CHAPITRE 40
Je suis assise sur le canapé et attends calmement d'avoir des nouvelles de ma mère.
Cela fait une bonne demi-heure qu'elle s'est enfermée dans la cuisine pour discuter avec le supérieur de Nate.
Il ne reste que deux heures avant que l'avion destiné au rapatriement du supérieur n'atterrisse pour le récupérer.
2 heures et toute once d'espoir disparait.
J'essaye de positiver, de me dire que Nate est fort mais je réalise qu'être fort n'est pas assez pour survivre dans de telles conditions.
Il n'a sûrement pas bu ni manger depuis des jours peut-être même une semaine et le climat joue en sa défaveur.
Mon père est partie travailler, il ne pouvait pas se permettre de louper une journée et je pense que c'est un moyen pour lui de se changer les idées.
Je frappe frénétiquement mon pied contre le sol puis finis par me lever, l'attente étant devenue insupportable.
Comment peut-elle prendre autant de temps ? De quoi discute-t-elle ?
Je sais que je ne peux pas débarquer dans la pièce, si elle s'est enfermée c'est pour une raison.
Je prends donc mon mal en patience mais finis par céder à mes pulsions en venant appuyer mon oreille contre la porte de la cuisine.
Malheureusement seule une voix étouffée me parvient.
Je n'entends aucun sanglot ce qui peut être perçu comme un signe positif.
Alors que je m'apprête à faire demi-tour, la porte s'ouvre, me faisant presque perdre l'équilibre.
J'adresse un sourire gêné à ma mère qui me sonde du regard.
Elle a raccroché et tient son téléphone d'une main tremblante.
Mon sourire s'évanouit alors que je lis dans son regard un message beaucoup trop douloureux.
Je déglutis et commence à secouer la tête négativement.
« — Il reste deux heures, n'est-ce pas ? » Demandais-je d'une voix faible qui trahit mon émotion.
Ma mère baisse sa tête comme si elle voulait ignorer ma remarque mais elle finit par prendre la parole.
« — Une tempête de sable est prévue, ils vont faire évacuer son supérieur en urgence. La visibilité sera beaucoup trop faible et l'avion ne pourra pas se déplacer, ils ont donc décidé d'avancer l'heure de départ. » M'explique-t-il d'une voix qui se veut contrôlée.
« — C'est fini. » Ajoute-t-elle avant de se pincer les lèvres entre elles comme pour s'empêcher de pleurer.
« — Mais... ce n'était pas censé se passer comme ça. » Dis-je d'un air contrarié.
Je ferme les yeux en réalisant que je n'ai plus aucune raison de positiver.
Si Nate est encore vivant, la tempête de sable va le réduire à néant.
Il ne mérite pas cela, il est gentil, serviable et aimant et il a décidé de servir son pays, de devenir de la chair à canon pour protéger sa nation. Tout ça pour finir par mourir dans d'atroce souffrance, seul.
Il est seul et j'aimerai être avec lui, peu importe s'il me voit, s'il m'entend, j'aimerai prendre sa place et le rassurer. Je l'imagine affaiblie, agenouillé dans le sable, l'estomac se tordant de famine et la gorge asséchée.
Je donnerai n'importe quoi pour qu'il ne souffre pas, pour qu'il revienne à la maison, mes parents ont plus besoin de lui que de moi, il amène de la joie et de la bonne humeur.
Je n'amène que des problèmes, s'il y a une personne qui doit partir c'est moi, pas lui.
Il est si aimant et possède un si grand cœur.
« Ce sont les meilleures qui partent en premier. » J'aimerai que cela ne soit pas vrai.
J'aimerai qu'il soit là, j'aimerai avoir la chance de pouvoir lui dire une dernière fois que je l'aimais, qu'il est tout pour moi et que je m'excuse d'avoir été une si mauvaise sœur.
Il était bien plus que ce que je ne pouvais espérer et il est partie.
Je sens que mes jambes tremblent alors que ma mâchoire se contracte.
J'ignore les larmes qui inonde mes joues et fais volte face pour me réfugier dans ma chambre.
C'est injuste.
Je veux être seule et pleurer pour le restant de mes jours.
J'entends la voix lointaine de ma mère qui m'appelle mais je l'ignore pour me plonger corps et âme dans cette douleur qui ne cesse de grandir en moi.
