44.
Heure inconnue
Lieu inconnu
Cela faisait à présent quelques jours déjà que j'étais enfermée dans cette cage dorée. Il devait s'être passé au moins trois jours. Trois jours que j'étais là, trois jours que je ne mangeais pas, trois jours que je pleurais sans cesse.
Je me demandais d'ailleurs s'il avait été établie un avis de recherche pour ma misérable personne. Est-ce que des gens étaient inquiets ? Au Mexique certainement pas, ils avaient l'habitude maintenant que j'étais loin d'eux, de ne pas avoir de nouvelles. Cependant, étant donné que je n'avais personne ici, à part Alex, personne n'avait idée de mon existence, par conséquent, de ma disparition. Et savoir cela me faisait si mal. Je me rendais vraiment compte que ma famille me manquait terriblement. Je n'avais personne sur qui m'appuyer et la seule personne dans les parages, me torturait.
Après être restée une bonne vingtaine de minutes, debout, devant ma fenêtre, je finis par me lasser. La vue était incroyablement belle. Je devinais que nous étions au cœur d'une belle demeure, d'après ce que me laissait croire, la piscine à débordements qui s'étalait devant moi.
J'étais tellement restée sur place, dans la même position, que j'avais la plante des pieds qui suait. En marchant vers le lit, j'avais les pieds légèrement collant sur le carrelage clair, marbré de la pièce. Je ne supportais plus cet endroit. Cette pièce, si belle soit-elle, me rappelait à tout instant que je n'étais qu'un simple objet, prisonnière de cet homme odieux.
Je m'arrêtai tout à coup et pivotait sur ma gauche. Je fixai mon reflet dans le miroir qui recouvrait tout le pan de mur en face du lit king-size qui prenait la majorité de l'espace de cette foutue pièce. Je voyais mon reflet comme celui d'un fantôme, se demandant s'il était vraiment mort. Je soupirai avant de tousser difficilement.
J'étais nue, et malgré la chaleur des radiateurs de la pièce, mon corps ne cessait de frissonner. Je me rapprochais lentement du miroir parfaitement nettoyer et penchait la tête sur le côté, analysant la personne dans le miroir, personne que je ne reconnaissais pas.
J'avais perdu le peu de petits bourrelets que j'avais déjà. Évidemment, à force de ne rien avaler, de ne rien faire de mes journées, de pleurer comme une madeleine, il était évident que je devais ressembler à un cadavre. J'avais les yeux gonflés à la fois par la fatigue, par le manque de nourriture, mais aussi par les larmes. Mon teint était terne, mais à part ça, au moins ma poitrine n'avait pas perdu de volume. Je ris à cette pensée, me surprenant même d'encore pouvoir ressentir une once de joie. Ma poitrine n'était déjà pas excessivement volumineuse, juste ce qu'il fallait, ni trop grosse ni trop petite. S'il fallait que je perde mon 85 B, ça aurait été la fin.
Sinon, je me sentais tout de même mal à l'aise.
Je n'avais pas de vêtements depuis mon arrivée ici, ou plutôt, j'avais les vêtements qu'Ace avait décidés que je devais porter, et il était hors de question que je cède, car je voyais sans même m'approcher de cette chaise sur laquelle sa gouvernante avait laissé la pile de vêtements pliée, que ceux-ci étaient loin d'être à mon goût.
Je quittai mon reflet et me dirigeai vers la salle de bain, dans un calme oppressant. Et après avoir pris une douche rapide, je finis par examiner la pile, non pas pour les vêtements, mais au moins les sous-vêtements. J'attrapai la culotte noire en dentelle extravagante en pensant au fait qu'il avait été celui qui avait choisi ce machin. Je me penchai ensuite sur la pile de soutien-gorge de la même matière que le bas. Ceux-ci étaient tous de marques toutes plus chères les unes que les autres, mais honnêtement, je m'en fichai. Après tout ce qu'il m'avait fait, il me devait bien de se ruiner pour mes putains de sous-vêtements. Il les avait achetés à toutes les tailles, et j'étais certaine que c'était lui qui s'en était occupé, car si ça avait été sa gouvernante, qui s'en était chargé, je n'en aurais eu qu'un seul, de la BONNE taille.
Une fois vêtue, quelqu'un frappa à la porte de deux coups consécutifs.
- Une seconde, soufflais-je difficilement
La personne ne répondit pas. Bien sûr. J'avais déjà vu la fameuse gouvernante. Elle m'avait déjà souri, consolée, mais jamais parlé. Soit, elle était muette, soit elle avait pour ordre de ne pas m'adresser la parole.
