51.



LUCIA

Long Island shopping center :
Dans la journée :

On avait déjà commencé depuis longtemps notre petite virée. Ace avait beau avoir commencé par rechigner, il aimait quand même assez. Il avait trouvé du matériel informatique pour son ordinateur, et était heureux. Plus tôt dans la journée, il s'était un peu dévoilé, m'avait raconté quelques-uns de ses souvenirs avec Jane. J'étais sûre que je me serais bien entendue avec elle. Elle avait son petit caractère, mais elle était gentille. Populaire apparemment. Elle avait réussi à se taper Michael et leur relation était parfaite avant le drame.
J'aurais voulu lui poser plus de questions, mais je me disais qu'il allait se braquer - encore - donc je gardais ma curiosité pour moi. C'était donc avec un grand sourire et beaucoup d'excitation de ma part que je m'étais dirigée vers une crêperie française. Je m'étais prise une boule de glace que j'avais dévorée, avant de piquer celle à la pistache et au rhum d'Ace.
En fin de journée, j'avais profité de mon '' avantage séquestré '' pour claquer son argent dans des centaines de choses dont je n'avais pas besoin. Il ne s'était pas plaint et était resté conciliant, et s'était même prêté au jeu à un moment. Je le voyais de plus en plus sourire. Il m'insultait beaucoup aussi, mais bon...
À la fin, j'étais crevée. Je ne tenais plus sur mes jambes. J'avais vidé mes batteries et même si j'en voulais encore plus, il me dit que l'on devait rentrer. Sur le chemin du retour, je lui avais acheté avec son argent, une écharpe rouge avec des petits bonhommes de neige dessus. Elle était mignonne et allait très bien avec son costume trois pièces.
C'est donc épuisé, qu'on avait regagné la voiture. Il finit par conduire tandis que je somnolais déjà presque. Il avait été docile aujourd'hui, et ça me plaisait bien.

- Je hais ton écharpe Lucia... se plaint-il sur le trajet, m'arrachant un rire

Après ça, la conversation avait été normale, et j'avais fini par m'endormir. Le trajet était un peu plus long sur le retour, et à un moment, j'eus le sentiment qu'il l'avait fait exprès simplement pour me permettre de dormir encore un peu.
J'étais satisfaite de ma journée. J'en avais appris un peu plus sur lui. Il s'était confié, je savais un peu plus ce qu'il aimait et détestait, comme le fait qu'il adorait les glaces au pistache et rhum et qu'il détestait les partager. Il adorait les écharpes, mais il détestait les écharpes rouges avec des bonhommes de neige dessus.
On finit par arriver au bout d'un moment, et il détacha ma ceinture. Je m'étirais alors, les yeux encore fermés.

- Ne bouge pas, me dit-il, près de mon oreille

Il me porta et j'entendis la portière claquer. Il avait l'air de me porter comme si je pesais le poids d'une enfant de huit ans. Je m'accrochais à son cou quand il se mit à monter les marches. J'avais ma tête sur son torse que je sentais à peine se soulever au fur et à mesure de ses respirations.
Une fois dans ma chambre, il m'allongea délicatement, avant de rabattre mes draps sur moi. Je n'avais pas fait mon lit ce matin, et apparemment, Bridget était absente alors, il était encore défait. J'étais épuisée et vu l'heure qu'il devait être, je n'allais pas avoir de difficulté de sommeil. Il me retira mes chaussures en essayant de ne pas me réveiller, mais c'était en partie déjà trop tard. De mon demi-sommeil, je suivais chacun de ses gestes, doux et précis.

- Je te retire ton short pour...

Je n'eus pas le reste de la phrase. J'étais beaucoup trop épuisé pour la comprendre. En tout cas, je me sentis beaucoup plus libéré par la suite.

- Repose-toi Luchita... Tu m'as bien fait suer aujourd'hui

Il s'en alla, mais avant qu'il ne ferme la porte, je dis :

- Ça m'a fait du bien... Merci.