Une boule se forme dans ma gorge, m'empêchant de stopper mes sanglots et augmentant mon rythme cardiaque.
Ce n'est pas possible.
Je quitte ma chambre pour montrer les marches de l'escalier, je fais quelques pas puis m'arrête pour contempler la porte de SA chambre.
Il avait une place dans cette maison, dans mon cœur, dans ma vie et il est partie avant d'avoir pu en profité.
Je pousse la porte et entre.
Les affaires de Perla y sont disposées, elle est partie avec Jane rejoindre les Leith. J'ai préféré rester ici en sachant que c'était le jour décisif.
Je m'allonge sur le lit et me penche pour fouiller dans les cartons non déballés.
J'y trouve un de ses pulls, je l'attrape et le sers contre moi en me remémorant toutes les fois où il l'avait porté.
Il était si vivant.
Je ferme les yeux et image que je le sers contre moi, qu'il est toujours là.
La douleur dans ma poitrine s'amplifie à mesure que je réalise que c'est impossible, c'est trop tard, il est partie.
Je me laisse bercer par ma respiration et mes sanglots puis finis par m'endormir.
Une voix répète à plusieurs reprises mon prénom.
Je fronce les sourcils et ouvre les yeux pour réaliser que je ne suis pas dans ma chambre.
Leith, Perla et Jane sont penchés au dessus de moi et me regard inquiet.
Je me redresse et lâche le pull pour les dévisager.
« — On vous laisse. » Prévient Jane avant d'attraper le bras de Perla pour quitter la pièce.
Je déglutis alors que mes yeux me piquent de plus en plus.
Je me sens vide intérieurement, comme si j'étais un imposteur et que je n'avais aucune raison d'être ici.
Leith prend place à mes côtés et m'entoure de ses bras réconfortant alors que j'essaye de profiter de ce contact.
« — Je suis désolée, je ne suis pas de très bonne humeur en ce moment. » Lui murmurais-je.
« — Mais tu as tous tes droits. » Me répond-il.
Je hoche la tête.
« — Tu as dormi pas mal de temps, c'est ce que ta mère a dit. » M'explique-t-il.
Je constate alors que le soleil va bientôt se coucher.
En effet à force de dormir à peine quelques heures par nuit, je finis par récupérer ce manque de sommeil.
« — Tu devrais aller manger quelque chose. » Me conseille-t-il.
Je secoue négativement la tête.
Quelqu'un toque à la porte.
Le visage de ma mère se dévoile dans l'entrebâillement de la porte.
Je lui fais signe d'entrer.
« — Je te ramène un truc à manger. » Me signale Leith avant de se lever et de quitter la pièce.
Ma mère avance à pas de loup comme si elle ne savait pas comment s'y prendre.
« — Son supérieur est bien arrivé et la tempête a bien eu lieu. » Me dit-elle en jaugeant ma réaction.
Je hoche la tête, les mots qu'elle prononce sortant de mon esprit aussi vite qu'ils sont rentrés.
Je ne veux plus réfléchir.
« — Et il veut te parler. Si tu es prête. » Ajoute-t-elle.
Je déglutis.
Son supérieur veut me parler.
J'essaye de ne pas trop analyser cette phrase et tends ma main d'un geste quasi-mécanique.
Ma mère y pose le téléphone.
Je soupire un bref « bonjour » alors qu'une voix grave résonne dans mon oreille et ma boite crânienne.
« — Bonjour, je suis sincèrement désolé de devoir parler de cela en ce jour mais Nate m'a demandé de vous remettre un message s'il lui arrivait quelque chose. Il m'a dit de vous dire qu'il fallait demander à Docteur Bear. »
« — Docteur Bear ? » Répète-je.
« — Affirmatif, je n'ai pas plus d'information, je suis navré. Si vous ou votre famille avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à appeler, je me chargerai personnellement de satisfaire vos demandes. » Me dit-il.
Je le remercie brièvement avant de raccrocher.
Je rends le téléphone à ma mère et quitte cette pièce pour retourner dans ma chambre.
Docteur Bear est le nom de mon nounours, ce n'est pas mon doudou de mon enfance. Il s'agit du nounours que m'a offert Nate le jour où il m'a dit qu'il allait entrer dans l'armée.
