CHAPITRE 33

Je fais les 400 pas dans ma chambre et jette des coups d'œil nerveux au réveil à côté de mon lit. Dans précisément une minute mon père va revenir du travail, s'installer dans son fauteuil dans le salon et ma mère va lui apporter son café du soir.

Ils seront donc au même endroit, réunis, prêts pour que je leur parle de ma décision.

Je ne voulais pas en parler pendant le dîner, je ne peux d'ailleurs pas en parler pendant le repas puisque mon père va au stade pour voir un match de Baseball avec des collèges de travail et ma mère s'est enfin libérée une soirée pour aller tester ce nouveau restaurant de poisson au coin de la rue avec ses amis de son cours de pilates.

Oui, je ne vais pas vous le cacher, c'est très cliché.

Je serais donc seule ce soir et je ne veux pas leur en parler via message.

La porte d'entrée claque et la voix forte de mon père résonne dans toute la maison.

Mes poings se serrent alors que je jette un dernier regard à mon reflet dans le miroir accroché à la porte de ma chambre.

J'ai l'air de m'être réveillé.

Parfait.

Je décide de ne pas trop réfléchir et me lance, je marche à grandes enjambées en direction du salon alors que j'aperçois ma mère qui rejoint mon père avec une tasse de café fumante dans la main.

Lorsque j'entre à mon tour dans la pièce, ils se figent comme s'ils ne s'attendaient pas à me voir ce soir.

« — Ca va ? » Demandais-je d'un ton très gênant et humiliant.

Ils se jettent un regard avant de reporter leurs attentions sur moi.

« — Tu veux nous demander quelque chose ? » Commence mon père.

Je secoue la tête négativement et fais volte-face.

Je grimace puis soupire avant de leur faire face à nouveau.

« — Oui, j'ai deux choses à vous dire. » Commençais-pour les mettre dans le bain.

Ils attendent patiemment que je reprenne la parole alors que mon regard se pose sur mon père qui avale une gorgée de son breuvage.

Il semble remarquer mon regard appuyé puisqu'il laisse en suspens son geste.

Je réalise que ce que je fais est très étrange et que je viens de laisser un silence très pesant s'installer.

Je le brise en annonçant ma première nouvelle.

« — Je ne vous en veux pas de m'avoir caché la lettre. Je suis juste blessée que vous m'ayez mise de côté, c'est tout. Je comprends pourquoi vous avez agi ainsi mais ça n'empêche pas le fait que ce soit vexant. » Expliquais-je d'une voix calme en les fixant tour à tour pour m'assurer qu'ils m'écoutent attentivement.

Ma mère qui semble réjoui par cela, s'apprête à me prendre dans ses bras mais elle se ravise sûrement en se rappelant qu'il y a quelque chose d'autre que je dois annoncer.

« — Nous ne te cacherons plus rien. » Me dit mon père et j'en suis ravie.

Je hoche la tête et prends mon courage à deux mains.

« — Je ne sais pas si maman t'a parlé de notre conversation de ce matin. » Commençais-je.

Mon père hoche la tête positivement et je déglutis.

Je détourne mon attention pour la poser sur ma mère.

« — Tu avais raison, ce n'était pas Judy, ni Watson, c'était... mon copain. » Avouais-je la gorge serrée.

Mon père se fige alors qu'un léger sourire se dessine sur les lèvres de ma mère.

Je l'ignore pour continuer dans ma lancée.

« — Vous devez sûrement avoir envie de le rencontrer. » Continuais-je.

« — Bien sûr, quel âge a-t-il ? » Me demande mon père.

« — Je ne vais pas répondre à ta question, j'aimerai vous proposer un dîner dans un restaurant pour le rencontrer. » Proposais-je.

Mon père semble perplexe face à ma proposition alors que ma mère semble l'envisager.

« — Pourquoi un dîner ? Ce n'est pas ton fiancé, un simple copain de lycée. On peut très bien faire un bon petit repas ici. » Rétorque mon père.

Je baisse la tête.

« — Un restaurant semble une bonne idée. » Le contredit ma mère ce qui me rend mon sourire.

« — Je ne vois pas l'utilité de dépenser son argent chez les mondains pour une simple rencontre. » Se plaint-il campé sur ses positions.

Mon père peut être un allié indiscutable comme un vrai boulet, cela dépend simplement du côté dans lequel on se positionne.