Il ne réagit pas. À force d'attendre une réponse, je finis par m'endormir. J'imaginais que je lui en demandais trop.
Il n'allait pas me dire « tout le plaisir est pour moi » alors que l'on savait tous les deux qu'il avait détesté. Enfin ça, c'est qu'il voulait me faire croire. Je l'avais vu rire de temps en temps, froncer les sourcils en lisant des mails et des messages, mais je l'avais aussi vu sourire. Il n'était pas ce qu'il voulait faire paraître.
Je comprenais mieux ce qu'Alex disait quand elle parlait de lui. Et j'en avais la preuve. Il était bienveillant. Et je savais maintenant presque avec certitude qu'il n'était pas seulement là pour quelque chose, qu'il avait aussi un petit intérêt pour moi.
Il avait vécu beaucoup d'épreuves, et je commençais presque à envisager de l'aider. Je commençais à m'attacher et même si ça n'avait pas fait partie de mon programme, j'allais penser à lâcher prise. La seule chose qui me freinait était simplement les risques. J'avais une famille et je n'étais pas certaine de vouloir les abandonner ou de me mettre en danger jusqu'à les blesser eux.
Il fallait que je réfléchisse. Que je voie et surtout, que je m'assure qu'Ace ne se moque pas juste de moi.

Un peu plus tard dans la nuit, alors que je voulais me retourner dans ce lit bien trop grand pour moi, je me sentis presque oppressée. Je n'arrivai plus à bouger, comme si je manquais d'espace. J'essayai alors de m'extirper quand la prise autour de moi se resserra. Je posais ma main sur le lit, mais je me retrouvais confronté à quelque chose de moins moelleux qu'un matelas.
Je levais mes yeux un peu plus au-dessus de moi et rencontrai la mâchoire carrée d'un homme. C'était Ace qui dormait.
Il était si beau. Il avait l'air paisible et ses gestes qui le gardaient près de moi, me semblaient avoir lieu sans même qu'il ne s'en aperçoive. Je souris. Il était venu me rejoindre ? Il avait voulu dormir avec moi... Si ça, ce n'était pas une belle victoire...

Andrew Ace Scotten était revenu dormir avec moi.

- Tu es beau

Je lui avais chuchoté ça en admirant son torse nu et parfait. Il avait le corps d'un Dieu grec. Je n'arrivais pas à croire que ça, était à moi. Je grimaçai en m'entendant parler. Il n'était pas à moi. Je ne savais pas encore clairement quelles étaient ses intentions. Je ne savais pas encore ce qu'il pensait, donc je n'allais pas dire qu'il était à moi.
J'étais aux anges cependant. Être là, avec lui, m'apaisais et j'étais heureuse de voir qu'il s'ouvrait un peu plus.
Je finis par me rendormir. Convaincue que je n'avais plus le peu de fierté qu'il me restait. Je commençais à m'attacher à lui, et je me sentais un peu plus en sécurité.



Ce matin, j'avais prêté attention au son des vagues. J'avais été réveillé par les oiseaux dehors, chantant dans le froid de ce début d'hiver. J'avais parfaitement bien dormi. Ma journée d'hier avait été géniale. Je posais les yeux sur mes achats de la veille. J'avais tellement d'idées de toiles, et elles avançaient toutes à une vitesse qui me surprenait, donc on avait acheté plusieurs racks de rangement de toiles. C'était plus commode et au moins, je resterais organisé. Je me tournais sur moi-même, pour avoir une vue sur le reste de la pièce, mais aussi et surtout, sur Ace.

Disparu.

Il n'était plus là. Une grosse déception m'emplît. Je pensais que pour une fois, nous allions nous réveiller ensemble. Que j'allais pouvoir me moquer de visage boursouflé, qui, j'en étais sûre était sûrement en fait toujours aussi attirant.
Au lieu de le voir lui, il y avait une note sur sa place. Je ne voulais pas la lire. Ça m'énervait de me réveiller sur un bout de papier.
Je soupirai en attachant mes cheveux avant ma douche, mais avant que je n'aille réellement m'enfermer dans cette pièce qui me permettait de me libérer mentalement pendant une bonne dizaine de minutes, je refis demi-tour et me jetai sur le bout de papier.
Je le dépliais délicatement. C'était une note très bien écrite au stylo plume.

- Qu'est-ce qu'il va me dire ce connard ?

Il me disait : « J'ai décroché un très gros contrat il y a quelques heures (Merci Matthew). Comme je suis le président avec les plus grosses parts, je dois me charger de la conférence d'acquisition ma belle... Je dois te laisser, mais ce ne sera pas long. Si je te manque trop, tu as la télévision. Aujourd'hui tu es libre de te balader dans toutes les pièces que tu veux, sauf mon bureau. Tu pourras voir la conférence de presse à la télé. Elle est assez importante, pour être diffusée, donc soit libre dans l'après-midi à 15 heures. » Je ris en lisant sa note, il s'accordait une importance imaginaire, je levais les yeux au ciel en riant. « Tu as Bridget avec toi, et elle est à tes ordres. Elle sera là pour le repas, et pour voir la conférence de presse avec toi, mais tu seras libre à côté. Tu ne la verras même pas. »
Je me demandais bien si cette fois-ci, elle allait avoir le droit de me parler. Ou est-ce qu'elle allait être là, comme une cloche, assise à côtés de moi, devant cette conférence, sans en placer une. Je tournais la note pour voir si je n'avais rien manqué.
Aucun mot affectif à la fin. Il signa : AS. J'imaginais que cela signifiait « Andrew Scotten ».

