34.



LUCIA

18h50
Dimanche, Manhattan :

Je versai une cuillère à café de sucre dans mon cappuccino, puis une deuxième, que j'agitai ensuite. Je serrai la tasse dans ma main, avant d'en prendre une gorgée.

- Pas assez sucrée, disais-je frustrée

Mais je n'allais pas en rajouter, j'étais actuellement en cure anti-sucre, je sentais que plus je vieillissais, plus je me rapprochais du diabète.
À contre cœur, j'éteignis ce côté de la pièce et retournai dans le salon, assise par terre, en tailleur devant ma table basse qui était pleine de cahiers, de feuilles, de trousses et d'autres choses dans le genre.
Il se faisait tard et je n'avais en vérité rien fait de particulier de ma journée à part peindre et dessiner. J'avais aussi un peu couru dans l'après-midi pour rendre ma journée un minimum intéressante. Malheureusement, il avait fallu que mon alarme me rappelle que j'avais des devoirs en attente.
J'avais déjà pu rendre ma part de travail personnel, que j'avais à faire pour mon travail de groupe avec Alex au prof, maintenant il fallait que je termine le dernier quart de l'exposée, mais je n'y arrivais pas et ce depuis déjà une bonne heure.
Ace m'avait appelé - il y'a une heure donc - pour me dire qu'il comptait venir. Il avait apparemment besoin de me parler de quelque chose et si je pouvais être honnête, j'étais extrêmement angoissée.
J'étais sûre et certaine qu'il allait me parler de notre dernière rencontre, alias du jour où j'ai craqué sans raison apparente.
Je resserrai mon long pull en laine autour de moi et après un dernier coup d'œil sur mon écran de téléphone, je me remis à mon devoir.

Tout de même, je ne trouvais pas de raison assez importante pour cette entrevue privée en pleine soirée. Alors que je progressais doucement, mais sûrement, mon téléphone se mit tout à coup à sonner.

- Merde, fis-je semblant de me plaindre

Je décrochais rapidement sans regarder qui était cette personne qui m'appelait.

- Allô

- Je suis en bas de ton immeuble Luchita, rejoins-moi

- Je-

Trois bips sonnèrent alors, m'annonçant qu'il avait déjà raccroché.

- Connard

Il recommençait exactement ce que je détestais chez lui. Il me prenait de haut, il me donnait des ordres et je subissais toujours ce que lui, il avait comme action. Cependant, malgré toutes mes plaintes, je me retrouvais quelques minutes plus tard dans mon hall d'immeuble.
Je sortis dans cette rue bondée et assez éclairée. Je soupirais ne trouvant pas sa voiture, mais alors que je sortais mon téléphone pour l'appeler en rogne, une petite voiture devant moi klaxonna.
Je levais les yeux au ciel : une Ferrari noire. Je m'introduisis avant de claquer la portière derrière moi, tous les regards braqués sur moi.

- Dis-moi, tu aimes bien attirer l'attention sur toi ?

Je dis cela en croisant mes jambes nues et mes bras. Je le regardais de manière vicieuse en essayant du mieux que je pouvais de cacher que je commençais en fait à avoir chaud.

- La voiture ?

Je ne répondis pas.

- À quoi est-ce que ça servirait sinon ?

- Et pour te donner l'air de quelqu'un un minimum original, tu l'as prise en noire ?

- La rouge a un problème, je ferais attention à bien la prendre la prochaine fois que l'on se verra, vu la préférence évidente que tu as pour le rouge

Pour la première fois, je le regardais avant de me sentir rougir. Il était vraiment, vraiment, vraiment beau.

- Tu m'as manqué Luchita

- Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça

- Je trouve pourtant que mon surnom, te va à ravir ;

Il posa son bras sur le repose-tête derrière moi, avant de m'inspecter de haut en bas. Je le toisais et mis fin à sa petite tentative de flirt :

- Qu'est-ce que tu me voulais ?

Mon ton était plein de confiance, mais ce n'était pas ce qui se passait réellement dans ma tête. J'avais vraiment peur, je sentais qu'il allait me parler d'un moment que je voulais vraiment éviter, surtout après la façon avec laquelle il était parti de la salle de bain, sans même un sourire. Je me demandais vraiment si j'avais fait quelque chose de mal, si ça ne lui avait pas plu.

