27.
- On y est bientôt, me dit une trentaine de minutes plus tard, le chauffeur dont j'ignorais toujours le nom
Je détestais particulièrement cette voiture. C'était l'une des voitures préférées de Jane et savoir que mes parents s'en servaient toujours sans même penser à elle une seconde m'écœurait.
Il prit la montée vers la résidence perchée des plus fortunées de cette ville qui voulait rester isolée du reste de la ville. Au bout du chemin, se situait deux grands lampadaires et un poste de contrôle que tous visiteurs devaient passer pour accéder à la résidence de qualité premium.
- Bonsoir, hocha le chauffeur de la tête au grand gardien noir en uniforme devant la barrière
- Quelle villa ?
- La villa numéro 107
L'homme jeta un coup d'œil rapide sur moi avant de se dépêcher d'ouvrir après un contrôle des papiers d'identité du chauffeur ainsi que des miens.
- Bonne soirée, dit-il en se mettant au garde à vous, m'arrachant un lourd soupir
Je détestais toutes ces formalités pour lesquelles mes parents avaient signé. En réalité, je pense qu'elles ne m'auraient pas gênée si mes parents n'étaient pas dans cette ville. S'ils avaient pris les choses en main. Mais malheureusement, on était dans une autre réalité. Une réalité dans laquelle ils se comportaient comme des lâches alors, je détestais tout ce qui avait trait à leur nouvelle vie.
Après une dizaine de minutes à rouler au sein de la résidence et à observer toutes les grandes fortunes se baladant saluer au passage de la Bentley par admiration face à mes parents, on finit par arriver. Le chauffeur se gara à l'entrée de la villa avant de sortir pour m'ouvrir. Je prenais ma mallette avec moi avant de relâcher ma cravate noire.
- Ça va être barbant, maugréais-je en levant les yeux vers la demeure blanche aux vitres teintés.
- Je garerai la voiture dans le parking souterrain. N'hésitez pas à m'y rejoindre si besoin. Je suis à votre service
- Bonne soirée
Je m'avançais dans cette allée dallée de pierre. Avant même que je n'ai atteint les premières marches, la porte s'ouvrît sur ma mère, vêtue d'un long pantalon noir et d'un haut blanc léger de la même couleur que son blazer, le tout accorder à des kitten heels Chanel, sa marque de référence. Elle tenait une coupe de champagne dans les mains et après avoir agité ses cheveux blonds en arrière, elle leva la coupe vers moi.
Je me retournais alors, cherchant les caméras. Que me valait un tel accueil ?
- Bonsoir mon fils ;
- Maman... m'avançais-je
Elle ramena la coupe sur elle avant de s'écarter pour me laisser rentrer.
- C'est la première fois que je vois le même chauffeur à deux reprises à chacune de mes visites
- N'est-ce pas ? Ton père l'apprécie beaucoup, me sourit-elle
Quand j'arrivais à son niveau, je l'observais d'un regard noir. Je détestais le sourire qui ornait son visage entretenu par les riches dermatologues miaméens. Elle avait l'air d'avoir tout oublier et je détestais ça.
- Rentre Andrew apparu mon père dans un veston noir, les manches de sa chemise blanche retroussés et son pantalon de smoking lui allant parfaitement bien
- Rentre, se répéta t - il, exigeant que je mette fin à la menace silencieuse que je faisais à ma mère
- Je reviens, m'en allais-je à l'étage
Je n'attendais même pas sa réponse, que je le dépassais et montais à l'étage, réfléchir quelques secondes à la meilleure façon de gérer ma colère. J'ouvris la porte de la chambre qu'ils m'avaient dédié et y abandonnais mon attaché-case en cuir et mes chaussures avant de quitter la pièce, des mocassins d'intérieur au pied.
J'allais détester cette soirée, je le sentais..
Je descendis à pas lents dans la somptueuse villa que mes parents s'étaient payés et me rendais dans le salon familial. J'y rejoins mes parents, ma mère sur un fauteuil et mon père faisant les cents pas.
- Prends place, me proposa l'homme avant de lancer son tourne-disque
Je m'installai silencieusement sans accepter la proposition d'alcool qu'il me fit. Ici, aucune ambiance familiale. Il n'y avait pas d'embrassades, pas de sourire sincère, pas de gentillesse. Malheureusement, ça n'avait pas toujours été le cas, mais je faisais dès à présent avec.
- Tu as fait bon voyage ? sourit ma très chère mère ;
- Ne t'en fais pas pour ça, la coupais-je, dans son élan, révolté par sa question
- Comment as-tu trouvé Christian, le chauffeur ? me demanda mon père en s'asseyant de son côté
- Surprise que tu ne l'aies pas licencié comme la dizaine d'autres avant
- Eh bien peut-être que son travail m'a plu ;
- Les autres n'étaient pas si mauvais non plus
- Il me parlait trop durant les trajets
- Tu diras bientôt la même chose de Christian, dis-je en insistant sur le prénom de l'employé
- Tu as mangé mon chéri ? Je vais demander à Natalia de dresser la table, me sourit-elle, en se levant
- Ça ira très bien comme ça
- Tu vas manger avec nous ce soir Andrew. Va voir la cuisinière Lindsay ordonna t - il
Je détestais le ton qu'il prenait. De nous deux, j'étais celui qui avait le plus de raisons d'agir comme cela. Un petit rire me secoua alors quand je posais le regard sur ma mère quittant la pièce.
