CHAPITRE 13
Le week-end vient enfin de pointer le bout de son nez et je peux enfin tourner le dos à cette fin de semaine épouvantable.
De toute façon c'est impossible de trouver un adjectif mélioratif relié avec la scolarité.
Judy m'a invitée à dîner chez elle ce soir, je suis un peu perplexe et je ne comprends toujours pas pourquoi j'ai accepté.
Je ne sais pas si un jour j'arriverai à me faire à l'idée que nous sommes « amies », enfin si c'est ce que nous sommes.
Je n'arrive pas à définir notre relation, j'ai l'impression qu'on traine simplement ensemble pour ne pas être seule mais qu'en réalité le bien-être de l'autre nous importe peu.
Egoïste je dois dire mais dans un sens cela me convient.
Puis Judy est vraiment dur à cerner, je ne sais pas si elle est hippie ou juste très écartée de la normalité, si elle est schizophrène ou simplement une personne aux facettes multiples.
Pour résumer, elle me perd complètement.
Je n'arrive pas à m'attacher à elle.
Quand elle m'a demandé en plein cours d'histoire si j'étais disponible ce soir je pensais qu'elle allait me proposer qu'on aille en boite ou qu'on aille se fumer un joint mais elle m'a simplement invitée à dîner chez elle.
Pas que j'aurais accepté aux deux propositions précédentes mais elle m'a prise de court et ce n'est pas souvent qu'elle fait un pas vers moi pour réellement me connaître alors j'ai sauté sur l'opportunité mais je me demande si c'était une bonne idée.
J'accroche mes boucles d'oreilles en me regardant dans le miroir pour m'assurer qu'aucuns détails ne m'aient échappé puis je me tourne pour voir ma mère qui me regarde discrètement depuis la cuisine.
Quand je pose mon regard sur elle, elle me tourne dos à nouveau et se concentre sur sa recette en marmonnant je ne sais quoi.
Je la quitte des yeux et me baisse pour attraper ma paire de baskets.
On va dire que depuis l'incident de début de semaines, ma relation avec mes parents est au beau fixe, mais de la bonne manière.
Je suis un simple fantôme, je les ai réellement déçus et c'est bien la première fois ce qui m'empêche de me sentir chez moi à la maison.
J'ai l'impression d'être de trop tôt, les repas sont interminables et ils m'ignorent.
Cela pourrait être considéré comme une réaction ridicule et puérile mais je pense qu'ils essayent simplement de me raisonner d'une autre manière en voyant que discuter avec moi ne sert à rien.
Je ne leur en veux pas, je suis en tord mais on va dire que si j'ai accepté de dîner ce soir chez Judy c'est aussi pour éviter un énième dîner comme celui des derniers jours.
Quand j'ai demandé à mes parents, ils paraissaient presque libérer et cela m'a blessé mais j'ai préféré garder cela pour moi.
C'était devenue invivable pour moi, pas qu'il fasse de ma vie un enfer ou quoi que ce soit, mais simplement de voir que ma vie leur importait peu maintenant ne m'enchantait pas vraiment.
Me voilà donc en train de me préparer pour un dîner avec des inconnus, cela ne va pas me changer de mes repas avec ma famille finalement.
Mais j'ai besoin d'un peu d'air frais.
Je constate que je suis légèrement en retard, je m'empresse donc de monter dans ma voiture et de suivre les indications du GPS.
Avec la chance que j'ai eu je n'ai rencontré que des feux verts ce qui m'a permis de rattraper mon retard.
Je me gare devant la maison de Judy et me dépêche de sonner à la porte sans prendre le temps de regarder où elle habite.
Une magnifique quadragénaire m'ouvre la porte avec un sourire qui rendrait un croque-mort joyeux.
Sans que je m'y attende, elle me sert dans ses bras et je lui rends son étreinte.
« —Enchantée Hailey, je suis la mère de Judy. » Me dit-elle en me relâchant.
Je hoche la tête ne sachant pas quoi dire et elle s'empresse de me faire entrer à l'intérieur.
Elle me propose de prendre mon manteau pour le ranger mais Judy nous coupe directement.
Elle attrape mon bras et dévisage sa mère comme si c'était une folle sortie d'un asile.
« — Laisse la tranquille maman ! » S'exclame Judy en me tirant vers les escaliers.
Je reste littéralement sur le cul en entendant à quel point leur relation semble tendu.
Judy me surprendra toujours, pourquoi m'inviter si c'est pour me montrer à quel point sa relation avec ses parents est aussi tendu que celle avec les miens.
Je lance un regard compatissant à sa mère alors qu'elle me fait monter les escaliers.
Lorsque nous arrivons à l'étage, un homme qui ressemble comme deux gouttes d'eau avec Judy sort d'une pièce.
Il a les cheveux grisonnants et des cernes qui marquent ses deux yeux cachées par des paupières alourdies par le temps et l'âge.
Il est courbé et je me tourne vers Judy qui le regarde mais celui-ci ne nous calcule pas et descend rapidement les escaliers avant de claquer la porte d'entrée.
Je peux voir une pointe de déception dans le regard de mon hôte mais celle-ci se reprend et me désigne une porte fermée.
« — C'est ma chambre. » Me dit-elle en reprenant son air blasé.
Je hoche la tête et entre à l'intérieur pour découvrir une pièce avec des murs noirs, un lit blanc et des vêtements qui rendent presque le parquet invisible tant la couche de vêtements sur le sol est impressionnante.
