 3ème à l'époque, je m'en rappelle comme si c'était hier. » Nous explique-t-elle.

« — Et que s'est-il passé ? » Demandais-je.

« — C'est à cette période que le couple de ses parents est parti en fumée. Son père était beaucoup trop stressé par son travail et s'est embarqué dans des magouilles pas trop claires. Puis sa mère qui ne supportait pas de voir les revenus de la famille baissés, à tourner le dos à son mari. Et du jour au lendemain elle est partie. Son père a sombré dans l'alcool, enfin un peu trop cliché je sais mais c'est la vérité. Et je l'ai aidé à passer cette épreuve. Il a déménagé chez sa grand-mère donc je le voyais de moins en moins. Je pensais que tout allait bien puisqu'il était heureux quand j'étais avec lui mais plus le temps passait et moins nous nous voyions. Puis un jour, nous sortions du cinéma et une bande d'idiots avec des tatouages qui puaient la cigarette sont venus nous voir. Ils parlaient et c'est là que j'ai compris qu'ils se connaissaient. Ca ne me dérangeait pas vraiment, il avait le droit de traîner avec eux mais il était différent. Ils parlaient de choses et je ne comprenais pas la moitié de ce qu'ils disaient. Et ils avaient cette façon de me fixer qui m'a vraiment glacée le sang. Puis quand ils sont repartis, il était étrange, distant et j'ai voulu comprendre ce qu'il s'était passé mais il a commencé à s'énerver et il m'a giflé. C'était la seule et unique fois qu'il a levé la main sur moi. J'ai tout gardé pour moi et depuis ce jour je ne l'ai plus jamais reconnu. Ce n'était plus mon meilleur ami, mon copain, il avait changé et je ne faisais que l'agacer. Il ne s'est jamais excusé pour la baffe. Et je l'aimais tellement que j'ai juste rejeté la faute sur moi en me disant que j'étais insupportable de tout vouloir savoir. Et le jour où j'ai définitivement décidé de tourner la page, c'est le jour où je l'ai vu à la sortie du lycée. C'était quelques jours après la rentrée de seconde et je pensais qu'il était venu me voir pour s'excuser ou je ne sais quoi mais quand j'ai vu que sa bande d'ami tatoué était là, j'ai de suite renoncé à cette hypothèse. Ils se sont dirigés vers un élève et après quelques minutes à se crier dessus, une bagarre a éclaté. Je ne l'avais jamais vu se battre, et j'ai toujours eu horreur de ce genre de chose mais je peux vous assurer que c'était une autre personne que je voyais, il le frappait comme si sa vie en dépendait et je voyais le pauvre élève, seul, qui prenait les coups. Ils avaient peut être une raison de le faire mais je ne pouvais pas supporter ça, j'ai appelé la police. Je crois que c'est quand j'ai fait cet appel que j'ai su que c'était fini. J'ai pensé que je pourrais retrouver mon meilleur ami mais c'était juste impossible. Ils se sont fait arrêtés, enfin c'est ce qu'on m'a raconté, j'ai quitté les lieux avant qu'ils arrivent mais quelques jours plus tard j'ai reçu un message de sa part, il m'insultait, me traiter de tous les noms. Je ne sais pas comment il a su que c'était moi qui avais appelée la police. » Nous raconte-t-elle.

Je la fixe la bouche ouverte.

« — Leith le sait ? » Lui demandais-je.

« — Je ne sais pas, je pense. J'en avais parlé à Travis, j'étais bourrée mais j'ai l'intuition qu'il est au courant. » Nous dit-elle.

« — Et tu n'as pas eu de mal à tourner la page ? » S'intéresse Perla.

« — Je me suis complètement focalisée sur mon frère et ses amis. C'est pour ça que je suis proche d'eux. Je ne sais pas comment je réagirai si jamais je le revoyais. Je sais qu'une partie de moi est encore attachée à lui mais il rassemble tout ce que j'ai toujours détesté. Puis il y a Travis, il voyait qu'il y avait quelque chose d'étrange et il m'a soutenu, m'a aidé. Il est peut être instable sentimentalement parlant mais je ne pourrais jamais trouver pire que l'autre. » Explique-t-elle.

Je ne pensais pas qu'elle cachait quelque chose d'aussi important.

Je vois que nous en avoir parlé l'a bouleverse un peu.

Je décide donc de détourner son attention sur un sujet un peu moins sensible.

« — Alors des nouvelles de Travis depuis la soirée de Samedi ? » Lui demandais-je en lançant un regard complice à Perla.

« —Oh, on a décidé d'assumer ce qu'il s'est passé entre nous et nous sommes en période d'essaie si je peux appeler ça comme ça. » Nous explique-t-elle.

