54.



Manhattan :
02h03

J'étais devant le Lenox Hill Hospital.
J'étais. Devant. Le. Lenox. Hill. Hospital.

J'avais réussi à me défaire de la surveillance de mes deux gardiens de prison, même si je n'étais pas certaine qu'à mon départ, ils étaient toujours deux.

Une femme passa devant moi, presque en me bousculant. Je réussis à retrouver mon équilibre. En temps normal, je me serais énervé, mais non. On n'était pas en temps normal, car si ça avait été le cas, je n'aurais pas été devant ce maudit hôpital.
Je séchais mes larmes en levant la tête vers le bâtiment vitré qui s'étendait très haut devant moi, sur ce fond noir nuit.
Je passais les portes coulissantes de l'entrée, et fus accueilli par le souffle chaud d'un grand radiateur placé en hauteur. Un lent frisson me parcouru. L'endroit était moderne et neuf, mais austère. On n'avait pas envie de rester là. Je frappai mes pieds contre le paillasson. Et me mit à retenir mon souffle. J'avais peur d'apprendre son décès. Je me retournai vers l'extérieur, sans savoir ce que j'y cherchais. La lumière de la nuit contrastait avec la lumière blanche et violente de l'intérieur.
Je m'avançai vers un ascenseur et appuyais sur le bouton d'appel. L'odeur du bâtiment aseptisé me piquait le nez. Quand l'ascenseur arriva, je fus soulagée, je n'allais pas avoir à rester dans ce hall d'accueil vide, toute seule, avec mes seules larmes pour accompagnatrice.
Je remettais mon sac sur mon épaule quand les portes se fermèrent devant moi et j'appuyais sur le deuxième étage. Le panneau dans l'ascenseur disait que pour les traumatismes pulmonaires et cardiaques, il fallait se rendre au deuxième étage, alors on allait se rendre au deuxième étage, et non au sous-sol où il y avait la morgue.

J'étais en quelque sorte heureuse de ne pas avoir à tomber sur une secrétaire. Je ne voulais pas expliquer ce qui m'emmenait là. Je ne voulais parler à personne, pensais-je en attendant le départ de l'ascenseur. Je ne pensais pas m'être autant attachée.
J'avais fait des pieds et des mains pour venir jusqu'ici, sous un temps légèrement pluvieux, mais j'étais heureuse d'avoir réussi. Les portes s'ouvrirent sur un couloir sombre, qui finit par s'allumer quand je le pénétrais.
Je passais mes cheveux en arrière et regardais de chaque côté, ne sachant pas où aller. Finalement je choisissais les soins intensifs et la réanimation. Il ne pouvait pas être ailleurs, vu ce qu'il s'était passé. Je passais mon bras sur mon visage. Je ne voulais pas que l'on voie que j'avais pleuré, j'étais plus forte que ça.

Une infirmière passa à côté de moi quand je l'accostais. Je n'avais pas le numéro de chambre d'Ace. Ceci était la dernière étape de mon périple. Il fallait qu'elle m'aide.

- Vous allez bien madame ?

Elle me posa la question à travers son masque, tout en se battant avec une mèche rebelle qu'elle essayait de coincer sous l'une de ses barrettes.

- Pouvez-vous m'indiquer la chambre d'Ace Scotten s'il vous plaît ?

Elle me regarda dans l'incompréhension.

- Qui ça ?

Je pris peur. Est-ce qu'il était à la morgue ? Je le voyais déjà dans un autre monde que le nôtre. Mais je me répétais en donnant son nom de famille entier.

- Andrew Ace Scotten

Elle réagi comme si elle avait une petite ampoule qui venait de s'allumer au-dessus de sa tête et me sourit.

- Et vous êtes ?

- Son amie

Je préférais lui dire ça. Il n'était pas connu pour avoir une copine et encore moins une copine encapuchonnée vêtue d'un legging de sport et d'un sac à dos.

- Je vois...

Elle ne bougea pas et ne me dit rien non plus. Je levai la tête pour savoir ce à quoi elle pensait, mais rien ne me vint, cependant, elle, en voyant mes yeux, certainement très rougis, eu visiblement pitié pour moi.

