|Point de vue de Hailey|

Les grandes vacances arrivent enfin.

Le temps où je pensais à Leith pratiquement chaque seconde est révolu et je profite de cette première journée de vacances pour profiter tout simplement, profité du moment présent sans me préoccuper de l'avenir, vivre sans anticiper.

Je pourrais expliquer en détail les derniers mois mais en réalité ils n'ont rien changé. Leith n'a pas pu revenir en Floride avec les examens de fin d'année scolaire et d'un côté je ne peux lui reprocher cela. Il rentrera donc à l'université à la rentrée prochaine et peu importe la situation actuelle je ne peux m'empêcher de me demander ce que notre relation va devenir. Il va sûrement s'éloigner encore plus et ses études vont lui prendre énormément de temps. A l'heure où je vous parle, cela va faire plus d'un mois que je n'ai pas de nouvelles de lui.

Je ne m'inquiète pas rapidement et en soit nous n'avons jamais officialisé les choses entre nous, à vrai dire notre relation est plus platonique que jamais depuis qu'il est venu me rendre visite il y a deux mois.

Je suis donc confuse et en même temps je ne sais pas si j'ai réellement envie d'avoir une conversation sérieuse à ce sujet.

Je ne sais même pas s'il envisage le fait de construire une relation avec moi.

Vous l'aurez donc compris, je suis totalement perdue.

Je sais que je pourrais tout simplement lui demander, chose que j'ai déjà essayé mais jusque là notre pseudo-conversation se résumait à :

« Il faut qu'on parle je pense »

« Je pense aussi » Me répondait-il.

« Tu veux commencer ? » Lui proposais-je.

« Je ne sais pas, tu es sûr que c'est le bon moment, tu sais avec mes exams et tout... »

« Oui tu as probablement raison, ce n'est pas si pressé que cela. »

Et voilà comment tournait la plupart de nos discussions.

Je pensais que nos retrouvailles avaient amplifiés nos sentiments mais je me rends compte que cela n'a qu'amplifier cette distance qui nous sépare.

J'ai dépassé le stade du regret d'avoir déménager pour en être à celui de l'incompréhension totale.

Aucun de nous deux ne veut affronter l'horrible vérité qui s'est dressée autour de nous.

Je ne pensais pas arriver un jour à un stade où mes sentiments pour Leith ne prendrait plus une aussi grande place dans ma vie.

C'est comme si le fait de ne plus être en contact permanent avec lui m'empêche de réellement savoir si je tiens encore à lui.

Je suis partie dans l'unique idée de l'oublier et maintenant que c'est ce qui se passe, je prends peur et j'ai envie de conserver cela mais je ne sais pas quoi faire.

A plusieurs reprises j'ai voulu tout simplement prendre le premier train comme il a eu l'audace de le faire mais je n'ai ni l'argent ni le courage de le faire.

Certes, pour Leith je pourrais faire n'importe quoi mais j'ai l'impression de marcher sur des œufs lorsque cela tourne autour de lui.

Quoi que je fasse, je finis toujours avec des pots cassés et le plus souvent c'est ma relation avec mes parents qui prend le plus de choc.

Je ne suis pas assez courageuse pour me lancer ainsi dans le vide total sans savoir si c'est le bon.

Le bon, jusque là je n'avais jamais vraiment pensé à Leith comme étant le bon ou non, simplement comme la personne qui fait chavirer mon cœur et fait tourner ma tête.

Le problème c'est que notre relation a une trop grande influence sur ma vie pour que je prenne cela à la légère, si je m'engage clairement dans une relation avec Leith, s'il est bien entendu encore partant, j'assène un grand coup de massue par la même occasion sur ma relation avec ma famille.

Je me pose donc la simple question qui parait anodine pour certain ou complètement irrationnelle pour d'autre : Est-ce le bon ?

Je n'ai même pas encore 18 ans et j'envisage déjà ma vie avec Leith, qu'est ce qui ne tourne pas rond dans ma tête...

Mais je n'arrive pas à avoir confiance à nouveau en lui, j'ai plus l'impression que maintenant notre relation n'a plus l'importance qu'elle devrait avoir.

Je dois sûrement être barbante à ressasser toujours les mêmes pensées, mon manque de confiance en Leith et mes doutes constants mais je ne vois pas un moyen de remédier à cela.