« — Leith est au courant. » Lui annonçais-je.

« — Quoi ? Comment tu sais ? » S'exclame-t-elle surprise.

« — Je ne te l'ai pas dit, mais on t'a vu lundi avec Travis. » Lui avouais-je.

« — Et est ce qu'il a mal réagi ? » S'inquiète-t-elle.

« — Il a trouvé ça très cliché et m'a dit qu'il va parler avec Travis. » Lui expliquais-je.

« — J'en étais sûre. De toute façon il est au courant de tout. » Rit-t-elle.

« — Il veut juste te protéger. » La rassure Perla.

« — Je sais, ça doit être ça. » Admet-elle.

La sonnerie qui nous informe que c'est l'heure de reprendre les cours nous coupe dans notre discussion.

Je soupire et jette un coup d'œil à mes amies.

C'est reparti pour une dernière après-midi de cours et ensuite je pourrais profiter du week-end.

Peut être que je vais échapper à la discussion avec Leith à propos du baiser, je ne sais pas et une partie de moi a envie de lui parler mais j'ai aussi peur de ce que je pourrai entendre.

Il pourrait dire des choses qu'il ne pense pas ou l'inverse, mon côté poule mouillé refait surface.

Et je n'aime pas le fait de ne pas pouvoir en parler à Perla et Jane, elles m'ont toutes les deux confiées quelques choses et moi je garde l'information la plus importante juste par peur.

Mais en même temps j'ai une bonne raison de le faire, je n'imagine même pas la réaction qu'elles vont avoir en le sachant, puis c'est pour une bonne cause, ma vie.

Je sais qu'à la minute où elles le sauront, je ne serai plus de ce monde.

Bon j'exagère un petit peu.

Le reste de l'après-midi passe rapidement et je peux enfin souffler quand je sors du lycée.

Pas de Leith en vue, ma voiture à quelques mètres de moi, rien ne peut me stopper.

Enfin c'est souvent quand l'on dit ça qu'un nuage de poisse se poste juste au dessus de notre tête.

J'ai demandé à ma mère de me ramener ma voiture au lycée parce que Perla ne peut pas me déposer chez moi ce soir et heureusement ma mère était d'une humeur charitable aujourd'hui.

Je jette un dernier coup d'œil derrière moi pour être sûre que la voix est libre mais lorsque je regarde à nouveau devant moi, le visage de Leith me cache la vue.

Je déglutis et j'évite de m'étouffer avec ma salive lorsque mon regard rencontre son rictus moqueur.

Faites qu'il veut juste me demander l'heure ou si j'ai vu sa sœur.

« — Hailey. » Commence-t-il.

« — Oui, c'est moi. » Répondais-je en évitant son regard pesant.

« — Comment ça va ? » Lui demandais-je.

« — Comme si cela t'intéressait. » Rétorquais-je.

« — Bien vu. » Me dit-il en riant.

Je lève les yeux au ciel.

« — C'est pas que je n'ai pas envie de te parler mais je dois y aller. » Lui répondais-je en tentant de le contourner.

Il pose sa main sur mon épaule alors que j'arrive à sa hauteur.

« — Reste là, tu ne vas pas m'échapper une nouvelle fois. Un café ? » Me propose-t-il.

Je le dévisage, ne sachant pas s'il se moque de moi ou s'il est sérieux.

« — Juste un café, puis on est en week-end maintenant. » Argumente-t-il.

Je soupire.

« — Juste un truc à boire alors, mais qui ne me fera pas perdre la raison ou ma lucidité. » Lui dis-je d'un ton qui se veut menaçant.

« — Deal. » Me répond-il.

Je hoche la tête.

« — Par contre, il faudrait que tu conduises parce que j'ai pas ma voiture. » Ajoute-t-il en grimaçant.

Je soupire et lève les bras en l'air.

« — Pas croyable. » Murmurais-je en me dirigeant vers ma voiture.

Je conduis sans décrocher un mot alors qu'il ne peut s'empêcher de fouiller partout, comme la première fois où il est venu dans ma voiture.

« — Arrête de toucher à tout ! » Lui dis-je en lui frappant le bras.

« — Je m'ennuie, tu n'es pas drôle. » Me répond-il en s'allongeant complètement sur son siège.

« — T'es insupportable. » Soupirais-je.

« — Je sais, mais c'est ce qui me donne un charme. » Renchérit-il.

« — T'es le narcissique le plus égocentrique que je connaisse. » Avouais-je.

« — Bon, ok je vais être sérieux. » Me répond-il en se redressant sur son siège.

« — Merci. » Lui dis-je.

« — Prend la première à gauche. » Me rappelle-t-il.