Judy me dépasse et marche sur ses jeans, tee-shirt naturellement comme si c'était leur place puis se jette sur le matelas de son lit en lâchant un soupir de soulagement.
J'essaye de ne pas trop la dévisager alors qu'elle se penche en dessous de son lit et attrape un paquet de clope.
Je déglutis alors que du coin de l'œil je peux voir la flamme du briquet allumer le bout du cylindre de nicotine.
Elle prend une taffe et recrache une épaisse fumée en fermant les yeux.
Des pas se font entendre dans les escaliers et je panique mais Judy semble encore plus détendu et s'allonge sur son lit en allongeant ses jambes.
Sa mère essaye d'entrer mais la porte est verrouillée ce qui laisse un sourire satisfait sur les lèvres de Judy.
Je reste statique, interdite face à la scène qui se déroule sous mes yeux.
« — Les filles ! J'ai fini de faire à manger ! On mange ! » S'exclame sa mère derrière la porte, toute excitée et heureuse.
J'en ai mal au cœur en voyant l'attitude irrespectueuse de Judy qui néglige complètement sa mère.
On peut clairement voir à quel point elle est ingrate et ne mérite pas les efforts que fait sa mère pour attirer son attention.
Néanmoins je suis décide de ne pas m'interposer, comme je l'ai dit auparavant, Judy et moi ne sommes pas amis, je ne suis rien pour lui dire quoi faire, surtout si sa mère n'a même pas le droit de le faire.
Sa mère attend quelques instants une réponse et Judy lève les yeux au ciel trouvant exaspérant l'attitude de sa mère.
« — Dégage ! » S'exclame Judy avant de reprendre une taffe de sa cigarette.
Je finis par trouver un tabouret par terre, je le redresse et m'installe me sentant de plus en plus mal à l'aise.
J'entends des pas dans les escaliers et en déduis que sa mère est repartie.
Tu m'étonnes que personne ne veuille être ami avec cette fille si elle traite tout le monde ainsi.
« — On devrait aller manger tu ne penses pas ? » Proposais-je en brisant le silence de fer qui s'était installée.
Elle me dévisage puis finit par me sourire.
Je déglutis et triture mes doigts.
Elle tend son bras et écrase sa cigarette sur le cendrier à côté d'elle.
Elle prend ensuite le cendrier et le glisse sous son lit.
« — Tu es marrante Hailey, j'ai bien fait de t'inviter. » Me dit-elle avant de se lever de son lit.
Elle se dirige vers son placard et sort une jupe noire en cuir ainsi qu'un body jaune.
Je la regarde faire et elle finit par se tourner vers moi.
Elle me lance ses vêtements et je les attrape de justesse.
Elle se tourne et retire son tee-shirt ainsi que son pantalon sous mes yeux.
Je la fixe ne sachant quoi faire et découvre une robe brillante couleur or qui lui colle à la peau.
« — Met-ça. » Me dit-elle en voyant que je n'ai pas bougé.
Elle baisse un peu la robe qui était cachée sous les vêtements qu'elle portait.
Elle détache ses cheveux puis se penche pour attraper une paire d'escarpins.
« — Je ne comprends pas, à quoi ça sert de se changer pour aller manger ? » Demandais-je perdue.
Elle me sourit, enfile sa paire de chaussures puis se tourne à nouveau vers moi.
« — On ne va pas manger le stupide repas de ma mère, crois-moi ! J'ai besoin de sortir. » Me dit-elle.
Je la regarde bouche-bée alors qu'elle se recoiffe avec un sourire satisfait scotché au visage.
« — Et en quoi tu as besoin de moi ? » Lui demandais-je en repoussant les vêtements qu'elle m'a donnés.
« — Ma mère ne veut pas me laisser sortir et mon père la soutient. Il déteste avoir des invités je t'ai donc ramené et il s'est cassé. Sans mon père, ma mère ne pourra pas m'empêcher de sortir. » Me dit-elle tout naturellement comme si je lui demandais la météo d'aujourd'hui.
Je la dévisage abasourdie, elle a simplement manipulé tout le monde sans aucun scrupule et affiche fièrement ce qu'elle vient de faire comme si c'était normal.
« — Tu m'as manipulée ! » M'exclamais-je.
Elle hausse ses épaules.
« — Tu croyais vraiment que j'allais t'inviter à partager un repas avec mes parents, on n'est pas au Moyen-âge ma vieille ! » Se moque-t-elle en appliquant du mascara sur ses yeux de biches.
Elle me jette un regard rapide.
« — Bon tu comptes te changer et me suivre ou rester ici et subir les questions atrocement ennuyantes de ma stupide mère. » Me dit-elle.
« — Je rentre chez moi. » Lui répondais-je d'un ton ferme.
Elle éclate de rire.
« — C'est la merde chez toi je te rappelle, retourne avec tes parents, ça sera amusant. » Se moque-t-elle.
« — Comment tu sais ça ? » Lui demandais-je en croisant mes bras sur ma poitrine.
« — Tu devrais apprendre à parler moins fort quand tu veux appeler tes amis de je ne sais où dans les toilettes. » Me répond-elle simplement.
Elle repose son mascara sur son bureau et jette un dernier coup d'œil à son reflet puis se tourne vers moi.
« — Je t'attends dans ta voiture. » Me dit-elle avant d'attraper mes clés de voitures qui dépassent de la poche de mon manteau.
Je vois sa silhouette s'effacer dans l'embrasure de la porte et me frotte le visage avant de réaliser que je n'ai pas vraiment le choix.
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