Je jetai mes sous-vêtements usagés et les vêtements d'Ace dans un petit bac, ce qui avait réellement pour don de me gêner en ce qui concernait mes sous-vêtements sales. J'ouvris, lui tendis le petit bac noir. Je lui souris dans l'espoir qu'elle me dise quelque chose, mais elle ne fit que m'imiter.
- Merci, insistais-je en lui donnant le récipient en attente d'une réponse
Elle agrandit son sourire et baissa légèrement la tête et s'en alla aussitôt. Je refermai alors la porte désespérée avant de m'écrouler derrière la porte. Moi qui avais espéré au moins trouver quelqu'un ici, quelqu'un sur qui compter pour parler. Mais rien. Ace n'était pas non plus venu depuis ce que je pouvais qualifier comme étant mon enlèvement. La vieille femme, petite, aux cheveux légèrement grisonnants et aux traits si doux, aurait été une si belle aide. Pourtant rien à faire encore une fois. Elle n'était pas là pour me sauver.
Je me dirigeai, presque en rampant vers le lit parfaitement fait. Je n'avais aucune occupation, alors, à part rêvasser en fixant le plafond, et me faire des scénarios tous lugubres dont le personnage principal était Ace, je n'avais rien d'autre à faire.
Quand je n'étais pas sur mon lit, en train de faire mes rêves éveillés, je fixai la piscine et analysais les vagues sur l'eau. Je réalisai d'ailleurs que depuis mon arrivée, personne n'était jamais venue y nager. Pourtant, elle donnait tant envie. Ni Ace, ni des potentiels visiteurs, professionnels ou non, n'étaient venus là. En même temps qui avait envie de venir dans un endroit pareil.
Quand je quittai le lit, je le refaisais toujours avec soin. Comme dit, je n'avais rien d'autre à faire. Dans cette pièce, il n'y avait ni penderie, ni bibliothèque pour peut-être ranger compulsivement ou alors pour lire. Il n'y avait même pas non plus de feuille, ni de crayon, ni de bureau pour dessiner ou faire des croquis. Je n'allais même pas parler du fait que je n'avais rien pour faire mes poteries, ou sculpter ou même peindre. Bref, comme je l'avais déjà dit, j'étais dans une belle cage dorée.
Il m'avait retiré mon téléphone et mes vêtements de ce jour-là. Alors comment dire que j'étais réduite au néant le plus total ?
Je n'avais plus mes papiers, donc j'étais aussi dans l'illégalité la plus totale sur le sol américain, depuis qu'il s'était jugé légitime de mettre en feu mon immeuble.
Je m'allongeais sur le lit sentant les larmes revenir, et je n'allais vraiment pas les retenir. Qui dans ce monde pouvait m'interdire de pleurer ? Qui avait perdu ses papiers, son logement, son moyen de contacter qui que ce soit, qui ici avait été kidnappée ? Qui ici avait perdu toute notion du temps et de l'endroit dans lequel elle se situait ? Qui ici avait revu sa grand-mère mourir ? Moi. Moi et seulement moi. Alors j'allais pleurer jusqu'à m'endormir, et j'allais de nouveau me réveiller, observer cette foutue piscine, regarder mon état, me doucher et repleurer.
Au bout d'une quinzaine de minutes, les deux coups contre la porte se firent de nouveau entendre. Je ne répondis pas. Mais la gouvernante recommença.
- Je ne veux voir personne, affirmais-je la voix et le corps tremblant
Mais bien évidemment, elle ne m'écouta pas. Elle poussa la porte, et rentra. Tira son chariot vers moi ce qui me donna vraiment l'impression d'être en hôpital psychiatrique.
Elle le laissa devant moi, avant de rester statique quelques secondes. Je me redressais alors, me demandant à quoi est-ce qu'elle jouait.
Je la fixai d'un regard remplie de haine. Elle déclocha le plateau fumant et pointa tour à tour les aliments. Je regardai les plats, si bien dresser avant d'éclater de rire, un rire triste.
Comme à son habitude, elle me tendit une feuille blanche, sur laquelle était inscrit le menu. Il y avait une salade verte revisité, sur un lit de caviar. En plat, un burger qui me fit froncer les sourcils. On passait d'un bol de caviar à un burger... Le dessert était une tarte au citron praliné, sur lequel trônait une boule de glace recouverte d'un nappage caramel. Je pouffai violemment jusqu'à la toux. Je me remis à pleurer compulsivement sous les yeux de la femme.
- Allez lui dire que ce n'est pas en me servant du caviar ou un burger pour me faire plaisir ou cette foutue tarte, que je mangerais quelque chose commandé par ses propres soins à son chef
Elle eut une petite réaction, le temps d'une micro seconde avant de se reprendre. Je lui pris les mains avant de violemment lui frapper son menu à la con dans la main.