Mais heureusement ma mère est bien la seule femme qui lui tient tête sans trembler de tous ses membres.

Ma mère lui lance un regard noir comme pour lui faire passer un message mais mon père semble indifférent à ses signaux et continue de manifester son irritation.

« — Mais, c'est pourtant évident ! » Lui murmure ma mère suite à une nouvelle question de la part de mon père.

Je reste là, immobile comme une statue ou un poteau alors que mes parents discutent comme si je n'étais plus dans la pièce mais je n'ai pas envie de faire partie de cette discussion.

« — Non, éclaire-moi ! » Lui répond mon père d'un ton sarcastique.

Ma mère lui lance son plus mauvais regard.

« — Elle l'aime... beaucoup. » Lui confie-t-elle de manière très peu subtile mais toujours avec l'espoir que je n'ai pas entendu et je fais comme si c'était bien le cas.

Mon père arbore des yeux ronds avant de me fixer comme si elle venait de lui annoncer que j'étais sa fille cachée.

Je fais mine de ne pas voir son regard lourd et insistant mais cela devient lassant.

Je suis à deux doigts de faire marche-arrière et d'annoncer que c'était un poisson d'avril, une blague de mauvais goût mais mon père reprend la parole.

« — C'est vrai ? » Demande-t-il à mon attention.

Je lui jette un regard pour m'assurer que c'est bien à moi qu'il parle et c'est effectivement le cas.

« — C'est juste un repas, ok ? Si c'est si pénible de manger publiquement, d'être servi et de ne pas avoir à cuisinier alors je retire ma proposition, c'est simple ! » M'exclamais-je en ignorant sa question.

Ils ne s'en rendent sûrement pas compte mais je me suis mise à nue devant eux, je ne me confie pas habituellement de la sorte sur mes sentiments et leur proposer d'en savoir plus sur ma vie sentimentale et bien plus que je n'aurais pu leur offrir avant.

C'est comme si j'étais là, nue, vulnérable devant eux alors qu'ils débattent deux heures d'affilées pour savoir si oui ou non je peux me rhabiller.

C'est humiliant.

Ils n'en ont sûrement pas conscience mais c'est bien réel et je risque de retirer la perche que je viens de leur tendre.

« — Je... Oui pourquoi pas, va pour un dîner chez les bourgeois ! Je vais demander ce soir à Sean s'il ne connait pas un bon restaurant. » Annonce mon père avant de boire à nouveau son café.

Je me tourne vers ma mère qui acquiesce doucement et je quitte rapidement la pièce avant qu'ils ne voient le sourire qui émerge sur mes lèvres.

J'envoie un rapide message à Leith pour le prévenir et deux jours plus tard me voilà en train de me brosser les cheveux, les yeux plongés dans mon reflet.

Je prends une grande inspiration alors que j'attrape mon parfum pour m'en asperger.

Je ne peux ignorer mon cœur qui cogne avec vivacité contre ma cage thoracique.

Je repose d'une main tremblante mon flacon de parfum puis jette un dernier regard dans le miroir avant de quitter la salle de bain.

J'ai été obligée de mettre une robe, habituellement je m'épanouie dans mon jean mais j'ai dû faire cet effort car selon ma mère je ferai tâche dans le restaurant.

Je ne sais pas du tout de quel type de restaurant il s'agit mais selon mon père il s'agit d'un restaurant raffiné et j'espère au moins pouvoir comprendre ce que le menu propose.

Mes parents m'attendant, bras dessus dessous dans l'entrée.

Mon père ne peut s'empêcher de lâcher un rire en m'apercevant, lui non plus n'a pas l'habitude de me voir en robe, de me voir féminine.

Ce n'est pas la première fois que j'en mets, j'en ai déjà mise pour des soirées mais je ne pense pas que mon père aurait rit comme il vient de le faire, il aurait sûrement lancé une remarque cinglante du style « Tu vas faire les trottoirs ? » ou encore « T'as perdu la moitié de ta robe ou quoi ? » et je ne peux pas l'en blâmer.

« — Arrête de rire. » Crache ma mère en lui frappant le bras alors qu'il s'essuie une larme imaginaire d'un geste théâtrale.

Je lève les yeux au ciel et les dépasse non sans oublier de donner un coup d'épaule à mon père au passage.

Je m'installe à l'arrière de la voiture et serre entre mes doigts mon portable dans l'attente d'un message de Leith.

