28.


« Alors qu'au bord du lac, Narcisse tombait amoureux de son reflet, il oubliait, qu'il avait les pieds dans la boue. »

LUCIA

Alex éternua une nouvelle fois sous cette pluie battante. On avait beau nous être abrités, cela ne nous protégeait pas pour autant contre le froid de cette saison qu'était l'automne.

- Dépêche Yori ! Se plaint la sœur

Le garçon tira une nouvelle taffe de sa cigarette tandis que je la fixais

- Quelque chose ne va pas ? me chuchota la fille blonde à mes côtés qui gelait sur place

- Très bien

À vrai dire, j'étais confuse, est-ce que je souriais de nostalgie ? Où étais-je juste pensive, mais dans le mauvais sens ? Revoir cette cigarette me rappelait ma petite entrevue avec Ace, entrevue qu'étrangement, je m'efforçais à haïr.
Je le revoyais tenir sa cigarette, assis à côté de moi, me parlant pour me remonter le moral, par envie ou par obligation ? Je ne savais pas. La seule chose que je savais, c'est que ça avait bien été lui, qui m'avait aidé.

- Tu as l'air pâle, dit Meori en me regardant puis en baissant le regard sur le bâtonnet au bout du doigt de son frère

- Non, juste le froid, me détachais-je, enfin de l'objet

- Yori tu fais chier...

- Encore deux minutes se dépêcha - t - il

Je souris avant de regarder Alex.

- Et toi..... Tu as l'air.... Rouge pouffais-je

- Non bais chest pas drôle, rit-elle à son tour. Le froid ne me réussit pas tellement tenta t - elle de dire le nez bouché

- On voit ça, enroulais-je mes mains dans les poches de mon petit pull

De nombreux élèves continuaient d'affluer, pour certains, leurs mains au-dessus de leurs têtes, ou encore pour d'autres, leurs cahiers, qu'ils avaient certainement dû préférer sacrifier, que leur brushing. Je riais légèrement face à la situation avant de tout de même me rappeler que comme eux, j'avais froid.

- Vous commencez à quelle heure ?

Alex regarda son téléphone avant de voir que pour nous, c'était dans moins de dix minutes.

- Dans trente minutes

- Retard du prof, compléta Yori

- La chance, en plus de ça, vous avez art

- Ce n'est pas toujours très drôle

- Permets - moi d'en douter

- Je peux te dire que viser la moyenne est l'objectif inaccessible, me dit Yori en savourant une énième taffe

- Bon d'accord, mais à part ça-

- Nous, nous devons y aller me coupa Alex avant de passer son bras sous le mien

- Déjà ?

- Oui, maintenant !

Alors que je ramenais correctement mon sac sur mon épaule, elle commença à me tirer.

- Attends ! Vous mangez à quelle heure ? essayais-je de ne pas me laisser entraîner par Alex

- Excusez-nous, on ne peut pas aujourd'hui, dit Meori en serrant les dents.

- Ah merde

- On a une malade en phase terminale à aller voir

Je voulais en demander plus, mais je sentais que quelqu'un ici ne souhaitait pas particulièrement que la conversation s'étende.

- Mais une prochaine fois, sûr !

- Par contre, ce sera à la cafet' rajouta Yori qui achevait déjà presque sa cigarette

- Pourquoi ? Riais-je en essayant de me dégager d'Alex qui me tirait de plus en plus

Elle avait en effet, l'air assez pressée et stressée pour une raison qui m'échappait. On avait encore sept minutes devant nous !

- J'adore les réductions, c'est tout pouffa t - il

- Je peux comprendre, me coupa Alex avant que je ne puisse répondre

- Bon allez-y me poussa la jumelle avant de resserrer son pull sur elle

- À toute !

- Salut, dit le garçon

On rentra alors à l'intérieur, visiblement au plus grand soulagement de ma camarade. On bifurqua vers un couloir que l'on n'avait encore jamais emprunté et on se mit à monter.

- Eh ! Alex !

- Quoi ? me répondit - elle

Je m'arrêtais quelques secondes, surprise par sa réaction. Je me demandais ce que j'avais bien pu faire, espérant secrètement que ça n'ait pas été à cause du fait que j'eus à parler un peu plus aux jumeaux.

- Ça va ?!

- On doit se dépêcher ;

Elle se mit à grimper les marches deux par deux. Les yeux presque rougis. J'employais le terme « presque » car elle n'avait pas de raison de pleurer. Elle allait bien, il y avait à peine trois minutes. Je devais me faire des idées.