- Suis-moi, me tutoya t - elle

Elle m'indiqua un chemin à suivre puis me donna le numéro de la chambre qui était la 237. Je lui souris grandement.
Elle ne devait certainement pas avoir compris pourquoi, mais moi si... Il n'était pas mort... Ace n'était pas mort. Je m'éloignai un sourire au visage que je n'avais encore jamais eu de toute ma vie. Je pivotais sur la gauche et allait au fond d'un couloir encombré par du matériel médical et des ordinateurs posés sur des tables roulantes.
J'étais de retour à Manhattan, pas si loin de mon appartement et plus j'avançais, plus mes pieds me faisaient mal. Mais je savais que je l'avais fait. J'avais réussi à venir jusqu'à lui. Et ce que je ressentais en moi était de l'amour. Je l'avais peut-être ignoré avant, mais vu le choc que j'avais ressenti en voyant son corps s'effondrer, je n'avais plus de doutes.
Sa mort aurait pu signifier ma libération, mais non, cette fois-ci, elle avait failli signifier le début d'une grande douleur.
Un homme assis au fond du couloir me regarda et se leva en sursaut. C'était Allen. Il était visiblement épuisé. Il se précipita vers moi et m'attrapa d'un bras ferme.

- Que faites-vous ici ?

- Je suis une grande fille, je suis venue faire ce que j'ai à faire

- Il est fatigué ;

- Je veux le voir ! Poussez-vous

Il me regarda d'un air agressif

- Vous n'auriez jamais dû venir ici, me secoua t - il

- Vous n'aviez qu'à mieux faire votre travail

Il sembla sous le choc, je rajoutai :

- J'ai fait tout ce chemin, j'ai quitté Long Island, jusqu'ici, alors vous êtes le derniers de mes obstacles. Je vais vous le demander une dernière fois, lâchez-moi !

Il me regarda, surpris. Je le poussais violemment. Son jeu d'observation me faisait perdre du temps. Il rentra dans le mur à côté de nous, mais je n'en fis pas cas. Il pouvait aller se faire voir. J'étais là maintenant, qu'allait-il bien pouvoir me faire ? L'homme que j'aimais était de l'autre côté du mur à ma gauche, donc Allen, ou Bridget, n'étaient pas sur ma liste de problèmes.
Je lui lançai un regard mauvais et retirai mon sac de mon épaule.

- Laissez-le se reposer

Je prenais très mal cette remarque, car même si c'était son travail de veiller sur lui, je n'étais pas un élément perturbateur. Je ne voyais pas pourquoi est-ce que je dérangeais tout à coup. Je le toisais. Personne n'allait me retenir. J'étais folle de rage envers ceux qui lui avait fait ça, hors de question que j'acquiesce à tous les ordres d'une énième personne. Je poussais la porte avec douceur, rentrai et refermai derrière moi.
Je le vis immédiatement. Il était allongé, là-devant moi. Même s'il était loin de moi, il était là. Je souris heureuse de me dire que je ne l'avais pas perdue.

Je posai mon sac par terre, en étant la plus silencieuse possible. Je mis ma tablette à charger avant de me rapprocher de lui. Les lumières extérieures me semblaient ne pas être adéquates, il risquait de ne pas parvenir à dormir correctement. Il était entouré de machines. On n'aurait jamais dit une personne en pleine forme hier. J'aurais dû profiter un peu plus de ces moments.
C'était le genre de phrase typique qu'on utilisait après avoir perdu quelqu'un. Des phrases chargées de regrets.
« J'aurais dû... ».
J'aurais dû...
J'aurais pu...
J'aurais voulu...
J'aurais aimé profiter, de notre dernier jour.
Je me déchaussais et retirais mes chaussettes. Le carrelage était froid. Je me rapprochais alors de son lit éclairé par les petites diodes des monitorings et des assistances respiratoires. Je caressai son visage endormi. Son corps était couché à plat et il m'avait l'air si froid. L'air sentait le médicament. Je ris en me demandant ce qui valait mieux. L'air extérieur et pollué ? Ou celui-ci aussi.

- Non...

Une larme m'échappa et elle s'échoua sur sa joue. Je la retirai du bout de mon pouce. Il m'avait l'air si paisible, mais aussi si douloureux. Son sommeil ne m'avait pas l'air reposant.

- Réveille-toi, chuchotais-je. J'ai besoin de toi à mes côtés

J'étais surprise de me l'avouer pour la première fois. Je baissais les yeux sur son torse nu. Il était bandé, sur toute sa largeur.

- Ils ont réussi à te maintenir en vie... Tu n'as plus de craintes à avoir... Tu peux revenir

Un s'il te plaît m'échappa à la fin et j'embrassais sa joue. Je n'en croyais pas mes yeux. Pourquoi... Sérieusement, pourquoi ?
Il faisait affreusement froid.
Je craquais. Il était là. Mal en point, mais il était là. Je me sentais soulagée. Après toute cette course effrénée, j'arrivai devant un Ace en vie. Il était encore endormi, mais il était là. Je pouvais souffler...