Sur le coup, j'avais trouvé ça niais voir ridicule mais ce nounours représente beaucoup plus qu'un cadeau à mes yeux.
Il est toujours posé au bout de mon lit, comme s'il me surveillait, me protéger.
Je l'attrape et l'examine sous toutes les coutures mais je ne comprends toujours pas ce que Nate a voulu dire.
Aux dernières nouvelles il s'agit d'une simple peluche qui ne parle pas.
Un fil dépasse, je tire dessus et une partie du nounours se découd.
Je suis surpris ne m'attendant pas à le décapiter mais lorsque j'aperçois quelque chose cacher à l'intérieur, je repousse ma culpabilité.
Je plonge ma main à l'intérieur et en ressors un DVD.
Mon prénom est écrit dessus avec un post-it sur lequel il est inscrit : « Si tu lis ça c'est que j'appartiens désormais au passé. PS : regarde ce dvd »
Cela fait bien deux jours maintenant que j'ai découvert ce DVD, je n'ai pas le cœur à le regarder, j'ai peur de ce que je vais y trouver.
Je sais ce que je vais y trouver, un Nate joyeux et vivant.
Personne n'est au courant pour ce DVD, cela fait d'ailleurs deux jours que je n'ai parlés à personne.
J'ai besoin d'être seule pour digérer cette situation.
Je prends mon courage à deux mains et insère le DVD dans le lecteur de mon ordinateur.
Mon cœur bat à la chamade mais de gros coups contre ma porte me font sursauter.
« — Je n'ai pas faim ! » M'exclamais-je.
C'est toujours le même manège, ma mère ou mon père vient me demander si je veux manger, je leur réponds toujours la même chose et dans la nuit, durant mes insomnies je vais manger dans la cuisine seule dans le noir.
Les coups se répètent à nouveau.
Je soupire et crie à nouveau que je n'ai pas faim mais la personne ne lâche pas le morceau.
A tous les coups il s'agit de Leith, il n'y a que lui qui ait le culot d'insister à ce point.
Je repousse l'ordinateur de mes genoux et me précipite vers la porte pour faire cesser ce manège.
J'ouvre la porte et m'apprête à hurler lorsque je rencontre deux yeux si familiers.
Ma voix se bloque dans ma gorge alors que je dévisage la personne qui se tient devant moi.
Je ne fais pas un seul mouvement de peur de me réveiller de mon rêve.
Il finit par sourire alors que mon cœur se met à accélérer.
Ce n'est pas possible.
Il se penche et constate Dr Bear déchiré en deux et mon ordinateur allumé.
« — Tu ne vas pas te débarrasser de moi comme ça ! » S'exclame-t-il.
Sa voix, il parait si réel.
Je tends mon bras et le touche.
Je reste bouche bée alors que son sourire s'agrandit.
En moins de deux, me voilà plaquer contre lui dans une accolade à m'en donner des frissons.
« — Je suis là. » Me chuchote-t-il en me tapotant le dos alors que je réalise que j'ai à nouveau fondus en sanglots.
« — Ce n'est pas possible. » Murmurais-je.
« — Je suis désolé de t'avoir fait si peur. » Ajoute-t-il.
Il est là.
Il est vivant.
Je ferme les yeux alors qu'il m'explique ce qu'il s'est passé.
« — J'ai trouvé le camps de secours, j'ai à peine eu le temps de me réfugier qu'une tempête à commencer. J'ai cru que j'allais y rester. Heureusement mon supérieur avait laissé de la nourriture et une radio fonctionnelle. Après la tempête, j'ai pris contact avec eux et ils ont envoyé une équipe de suite. » Finit-il.
Je hoche la tête, soulagée que cela soit enfin fini.
Nate est rentré à la maison.
« — Si ça ne t'embête pas je vais reprendre ce DVD, tu n'as pas besoin de savoir pour le moment où je cache mes précieux trésors. » Me dit-il sur le ton de la plaisanterie.
« — Ne repars plus, s'il te plait. » Répliquais-je.
« — Ils m'ont assigné à un travail dans les bureaux, c'est beaucoup moins intéressant mais je pense que ça en vaut la peine. » Me répond-il en frottant sa main dans mes cheveux pour me décoiffer.
Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je réalise que ce cauchemar est fini.
C'est fini.
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Je poste l'épilogue demain (Dimanche) ❤️
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