CHAPITRE 57

|Point de vue de Matthew|

Je fixe la route qui défile sous mes yeux et essaye de rester calme.

Les soupirs que lâche Hailey depuis que j'ai quitté le parking commence à m'agacer. Elle a l'air vraiment énervé contre moi mais je n'y peux rien, elle tire d'un geste nerveux sur le bas de la robe que j'ai volé dans l'armoire de ma sœur.

Je jure que si jamais je vois ma sœur portée ce genre de tenue, je ne vais pas la louper. Dans ces circonstances je suis plutôt content qu'elle ait cette robe mais en règle générale je ne veux en aucun cas la voir trainer dans cet accoutrement. Je suis un mec, je sais absolument ce qui se passe dans leur tête quand il voit des nanas se trimballaient avec une robe ressemblant fortement avec un tee-shirt moulant.

Je jette un coup d'œil à Hailey qui continue de soupirer en fixant le pare-brise comme s'il était coupable de cette colère qui l'habite actuellement.

Je mentirai en disant que j'assume complètement mon comportement et le déroulement de cette soirée. Je ne pensais pas perdre mes moyens devant elle et laisser ce côté agressif et addicte à la nicotine faire surface mais je n'ai pas assez fait attention. Ma mère continue de me crier dessus comme un gamin de 6 ans pour atténuer cette probable culpabilité qui la ronge lorsqu'elle n'est pas dans le lit d'un homme. Elle se rassure probablement de cette façon en se disant que disputer son enfant est quelque chose que les parents normaux font mais le problème est que je n'ai plus 6 ans. Cette fausseté perpétuelle qui flotte dans la maison me donne envie de quitter cette baraque quand je serais diplômé au plus vite, j'emmènerai ma sœur avec moi pour lui offrir une possibilité de se construire un vrai avenir.

La cigarette me permet d'évacuer cette tension, cette boule de nerfs qui grandit chaque fois que je croise mes parents. Cela me procure quelques minutes de paix.

Quand mes parents ont découverts que je fumais, ils m'ont fait la morale, comme de bons parents le feraient et ils ont cessé d'alimenter mon compte bancaire en pensant que ça m'arrêterait.

Je souris en repensant aux paquets de clopes dans les poches de ma veste en cuir.

J'ai peut être été un peu agressif avec Hailey et je n'en suis pas très fier mais tant que je n'avais pas en ma possession ses cigarettes, je ne pouvais pas être rassuré.

Maintenant c'est le cas et je peux enfin souffler.

Mes pensées se bousculent dans mon crâne et l'image de Tracey se dessine dans ma tête.

Elle doit sûrement être en train de danser au milieu de tout cet attroupement de testostérone sur patte qui doit bien se rincer l'œil. Et Leith et sa prétendue amitié, pour le peu que je sache, je n'ai jamais vu un seul mec qui soit ami avec Tracey sans avoir eu l'intime envie de la vouloir dans son lit. Mais Leith, il l'a déjà mis dans son lit.

Mes mains se serrent autour du volant alors que j'essaye de chasser les images parasites qui s'immiscent dans mon crâne.

Tracey est manipulable lorsqu'elle est sous l'emprise de l'alcool et je jure que si jamais Leith l'a touché, je ne vais pas me retenir, qu'il soit plus âgé que moi ou non.

Je jette un coup d'œil à Hailey qui continue de fixer un point devant elle comme si c'était son pire ennemi.

J'hésite à lui demander son avis mais j'ai cette impulsion soudaine qui m'oblige à agir sans tenir compte de ce qu'elle pense.

Elle n'aura qu'à m'attendre dans la voiture, ça ne prendra que quelques minutes de toute façon.

|Point de vue de Hailey|

Je n'arrive pas à croire que j'ai pu faire confiance à Matthew, il a l'air si différent de l'adolescent calme et compréhensif, apprécié de chaque professeur.

Je ne vais pas me répéter sans cesse, je dirais seulement que je vais arrêter d'accepter d'aider des personnes que je ne connais pas personnellement par pitié.

Je revois encore le regard du videur qui ne se gênait aucunement, j'espère pour lui qu'il n'est pas marié et qu'il n'a pas d'enfant parce que à la place de sa famille, j'aurai vraiment honte de son attitude.

J'enfile ma veste et essaye de voir dans la pénombre de la nuit où sommes nous, mais aucun indice ne me permet d'identifier le lieu.

Je dirais même que ce n'est pas du tout la route qu'il faut prendre mais je préfère ne rien dire plutôt que d'entamer une énième discussion avec lui.

Pour passer le temps, je décide de m'occuper sur mon portable que j'ai finalement réussi à faire rentrer dans ma pochette tout à l'heure.

Bien entendu, mon esprit est toujours occupé par cette désastreuse soirée. Je n'arrive pas à croire que je suis en réalité impliquée dans ce qui semble être un trafic de drogue et de cigarettes.