- J'ai besoin de toi Lucia

Il prit un ton sérieux et posa sa main sur ma cuisse.

- Arrête

- D'accord

Il retira sa main, me surprenant alors. Depuis quand était-il aussi docile ? Il commençait sérieusement à m'inquiéter.

- Je sais que tu as des choses à faire, mais ce sera rapide

- Raison de plus pour commencer

- Tout d'abord, je voulais m'excuser pour tout

Ça commençait mal. Je ne le voyais pas s'excuser. Pour quelques crimes que ce soit. Et, malgré le fait que j'aie rêvé de ça à plusieurs reprises, je ne croyais pas qu'ils me les offriraient de cette façon, sur un plateau en argent.

- Je sais que dès notre première rencontre je me suis comporté comme le plus grand des abrutis

Je me tournais totalement vers lui, curieuse de la suite.

- Tu n'as en rien mérité ça, et depuis quelque temps, je me sens légèrement coupable

- Légèrement ?

- Je me sens totalement coupable

- Toi et ??

Il soupira

- Moi et tout mon groupe

- Je veux des noms, souriais-je de façon malicieuse ;

- Hud', Matt et moi

Il avait bien fait attention à ne pas citer Michael, je le savais.

- Et donc ?

- Je venais te présenter mes excuses

Un blanc s'installa. Je regardais à l'extérieur de la voiture, amusée de la bassesse du véhicule, et de la bassesse de ces excuses. J'éclatai de rire, stupéfaite de son excuse. Non pas dans le sens littéral du terme, mais au sens figuré. Il ne s'excusait même pas. Il se moquait de moi !

- Va te faire foutre !

Je criais ces mots en savourant bien l'ampleur qu'ils avaient avant de brusquement tirer sur la poignée intérieure.

Un clic se fit et je me retournai vers lui :

- LAISSE-MOI SORTIR

- Je. N'ai. Pas. Fini. Personne ne sort de cet habitacle, tant que je n'aurais pas finis

- Tu me dégoûtes crachais-je au bord des larmes

- Princesse,

Il se rapprocha de moi.

- J'en ai marre de jouer. J'ai de sérieuses affaires à régler, alors rends-nous service à tous les deux et écoute hum ?

Il passa son doigt sous mon œil larmoyant, tandis que je décalais mon visage, lui arrachant donc un sourire froid et amer.

- Je te paierais si ce n'est que ça se rassit-il face à la route

- J'ai l'air d'avoir besoin de toi et de ton argent sale ?

Il rit.

- J'ai une histoire à te raconter : il y a de nombreuses de choses que tu ignores et tu as certainement dû déjà t'en apercevoir. D'abord, venant de cette pute d'Alex, d'une autre venant de moi, ou même peut-être des autres

- Détrompe-toi

- De nous deux, s'il y a bien une personne qui se trompe ici, c'est toi. Tu es dans le déni le plus total, et tu veux me faire croire que je me trompe ?

- Alors dis-moi ce que je semble tant ignorer

J'étais profondément blessé. Il avait raison. Je vivais dans le déni depuis mon arrivée. Je ne savais rien de personne, j'avais l'impression de graviter autour d'une histoire qui était peut-être la mienne mais à laquelle je n'avais pas l'air d'appartenir. J'avais l'impression d'être l'ignorante parmi les sages et cela me blessait affreusement.

- J'ai besoin que tu me rendes un service. Je te paierai en milliards

Cette phrase sortie de sa bouche comme une eau de source coulant en montagne. Il venait de me parler d'une somme en milliards, somme que je n'aurais certainement jamais plus à entendre au cours de ma vie. Que voulait-il tant qui me ferait gagner autant ?
J'allumai alors l'habitacle, voulant voir à quel point, il était sérieux, et pour la première fois, je vis une expression qui transmettait autre chose que du sarcasme ou de la méchanceté. Il avait les sourcils froncés et la mâchoire resserrée. Son corps avait aussi l'air plus tendu que d'habitude et même s'il s'y était mal pris en commençant par de fausses excuses, je fus prise de remords.
Je lui souris alors et posai ma main sur la sienne.

