CHAPITRE 28

|Point de vue de Leith|

Je jette un rapide coup d'œil à ma montre pour m'assurer que je ne me suis pas trompé d'heure mais il est bien 20 heures. Je ne suis pas de nature très patiente mais en prenant du recul je ne suis plus si enchanté que cela de passer une soirée « entre mecs ».

J'avais envie de me reposer dans mon appartement ou d'aller voir Hailey, je sais bien que j'aurais pu le faire dans la journée mais s'introduire chez quelqu'un est beaucoup plus difficile de jour que de nuit et les chances que je tombe nez à nez avec sa mère en train de ranger les petites culottes de Hailey dans sa chambre.

J'ai toujours eu cette peur bleue de faire face à ses parents. La dernière fois j'ai eu le droit à son père qui m'a claqué la porte fièrement au nez comme si j'étais un malpropre, que j'importunais sa famille. Bon c'était un peu le cas, mais j'ai l'impression que ses parents ne me portent pas dans leurs cœurs et je doute que Hailey leur a expliqué toute la situation mais je ne veux même pas imaginer la réaction de ses parents s'ils savaient à quel point j'ai été con et que j'ai merdé. Je pense qu'ils seraient déjà là à me poursuivre avec une torche et un couteau de boucher.

J'exagère un peu mais ma peur pour eux n'est pas fictive, loin de là.

Un van que je reconnaitrais entre mille tourne à vive allure dans la rue, la musique à fond s'échappant des fenêtres grandes ouvertes.

Le véhicule freine à la dernière seconde et je préfère reculer de quelques pas par précaution.

Un visage inconnu se relève à travers la fenêtre passagère du van et me fait signe de monter à l'avant.

J'hésite quelques instants puis vois Watson au volant qui m'incite à monter.

Je grimpe donc à l'arrière pour découvrir deux autres personnes qui sont allongées négligemment sur le sol et ferment les yeux.

L'un d'eux entend sûrement la porte se refermer et lève les yeux vers moi.

Je lui jette un rapide regard accompagné d'un sourire et m'assois à mon tour au sol ne voulant pas paraître « étrange » à leurs yeux.

Peu importe la réputation que j'avais au lycée, je n'ai jamais été très à l'aise avec les inconnus, si j'avais mes amis à mes côtés je pouvais aller parler à un inconnu, comme si le fait qu'ils me regardent était suffisant pour faire disparaitre tous mes doutes.

Mais lorsque je suis seul, je veux rester seul, je ne suis pas non plus un ermite mais parfois je préfère largement la solitude que les discussions inutiles que l'ont instaure simplement pour combler un silence inconfortable.

C'est mon côté You.

Le même gars qui m'a regardé lève brièvement sa tête comme pour me saluer puis plonge sa main dans sa poche mais la voix de Watson le stoppe.

« — Freddie ! Pas dans la voiture. Tu t'es déjà roulé un joint avant de partir ! » S'exclame-t-il d'un air autoritaire.

Je suis surpris de voir que ledit Freddie obéir sans broncher et pose sa tête derrière en fermant les yeux.

Je comprends alors pourquoi Freddie parait si endormi, si absent, il n'arrive pas à garder son regard fixé sur quelque chose.

Je pose mon regard sur celui qui est étalé au sol et dorme comme s'il était dans son lit.

« — Il lui est arrivé quoi ? » Demandais-je.

Watson tourne rapidement sa tête puis se remet face à la route.

« — Un bad trip, c'était infernal. Il n'a fait que vomir et paniquer, heureusement il a fini par s'endormir. » Me répond-il comme si c'était la routine.

Je hoche la tête et repose mon regard sur l'homme qui dort confortablement sur le sol du van.

« — T'avais pas des sièges à l'arrière ? » Le questionnais-je en me remémorant le trajet pour le festival, samedi dernier. »

« — Je voulais pas qu'ils vomissent sur mes sièges. » Se contente-t-il de me répondre naturellement.

Je décide de rester silencieux le reste du trajet et nous arrivons finalement.

Je me relève et aperçois la plage qui s'étend devant le van.

Je fais glisser la porte coulissante et quitte le véhicule pour suivre Watson qui cherche un endroit où se poser.

