CHAPITRE 70
Je ralentis et décide de me garer sur le bas côté.
Lorsque je me suis enfin arrêtée, je fixe un point devant moi, complètement dépassée.
Mon Dieu, est ce que j'ai vraiment embrassé Leith ?
Non c'est sûrement lui qui a fait le premier pas, au moins je n'aurai pas à m'en vouloir, j'ai juste laissé mes pulsions me guider.
Non, non, c'était bien moi.
Je passe une main sur mon front. Comment j'ai pu faire ça ?
Je secoue ma tête et soupire.
Mon portable vibre.
Je le fixe et j'ai l'impression de sentir le sol s'effondrer.
« J'espère que tu vas mieux » M'a envoyé Perla.
J'ai tellement honte.
Je lui ai promis de faire attention et quelques heures plus tard me voilà en train de l'embrasser.
Oui, je pourrais dire que c'est l'alcool mais en soit l'alcool accentue nos sentiments mais elle ne nous force pas à faire de choses, on ressent juste le besoin de faire des choses que l'on a jamais osé faire sans se mettre de barrière pour se stopper.
Ce que je dis ne m'aide en rien.
Comment je vais pouvoir lui dire ?
Je pouvais compter sur Jane mais je vois que la situation a changé entre eux, ils vont affronter la réalité pour jouer carte sur table.
Je me vois déjà en train de marcher à pas de loup et de me cacher à chaque carrefour pour éviter de croiser Leith, mettons les choses au clair, quand je parlais de carrefour ce n'était pas l'hypermarché.
Je sais que je ne pourrais pas l'éviter toute ma vie mais une partie de moi, ce côté poule mouillée qui est collée à ma peau m'attire vers cette option.
C'est plutôt lâche mais jusque là je ne vois pas d'autres idées qui pourraient m'aider.
Au moins Travis a joué la carte de l'oubli pendant des semaines, mais c'est clair comme de l'eau de roche pour moi.
Je n'ai vraiment aucun doute, Leith s'en rappelle.
Et il n'a pas choisi d'agir comme si ce n'était qu'un incident parmi toutes ses soirées alcooliques.
Je comprends pourquoi il m'a paru si étrange.
Il essayait d'agir comme si rien n'était arrivé mais ses regards insistants, ses yeux me rappelaient sans cesse cette grosse erreur que j'ai faite.
Pour être honnête, je ne regrette pas d'avoir fait le premier pas, je l'ai fait, c'est ainsi et je n'y peux rien.
Ca fera un souvenir de plus pour mes anecdotes ridicules que je raconterai pour mon quarantième anniversaire.
Enfin si je serai encore en vie et que Perla ou Jane ou les deux ne m'auront pas tuée avant.
C'est plus des conséquences dont j'ai peur, on m'a tellement avertit à propos de Leith, de prendre mes distances, de ne pas tomber dans le panneau mais la personne qu'ils décrivent tous n'est pas du tout celle que je vois.
Certes quand il est saoul il a son côté pervers qui refait surface comme la plupart des mecs mais dans son état normal il est quelqu'un d'autre.
J'ai l'impression que d'un côté il y a Leith et You, et de l'autre il y a Perla et Jane.
Je pencherai plutôt du côté de Perla puisque je la connais depuis longtemps mais il y a quelque chose qui fait que les garçons se sont appropriés ma confiance en si peu de temps.
Je ne sais pas comment je vais faire demain pour agir normalement, je ne suis pas le type de personne que l'on peut lire à cœur ouvert mais j'ai souvent tendance à montrer lorsque je suis préoccupée et là je suis plus que préoccupée.
Je décide de ne pas répondre à Perla et envoie un message à You.
Je ne sais pas quel « équipe » je vais choisir, si je peux les appeler ainsi mais il y a une personne avec qui je pourrai toujours parler sans me priver, me cacher, et c'est You.
« Alors comment ça s'est passé avec tes amies ? » Me demande-t-il.
« Plutôt bien en épargnant la gueule de bois que j'ai, je crois que j'ai un peu abusé sur la boisson » Lui dis-je.
« Vraiment ? Te bourrer en période scolaire, je ne pensais pas que c'était ton genre ;) » Me répond-il d'un ton moqueur je présume.
« Si tu savais... Tu ne sais rien de moi en réalité » Lui avouais-je.
« Ca me met la puce à l'oreille, quelque chose à me dire ? » Me demande-t-il.
« Je vais me faire démonter par Perla et Jane si jamais elles le savent ! »
« Explique-moi » M'encourage-t-il.
