18.



3h26 :

Après cette journée incroyable que j'avais passée avec mon amie, pour une raison que j'aurais vraiment aimé connaître, je m'étais réveillée en pleine nuit. Je n'arrêtais pas de me retourner dans mes draps essayant de retrouver mon sommeil perdu. Ce n'était pas la chaleur des nuits qui me réveillait. Ce n'était pas non plus un satané pigeon. J'avais juste... perdu le sommeil. Je recommençais à avoir ce genre de moment que je détestais tant. J'attrapai alors mon téléphone dans le noir de la nuit obscure qui m'entourait.
Je soupirai. Putain... Je n'avais dormi que quatre heures. Je me redressais les idées floues, en colère contre moi-même d'être de nouveau comme ça. Je me portais alors vers ma fenêtre et fixais les lumières de la ville devant, quand tout à coup une petite lumière en bas de la rue attira mon attention. Une voiture avança lentement. J'avais l'impression que cette scène était étrangement irréelle. Je me forçais à sourire mais rien. C'était repartie. Je retournais dans mon lit avant de lancer un appel vers le Mexique. J'allais craquer. Je voulais tellement avoir quelqu'un là, à côté, avec qui exprimer ce que je ressentais actuellement.

- Allô, dit sa voix encore endormie

- Ça recommence

- Hum ? Fit-elle

- S'il te plaît tu peux te réveiller ? J'ai besoin de toi

- Lucia ?

- S'il te plaît répétais-je en me mordant la lèvre

- Qu'est-ce qu'il y'a ?

- Je ne sais pas. Ça recommence...

- Quoi ?

- Dani...

- Tu ne te sens pas bien ?

- Oui... Je me sens vide, s'il te plaît parle-moi

- Lucia... S'il te plaît... On peut parler demain ? Me dit-elle me laissant scotchée. J'ai travaillé toute la journée...

Super...

- Bonne nuit herma'

- Bonne nuit Daniela

Elle raccrocha.

Je fus prise d'une vague de frustration... Je n'avais donc vraiment personne à qui parler. Même ma meilleure amie, avait d'autres choses à faire que de m'écouter juste ce soir. Et le pire c'est que je me sentais égoïste de penser ça. Elle avait une vie. Elle avait le droit d'être fatiguée et la personne capricieuse j'étais, devais faire avec.
Depuis mon adolescence, il m'arrivait d'avoir des sautes d'humeur, si bien que je pouvais me réveiller, et me sentir pitoyable. Et j'étais de mauvaise humeur. J'étais comme vide. Je me sentais profondément triste. Comme si j'avais perdu un proche. Une tristesse noire que je ne pouvais m'expliquer. Le décès d'Abuela m'avait affectée, mais je savais que ça ne venait pas de là. En fait je ne savais pas d'où ça venait. J'étais juste mal et je ne savais pas pourquoi. J'avais un sentiment de colère, mais ce qui prenait le plus le dessus, était la tristesse. Je me souviens d'un soir, alors que Dani et moi dormions chez des amies, après une bonne journée à rire, à se balader ensembles, nous étions rentrées tous ensemble.
Et alors que tout le monde était allé se coucher, je m'étais mise à pleurer à chaudes larmes. Pour rien. Il était deux heures du matin ce jour-là, et mes amies s'étaient tous réveillés pour rester à mes côtés pendant plus d'une demi-heure, à attendre que je daigne bien vouloir me calmer. Je m'en voulais tant. Je ne savais pas quelle était la cause de ce mal-être. Je n'avais pas une vie si misérable pourtant. Voilà pourquoi maintenant, je m'interdisais de pleurer. Mais ça n'empêchait pas que je me sente tellement mal. Et vide... C'est donc ce que je ressentais actuellement. Je n'avais même pas envie de peindre, ni même dessiner et encore moins de sculpter. Alors que je jetais tous mes draps par terre et m'allongeais dans mon lit, en fixant le plafond sombre de la pièce, je continuais à me ronger de l'intérieur, me demandant bien ce que je pouvais faire contre cette sensation, qui me faisait penser à tout et à n'importe quoi.
J'en voulais à Daniela pour la façon avec laquelle elle m'avait laissé seule ce soir. Mais je m'en voulais encore plus, car je me trouvais beaucoup trop capricieuse. Pourquoi est-ce que j'étais comme ça ? Je me retenais de pleurer. Vraiment. Je ne voulais pas.

- Putain... pensais-je alors que je commençais peu à peu à saigner à force de me mordre la lèvre pour me retenir