Je tombais des nues, les yeux écarquillés.

J'y voyais plus clair maintenant. Ses initiales formaient le mot : AS comme As de pique en français. Et il n'avait fait que retranscrire, la chose en anglais : Ace. Il n'avait jamais abandonné son nom. Il l'avait fait évoluer. Voilà d'où venait son nom. J'avais fait une année de français, car j'avais eu une grosse obsession pour les artistes françaises et je voulais pouvoir montrer mon art dans ce pays-là. Et lors de mon année, nous avions travaillé ce genre de choses, les jeux de société.
Ace avait conservé son nom Andrew Scotten, et s'était servi de ses propres initiales pour se trouver un nom plus propre à lui. J'espérais ne pas avoir faux, mais j'étais presque sûre d'avoir répondu à une autre de mes énigmes : son prénom.
Je refermai la lettre, souhaitant que tout se passe bien pour lui. Il avait l'air de me parler de quelque chose d'important dans cette lettre alors, je voulais qu'il y arrive. C'est donc joyeuse que je me dirigeai vers la salle de bain, je savais qu'en en sortant, j'aurais mon plateau repas. J'avais déjà un programme bien clair. J'aurais aimé qu'il y ait de la place dans celui-ci pour nager, mais non. J'allais donc terminer des toiles, en commencer d'autres, faire des croquis, lire, mais tout ça, j'allais le faire dehors. Il faisait peut-être froid pensais-je en me glissant sous le rideau d'eau qui coulait devant moi, mais j'allais profiter. Il n'était pas absent tous les jours. En sortant de la douche, j'avais déjà des idées pleines la tête. Je ne quittai alors ma chambre qu'une fois mon repas avalé.
Pour dire vrai, j'étais très affamée, donc il fallait que je mange parce que si je ne mangeais pas, j'allais être contrarié et frustrée, et je n'arriverais plus à faire quoi que ce soit. J'allais me perdre dans mes pensées et j'allais fixer une toile vierge une bonne heure sans jamais la faire rentrer en contact avec le pinceau humide. Je poussais la porte de la baie vitrée du rez-de-chaussée et courrai dans le jardin. Il était si beau. Je faisais un tour sur moi et voyais ma chambre. À cet endroit, impossible de ne pas voir quelqu'un observer d'en-haut pensais-je.

- Que c'est beau ;

Je m'exclamais presque émue... Les couleurs étaient bien choisies et disposées sur la toile que formait ce jardin et que j'allais certainement reproduire. C'était si jolie. Je ne voulais pas savoir, combien avait été payé le paysagiste.
Il y avait une chaise assez haute pour que je sois à la même hauteur que mes toiles.

- Parfait, dis-je heureuse

Le vent rafraîchissant de la saison me frappa. Je grelottais avant de me reprendre et de sortir mon matériel. J'allais commencer par faire un croquis. Je voulais représenter une femme. J'allais prendre tous les détails de ce jardin et les peindre en contour, avant de peindre au milieu, la femme, s'appuyant sur un balcon, et observant en contrebas, un peu comme moi je le faisais quand j'observais cette piscine de là-haut.
Je dessinais en veillant à appuyer sur la toile, avec la bonne intensité. J'aurais voulu faire cette peinture à l'aquarelle, mais j'étais presque certaine que j'allais finir par la faire comme je faisais d'habitude.
Dans l'une des mains de la femme, on pouvait voir une feuille. C'était la note matinale d'Ace.
Je voulais qu'elle ait un air mystérieux, même de dos. Je voulais que le fait qu'elle regarde au large, vers cet océan que j'avais ignoré pendant des jours et des jours, soit un peu un signe de nostalgie.
Je n'allais pas peindre cette toile dans l'immédiat, je savais simplement que les couleurs seraient un peu comme celle de cette saison hivernale, mais plus chaudes, même si ce choix allait à l'encontre de mon envie de mystère.

- Pas mal, me dis-je, en retirant la toile du chevalet pour la rapprocher de moi.

J'aimais beaucoup. Il n'allait falloir que de petites retouches, mais rien de très extravagant. Je voyais déjà ce tableau comme un tableau à l'image d'un Monnet. Je souris.

- Vous êtes fière de vous ?

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