19.
J'avais les cuisses humides à force d'avoir pleuré, et je savais que ce n'était pas près de cesser. Je continuais de me demander pourquoi tout ne s'arrêtait pas. Je ne m'aimais pas, ni physiquement, ni même mentalement et j'en avais honte. Je voulais redevenir la Lucia que tout le monde connaissait. Je détestais être triste. J'en avais mal à la poitrine. Je voulais que tout ça prenne fin, mais alors que je recommençais à essuyer toute cette eau, j'entendis des pas, mais je ne bougeais pas. Tout à coup, ceux-ci s'arrêtèrent. Curieuse, je levais alors la tête et vis que c'était un homme qui s'était assis juste en face de moi.
Comme par hasard. Comme s'il n'y avait pas d'autres bancs dans cet endroit. Au final je n'avais pas tellement à me plaindre, mes prières avaient été entendues, point.
Je remis mes jambes correctement à plat au sol, mais ne supportant pas le fait d'être fixée ainsi, je posais ma tête sur mes genoux essayant de pleurer en silence, mais tout à coup sa présence m'empêchait de continuer de me morfondre. Je restais alors là, à me détester de l'intérieur.
Après de longues minutes, l'homme se mit à siffloter. Il n'avait vraiment aucune gêne. Déjà de se mettre là, juste en face de moi, mais maintenant il décidait que c'était le bon moment de siffler.
Siffler...
Ça me rappelait papá.
Il faisait tout le temps ça. Putain...
Quand je pense que dans ce genre de moments, il aurait essayé de trouver les mots. Des petites gouttes se remirent alors à couler sur mes chaussures de course noires.
Je sentais mon corps secoué à cause de ces sanglots. Mais tout à coup, j'eus marre d'entendre cet homme siffloter, et je pouvais sentir qu'il continuait de me fixer, ce qui me mettait encore plus mal à l'aise. J'hésitais alors entre m'en aller ou sécher mes larmes et le fixer en retour pour lui montrer la gêne qu'il occasionnait.
Je choisissais la deuxième option. Je n'allais pas fuir. Pas aujourd'hui. Je n'en avais pas la force. J'essuyais alors discrètement et rapidement mes larmes avant de me redresser. L'homme s'était allumé une clope, et la fumait d'un air désinvolte.
Lui aussi était venu faire un petit footing à en voir son allure. Je relevai alors les yeux sur son visage mais je n'arrivais pas à voir ce que son visage décrivait ; il se faisait encore trop sombre pour voir quelque chose. Il m'aurait fallu être plus proche.
Tout à coup, l'homme me sourit alors, me montrant sa dentition parfaite, avant de se prendre une nouvelle taffe. Je le regardais de manière étrange en fronçant les sourcils avant de maladroitement le lui rendre en retour. Il continua de fumer, sans me lâcher du regard, et moi mal à l'aise, me mis à trembler du genou, en observant autour de moi avec une incontrôlable envie de continuer de fixer l'homme. Sans même pouvoir distinguer son visage, je sentais qu'il respirait le charisme, et le luxe. Je me sentais tout à coup pitoyable avec mon vieux legging puma fuchsia et noir, ma brassière de sport jaune fluo qui pouvait agresser quiconque s'approchait un peu trop près, et mes vielles baskets noires. Je baissais le regard sur moi pour comparer ma tenue de sport à la sienne et l'espace d'un instant j'eus l'impression qu'il le comprit et qu'il fut traversé d'un petit rire. Je devais certainement avoir rêvé.
Une dernière larme que je n'avais pas sentie venir, roula contre ma joue pour bien me rappeler mon mal-être. Je passais alors rapidement le dos de ma main contre ma joue brûlante, quand l'homme se leva.
Il devait s'en aller, me laissant alors complètement gênée. Je reposais de nouveau ma tête sur mes genoux, me remettant à pleurer de plus belle. Soudainement, je sentis la présence de quelqu'un à côté de moi sur le banc. J'ouvris les yeux sans pour autant me redresser. C'étaient les chaussures de l'homme de tout à l'heure.
Merde.
- Vous devriez y aller dis-je toujours dans la même position
- Et vous, vous avez cruellement besoin de parler.
- Ça va aller, c'est passager
- Depuis que je vous observe, je jurerais pourtant que vous auriez eu besoin de quelqu'un pour vous confier
Il avait un truc dans la voix, j'avais l'impression de l'entendre sourire. Et puis... cette voix me semblait si familière, mais d'où ?
- Je suis si pathétique que ça ? Dis-je en me redressant pour faire face à l'homme
- Je ne dir-
Quelle ne fut ma surprise quand, en me redressant, je me rendis compte que l'homme avec qui je parlais n'était autre qu'Ace. Comment ça se faisait. Donc... depuis tout à l'heure c'était lui qui me souriait ?
- C'est toi... dis-je faiblement
Il ne dit rien, continuant de me fixer.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- On est dans un parc public, ma belle me dit-il en reprenant une énième taffe
Je l'observai alors calmement, mes yeux me piquant. Je soupirais doucement avant de fixer la clope, ce qu'il remarqua.