- Tu n'as guère besoin de te comporter de la sorte Andrew
- Comment est-ce que je me comporte papa ? Je n'ai encore pourtant rien fait
Il soupira alors quand ma mère réapparue.
- Elle s'en était déjà occupée, dit-elle quand mon père se leva immédiatement, me faisant insidieusement comprendre que je devais suivre. Il se fait tard dépêchons-nous de manger
- Bien père, me levais-je, à mon tour
On quitta le petit salon et je les suivais dans la salle à manger dans laquelle régnait un lustre doré en plein milieu du plafond.
- Bonsoir monsieur me salua la seconde de Natalia avant de courir hors de la pièce
- Elle nous a fait un bon gigot à l'ail avec de petites pommes de terre sautées. Je me souviens que petit, tu adorais ça me caressa t - elle le bras
Je baissais alors le regard sur sa main avant de le relever sur elle.
- Ne fais pas cette tête-là et installe-toi là, me pointa t - elle une chaise en face de celle qu'elle prit à son tour
Il m'arrivait parfois de me demander si ma mère n'était pas folle. Elle se comportait comme une gentille petite mère poule tout en sachant l'amour que j'avais perdu pour elle et tout en sachant que mes raisons étaient totalement justifiées. Elle se comportait comme une malade atteinte d'Alzheimer et j'en venais parfois à me dire qu'elle devait soit en souffrir soit avoir une mémoire sélective impressionnante.
- Ça a l'air bon, dit celui qui me servait de père tandis que je m'installais, observant le plat devant moi
On entama le repas dans un silence de cimetière. C'était de toute façon l'ambiance qui régnait dans cette famille alors, à quoi bien essayer de la changer. Je ne me gênais pas pour faire grincer mes couverts contre l'assiette en porcelaine coûteuse, faisant semblant d'adorer cette entrevue.
- Ça suffit
- Quoi donc ? Regardais-je mon père
Ma mère coupa le conflit qui se profilait :
- Ça fait longtemps que tu n'es pas venu, dit-elle
- Effectivement
- Comment vont les affaires ?, but-elle une nouvelle gorgée de champagne
- Parfaitement bien
Je repensais à la victoire de mon équipe de trading et même si j'en étais heureux, je refusais de festoyer avec eux.
- Mais encore ? insista l'homme à ma droite
- Je juge que ces informations ne vous regardent en rien
- Nous sommes tes parents Andrew
- J'en ai bien conscience, rétorquais-je en mâchant lentement le gigot sans le déguster
- Alors partage avec nous ce que tu vis à New-York, supplia presque ma mère
- Si tout cela vous tient tant à cœur, pourquoi ne pas revenir ? Proposais-je
Par « revenir », je ne leur proposais pas seulement de revenir dans la ville dans laquelle on avait tous vécus auparavant. Je leur proposais également de régler toutes les histoires qui les avaient poussées à venir s'installer dans cette ville que je ne portais pas particulièrement dans mon cœur.
- Nous nous portons très bien dans cette ville
- Et à mon avis, il vaut mieux pour la famille que nous nous tenions loin de New-York, ajouta ma mère le regard baissé sur son couteau en argent
- Alors vous et moi n'avons plus aucun lien à entretenir
- Andrew... soupira ma mère avant de définitivement poser ses couverts
Mon père resta silencieux sans cesser de manger.
- Vous avez les moyens, vos affaires à tous les deux marcheraient parfaitement bien quelle que soit votre ville de résidence. Ça ne vous coûte rien
- Tu sais très bien que ce n'est pas vrai
- Vous êtes des lâches, crachais-je en fixant ma mère qui avait maintenant le regard fuyant
- Tu sais très bien que nous le vivons aussi mal que toi, me dit-elle
- Faux
- Nous l'aimons comme tu l'aimes Andrew. Nous avons simplement décidé de vivre les choses autrement
- Et vous dites l'aimer ?
- J'apprécierais que l'on passe un repas de famille normal s'il te plaît
- C'est de votre faute
Mon père frappa alors son poing contre la table avant de se lever :
- ANDREW SCOTTEN !
L'entendre hurler ce nom me dégoûtait plus que tout. Plus personne ne m'appelait comme ça. Son cri fit sursauter ma mère qui lâcha une petite larme avant de rapidement l'essuyer de ses doigts parfaitement manucurés.
- Je demande de la paix ce soir !
- N'essayez donc plus jamais de vous immiscer dans ma vie
Je plongeais mes yeux dans son regard sombre. S'il y a bien une chose que je tenais de lui, c'était ça. Mais aussi, et ce, sans l'ombre d'un doute, son charisme naturel. Il en imposait et son calme ne présageait jamais rien de bon. Quand Jane était en vie, on disait qu'elle était, elle, le portrait de notre mère. Elle aimait la diplomatie et était toujours calme, même si elle avait quand même sa part de caractère à la William Scotten.