Au bout d'un moment, je finis par m'accrocher à son lit de patient. Il était assez grand pour une personne et demie. Je voulais le sentir près de moi. Pour de vrai. Je m'insérais sur une place bien trop petite mais ça me suffisait. Pas besoin de couverture non plus... je la lui laissais, il en avait plus besoin que moi. Je voulais juste me reposer près de lui mais je ne pouvais pas me reposer sur sa poitrine alors, je laissais ma tête le long de son épaule.
Je finis par m'endormir. J'étais tellement soulagée d'avoir réussi à venir ici. D'avoir échappé aux contrôles dans le train. Je me sentais mal pour toutes ces personnes que j'avais arnaquées, mais je me sentais encore plus mal pour Ace. Une chanson me vint tout à coup en tête. Je la chantais pour m'endormir tandis que mes dernières larmes coulaient.
I don't wanna talk right now....
I just wanna watch TV
C'était la chanson parfaite pour pleurer.
That's what happens when you fall in love
Je levais ma main pour la poser sur son torse, mais je me retins. S'il ne réagissait pas à la douleur maintenant, cela allait être le cas à son réveil.
I try not to starve myself
Je levais la tête vers lui, mais sa mâchoire me bloquait la vue.
And I'll be in denial for at least a little while
Je repensais à cette détonation. Je pensais à lui en train de s'écrouler.
What about the plans we made ?
Je fermai les yeux, épuisé par toutes ces mésaventures. J'avais hâte que cette journée cauchemardesque se termine. Qu'il se réveille. Qu'on se discute. Qu'on finisse par s'en aller de cet endroit.
Après un certain temps, je sentis un soupir. Je rouvris les yeux. Il venait de bouger. C'était imperceptible, mais il avait bougé. Tout à coup, les bruits extérieurs d'ambulance me semblaient inexistants. Je ne me redressais pas pour voir, j'avais peur que ce soit dans ma tête, qu'il soit toujours endormi.

- J'ai eu peur pour toi, dis-je quand même

J'avais parlé, mais ce que j'avais dit m'avais paru inaudible. Seul un petit souffle avait quitté la barrière de mes lèvres.
J'attendis sa réponse, mais rien ne vint. Je cachais ma tête encore plus dans le creux entre son épaule et le lit.

- Lu...

Un sourire illumina mon visage et je pense qu'il le sentit contre sa peau, car il rit doucement. Pas un rire franc, un rire douloureux néanmoins un rire tout de même.

- Lucia...

- Il faudra que tu m'expliques comment tu as fait pour te mettre dans de pareil drap.

Il ne dit rien.

- Désolé ;

- Tu viens de t'excuser ? Le danger fait des miracles

- Oui

Il leva son bras et j'étais sûre de l'avoir entendu gémir. Il le passa autour de moi. Je me mis alors au même niveau que lui et je me remis à pleurer.

- Je n'aime pas les pleurnicheuses

- Va te faire, je dis en frissonnant à force d'avoir pleuré

On resta tous les deux dans le silence puis, hésitante, je commençais une nouvelle phrase, mais je finis par me taire.

- Je t'aime

J'observai ses blessures. J'aurais pu le perdre aujourd'hui. Mais il était encore là. Il fallait donc que je profite de cette chance pour le lui dire.
Il hocha la tête, mais ne me le rendit pas. J'avais l'impression de m'être prise un coup de batte de baseball en plein dans les côtes. Je fermais les yeux me demandant ce qu'il pensait. Il n'avait eu aucune réaction. Même pas un sourire. Il n'avait fait que hocher la tête.
Je me contentais alors de cela.
Je ne pouvais plus me retenir. C'était trop pour moi, alors cette fois-ci, j'allais de nouveau oser.

- Je veux savoir

Il ne dit rien.

- Tout savoir, Andrew....

Il cessa de fixer le plafond et tourna sa tête vers l'extérieur. On pouvait voir les lumières rouges de l'héliport un peu plus haut que nous, au dernier étage.
C'était beau, d'avoir toutes ces lumières dehors. De nombreux commerces étaient encore, eux aussi, allumés et j'étais surprise de voir l'enseigne du McDonald clignoter « ouvert ». Ace renifla. Il ne pleurait pas. Il ne pleurait jamais. Mais il se préparait.

- Johnson, me dit-il

J'avais un prénom, c'était déjà ça.

- Demain, les journalistes accuseront Stuart... Ils diront que c'est de sa faute. Il vivra un misère lors des prochaines semaines, dit-il difficilement. Mais il est au courant et il sait qu'il n'y est pour rien

Je m'en fichais du sort de ce Stuart, honnêtement :

- Qui est Johnson ?