Je suis une poule mouillée je ne vais pas le nier et si à un certain moment l'idée de pardonner Leith me donnait des nausées, maintenant ce sont d'autres pensées qui m'emprisonnent et accaparent l'attention de tous mes neurones.

|Point de vue de Leith|

Je laisse me chatouiller les pieds alors que je marche pied nu le long de la plage. J'entends les rires de mes amis derrière moi qui se taquine, qui ont tout simplement l'air heureux.

Je ne sais pas s'ils ont remarqué que je ne partageais pas leur joie de vivre ou tout simplement qu'ils ignorent ce détail jugeant que je suis simplement un « bousilleur de moment » mais j'ai préféré m'éloigner.

Juste le temps d'un instant pour essayer de m'écouter penser, c'est plutôt con comme expression mais à mes yeux cela a un du sens.

Depuis que j'ai quitté Hailey en Floride je vis dans un brouillard complet, j'ai tout bonnement perdu tout repère et je marche aveuglement en me prenant deux, trois poteaux sur le chemin.

Je me relève mais à chaque obstacle, ma démarche et plus lente et bientôt j'atteindrais le point de non retour.

Il s'agit d'une métaphore bien entendu, je ne me suis pas pris de poteaux, qu'on mette les choses au clair.

Il m'arrive d'être poétique quand le cœur y est.

Je ne saurais comment décrire mon état mental actuel, perdu est ridicule en comparaison à ce que je ressens vraiment. Je n'ai jamais été autant déboussolé de ma vie.

Si j'arrivais à retrouver la source de ce malaise je pourrais sûrement le rectifier mais le fait est qu'il provient de plusieurs sources impossibles à boucher.

Je marche donc simplement sur la plage pour essayer d'écouter mon moi intérieur ou je ne sais quoi, je suis un peu philosophique quand je commence à manquer de ressources et qu'il m'est impossible de trouver une bouée à laquelle s'accrocher.

Oui, je pense que je force un peu trop sur les métaphores, ce sont les effets secondaires de la mélancolie je suppose.

Une main se pose sur mon épaule ce qui me fait sursauter.

Je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un remarque réellement ma disparition.

Je me tourne vers la personne en question et ne suis pas surpris de croiser le regard de Travis qui me sonde.

« — Tu ne viens pas avec nous ? » Me demande-t-il un peu inquiet.

Je secoue ma tête négativement, je ne suis pas d'humeur à prétendre aimer ma vie et savourer chaque instant de celle-ci, j'ai assez prétendu et j'aimerai maintenant être sincère sur ce que je laisse percevoir à la surface de ma coquille.

« — Tu es bien le seul gars qui fait la tête parce qu'il vient d'être accepter dans une grande université. » Me taquine-t-il.

J'apprécie son effort mais je n'en fais pas autant pour lui rendre la pareille.

Il soupire puis tourne rapidement sa tête derrière pour s'assurer que nous sommes seuls.

« — Ecoute, si c'est à propos de Hailey, tu te tortures beaucoup trop. Laisse faire le temps et vient plutôt faire la fête ce soir, c'est les vacances pas un enterrement ! » S'exclame-t-il en me tapotant l'épaule

Je baisse mes yeux sur mes pieds à plusieurs reprises en sachant pertinemment qu'il ne va pas lâcher l'affaire.

Travis n'est pas du genre à abandonner une idée qu'il a en tête.

Et dans ce cas précis c'est m'emmener faire la fête, probablement me saouler par la même occasion.

Je fixe le visage de mon meilleur ami pendant plusieurs secondes puis finis par hoche la tête alors qu'il se met à nouveau à respirer de manière exagérer.

« — Tu ne vas pas le regretter ! » Me dit-il tout excité en se frottant les mains.

Je lève les yeux au ciel et il s'empresse de rejoindre les autres pour leur annoncer la « bonne » nouvelle.

Nous nous dirigeons tous vers ce bar qui a ouvert il y a peine deux semaines. Nous n'avons pas arrêté de recevoir des prospectus pour promouvoir l'établissement et nous avions décidé d'y aller au moins une fois pendant les vacances et c'est ainsi que nous avons tenu notre promesse.

Je serre ma veste en cuir contre moi pour me protéger du vent, même si nous sommes en temps estival, le vent n'est jamais bien loin sur les côtés de la Californie.