Il jette de bref regard derrière lui pour s'assurer qu'on le suit et je constate qu'ils ont laissé celui qui dormait au sol, dormir dans le van.

On ne sera que trois alors, Freddie, Watson et l'inconnu qui a servi de passager.

« — Qui vient m'aider à ramener le bois ? » Demande Watson en posant un pack de bière sur le sable.

Je hausse les épaules et il me fait signe de le suivre.

« — On va faire un feu de camp, mais le bois coûte trop cher et ces flemmards ne voulaient pas aller en acheter de toute façon. » M'explique-t-il alors que nous nous approchons d'une des maisons qui a vue sur la mer et la plage.

« — On a trouvé un petit couple de vieux qui stockent leurs bois pour l'hiver dans leur jardin, enfin au fond et vu qu'ils sont riches, ils ne prennent jamais la peine d'aller au fond du jardin. » Continue-t-il en s'agrippant à la barrière en bois qui nous sépare du fameux jardin.

Il se hisse puis passe de l'autre côté et je l'imite.

Lorsque j'arrive de l'autre côté, un immense jardin s'étend devant nous et je comprends pourquoi ils ne prennent pas la peine de venir jusqu'ici.

Ils ont largement assez de place pour se promener et s'ils sont vieux je doute que les sorties dans le jardin soit fréquente, surtout en pleine soirée.

Watson commence à me passer des morceaux de bois et les coupe avec le marteau qui était planté dans l'un des morceaux de bois.

Il se tourne vers moi.

« — Il y a juste un truc qui fait chier. » Ajoute-t-il en replantant le marteau dans un morceau de bois avant de se diriger vers la barrière en bois.

« — Les vieux ne vont jamais ici, mais leur chien par contre... » Commence-t-il alors qu'un grognement féroce me cloue sur place.

C'est pas vrai...

Je me tourne pour voir deux yeux globuleux qui me détaillent avant de découvrir un saint bernard qui marche doucement mais agressivement vers nous.

« — C'est le moment où tu cours et tu balances le bois de l'autre côté ! » S'exclame Watson avant de passer sa jambe de l'autre côté de la barrière et de disparaitre.

Je jure entre mes dents et suis partager entre mon envie de courir et celle de rester calme et avancer calmement vers la barrière.

On m'a toujours dit de ne pas courir devant un chien et pourtant c'est bien ce que j'ai envie de faire.

Je fixe sa mâchoire serrée d'où un filet de bave coule et détourne le regard.

Je ne sais pas si c'est mon geste ou simplement le fait une pulsion animale mais il a commencé à courir vers moi et je remercie le fait que le jardin soit si grand.

L'image adorable du Saint Bernard a été détruite pour laisser place à une peur ingérable.

Je prends littéralement mes jambes à mon cou.

Lorsque j'arrive au pied de la barrière, je balance de l'autre côté le bois avant de commencer à grimper.

Je tourne brièvement la tête pour voir que le chien a passé la cinquième et court vers moi comme si sa vie en dépendait.

Je sens mes membres se mettre à trembler alors que la voix de Watson résonne depuis l'autre côté de la barrière.

« — Aller ! T'y es presque ! » S'exclame-t-il.

Je prends une grande inspiration et balance ma jambe de l'autre côté.

Je sens une main m'attraper pied alors que le chien prend de l'élan avant de sauter sûrement pour atteindre.

Je reste figer en imaginant déjà ce chien en train de dévorer mon visage mais à la place je sens mon corps basculer de l'autre côté alors que quelqu'un tire sur mon pied.

Je tombe sur le sable chaud et j'entends le chien se prendre la barrière en pleine face.

Je reprends doucement ma respiration alors qu'un rire me parvient aux oreilles.

« — T'as géré ! » Me Watson en tendant sa main pour que je me relève.

Je pose ma main dans la sienne et il me relève en un mouvement de bras.

J'ai encore le souffle court lorsque nous regagnons l'endroit où Watson a laissé les bières.

Putain, j'y crois pas.

« — Sherlock ! Si t'avais vu comment il a géré. » Lance Watson en s'installant à côté du fameux Sherlock.