Mon père se rassit avant d'éponger sa bouche de sa serviette de table blanche. Ma mère se redressa et continua de manger.
Cette famille allait me rendre fou.
- Puisque nous te manquons tant-
- Chéri... dit ma mère à mon père en posant sa main sur la sienne
Je ne sentais pas ce qui allait suivre. Je détestais ce genre de geste que ma mère avait envers mon père, car cela signifiait que ce qu'il allait me dire n'allait pas me plaire.
Il retira sa main et reprit :
- Puisque nous te manquons tant, nous avons décidé d'assister à un gala à New-York. Ta présence est demandée fils
Fils ?
Un rire obscur résonna alors dans la pièce. Non seulement ils revenaient à New-York, et cela n'était même pas pour les bonnes raisons, mais en plus de ça, ils m'imposaient de me rendre à un évènement ridicule. On avait atteint des sommets.
Je ne pouvais pas m'empêcher de rire, me disant que c'était certainement une blague. Je jetai ma serviette sur la table avant de dire :
- Bordel de merde, quelle famille de malade !
Mon père ne réagit pas. Il fronça ses sourcils, rien de plus.
- Dites-moi que c'est une blague s'il vous plaît, implorais-je en levant les yeux vers le ciel
- Tu es demandé au bras d'une femme
- Ça suffit ! Frappais-je mon poing sur la table à mon tour, faisant de nouveau sursauter ma mère. Dites-moi que vous vous foutez de moi ?! Aux bras d'une femme ? Éclatais-je de rire. Parce que par-dessus le marché, il me faut venir comme vous vous le souhaitez ? Je n'y crois pas bordel
- Nous n'avons pas le choix Andrew dit ma mère d'une voix maintenant claire
- C'est un gala organisé par des investisseurs de mon entreprise. Je leur ai parlé de toi et de tes affaires, ils voulaient te rencontrer
- ME rencontrer ! Pas une femme !
- Je leur ai dit que tu te débrouillais bien de ce côté-là aussi et que tu te présenterais avec une femme
Je me levais alors brusquement, renversant ma chaise en arrière.
- Pour qui vous prenez-vous ?!
Je venais de faire trembler les murs tellement ma voix s'était échappée sans contrôle.
- PERSONNE NE VIENDRA À CE GALA ! NI MOI, NI UNE FEMME
Mon père bondit à ce moment-là, ainsi que ma mère. Le premier fondit violemment sur moi avant de me décocher une droite, la seconde hurla pour l'arrêter.
Je riais avant de cracher le sang de ma bouche sur le carrelage marbré de la salle à manger.
- Tu trouveras une New-Yorkaise ou une Californienne, peu m'importe, de bonne famille. Ce contrat vaut des millions, je t'enverrai tout ce dont tu as besoin, mais tu as intérêt à y être ! Est-ce bien clair
- William !
- On te manquait, alors nous revenons ;
- Quelle belle punition, ce serait de ne pas venir, afin de vous faire passer tous les deux pour des personnes sans crédibilité, hein ?
- Heureusement que ta sœur n'est plus là pour voir ça
- Heureusement qu'elle n'est plus là pour voir comme ses parents lui tournent le dos
Je me détournais d'eux et quittais la pièce avant de me rendre à l'étage bouillonnant de rage
- FAIS-CHIER ! M'écriais-je sur le chemin vers ma chambre
Je me précipitai vers la salle de bain de ma pièce à coucher et observais mon visage. Un petit œdème s'était formée sous ma pommette. Je serrai la mâchoire face à mon visage et me passais les doigts dans mes cheveux.
Voilà pourquoi je redoutais tant cette soirée. Je savais parfaitement qu'elle se finirait ainsi, cependant, je n'avais pas pensé que mon propre père me mettrait une droite. Je détestais me dire que dans tout ce drame familial, ils vivaient tous les deux comme si de rien n'était, me faisant même passer pour le fautif de l'histoire. C'était toute cette ambiance qui me motivait à me battre pour Jane. De là où elle était, elle devait naturellement détester voir ses parents l'abandonner de la sorte.
Qui aurait pu croire que mon père me frapperait. Cette situation était si drôle. Quelle famille extraordinaire.
Je retournais dans ma chambre et en sortais une Dunhill, que j'allumais sur le balcon avec vue sur le jardin parfaitement entretenu de la maison.
Mon téléphone vibra. Matthew, sur un autre fuseau horaire, m'annonçait que sa rencontre en Russie allait bientôt avoir lieu. Je lui répondis rapidement tout en rejetant ma fumée de cigarette avant de me rendre sur le site d'American Airlines pour me prendre le premier vol disponible.
Une fois fait, j'envoyais aussi un message au fameux nouveau chauffeur préféré de mon père lui demandant d'être là pour 5h25 précise.
Je n'avais plus rien à faire ici, pensais-je en écrasant mon mégot sur la rambarde lumineuse, grillant alors les LEDs du dispositif.
Fière de mon coup, je me jetais dans le lit king-size bien décidé à m'en aller de cette ville aussi maudite que merdique.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top