Travis n'arrête pas de me jeter de rapide regard pour s'assurer que je ne leur ai pas fait fausse route et se détend quand on attribut une petit table.

Chacun passe sa commande et je me sens à nouveau en trop quand les couples qui m'entourent se mettent à roucouler.

Jack n'a pas pu venir, il devait partir en voyage avec sa famille et je me dis à cet instant précis que c'est un veinard.

J'ai tout simplement l'impression de tenir la chandelle, c'est désagréable et en amplifie ce sentiment d'impuissance que je ressens depuis des mois maintenant.

Je décide donc de quitter la table pour me diriger directement vers le comptoir et de commande une boisson.

Je glisse ma fausse carte d'identité qui je dois dire m'a beaucoup servi durant mes années lycée, il ne faut pas être un abruti pour savoir que l'âge ne stoppe pas les jeunes de boire et même si je n'en suis pas fière, j'ai moi aussi une fausse carte d'identité mais tout remord s'efface quand mon Gin Tonique est posé devant moi.

Je remercie le barman et lui glisse un billet avant de récupérer ma carte.

Je prends une gorgée de ma boisson et sens mes barrières s'affaisser. Ma tension diminue et je me sens un peu plus détendu.

Je ne vois pas les heures passées mais je sais que lorsque je tends mon dernier billet, j'ai dû mal à attraper la paille pour la glisser entre mes lèvres et que j'ai extrêmement chaud.

Je ne sais pas si c'est à cause des minettes qui se sont attroupés au bar et ricane à chaque homme qui fait une remarque plutôt idiote selon moi.

L'une d'elle attire mon attention, elle est en retrait et tire à plusieurs reprises sa robe courte comme si elle était mal à l'aise. Je n'ai pas de coup de foudre ou connerie comme cela mais elle me plait et je sais pourquoi.

Elle ressemble à Hailey, elle est blonde, elle ne possède pas la grâce et les différents attraits qui ont atteint mon cœur mais elle me la rappelle suffisamment pour que des idées fusent dans ma tête.

Hailey me manque, cette copie bon marché remarque mon attention et baisse instinctivement la tête en voyant que je la regarde avec insistance.

Sans comprendre mes agissements, je me redresse de mon tabouret et me dirige droit sur elle alors que l'alcool parcourt mes veines à toute allure et détruit toute pensée rationnelle de mon cerveau.

Lorsque je m'arrête à côté d'elle, je remarque à quel point Hailey est différente d'elle, en réalité elles n'ont rien en commun.

Mais je ne détache pas pour autant mon attention de cette fille.

Elle peut penser que je suis un psychopathe mais à juger par ses réactions, elle semble apprécier mon attention envers sa personne.

Elle me sourit et je fais de même ne sachant pas si je grimace ou feins un sourire mais cela a l'air de la séduire puisqu'elle se rapproche.

Finalement elle n'est pas si prude qu'elle en a l'air.

Elle pose ses mains sur mon torse et je frissonne, une envie de prendre mes jambes à mon cou me saisit mais je croise le regard de ma sœur qui me fixe.

Elle semble approuver ma démarche, même si elle n'aime pas ce côté dragueur lourd de moi, elle semble contente que je ne pense plus constamment à Hailey.

Si elle savait...

Les lèvres de la jeune fille en face de moi s'approchent des miennes et je reste paralysé, incapable de savoir quoi faire.

Avant que je n'aie le temps de prendre une décision, des lèvres se posent sur les miennes et je me tends immédiatement.

Comme un simple choc, je réalise que cette fille n'est pas Hailey, n'est pas la fille que je veux embrasser ce soir, que je veux faire rire.

Je me rends compte que j'ai à nouveau adopté cette enveloppe de dragueur pour me protéger, retour à la case départ et sa bouche contre la mienne me donne des nausées plus qu'autre chose.

Je pose mes mains sur ses épaules et elle se recule enfin, j'en frisonne tant je suis dégouté par ce qu'il vient de se passer.

Je relève ma tête vers ma sœur assise à la table pour voir sa réaction, mais à place je croise deux paires d'œil océans qui me fixent.

Je suis saisi par l'émotion qui les transperce et mets un peu de temps avant de réaliser à qui ses beaux yeux appartiennent.

Merde.