Il m'a dit qu'il venait de sortir de la douche et j'espère qu'il ne sera pas en retard, enfin juste un peu pour qu'on puisse au moins s'installer à la table et que mes parents ne puissent plus quitter le restaurant sans se faire remarquer.

En parlant d'eux, ils me rejoignent enfin et tout le trajet se fait dans un silence religieux.

Je ne fais rien pour animer une quelconque conversation, j'appréhende leur réaction.

Ils ne s'attendent probablement pas à ce qui va venir, à celui qu'ils vont voir.

Ma gorge se serre alors que mes parents rient lorsque mon père ouvre la portière de ma mère telle un gentleman.

Comment-peuvent-ils être si détendus ?

Je fais glisser ma robe qui a remonté sur mes cuisses et rattrape mes parents qui se dirigent vers le fameux restaurant.

Je consulte mon portable mais je n'ai toujours aucune nouvelle de Leith et j'espère qu'il n'a pas changé d'avis.

Lorsque je pénètre dans l'établissement je suis stupéfaite par la beauté des lieux, mon stress ne fait alors qu'aller crescendo alors qu'un serveur marche d'un pas léger en direction de notre table.

Je suis soulagée d'avoir mis une robe lorsque mes yeux se posent sur les robes hautes coutures des femmes qui mangent avec élégance sans avoir peur de ruiner leurs parfaits rouges à lèvres rouge.

Je n'ose jamais mettre de rouge à lèvres, j'ai peur d'en avoir sur les dents ou encore de l'étaler en buvant un verre d'eau.

« — Hailey, tu viens. » M'appelle ma mère en remarquant que j'ai pris un peu de distance.

Je hoche la tête et les rejoins pour m'installer en face d'eux, à côté de la chaise vide.

Malheureusement je ne suis pas en face de l'entrée, je suis dos à celle-ci, je ne peux donc pas guetter l'arrivée de Leith.

« — Il arrive bientôt ? » Me demande mon père.

« — Oui, des bouchons sur la route. » Mentais-je en me grattant la nuque.

Ma mère remarque mon geste mais ne dit rien, elle attrape simplement le menu que vient de lui tendre le serveur et le consulte.

Je fais de même alors que la table est plongée dans un silence.

Je peux presque entendre les battements de mon cœur dans mes oreilles tant ma fréquence cardiaque a accélérée.

Je jette un coup d'œil à la chaise vide à côté de moi.

Est-ce que j'ai oublié de lui envoyer l'adresse ?

Je vérifie dans l'historique des messages mais ce n'est pas le cas.

Pourquoi prend-il autant de temps alors ?

Je fulmine intérieurement mais seul un léger sourire permet de contraster avec mon état.

Mon père me jette quelques regards en biais et je commence à me dire que ce n'était peut-être pas une bonne idée.

« — Tu as choisi ? » Me demande soudainement ma mère.

Je sursaute puis secoue la tête négativement.

Je viens de lire sans vraiment en prendre conscience le menu, je refais donc le même processus et me décide finalement pour les brochettes de poulets, enfin je pense qu'il s'agit de brochette de poulet, le nom est beaucoup trop métaphorique mais je pense que c'est bien cela.

Mes parents viennent juste de commander et alors que le serveur m'écoute, je remarque de l'agitation du côté de mes parents.

J'essaye d'ignorer cela mais lorsque le serveur s'éloigne, mon angoisse augmente.

Ils ont peut-être décidé de partir, ils ont peut-être jugé que l'attitude de mon copain était impolie, qu'il n'avait pas à être en retard de la sorte alors que c'est lui qui est invité.

Je fais mine de rien, mais je sers dans mon poing la serviette en tissu que j'ai disposée sur mes genoux.

Mon père se racle la gorge et je m'attends au pire.

« — Ne te retourne surtout pas. » M'annonce-t-il.

Je relève instinctivement la tête et lui lance un regard interrogateur.

« — Mais que fait-il là ? » Demande ma mère.

Mon père hausse ses épaules.

« — Que se passe-t-il ? » Demandais-je.

« — C'est... Tu sais, comment s'appelle-t-il déjà ?... Leith, Leith est ici. Mais surtout ne te retourne pas, il ne faut pas que ce malpropre te voit, il va encore venir t'importuner. » Me répond ma mère.

Mes oreilles ont arrêté d'écouter lorsque j'ai entendu son prénom.

Il est là.

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