- Je vous offre le repas madame, dites à Ace que je mourais ici, mais je ne mangerais pas son plat
Ma tête commença tout à coup à violemment irradier d'une douleur aiguë, mais je ne fis rien remarquer. Je me laissai tomber sur le lit en repoussant le chariot. Je me recouvris, et me remis à pleurer de plus belle. Je la sentis rapproché le plateau roulant, avant de faire une pause puis elle finit par comprendre. Elle s'en alla. Moi qui aurais espéré qu'elle me dise quelque chose.
J'avais besoin de ma Abuela. J'avais tellement besoin que So' me fasse une de ses blagues foireuse. Que Daniela soit positive sans prendre la situation au sérieux. Je revis le beau buste d'Abuela et même si j'allais sembler folle, je le sentais brûlé. C'était étrange, mais j'avais tellement de liens avec l'objet, que j'avais l'impression que c'était une personne qui était morte, certainement Abuela. Je revoyais son enterrement qui avait été si déchirant. Mon cœur était brisé, et tout ça, à cause d'Ace, et j'étais même certaine qu'il s'en fichait complètement de ce que je pouvais bien ressentir.
Au bout de longues heures à pleurer, je sentis des pas devant ma porte, puis la personne s'arrêta :
- Je n'ai toujours pas faim, toussais-je
Depuis plus de deux ~ trois jours, j'étais assailli par une violente toux. Je crachais même du sang à force d'avoir la gorge et les poumons irrités. Je sentais mes poumons remonter à chaque quinte de toux, ce qui m'était extrêmement désagréable. Je frissonnais toujours autant et j'étais faible, mais rien de bien grave. J'attendais simplement que mon bel ange de la mort, daigne se pointer.
- Je n'ai pas f- (toux)... faim, terminais-je en serrant ce mouchoir qui me servait d'essuies-larme et récupérateur de sang.
La femme rentra violemment, mais je n'y prêtai pas attention. Je continuai de me rouler dans ces draps, d'un blanc immaculé.
- Lucia, il est vingt heures, je veux que tu manges
Ace me faisait enfin l'honneur, de se montrer. Super...
- Va te faire
- Tu vas manger ma belle, que tu le veuilles ou non
- Non
- Je ne t'ai pas demandé ton avis
J'essuyais une larme qui coulait sur ma joue, sans lui répondre.
- Bridget, tu peux ramener le chariot, dit-il froid
Je sortis alors ma tête légèrement pour apercevoir Bridget. J'eus la confirmation que j'attendais. Bridget était la fameuse gouvernante muette. Comment pouvait-elle supporter de travailler avec un homme pareil ? J'eus un moment de pitié pour elle, avant de le regarder. Il avait les cheveux décoiffés, certainement par un mouvement brusque de la main. Un nouveau chariot rentra et elle l'approcha de moi, mais à une distance de sécurité qu'elle n'avait pas instauré quand Ace n'avait pas été là.
- QUEL EST TON FOUTU PROBLÈME ?!
Il s'écria si violemment, que j'eus l'impression de sentir les murs vibrer. J'entendis la femme quitter la pièce et elle referma la porte derrière elle.
- Sors-moi d'ici
Je dis cela dans le plus grand des calmes tout en me redressant avec difficulté, les pieds emmêlés dans les draps. Il tira la chaise sur laquelle reposait auparavant les vêtements et s'assit en face de moi devant le chariot.
- Mange !
- Il faut surtout que je m'en aille, me retins-je pleurer
Il rit alors doucement en me fixant, moqueur. Il croisa les bras sur sa poitrine, mettant en valeur son torse musclé. Je l'examinai minutieusement. Il portait un pull à col rond blanc côtelé, en laine qui moulait à la perfection son corps. Je finis par détourner le regard agacé par mon propre comportement.
- Tu sais très bien ma belle que tu ne peux pas partir
- Je me levai et fit tomber mon mouchoir usagé
Je le ramassai alors en essayant d'être discrète, mais c'était trop tard. Il décroisa ses longues jambes et m'approcha.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Quoi ? Tu n'as jamais vu un mouchoir de ta vie ?
- Donne-moi ça, dit-il
Je le fixai, sûre de moi.
- Non
- Lucia
- Ce ne sont pas tes affaires
Il me prit alors le poignet, comme pour me montrer qu'il n'était pas là pour s'amuser avant de me forcer à ouvrir ma main. Le mouchoir m'échappa et il s'en empara sans quitter mes yeux.