- Un malfrat que je veux affronter en justice

Je secouais la tête en signe de compréhension. Ça commençait très mal. Je n'aimais pas le terme « malfrat ». C'était celui que mamá employait souvent en parlant des hombres (des hommes) vivant dans les favélas.

- Il a violé ma sœur

Mon cœur cessa de battre. Je le regardais étrangement. Il avait dit ça sans peine. Je cherchais à voir de la douleur sur son visage, mais rien. Tout était masqué par un voile de colère.

- Il était entraîneur à ses débuts et c'était sans doute pour camoufler ses activités illégales

- Je vois...

- Ma sœur faisait de la natation et lui... eh bien...

- C'était son coach, qu'elle voyait tous les jours

- Exactement

- Il l'a violé et plus tard quelques jours après son décès, l'on a appris que ta nouvelle meilleure amie l'avis su, mais avait gardé le secret sous la demande de ma sœur

- Alex ?

Je voulais être sûre que l'on parlait de la même personne... Ce n'était pas possible.

- C'était donc ça son secret...

Tout en l'écoutant, j'eus l'impression qu'un voile se levait enfin de mes yeux.

- Le secret de la parfaite petite Berrington, oui

- Et ta sœur ?

- Elle a été enterrée très rapidement après son suicide. Mes parents ont d'abord tenté un procès, mais Paolo Johnson a fini par leur offrir, je ne sais quoi et les a convaincus d'abandonner les poursuites.

Cette histoire faisait froid dans le dos. Le secret d'Alex était qu'elle avait caché le viol de sa meilleure amie, et si je comprenais bien, Jane avait été nageuse et avait eu pour entraîneur, ce fameux Johnson. Entraîneur qui a joué de son statut pour violer une pauvre adolescente qui a fini par se suicider.

J'étais aussi surprise pour autre chose. Quelle mère pouvait accepter un cadeau pour remplacer sa fille. C'était donc pour ça que son père m'avait demandé s'il m'avait parlé de cette Jane. Il provoquait Ace. Je revoyais leurs visages, celui de sa mère, complètement meurtri.

- Ils ont fini par s'en aller, et vivent maintenant à Miami. Il a tenu à les éloigner le plus possible. Si une enquête était ouverte pour ma sœur, les autorités allaient finir par découvrir toutes ses magouilles

- Et tu es donc maintenant la dernière chose qui l'empêche de faire ce qu'il veut ici

Il soupira en confirmant mes propos. Cette histoire était draamatique.

- Et qu'est-ce qu'il a eu à l'époque ?

- Rien...

- Rien ?

Je me redressais dans le lit, en le regardant sous le choc.

- Il a été démis de ses fonctions d'entraîneur et a une interdiction de côtoyer des mineurs dans le cadre d'une profession lié à l'enseignement

- J'hallucine

Je restais bouche bée. Une fille était morte, une famille avait été détruite, tant de personnes avaient souffert, tout ça pour que le coupable ne soit même pas au minimum incarcéré. Je n'imaginais pas la peine d'Ace. Pour qu'il se batte encore jusqu'à présent, c'est qu'il avait vraiment été proche de sa sœur. La pauvre. Porter ce secret toute seule et ne trouver que comme seule issue la mort... C'en était traumatisant.

- Je vais t'aider, je dis

Il se tourna enfin vers moi, et me sourit. Il se forçait. Je n'arrivais pas à imaginer une jeune fille à la vie parfaite, heureuse, avec un avenir radieux, une fille débordant d'espoir dans la tête, se faisant brutalement priver de ses rêves.

- Tu as conscience des risques ?

- Si c'est pour une ado, suicidée après un viol, je serais égoïste de ne pas vouloir t'aider

- Pour le procès, il me fallait un témoin. Une fille s'était fait violer, elle aussi. Mais elle a refusé de porter plainte. Ce second témoignage nous aurait aidé...

- Ah bon ? Et pourquoi est-ce qu'elle renonce ,

Il rit.

- J'imagine que tout le monde n'a pas envie de se frotter à des années de procès. Et puis, elle a famille haut placée

- Je vois le genre

Sa famille ne voulait tout simplement pas attirer l'attention avec ce genre d'histoires attristantes et tabous. Ils choisissaient donc le silence. Il m'était arrivé d'envier les enfants de hauts-placés au cours d'une certaine période de ma vie, mais en grandissant, je me rendais compte de plus en plus de la misère dans laquelle ils vivaient en fait.