Un léger sourire s'étend sur mes lèvres en me remémorant ce qui vient de se passer.

Je suis censé être énervé contre Watson mais en réalité je suis simplement stupéfait et c'est bien l'une des meilleures expériences de ma vie.

Je pensais que voler la voiture du père de Fred était génial, mais ça !

Je regarde Watson qui décapsule une bouteille de bière pour me la tendre et je me rends compte que pour lui c'est son quotidien.

Je me remémore la montée d'adrénaline, qui courait dans mon sang, c'était la meilleure sensation du monde, semblable à la réaction que j'ai lorsque j'embrasse Hailey.

Sherlock semble amuser par ma réaction.

« — C'est ton vrai nom Sherlock ? » Demandais-je avant d'avaler une gorgée de bière.

C'est comme si le fait d'avoir échapper aux crocs de ce chien à effacer tous mes doutes et que je peux librement discuter sans me poser de question. Comme si sociabiliser est dérisoire comparé à ce qu'il s'est passé et c'est bien le cas.

Il secoue la tête négativement.

« — Non, je voulais me moquer de Watson, quand il m'a dit son nom j'étais obligé de répondre cela et depuis c'est devenu mon surnom. En réalité, je m'appelle Sam. » Me répond-il.

Je hoche la tête alors que Freddie tente de ressortir son joint de sa poche.

Watson le récupère puis sort un briquet de la poche de sa chemise aux imprimées fleurs.

Il allume le bout du joint puis tire une taffe avant de passer le bédo à Freddie qui l'accueille avec joie.

Il tire une latte et reproduit le même processus jusqu'à ce que le pétard arrive sous mon nez.

Je le fixe entre mes doigts puis me penche pour le passer à Watson.

« — Je m'en tiens à la bière ce soir. » Dis-je en me rappelant de la réaction de Hailey quand j'avais voulu fumer une simple clope.

Je ne sais pas si c'est pour elle, pour moi ou tout simplement que ce genre de délire ne m'attire plus mais l'alcool est déjà amplement suffisant et je trouve cela limite triste de devoir se brûler les neurones pour s'amuser.

Je repense à celui qui est toujours allongé sur le sol du van après un bad trip.

Je ne souhaite ça à personne.

Alors pourquoi prendre le risque d'en faire un ?

Freddie, Sherlock et Watson ne semblent pas tenir compte de ma décision et continuent à tirer sur le joint dans un calme religieux.

« — Tu viens de la Cali c'est ça ? » Demande Freddie incertain.

Je hoche la tête.

Il m'imite d'un geste plus lent avant de boire au goulot de sa bière.

Je détourne le regard.

« — C'est vrai que les californiennes dorment à poil ? » Me questionne soudainement Sherlock.

Je fronce les sourcils alors que Watson se penche pour entendre la réponse.

« — Non, loin de là mais libre à toi d'aller vérifier. » Lui répondis-je amuser.

« — Tu vois je te l'avais dit ! Y'a que ta voisine qui est complètement tordue ! » S'exclame Freddie qui semble soudainement être revenu parmi nous.

« — N'importe quoi ! Elle est super sympa ! » S'indigne Sherlock.

« — Mais oui c'est ça ! C'est une cougar c'est tout ! Qui te dis qu'elle ne fait pas exprès de laisser les rideaux de sa chambre ouvert, hein ? » Demande Freddie avant de tirer une taffe.

« — T'es jaloux, c'est tout. » Conclut Sherlock avant de finir sa bière d'une traite.

J'assise à cette dispute, amusé mais aussi un peu perturbé.

Si je comprends bien, Sherlock a une voisine californienne qui dort à poil les rideaux ouverts.

Et moi qui pensais que surprendre mes parents s'embrasser était déjà osé. Pour ma défense j'avais 6 ans mais je n'en étais pas moins choqué.

« — Bon, sinon qui veut une bière ? » Demande Watson en interrompant leurs disputes.

Ils cessent de parler et regardent Watson comme s'ils venaient de leur annoncer qu'ils avaient des chèques de 1 million de dollars à leurs donner.