- Tiens, me tendit-il
- Merci, dis-je sans rechigner
Je prenais alors ma première taffe de la clope qu'Ace avait déjà bien entamé.
- Je pensais que tu dirais non madame parfaite
- Ne m'appelle pas comme ça
- Je suis simplement surpris rit-il en me regardant fumer
Moi aussi j'étais surprise. Ça faisait longtemps que je n'avais pas fumé. C'était Daniela qui m'avait entraîné là-dedans. Raison pour laquelle maman la détestait encore plus.
Flashback :
- ¡ Mamá ! Estoy aquí (Maman ! Je suis rentrée)
Alors que je retirais mes chaussures, à l'entrée en fixant ma mère qui ne me répondait pas, je remarquais la présence d'Alba.
- Merde.
À chaque fois qu'elle venait voir ma mère, je passais un sale quart d'heure par la suite. Qu'est-ce que j'avais encore fait. Je posais doucement mon sac de cours par terre et me rapprochai des deux femmes.
- Merci de me l'avoir dit Alba
- ¡ Holà Alba ! Quelque chose ne va pas ? Tentais-je de lui sourire même si elle savait pertinemment que je ne l'aimais pas
Elle me sourit.
- ¡ Holà Lucia !
Elle s'en alla sans même répondre à ma question. Je la suivais alors des yeux quitter notre maison. Je la détestais. C'était ma prof et je ne sais pas trop pourquoi, ni comment, elle avait tisser une certaine relation avec ma mère. Le problème était que leur relation consistait principalement à me traquer.
- Monte dans la voiture. Je vais chercher mon sac
- Mamá...
- Immédiatement ! me dit-elle sans même me regarder
Je remis alors mes chaussures en courant rapidement pour rattraper la femme dehors. Elle se retourna en m'entendant arriver, avant de continuer sa route.
- Alba ! Dis-je en lui attrapant la main
- Qu'est-ce qu'il y'a ? Me sourit-elle innocemment
- Il y'a un problème ? Dis-je en pointant derrière moi avec mon pouce, pour mimer la scène que j'avais visiblement manqué
- Je dois y aller ! On se voit demain en cours. Tâche d'être à l'heure. Ne me déçois pas ! ¡ Eres una buena estudiante ! (Tu es bonne élève)
Elle se dégagea alors quand ma mère arriva.
- ¡ Lucia ! ¡ Que haces ! (Qu'est-ce que tu fais ?!)
Je rentrai dans la voiture de ma mère pour une destination que seule elle connaissait. Je savais très bien ce qu'elle voulait dire par « Ne me déçois pas, tu es une bonne élève ». Elle parlait de Dani. Elle ne l'avait jamais aimé. Et même si moi, elle m'aimait au début, ça avait changé quand elle avait su que ma meilleure amie était cette cancre de Daniela. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui foutre à cette salope bordel ?
Je savais à présent que mon sale quart d'heure portait un nom : Daniela. Qu'est-ce qu'on avait encore fait putain ? Je m'attachais rapidement en observant ma mère crispée sur elle-même, démarrer.
- ¡ Mamá ! ¿ Qué pasa ? (Maman, qu'est-ce qu'il se passe ?)
Elle ne répondit pas. Je détestais vraiment Alba. Elle avait le chic pour se mêler de ce qui ne la regardait pas.
C'est pour ça que je trouvais sa relation avec ma mère étrange. Tout tournait toujours autour de Dani et moi. Elle aimait bien rapporter nos faits et gestes, et le pire c'est que ma mère l'adorait !
- On va où ? Lui souris-je en essayant de détendre l'atmosphère
- À l'hôpital me dit-elle froidement en se mettant sur la route
- Voir Abuelo ?
Elle ne voulait jamais que j'aille voir Abuelo. Finalement, si on allait le voir, peut-être que tout ça n'avait aucun lien avec moi. Je me détendais alors un peu.
- Il y'a un problème ? On y va sans So' ?
- ¿ Cual es el problemo con esto ? (Il est où le problème ?)
- No hay... Pero... (Rien... mais...)
- !¿ Qué « Pero » Lucia ?! (Quoi « Mais » Lucia ?!)
- ¿ Qué pasa mamá ? (Qu'est-ce qu'il y'a maman ?)
Elle me faisait peur. D'autant plus que l'hôpital était à deux pas de la maison, au cas où il y'aurait un problème et j'avais peur de découvrir ce qui se passait réellement. J'étais totalement perdue. J'avais à peine eu le temps de rentrer du lycée, que j'avais vu Alba dans notre salon, ce qui ne présageait rien de bon. Mamá ne parlait pas et pour couronner le tout, la seule chose qu'elle me disait était qu'on se rendait à l'hôpital.
J'avais une seule question en tête : Pourquoi ? Mais bien évidemment, elle n'allait rien me dire.
Qu'est-ce qu'Alba était encore venue lui dire putain.