Cependant, je ne voyais toujours pas pourquoi ils m'avaient fait ça. Pourquoi m'enlever pour cette histoire dans laquelle bien que je voulais aider, je n'avais aucun pouvoir. Pourquoi m'avoir fait subir tout ça ? Pourquoi moi ?

- Un de mes amis au ministère a réussi à faire passer un nouvel amendement

- Et qu'est-ce qu'il dit ?

- Si l'une des victimes est trop atteinte psychologiquement, elle peut être remplacée par une personne de son choix

- Donc je pourrais éventuellement la représenter ?

Je comprenais mieux. Depuis le début c'était ça l'objectif.

- Vous auriez pu me demander directement de vous aider

- Tu n'aurais jamais accepté Luchita

Il grimaça. Parler l'épuisait.

- Tu n'en sais rien

- Au début, notre plan était de te faire passer pour cette nana. Tu as un point commun avec elle : tes origines. On l'aurait donc protéger, elle et sa famille et tu n'aurais eu qu'à raconter ses dires. Les juges ayant le profile de certaines victimes, on souhaitait te faire être l'une d'elles, nous refusions perdre la voix de cette fille-là. Sauf qu'en y réfléchissant bien, condamner une innocente pour parjure aurait été limite. Voilà pourquoi j'ai fait passer cet amendement. Mais, dans les deux cas, tu n'aurais jamais voulu ; si une bande de mecs que tu ne connais pas te demande de passer en justice pour un accident qui ne te regarde pas, sachant que ça peut être long, tu aurais accepté ?

Il dit ça d'un air sûr de lui en haussant les sourcils en attente de ma réponse.

- Après avoir appris à les connaître, oui...

Je fis une pause en réfléchissant

- On est bien d'accord, dit-il

Je secouais la tête :

- Ce n'est pas ça. Simplement, comment est-ce que tu voudrais que j'apprenne à vous connaître alors qu'Hudson me hait ?

- Il ne te hait pas princesse ;

Il dit ça en m'attirant de nouveau vers lui. Je refusais alors en attendant plus d'explications.

- Il a perdu sa mère au Mexique

- J'y suis pour quelque chose ?

Ma réponse le surprît, et moi aussi par la même occasion. Elle manquait cruellement de compassion. Mais j'en avais assez d'être malmenée par ce crétin.

- Essaie de le comprendre

- Bien évidemment je dois encore le comprendre

- Il a été en voyage quand il avait onze ans. On était déjà amis. Il est revenu des idées noires en tête

- Il était en voyage au Mexique ?

- Oui. À l'époque, il était extrêmement enthousiaste pour son voyage. Il m'a raconté que là-bas, sa mère est tombée extrêmement malade. Et à ce jour, nous ne savons toujours pas ce qu'elle a eu. Ils l'ont emmené aux urgences où on leur a dit de rentrer, que ce n'était rien de grave

Je soupirais en l'écoutant. Je ne voulais ressentir aucune compassion pour ce connard.

- Sa mère était à peu près encore stable. En rentrant elle s'est mise à convulser. « On n'avait jamais vu ça ». C'étaient les premiers mots de Hud' quand il nous avait raconté l'histoire.

Je fronçais les sourcils.

- Et ensuite ?

- Ils sont retournés à l'hôpital et on leur a dit qu'ils n'étaient pas prioritaires. Priorité aux locaux, me dit Ace en riant.

- Malheureusement, c'est souvent comme ça. Les touristes sont négligés...

- Et sa mère est morte.

Il le dit si brusquement. Je le regardais. C'était étrange car il devait certainement être attristé pour son ami, en même temps, il avait une façon si abrupte de le dire que l'on pouvait se poser des questions. Je le lâchais alors des yeux et étonnamment je ressentis quelque chose. Une grosse tristesse pour le petit Hudson. Mais pas pour celui qu'il était devenu. Cette pauvre femme avait été abandonnée jusqu'à la mort et ça, c'était très triste mais rien n'excusait la xénophobie.

- Il a ses défauts, mais il faut le comprendre. Il a été très traumatisé de partir avec ses deux parents, mais de rentrer sans sa mère.

- Je comprends... mais ce n'est pas pour autant que j'essaierai de me rapprocher de lui

- Je sais

Il me ramena de nouveau vers lui, et cette fois-ci, je me laissais faire.

- Lui et Mick, se sont occupés de te mettre hors de danger, on pourra revenir ici

- Tu en es sûr ?

- Tu ne me fais plus confiance ?

- Je ne t'ai jamais fait confiance, je dis en riant aux éclats

- Et pourtant tu m'aimes...

- Et pourtant, je t'aime

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