Nous passons le reste de la soirée à discuter et j'apprends que Sherlock et Freddie sont aussi à la fac, ce qui m'a surpris aux premiers abords.

Ils n'ont vraiment pas l'air d'être des personnes très impliqués dans les études après c'est les vacances et l'habit ne fait pas le moine.

J'ai aussi tenté de joindre Hailey mais je pense qu'elle dormait.

Sur le chemin du retour, je décide néanmoins que Watson me dépose devant chez elle.

Je préfère en avoir le cœur et cela peut paraitre égoïste, mais elle me manque.

Je n'arrive toujours pas à réaliser qu'elle est bien de retour dans ma vie.

J'ai toujours cette incertitude en moi, comme si un jour j'allais me réveiller dans ma chambre, chez mon père et que tout cela n'était qu'un simple rêve.

Je préfère donc en profiter.

Il doit être pas loin de minuit lorsque je remonte l'allée qui mène à la maison de Hailey.

J'essaye de me rappeler quelle est la fenêtre de Hailey.

Heureusement que sa chambre est au rez de chaussée, surtout quand je vois la hauteur des fenêtres de l'étage.

Vu qu'il fait chaud en cette période estivale, la plupart du temps tout le monde laisse ses fenêtres ouvertes pour laisser passer l'air et Hailey n'est pas une exception.

Je soupire de soulagement lorsque je constate que sa fenêtre est entre-ouverte.

Je la relève doucement en essayant de faire le moins de bruit possible puis me glisse à l'intérieur de sa chambre.

Je vois sa silhouette sous les draps et elle semble en train de dormir comme je l'avais imaginé.

Je referme un peu la fenêtre derrière moi puis m'approche de son lit pour m'asseoir sur le matelas.

Je pose ma main sur ses cheveux et la caresse doucement sans pouvoir arrêter de sourire.

Elle est tout simplement magnifique et je n'arrive pas à croire que j'ai pu lui faire autant de mal.

Elle se tourne inconsciemment dans son sommeil et je me fige de peur de la réveiller.

Après quelques secondes d'attente, je me penche et dépose un bref baiser sur ses lèvres puis fais volte face pour me diriger vers la fenêtre.

« — Reste. » Entendis-je.

Je fronce les sourcils et me tourne pour m'assurer que j'ai bien entendu.

Je remarque immédiatement son regard qui me fixe.

Je reste figé lorsque j'aperçois les émotions qui traversent ces beaux yeux.

Elle semble souffrir mais aussi terrorisée.

Je m'empresse de la rejoindre et elle soulève sa couverture alors que je retire mes chaussures.

Je me glisse sous les draps et elle se colle immédiatement à moi comme si cela la rassurait.

Elle sert avec force mon tee-shirt entre ses doigts et pose sa tête sur mon torse.

Mon cœur se serre en voyant à quel point elle semble être torturée.

Je pose ma main sur sa joue et la caresse en espérant apaiser sa peine mais c'est bien la première fois que j'ai l'impression d'être impuissant et je déteste cela.

« — Ne pars pas. » Murmure-t-elle comme si j'avais l'intention de disparaitre dans les minutes qui viennent.

La voir dans cet état me terrorise, je déteste le fait que je ne puisse rien faire.

J'aimerai simplement pouvoir prendre un peu de sa douleur pour l'apaiser mais je ne peux pas et cela me torture de la voir.

Elle ne s'est pas plainte, elle n'a rien dit mais tout ce lit sur son visage.

Elle a les sourcils froncés et je n'ai pas besoin de lui demander pour savoir qu'elle a pleuré.

Elle a les yeux bouffis et elle tremble légèrement.

Je l'entoure de mes bras et la presse contre moi en espérant que cela lui fera du bien.

C'est bien la première fois que je suis à ce point touché par la peine de quelqu'un et je réalise que je ne pourrais jamais la lâcher.

Elle parait si fragile et ce n'est pas par pitié mais tout simplement parce que je l'aime.

La voir ainsi me peine et je serre son corps contre le mien comme si j'essayais de nous faire disparaitre tous les deux dans un monde meilleur.

Peu importe la raison de son malheur, je sais que je ferais tout pour le faire cesser.

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