« Je me sentais mal, donc je me suis réveillée en plein milieu de la nuit et j'ai croisé Leith dans le couloir, il revenait de sa soirée. De fil en aiguille, nous nous sommes retrouvés dans sa chambre à vider une deuxième bouteille et dans le feu de l'action je l'ai embrassé. Ca n'avait pas l'air de le déranger et je viens juste de m'en rappeler. Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas comment agir sans que rien ne m'explose à la figure... » Lui expliquais-je.
« Tu regrettes ? » Me demande-t-il.
« J'ai peur des représailles c'est tout. »
« Regrettes-tu ? »
Je lève les yeux au ciel, il ne va pas lâcher l'affaire.
« Non, je ne regrette pas au contraire. Je me sens fière d'avoir oser faire ça mais je me sens minable en même temps. Ils n'ont fait que m'avertir depuis le début et c'est pour une raison, je ne peux pas foncer tête baissé sans faire un pas en arrière et regarder le tableau dans l'ensemble » Lui dis-je.
« Alors fait le ne réfléchis pas plus que tu ne le devrais, c'est souvent la première impression la meilleure. Tu ne devrais pas te tracasser pour tes amies. Elles veulent juste te protéger mais tout le monde change. » Me rassure-t-il.
« Mais je ne sais pas quoi faire ? Je ne sais pas comment agir demain ! » Paniquais-je.
« Sois toi-même, s'il te tend la perche pour parler de l'incident, prend là. » Me conseille-t-il.
J'écris un message puis l'efface.
Non c'est stupide de poser cette question.
Je l'écris à nouveau et mon doigt reste suspendu à côté du bouton pour envoyer.
Oh et puis merde.
Je l'envoie.
« Ca ne te dérange pas que je l'ai embrassé ? »
Il va me prendre pour une idiote.
« Pourquoi ? » Me répond-il.
« Je ne sais pas... Enfin si, notre jeu consiste à ce que l'on voit si nous pouvons tomber sous le charme d'une autre personne seulement avec sa personnalité. Mais si toute mon attention n'est pas sur toi, je ne peux pas réellement jouer. » Lui expliquais-je.
« Tu es donc tombée sous le charme de Leith ? » Me demande-t-il.
Je relie son message plusieurs fois.
« Non c'est ridicule ! C'est pas parce que j'ai osé l'embrasser que j'ai une quelconque attirance pour lui hein... Et puis même ce n'est pas la question à se poser » Paniquais-je.
« Ecoute, en t'engageant dans ce jeu nous n'avons jamais décrété que nous n'avions pas le droit de voir quelqu'un d'autre. Hailey, je te laisserai toujours vivre ta vie comme tu l'entends, embrasse Leith si tu veux, ça fait partie du jeu, ce sont les aléas de la vie et si notre jeu marche vraiment alors nous saurons que même en sachant que tu as été attirée physiquement parlant par d'autre personne, la personnalité est un critère majoritaire. » Me dit-il.
« Est-ce que tu es sorti avec d'autres personnes depuis le début du jeu ? Je veux dire réellement parlant. » Lui demandais-je.
« Au début, je ne pensais pas que ça marcherait réellement et je ne le sais toujours pas mais je me suis en quelque sorte attaché à toi, j'aime beaucoup ta personnalité. » M'explique-t-il.
« Est-ce dont une réponse positive à ma question ? » Lui demandais-je.
« Oui, mais si ça te dérange je t'assure que ce n'est plus le cas »
« Non ne t'en fais pas, je ne vois pas pourquoi moi j'aurai le droit de m'amuser et pas toi »
Je décide de rentrer chez moi puisque je suis exténuée et que je ne vais pas rester sur le bord de la route indéfiniment.
Mon réveil sonne mais le plus ironique dans tout ça c'est que je sois réveillée avant lui.
C'est même plutôt stressant de fixer son réveil et d'attendre qu'il sonne alors que je pourrai tout simplement me lever et le désactiver puis profiter des quelques minutes d'avance que j'ai. Non, j'ai ce rituel qui fait que j'aime devoir me préparer dans la panique, courir pour pratiquement foncer dans ma voiture et arriver au lycée lorsque la sonnerie retentit.
Et c'est toujours la même chose chaque matin.
J'éteins donc mon réveil mais j'ai encore moins envie d'aller au lycée, encore plus que tous les autres matins.
Je suis anxieuse et malgré les mots réconfortants de You je ne peux pas être complètement à l'aise.
Comment cacher à ses deux amies que l'on a embrassé quelqu'un qui n'est d'autre que pour l'une son frère et pour l'autre la 1ère à éviter avant tout ?
Je bois un grand verre d'eau pour me donner du courage, même si je sais au fond de moi que ça ne fera qu'empirer mon envie d'aller au toilette dans la journée puis décide enfin de me préparer à toute vitesse.