- Je t'écoute ?

- Ça te prendra autant de temps, que ça m'en prendra à moi Luchita...

- De quoi s'agit-il ? redemandais-je cette fois-ci méfiante

L'atmosphère se transformait peu à peu et je sentais une certaine nostalgie et tension irradier de lui.

- Il faudrait que tu sois prête à mettre entre parenthèses pendant quelque temps, les cours pour te concentrer sur ça

Je retirais alors ma main avant de me plonger dans mes pensées.

- Je ne peux pas encore te dire de quoi il s'agit, mais seule toi peux m'aider

- Et pourquoi ça ?

- Si je te le dis, me dit-il d'un ton sérieux

C'était maintenant à mon tour de froncer les sourcils. Ace Scotten était-il vraiment en train de me demander de me faire payer, pour une tâche sur laquelle il ne me donnait aucune information ? Je tirai sur la poignée de la portière, bien décidée à partir, mais aucune ouverture n se produit. J'en avais assez de me faire prendre pour une conne, d'être celle qui n'avait pas le droit de poser de questions. Je le détestais réellement, car à cause de lui, j'avais encore une fois l'impression d'être celle qui rentrait dans l'histoire du groupe détruit et qui n'était au courant de rien.

- Je te déteste

- Pense au fait que tu seras certainement plus riche que les trois quarts de la population de ce pays. Il déverrouilla la portière, et je laissais alors ma main sur cette poignée qui avait l'air de crier mon nom depuis un long moment.

- Tu crois que seul l'argent compte ?! Si tu refuses me dire de quoi il s'agit, alors il est hors de question que je t'aide

Il baissa son regard avant de se tourner vers moi.

- Tu auras beau refuser, je ne lâcherais pas l'affaire

- Jamais je ne t'aiderais, dis-je en retenant mes larmes

- Tu finiras par dire oui

Il avait l'air si confiant que je me sentis une nouvelle fois humilié. Depuis combien de temps avait-il le sentiment de pouvoir contrôler tous les gens autour de lui ? Il était hors de question que je tombe dans son piège.

- J'ai une question ? dis-je après une longue pause, sentant un goût de bille me remonter dans la gorge

Il ne dit rien, je poursuivis :

- Tu m'as vraiment baisé hier soir pour obtenir ce que tu voulais ?

Il ne dit rien. J'avais ma réponse. Il était comme moi, il n'allait pas nier ni essayer d'arrangé l'autre. Je m'étais donc bien faite avoir. Je restais blême et sans réaction.

- Tu n'es vraiment qu'un connard, Ace

J'ouvris la portière, décidée à le rayer de mon existence.

- Je n'ai pas besoin de ton argent, débrouille-toi tout seul

Je claquai la portière derrière moi et commençai à avancer vers l'entrée de mon immeuble, serrant mes poings et sentant mes ongles s'enfoncer dans mes paumes. Il fallait que je respire, que je me calme. Il baissa sa portière et à contrecœur, presque par réflexe, je me retournai sur lui.

- J'ai oublié de te le dire, Luchita, mais ce short me donne envie de te baiser une nouvelle fois

Je tombai des nues, il démarra, et après un vrombissement effrayant, il s'en alla, me laissant là, planter dans la rue, incrédule. Cet homme était définitivement le pire de tous.
Qu'avais-je bien pu espérer ? Qu'il viendrait devant mon immeuble, un bouquet de fleurs dans la main, une bague sertie d'un diamant 27 carats ? Il s'en fichait de moi. Comment avais-je pu être aveuglé par une nuit où l'on n'avait fait que baiser dans la salle de bain de l'un de ses amis ? Comment avais-je pu être si bête ?
J'étais véritablement décidé à mener mon plan à bien. J'avais failli perdre mes objectifs de vu, mais tout était de nouveau clair. Je n'avais rien en commun avec lui, si ce n'était ma haine grandissante.
Un vent froid me sortit de ma stupéfaction face à son comportement.
Il.
Allait.
Regretter.
Un sourire cruel illumina mon visage. J'avais hâte d'être à sa soirée.

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