Je hoche la tête et mets mon clignotant.

« — Je n'ai pas vraiment envie d'attendre d'avoir un café à la main pour t'en parler. » M'avoue-t-il.

Je tourne brièvement ma tête vers lui.

« — De quoi ? » Tentais-je pour éviter ce que je redoute le plus.

« — Ne me rend pas la tâche plus difficile. » Soupire-t-il.

Est-ce que c'est étrange d'admettre que pour une fois, Leith agit plus raisonnablement que moi.

Je ne pensais pas qu'il était ainsi, ou peut être que c'est moi qui suis devenue trop peureuse et capricieuse.

« — Je n'ai juste pas vraiment envie d'en parler. Ca s'est passé, on était bourré et c'est une erreur comme une autre. » Déclarais-je sûre de moi alors que mon cœur bat à la chamade et que j'ai les mains moites.

« — Donc c'est une erreur. » Répète-t-il d'un ton surpris et blessé ?

« — Tu n'es pas d'accord ? » Lui demandais-je.

Une partie de moi a juste envie de se jeter sur ses lèvres mais ma raison me rappelle que ce serait une erreur de plus sur la liste des choses à avouer à mes amies.

Renier le baiser est peut être lâche mais je ne vois pas autre chose à faire, sinon si j'admets que j'assume complètement mon acte, je ne sais pas dans quoi je m'embarque, tout ce que cela implique.

Puis j'ai peur de faire une bêtise, après tout le mal que s'est donné Jane à me prévenir que ce n'était pas bien, Perla aussi a insisté sur ce point et je ne veux pas les décevoir.

Je ne vais pas nier que je me suis attachée à cet idiot de Leith mais en même temps cela peut très bien être de l'amitié.

« — Si, enfin je ne sais pas. J'étais bourré mais je veux être sincère, je n'aurai pas cette occasion deux fois. Je ne regrette pas d'avoir partagé ce moment avec toi et je ne dis pas que je suis fou amoureux de toi ou quelque chose comme ça. Seulement que si c'est ce que tu souhaites alors j'oublierai tout ce qui s'est passé. » M'explique-t-il.

Je ne pensais pas que le baiser avait pris autant d'importance à ses yeux et le fait qu'il me propose de faire l'effort d'oublier cet incident si je le souhaite me touche réellement.

« — Je pense que c'est ce que je veux. Restons ce que nous sommes. » Lui dis-je en me garant devant le café.

Il hoche la tête et détourne le regard, j'essaye de ne pas trop m'attarder sur l'expression qui orne son visage pour ne pas être ronger par les remords.

« — Un café pour repartir sur de bonne base ? » Tentais-je pour apaiser les tensions.

Sans me regarder, il me répond :

« — Tu m'excuseras mais je vais y aller. »

Il détache sa ceinture.

« — Non Leith, attend. » Lui dis-je en voyant que je l'ai réellement blessé.

« — Bon week-end Hailey. » Me dit-il avant de sortir de ma voiture.

Je fixe la portière se refermer.

|Point de vue de Leith|

Je compose le numéro de Travis en marchant rapidement vers l'arrêt de bus.

Je ne pensais pas que ce jour arriverait, j'ai presque ouvert mon cœur, je me suis mis à nu devant elle pour lui faire comprendre que je ne voulais pas nier ce qu'il s'était passé.

Elle était très réceptive et je pensais que c'était pareil de son côté mais je me suis trompé.

Je suis blessé, humilié et je n'arrive pas y croire.

Pour moi tout était planifié dans ma tête, on allait au café, on parlait et tout allait bien.

J'aurai dû m'en douter en voyant son attitude.

« — Alors ? » Me demande—t-il.

« — J'ai merdé. » Soupirais-je en passant une main sur mon front.

« — Comment ça ? »

« — Elle veut tout oublier et tu sais quoi ? C'est moi qui ais proposé cette idée ! J'ai dit que si elle voulait je pouvais oublier. » M'énervais-je.

« — Mon Dieu, on va trouver un arrangement. Pourquoi tu as dit ça ? » Me demande-t-il.

« — Je ne sais pas, et sur le coup je le pensais réellement, je voulais juste lui faciliter la situation car je voyais qu'elle était bloquée. Elle ne l'a pas dit à ses amies, j'aurai dû deviner dès le début que ça ne marcherait pas. » Soupirais-je.

« — Calme-toi, je crois que tu prends trop à cœur cette histoire. » Me dit-il.

« — Je n'arrive plus à réfléchir comme avant, j'ai peur de lui faire du mal. » Admettais-je.

« — Mais Leith, tu lui en feras de toute façon, c'est inévitable, tu ne peux pas l'éviter. »

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