Les minutes sont vraiment précieuses lors d'une matinée avant d'aller à l'école, elle passe plus vite encore qu'une nuit de sommeil.
Ils devraient vraiment raccourcir les heures de cours rien que pour ça, l'énorme effort que l'on produit pour arriver à l'heure consomme toute l'énergie que l'on a gagné grâce à nos heures de sommeil, résultat nous ne sommes plus productifs arrivés à l'école.
Et voici une preuve que je ne me suis toujours pas remise de ma cuite d'hier, lorsque je radote sans cesse c'est plutôt mauvais signe et généralement j'ai ce nuage de poisse qui vole au dessus de moi pour amplifier ma très mauvaise humeur.
Mon Dieu, mon réveil a sonné depuis une dizaine de minutes et je suis toujours en train de fixer ce verre au lieu de m'habiller.
Je le repose délicatement sur la table et remonte les escaliers pour m'enfermer dans la salle de bain et enfin m'habiller des vêtements que je n'ai évidemment pas préparer la veille vu le taux de flemme intense qui circulait dans mes veines avant de dormir.
Quand j'arrive enfin devant le lycée, je suis soulagée d'arriver pile à l'heure et de pouvoir accéder à mon cours.
Au moins je n'aurai qu'à en gérer une, Perla.
Ce n'est peut être pas la plus facile après tout.
« — Tu vas mieux ? Tu ne m'as pas répondu hier. » Me dit-il en me affichant une moue compatissante.
Je hoche la tête en essayant d'éviter son regard, elle a la fâcheuse tendance de rendre n'importe qui mal à l'aise en un seul regard. Comme si elle pouvait lire en vous si par mégarde vous laissiez vos yeux se plonger dans les siens ne serait que pour une nanoseconde. J'ai vécu ce moment un jour et c'est vraiment perturbant, bien sûr vous ressentez cette profonde gêne seulement lorsque vous avez quelque chose à cacher.
« — J'ai juste essayé de m'éloigner un peu des écrans hier pour atténuer mon mal de crâne. » Lui expliquais-je en jouant avec mon stylo tout en me rappelant que j'ai passé le reste de mon après-midi et le début de ma nuit à regarder des séries, fixer devant mon écran sans le lâcher un seul instant.
Finalement, si j'arrive à traverser cette mauvaise passe, je deviendrai la fille la plus mythomane du monde avec le record de mensonge le plus naturellement dit en moins d'une semaine.
« — Jane m'a dit que c'était devenu un peu bizarre quand Leith est venu vous voir hier. » Me dit-elle.
Je déglutis et me mords la langue pour ne pas flancher.
« — De toute façon il faut mieux que ce soit ainsi plutôt que l'inverse, je n'imagine même pas comment je réagirai si tu devenais meilleur ami avec lui ! » Me murmure-t-elle en éclatant de rire à la fin de sa phrase.
Je baisse les yeux sur mon stylo que je sers de toutes mes forces et bien entendu je n'ai pas de force.
Merci Perla de me faire sentir encore pire que je ne l'ai été avant, mon taux de culpabilité à grimper en flèche en une seconde.
« — Il n'est pas mauvais je pense, il faut juste le connaître. » Dis-je de manière détendue.
Elle tourne son visage vers moi, non fixe le tableau, ne me lance pas ce regard.
« — Sûrement mais assez pour ne pas devenir son ami ou pire encore fricoter avec lui ! » S'exclame-t-elle.
Je crois que si elle ajoute encore quelques mots, je vais décéder sur le champ.
Je n'ai même pas encore eu le temps de lui en parler ni de réfléchir à un plan pour éviter Leith durant les 10 prochaines années qu'elle me met des battons imprégnés de remords dans les roues.
« — Mais pourquoi au juste tu penses ça de lui ? » Lui demandais-je en osant me tourner vers elle.
« — J'ai voulu te le dire et tu m'as suppliée de ne pas te le dire et maintenant tu veux à nouveau que je t'explique ? Il faut savoir ! » Me reproche-t-elle.
« — Je sais, mais maintenant je suis prête, j'avais juste beaucoup trop de pression sur mes épaules pour que tu m'avoues tes doutes. » Lui dis-je.
« — Mais ce ne sont pas des doutes ! Je t'assure que c'est vrai. » M'affirme-t-elle.
« — Ok, vas-y explique-moi. » Soupirais-je.
Elle s'apprête à me le dire quand la prof nous interrompt.
« — Hailey, Perla, c'est la dernière fois que je vous reprends ! » S'exclame-t-elle.
J'ai envie de lui dire que c'est aussi la première fois qu'elle nous reprend mais son regard me dissuade de la jouer à la Robin des Bois.
Mais comment je vais pouvoir m'en sortir ?
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