Mamá ferma sa portière violemment et sans même m'attendre, se mit à marcher vers l'entrée. Je sortis alors rapidement mon téléphone de la poche de la jupe de mon uniforme et envoyai un message à Daniela.
« Alba est encore passée ». Simple, clair et précis.
- Dépêche - toi !
Je suivais mamá qui quittait le parking du bâtiment hospitalier et rapidement nous étions déjà en train de nous déplacer à travers les multiples couloirs de l'hôpital. Je ne disais rien, trouvant son comportement étrange. En observant autour de moi, j'avais de plus en plus de mal à comprendre où nous étions en train d'aller, quand un panneau indiquant « gynécologie » me répondit.
- Tu veux aller me prendre un rendez-vous pour que je prenne la pilule maintenant ? Blaguais-je
Elle se retourna alors brutalement :
- ¡ No me provoques ! (Ne me cherche pas !) dit-elle en serrant son sac à main noir
Je savais très bien que nous n'étions pas en train de nous rendre ni chez le gynéco', ni au planning familial, pour la simple et bonne raison que j'étais sa sage et gentille petite Lumière (Lucia en espagnol vient du mot « Luz » qui veut dire « Lumière »), sa Lucia adorée qui n'aurait jamais, au grand jamais, osée ne serait-ce que penser à fricoter avec un des cabróns (connards) du coin.
Cependant un nouveau petit panneau s'afficha : Cancérologie. Je ne voulais plus du tout plaisanter. Je rattrapais alors mamá avant de la tirer pour qu'elle me fasse face.
- Qu'est-ce qu'on fait ici mamá !
- Lâche-moi ! Se dégagea t - elle
Je continuai à la suivre en silence quand tout à coup elle s'arrêta devant une porte avant d'ouvrir celle-ci, moi derrière elle. Quand je compris finalement il était trop tard, je me jetai au pied du lit sur lequel mon grand-père adoré reposait paisiblement.
- ¿ Abuelo ? Dis-je un sanglot à la porte de ma gorge
Je me levais alors rapidement vers ma mère qui maintenant était... en colère ?!
- Abuelo a un cancer ?! C'est pour ça que vous ne nous avez rien dit ?!
- TU FUMES ?!
Elle accompagna son cris d'une claque qui me remît à terre. Je portais alors ma main à ma joue.
Je comprenais mieux putain.
- Alba... Alb-
- Ne prononce pas son nom me frappa ma mère avec son sac
- Mamá !!
Alba nous avait vu fumer avec Daniela. Je ne sais pas quand, ni où, ni même comment, mais elle nous avait vu et était venue le dire à ma mère sans même au moins d'abord m'en parler à moi !
- Ton grand-père !! Tu hérites de tous ses mauvais points !
- Comment tu peux dire ça devant lui ?! Rampais-je jusqu'à son lit en pleure
Elle m'attrapa alors par les cheveux et alors que je criais et me tournais pour la regarder, elle me donna une autre claque.
- MAMÁ !!
- Bientôt toi aussi tu vas te mettre à l'alcool ?!
- Mais mamá !! Il n'était même pas alcoolique
- Qu'est-ce que tu sais de son enfance ? HEIN ?!
- Il a un cancer des poumons ?
- Toi aussi tu vas te mettre à fumer comme un pompier, comme il le faisait ?!
- Mamá...
- Si tu veux mourir comme lui bientôt, fais-le
- Lo siento mamá... (Je suis désolée maman...)
- Tu ne reverras plus jamais cette sale gosse de Daniela
- Elle n'a rien fait ! répondis-je en essayant de me défendre
- À cause de qui d'autres ça pourrait être ?!
- Tu ne t'es jamais dit que si je le faisais c'était peut-être parce que c'était moi aussi mon choix, ma personnalité ?!
- Tais-toi ! Me frappa t - elle de nouveau
Je me retournais vers mon grand-père avant de regarder ma mère de nouveau
- Qu'est-ce qu'il a ?
- Un cancer des poumons
- Oui mais pourquoi il dort encore
Par ce « encore », je faisais bien évidemment référence à tout le boucan que nous étions en train de faire mamá et moi.
- Coma artificiel, il souffrait trop. Ils essaient de trouver un traitement, en attendant il reste comme ça et nous on a le temps de nous décider au cas où on ne puisse plus rien faire
Je ne dis rien statique. Et ils ne nous avaient rien dit à Sofia et moi ?! Ni mamá, ni papá, ni même abuela.
- Je te laisse lui parler. On rentre dans dix minutes et tu réfléchiras sur la façon d'annoncer ça à ton père. Dit-elle en claquant la porte derrière elle
C'est lors de ma discussion avec Abuelo que j'avais décidé de ne plus toucher à rien de toxique. Ni alcool, ni tabac. Le plan de mamá avait encore marché.
Merci Alba.
- Bien joué dis-je en direction de ma mère qui avait déjà quittée la pièce avant de me retourner vers mon grand-père agonisant
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