Mais qu'est ce qui s'est passé dans ma tête, pourquoi je n'ai pas tout simplement refusé lorsque Matthew m'a clairement demandé d'utiliser mes atouts féminins comme tickets d'entrée.

Mais je suis complètement folle ma parole ! Quelle personne censée accepterait ce genre de service ?

Une part de moi veut détester Matthew pour son attitude mais je ne peux pas seulement le blâmer, c'est en partie aussi de ma faute si une certaine culpabilité et dégoût de moi-même m'accable en ce moment même.

Je le vois ralentir et je saute de joie intérieurement en pensant que dans quelques minutes je vais être dans mon lit et oublier cette soirée.

Mais quand je tourne la tête, ma joie se transforme rapidement en surprise puis en incompréhension.

Le tableau qui se dessine sous mes yeux n'est d'autre qu'une proche copie de la fête de Travis.

Des adolescents se déchainent dehors sans se rendre compte qu'il n'y aucune musique et pour continuer dans le cliché, des gobelets jonchent le sol, confirmant que cette fête est bien alcoolisée.

Je me tourne et fixe Matthew pour avoir une explication mais il se détache sans même me jeter un regard puis sort de la voiture.

Je reste figée et essaye de trouver une réponse aux nombreuses questions qui se bousculent dans ma tête.

« — Matthew ! » M'exclamais-je.

Il se penche à l'intérieur de la voiture.

« — Tu fais quoi ? » Lui demandais-je en trouvant cette question inutile vu qu'il aurait déjà dû m'expliquer cela avant.

« — J'ai juste un truc à vérifier et je reviens, ça prendra deux secondes. » M'explique-t-il avant de reculer et de claquer la porte.

Je déglutis et souris bêtement face à ce qu'il se passe.

Finalement je vais devoir attendre encore un peu avant de pouvoir dormir.

Je crois que c'est définitivement la dernière fois que j'ai affaire à cet idiot de Matthew.

Je veux bien être sympa mais s'il ne peut même pas me déposer chez moi avant de faire ce qu'il a à faire je pense que je ne vais pas rester calme longtemps.

La fatigue n'arrange pas les choses et j'ai seulement envie de poser ma tête contre mon oreiller et de m'endormir.

Je jette un coup d'œil à l'heure sur le tableau de bord et tape du pied.

J'ai vraiment froid à cause de cette robe et j'hésite à me changer dans la voiture mais il a dit qu'il allait être rapide alors je ne veux pas qu'il me surprenne en sous-vêtements dans sa voiture.

J'ai l'impression que ce sont les minutes les plus longues de ma vie.

Je vois au loin une ombre qui boite et s'avance vers la voiture.

D'un côté j'espère que c'est lui mais vu l'allure une partie de moi espère que ce ne soit pas lui.

La personne a l'air d'accélérer sans pour autant changer de trajectoire, il se dirige tout droit sur la voiture.

Alors que je prie intérieurement pour qu'il s'arrête, la personne fonce tout droit dans ma portière.

Je sursaute et me recule un peu alors que le visage de la personne descend progressivement le long de la fenêtre, un filet de bave pour accompagné le tout.

Je lâche un cri de dégoût et attends qu'il agonise par terre pour ouvrir la portière et l'enjamber.

Je referme la porte derrière moi et commence à marcher vers la maison.

J'ai l'intime conviction que Matthew n'est pas prêt de revenir de toute façon.

Mes tympans se font agresser par la musique et on me bouscule de tous les côtés alors que je tente de trouver un endroit calme où attendre mon adorable camarade de classe.

Les filles dansent et chantent en levant leurs gobelets en l'air alors que les mecs essayent de paraître cool en gigotant dans tous les sens avec des bouteilles d'alcool dans les mains.

Je sens un liquide frais sur la robe que je porte, je baisse les yeux et soupire en voyant une tâche se former sur le tissu, même si ce n'est pas ma robe je ne peux pas m'empêcher d'être énervée, tout d'abord car je suis maintenant mouillée et aussi parce que ça colle.

Je relève les yeux et croise deux orbes marron.

Une fille arrive en rigolant et tire le bras de la personne qui tient le verre et fixe la tâche d'alcool sur moi.

Je reconnais Jane qui tente d'emporter Perla dans la joie intense de l'alcool et des fêtes.

Mais lorsqu'elle croise mon regard, elle se fige et arbore la même expression indéchiffrable que Perla.

Je déglutis et tente de paraître décontracter mais j'ai l'impression qu'on presse chacun de mes muscles et que quelqu'un s'amuse à poser des poids sur mes épaules pour me donner cette image de jeune adolescente chétive et complètement dépassée.

Le regard de Jane change peu à peu pour laisser place à de la colère qui me transperce comme une flèche.

Je tente un sourire maladroite auxquels aucunes des deux ne répondent.

Bien, on commence bien.


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