- Tu m'expliques ?
- Je n'ai strictement rien à te dire, j'ai saigné du nez c'est tout
Il me jeta le mouchoir dessus, me repoussa avant de retourner s'asseoir.
- Mange. Tu as besoin d'un médecin, je m'arrange pour t'en trouver un, mais je veux que tu manges.
- Pourquoi ? Pour qu'il ne voie pas que je suis malheureuse avec toi ?
Connard, maugréais-je à voix basse, avant de me rasseoir.
- J'ai besoin que tu manges, rappelle-toi que tu es là pour une raison bien précise
- Et donc tu me veux vivante
- Exactement alors, mange
Je ris avant de me rallonger difficilement :
- Je te donne ce que tu veux, si tu me laisses partir
- Je ne marchande plus
Il dit cela fermement, ce qui m'agaça. Je n'avais même pas l'opportunité de m'exprimer, mais lui, tout-puissant se sentait-il, ne faisait que me faire comprendre à quel point mon avis lui importait peu. J'étais vraiment réduite au stade d'esclave. Je devais obéir, j'étais prisonnière et mon diabolique ravisseur en avait bien conscience.
- Alors je ne t'aide pas non plus
Oui. Oui je craquais. J'avais besoin de solutions, et pour cela, il me fallait pactiser avec le diable.
- Tu le feras que tu le veuilles ou non
- Tant pis
Je lui tournais dos avant de me replonger dans ma tristesse. Il soupira quand je me mouchai, puis je l'entendis reculer sa chaise. J'étais triste de me dire qu'il ne ressentait même pas une seule once de pitié à mon égard. J'aurais aimé qu'il reste, ou qu'il me console peut-être, même si je savais parfaitement que je l'aurais repoussé. Je pouvais rêver, jamais il n'aurait fait ça.
Il quitta la pièce et éteignit derrière lui. Je me remis à pleurer une dizaine de minutes quand, alors que je bâillai, j'entendis la porte se rouvrir. Je bondis de mon lit, mon sang bouillait, et en quelques minutes j'étais devant lui, en train de lui gueuler toutes sortes de choses. Ce que je ressentais était indescriptible et j'avais l'impression d'être beaucoup trop clémente. J'avais. Perdue. Le. Buste. De. Mi. A.Bue.La ! Bordel de merde ! Il me contourna, avant de se poster devant mon lit.
- Je te parle ! Tu sais ce que ça fait de perdre un boulot !!? Non ! Tu n'en a jamais eu besoin ACE SCOTTEN, agitais-je mes bras en l'air avec ce qui me restait de ma maigre vivacité
Il se retourna, je me mis alors à hurler à son manque d'attention envers mon discours. Je n'en revenais pas d'un pareil niveau d'insensibilité. Il se retourna sur moi avant de me prendre par les poignets. Je le fixai pleine de rage, surprise par l'audace de son geste. Il m'agita un objet sous le nez.
- Ferme - la deux secondes, tu veux ?, me frappa t - il le coin de l'objet sur le front. Je n'apprécie que très peu, la façon avec laquelle tu me parles Luchita, rentres - le toi dans le crâne, ma belle, dit-il en répétant son geste dédaigneux
Je retirai mes poignets, de sa prise.
- Je t'offre ça. Tablette haut de gamme
Un cri de victoire se profila quand il compléta :
- ... pour enfants
- Tu peux te la mettre où je pense
- À prendre ou à laisser. Pas de carte SIM, je pense que tu survivras sans, Lucia. Que des applications safe. Pas de réseaux sociaux, pas d'SMS ou d'appel, seulement du divertissement... avec une restriction d'âge, vu ton comportement enfantin, tu ne me laisses pas le choix
J'agitai la tête n'en croyant pas mes oreilles. Je lui pris la tablette des mains, un iPad à la con. Si celle-ci survivait à cette nuit de colère, ça allait être un miracle, bien que cette tablette était pour moi un moyen de dessiner, et d'avoir un maigre espoir de m'évader, j'étais encore trop en colère.
Il me reprit l'objet, et sans me quitter des yeux, ramena le chariot à moi.
- Tu as vingt minutes pour me vider jusqu'à la dernière bouchée de tous ces putains de plat, finis la rigolade
- J-
Il agita la tablette sous mon nez, je me tus. Mon kidnappeur s'assit sur la chaise en face de moi, qui heureusement pour nous deux était à une très bonne distance. Il croisa ses longues jambes avant de se mettre à m'observer déclocher le plat principal.
- Bon appétit, Lucia Fernandez, cracha t - il sans un sourire, avec l'objet électronique sur sa cuisse
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