- ALEX !!

Un garçon essoufflé grimpa les marches à toute vitesse derrière nous, me dépassant alors avant de me pousser.

- Sale pute !

Elle se mit à courir, me laissant complètement perdue. Une fois mon équilibre retrouvé, je me lançais à la poursuite de mon amie... et de ce mec. Je n'avais jamais vu Alex dans un état pareil. On aurait vraiment dit une proie fuyant son prédateur.
Je tombai une première fois avant de me rattraper la seconde. Cette fille avait des jambes de malade ! J'arrivais à peine à les suivre.

- ARRÊTE-TOI !

- Eh !!

J'hurlais derrière sans même savoir ce qui se passait, quand contre toutes attentes, Alex se jeta dans un ascenseur en train de se fermer. Avec chance, elle échappa au dégénéré.
J'avais pu voir la direction de l'ascenseur avant sa fermeture complète. Elle descendrait deux étages plus bas. Je fixais alors le mec, enragée, avant de descendre vers Alex au bord de l'évanouissement. C'était ça de ne jamais faire de sport.
Deux étages plus bas, j'arrivais juste quand l'ascenseur s'ouvrit.

- Il est parti

- Non, me dit-elle, en se dirigeant vers le couloir menant à notre salle de cours

- Tu m'expliques ?

- C'est compliqué ! Dépêchons. Il risque de revenir. Je ne serais en sécurité nulle part sauf en amphi avec un prof et d'autres élèves

- As-tu fait de l'athlétisme Alex Berrington ?!

- Oui et non, rit-elle mal à l'aise, encore sur ses gardes

- Alors ?! Tu m'as fait suer !!

- Pour garder la ligne, tu sais...

- Je vois

- Bon en vrai, ça m'aide aussi à réviser donc quand je cours, j'écoute des vidéos sur le cours en même temps, dit-elle rouge

Je l'observais me parler. Elle avait l'air de savoir ce qu'elle disait, et pourtant, on en était bien loin. Elle était sur le qui-vive. Elle passait son regard partout, essayant de contrôler sa respiration. J'étais bien curieuse de savoir ce qui venait de se passer et qui était le garçon qui l'avait traité de '' pute '' mais je n'étais pas réellement sûre qu'elle ait voulu me répondre.
Après de longues minutes de marche rapide, on finit par arriver en cours d'éco', rejoignant nos places habituelles. Rien n'était normal aujourd'hui tout d'abord l'histoire des jumeaux sur la personne en phase terminale, le comportement étrange d'Alex et la course poursuite. Quelque chose me frappa encore plus : l'absence d'Ace. Il avait sans doute décidé de rater son année. Ou alors, était-il de ceux que l'on appelait « surdoué » ? Impossible.
Je détestais le fait que certains aient tellement la certitude d'y arriver, qu'ils se permettaient même de s'absenter durant de longues périodes.
Non pas que lui et ses amies me manquaient d'ailleurs, mais simplement, je trouvais ça très irresponsable de la part du plus grand moralisateur que je connaisse. Avant de vouloir me dire comment lire des livres, il devait déjà penser à ses études. Études qui devaient sans doute être en chute libre.

- Aujourd'hui pas de cours pour vous !

Un brouhaha général s'installa dans les rangs. Je regardai alors mon amie pour lui sourire après l'annonce, mais elle était complètement déconnectée.

- Alex ?

- Hum ?

- Tu as entendu ? Riais-je

- Quoi ?

- Pas de cours, la poussais-je légèrement

- VRAIMENT ?! Tu sais comment remonter le moral toi, me sourit-elle

- Tu devrais remercier monsieur Tobias

- À la place, poursuivis le prof, je vous explique en quoi consistera votre devoir et je vous laisse travailler

- Ah oui... ce devoir laissais-je tomber ma tête sur la table

- Ce sera une RQP sur le thème de l'inflation. Je souhaite qu'y soit aussi lié un Diaporama. Tout ces deux-là vous feront une note sur cent, donc cinquante pour chaque devoir. Si le travail rendu est parfait, vous pourriez bénéficier de points pour vos partiels, avantage, non négligeable

- Ça va être si long !!

J'écarquillais les yeux sous le choc. C'était impossible qu'on ait à faire autant de choses. Quelle que soit la personne, elle ne pourrait réaliser ce travail dans quelconques délais qu'il soit.

- Restons motivées ! Tu viens chez moi ce soir ! On travaille d'abord le plus dur, puis le petit diaporama !

Surprise de ce regain d'énergie soudain, je me figeai.

- Je vous laisse l'accès à l'espace de communication. En cas de questions, vous les tapez dans cet espace et je vous répondrais sur cet espace-là

- Nickel ! Une heure sans cours, m'exclamais-je en naviguant à la recherche d'un devoir à faire

J'étais presque contente qu'Ace et son groupe de perturbateurs soit absent, car à mon humble avis, ils auraient été beaucoup plus compliqués à supporter, beaucoup plus lourds.

- J'ai une proposition pour toi !

- Dit-moi tout, dis-je

- Que penses-tu de venir chez moi ?

- Venir ?

- Oui pour faire le devoir ! Ce serait génial

- Ça ne te dérange pas ?? Je n'ai pas envie de m'imposer. On peut simplement travailler de notre côté et tout mettre en commun plus tard tu sais ?

Oui ! C'était totalement une excuse. Je me sentais mal à l'aise. Je n'avais pas envie de me sentir exclu ou de côté et encore pire, comme la '' pauvre de service ''. J'étais heureuse pour Alex. Son argent ne me gênait vraiment pas. Seulement, je craignais de rencontrer sa famille et de ne pas me comporter comme attendu.

- ALLEZ !! Ça pourrait être super. Tu viens dormir ce soir, je ne te laisse pas le choix

- Oui mais...

- En plus, mes parents sont en voyage d'affaires tous les deux en Italie. J'adorerais inviter mes amies. Meo et Yori m'ont dit ne pas pouvoir, mais toi s'il te plaît viens !

- Alex...

- Allez !! En plus à ce que je sache, tu te feras chier comme un rat mort toute seule

Elle m'attrapa le bras avant de l'agiter avec insistance. Je détournais le regard sur le prof assis à son bureau, ne prêtant même pas attention aux étudiants qui comme nous ne travaillaient pas.

- Bon...

- YES !

- Je n'avais même pas finie ma phrase, dis-je en grimaçant, un gloussement au bout de lèvres

- Oui, mais je sais que tu voulais dire que tu avais vraiment hâte de venir

- Non mais Alex...

- Allez ! Ça va être cool

Je la fixais alors et voir dans ses yeux cette envie sincère et presque cette excitation exagérée me fit plaisir.

- Avant, je dois passer à Mayse

- Tu as été acceptée ?

Simplement d'en parler maintenant m'assurait déjà une bonne journée. J'avais été rappelé, et j'avais hâte d'aller récupérer mon contrat. D'accord, j'étais peut - être lâche, fuir n'était pas malin de ma part. En revanche, je ne voulais plus me rendre dans mon lieu de travail et constamment me rappeler l'humiliation subit de la part de tout le groupe.

- Oui, ils m'ont dit que j'étais prise

Je ne comptais pas rester dans le déni. J'avouais : j'avais été lâche.

- Super ça !

- Oui. J'ai toujours rêvé de travailler dans un magasin de vêtements alors ça m'arrange assez !

- J'espère que ce n'était pas pour Ace, dit-elle en naviguant au sein des dossiers de son ordinateur sous mon regard

- Je ne supporte pas les humiliations ;

-Donc c'est toi qui pars ?

- Oui.

J'étais faible, ça ne servait à rien de mentir. Il avait gagné, certes, mais j'avais plusieurs cordes à mon arc. Sa soirée n'allait pas tarder à arriver, j'allais gagner à mon tour.

~~~

- Quand arrives-tu ?

- Oh, tu as le temps de faire ce que tu veux

- Vraiment ?

- 'Lex. J'arrive à peine devant Mayse. Ça ne va pas durer et puis j'ai déja mon sac pour cette nuit, mais le temps que je prenne le bus et tout ça je-

- D'accord ma belle !

Elle rit avant de poser son téléphone sur un meuble d'après le bruit qui me parvint.

- Je te laisse. Il pleut encore, je dois rentrer

- D'accord, elle cria, loin de l'appareil.

- À plus, je disais avant de raccrocher ;

Je fermai mon parapluie et fondai dans le centre-commercial plus ou moins bondé. La chaleur du lieu et l'odeur de vêtements me faisait tellement de bien. Je m'armai de mon plus beau sourire, arrangeai mes cheveux mouillés et une fois mon parapluie dans mon sac, je me rendais vers le fond du magasin, endroit où je m'étais déjà rendue pour déposer mon CV.

- Bonjour ?, disais-je à une femme visiblement dans le rush

- Oui bonjour ?

Elle me sourit avant de glisser un chariot plein de vêtements encore emballés dans l'arrière-boutique, qui était certainement une zone de préparation.

- Tu es là pour le contrat c'est ça ?

- Oui

- Je vais chercher la manager, attends-moi là

Elle dit ça sans me regarder, et en un clair, elle était déjà partie. Je regardais alors autour de moi les clients affluer, souriant et me mettant déjà dans mon rôle de '' conseillère clientèle ''. Un petit garçon accompagné de sa maman firent irruption dans les cabines débordant de petits T-shirts dans la main. La femme me sourit, gêné, avant de courir derrière son enfant, qui s'était déjà caché derrière un rideau. Mal à l'aise, je me dandinai sur mes jambes, essayant d'avoir l'air correcte face à tous ces gens.
Je remarquai alors un miroir non loin de moi, qui me donna raison ; je n'étais pas au mieux de ma beauté. Mes cheveux ondulaient légèrement à cause de la pluie extérieure et mon haut était, lui aussi, légèrement trempé.
Je risquais peut-être de me voir refuser l'emploi. Tout à coup, une femme bien habillée rentra, elle me sourit, une pile de papier à la main.

- Lucia ? dit-elle

- Oui, me redressais-je

- Ce ne sera pas long. Je vous donne juste votre contrat et les papiers pour l'assurance du travail et tout sera bon

- D'accord.

- Voici donc votre contrat, elle me tendit d'une enveloppe que j'ouvrais pour en sortir le contenu. De plus, nous avons une application appelé MayseWorkers et sur cette application, vous pourrez voir vos jours de travail
Et de congés, pensais-je dans ma tête, sans pour autant le laisser transparaître.

- D'accord, je vais la télécharger

- Super ! En revanche, il vous faudra un code, et ce fameux code. Je vous l'ai mis à la dernière page. L'identifiant est simplement composé des deux premières, lettres de votre prénom et des trois premières lettres de votre nom de famille

- Pas d'espace ? Pas de chiffres ?

- Non. C'est tout simple. Ensuite, là, il y a vos contrats d'assurance à signer à la fin et à m'envoyer par mail la confirmation de signature.

- Un grand merci, souriais-je

- Oh, pas de quoi ! Avec la reprise de la rentrée universitaire, tous nos employés sont à mi-temps alors, plus nous en avons, plus nous devons combler les trous !

Je riais à sa remarque, comprenant ce qu'elle voulait dire.

- Avez-vous déjà travaillé pour un magasin de vêtements ?

On quitta les cabines d'essayage et la femme me reconduit vers l'entrée.

- Non, jamais

- D'accord. Pensez-vous apprendre plutôt vite ou faudra t - il prendre beaucoup plus de temps ?

- Tout dépend de la complexité, des choses à apprendre. Je pense que ça devrait aller

- Si vous vous faites confiance, c'est le plus important. J'enverrai une de mes employés vous former quelques jours, peut-être même seulement un si ça se passe bien

La femme rit

- Et après, vous serez autonome.

Je la gratifiais alors sincèrement avant de pousser un soupir de complaisance. J'étais enfin heureuse de me dire que j'allais pouvoir commencer un travail dans lequel je me sentirais bien, surtout si je devais en croire le sourire que venait de me faire l'une de mes futures collègues avant de s'éloigner.
La manager me tendit une main, un sourire plaquée sur ses lèvres, naturellement maquillées :

- Bon super, en tout cas nous vous attendons avec impatience, je suis vraiment contente de vous avoir parmi nous

Je lui rendais son sourire avant de lui serrer la main à mon tour.

- Au revoir Lucia

- Au revoir Madame

Je sortis alors de ce magasin à l'ambiance plutôt chaleureuse que j'aimais déjà. Un sourire m'apparu sur les lèvres. J'étais satisfaite et vraiment heureuse. Tout s'annonçait parfaitement bien dans ma vie. Je baissai les yeux sur mon écran de téléphone qui venait de s'allumer et profitait d'être à l'abri pour appeler Daniela. J'avais 40 minutes de métro avant d'arriver chez Alex, j'allai donc en profiter pour appeler ma meilleure amie.

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