Je détestais la sensation de ne plus savoir quoi faire de ma vie, avoir l'impression de n'être encore une fois plus là. Je passais mon temps à rêver à un ailleurs, à rêver grand. Dès le collège je savais déjà que je voulais venir m'installer dans cette ville car elle m'attirait irrépressiblement, mais à un moment, je m'étais aussi demandée pourquoi est-ce que je faisais tout ça. J'avais une certaine peur en moi de grandir peut-être ? Je ne sais pas. De quitter la sécurité de mon pays, avec ma famille, mes rares amies. Je me disais que cette vie était inutile.
Attention, je ne disais pas que je voulais mourir, mais à plusieurs reprises, je m'étais demandée pourquoi est-ce que j'étais là. Quand je voyais tout le monde réussir dans ma famille, ou ces riches célébrités milliardaires à mon âge, je me demandais de quoi serait moi aussi fait mon avenir à moi. Je me disais que cette vie m'était complètement inutile, car je ne voulais pas me dire que j'avais atteint l'âge de quitter le foyer familial, que j'allais travailler pour mes études, que j'allais avoir un travail, mais que je n'allais profiter de ma putain de vie de merde seulement quand je serais un squelette sur pattes âgé de quatre-vingt ans. Je sentais que ça montait, plus je pensais à toutes ces choses qui me rendaient triste. Qu'est-ce qui n'allait pas chez moi ? Pourquoi avais-je l'impression d'être la seule à avoir cette crainte ? Cette crainte sur laquelle je ne savais même pas poser de mots.
Cette boule commençait de plus en plus à prendre de l'ampleur, à m'opprimer, à se coincer dans ma gorge. Il fallait que je m'occupe. Il fallait que je trouve un truc. Alors, je me redressais avec difficulté et posais les pieds sur mes draps à même le sol. Je passais mon regard dans la pièce autour de moi à une vitesse incroyable.

- Fait chier... crachais-je dans le noir en m'approchant pied nu de la dernière valise que je n'avais pas encore vidée.

Je ne voulais pas allumer la lumière. Celle de l'extérieur me suffisait pour vider ma valise. Dans ces moments, je ne savais pas pourquoi, je ne supportais pas la lumière.
Je posais mes genoux nus sur le parquet en bois de la pièce et sortais tout mes livres que j'empilais à mes côtés un à un, bloquant ma respiration pour ne pas craquer.

Le problème avec le fait de vouloir s'occuper dans ce genre de moment, était que l'occupation finissais toujours pas prendre fin. On commençait vite à tourner en rond. Et rapidement on se rendait compte qu'on n'avait plus rien à faire. Et ça nous rappelait nos malheurs. Le fait qu'on ne sache pas quoi faire de nous-mêmes et de notre propre vie.
Je prenais alors mon téléphone dans mes mains avant de me rendre compte qu'il était déjà 4h35. J'avais passé tout ce temps, seule. Sans avoir quelqu'un à appeler. Sans avoir quelqu'un à mes côtés. J'avais le sentiment d'être misérable, à de supplier la présence de quelqu'un.



Comme je ne savais plus quoi faire, j'avais décidé de fouiller mon placard à la recherche d'un legging et d'une brassière de sport, peu importe laquelle. Je n'avais qu'une chose en tête, sortir, faire quelque chose. Oublier. Et j'étais bien contente d'avoir mon téléphone chargé à cent pour cent.
C'est comme ça qu'à 5h pile, je quittais mon appartement, mes écouteurs aux oreilles, et mon inhalateur bien rangé dans une poche pas loin, si à un quelconque moment j'avais le malheur de craquer.
Je me demandais actuellement que deviendrait ma vie, si je perdais tous les gens que j'avais.

- Bonjour me dis une fille bourrée qui venait de passer le hall d'entrée à côté de moi

- Bonjour lui répondis-je sèchement

Elle sourit d'une démarche peu assurée et loin d'être maîtrisée.

Il faisait froid, mais je m'en foutais complètement en fait. J'avais un seul objectif : courir.
Et après avoir attaché mes cheveux, je me lançais alors dans une course plus que matinale dans les rues de Manhattan.
Est-ce que c'était une maladie ce que je ressentais ? Je rêvais de savoir pourquoi je ressentais tout ce fouillis au fond de moi. Qu'est-ce qui n'allait pas chez-moi ?
Je voulais aller mieux ce soir. Vraiment. Je faisais tout. Il y'a longtemps, je m'étais faites une playlist pour ce genre de moment. Il n'y avait que des chansons joyeuses ou qui me faisaient avoir l'impression que je n'avais besoin de personne. Je courais le plus vite possible dans ces rues vides, sentant peu à peu les larmes couler. J'avais tellement peur d'échouer dans ma vie. Je ne voulais pas être une ratée.
Je voulais être quelqu'un de bien. Je voulais être quelqu'un qui pourrait en inspirer d'autres. Mais le problème c'est que je me sentais profondément nulle et inutile. Je me demandais pourquoi j'étais là. Pourquoi est-ce que je respirais. Et même si j'avais dit le contraire plus tôt, j'avais une vraie envie que tout s'arrête maintenant.
J'étais bien contente de ne pas me sentir comme ça tout le temps. Mais quand ça venait j'étais comme déconnectée. J'avais l'impression que tout ce que j'avais fait les heures précédentes avait été fait par un robot. Une brise fraîche me ramena sur terre et je m'arrêtais, la tête tournant à cent à l'heure. J'étais essoufflée. Je regardais alors autour de moi, et me rendis compte que j'étais en plein milieu d'un petit pont qui traversait un cours d'eau. J'avais tout à coup la nausée à force de courir alors pour me calmer, je me mis à admirer le reflet de la ville en dessous de moi qui s'échappait avec l'eau.

- On court jusqu'au parc, et on s'arrête pour aujourd'hui me dis-je à moi-même pour me fixer une limite claire alors que je sentais une autre goutte tomber sur ma main appuyée sur le rebord en pierre du pont.

- Pense à tous ces gens qui meurent en ce moment

C'est ce que j'aimais me dire pour ne plus pleurer. Pour m'empêcher de me plaindre. Car, ma vie, était largement mieux que celle de certains. Alors que j'essayais de me concentrer sur cela, je me mis à tituber.
J'avais la tête qui tournait d'essoufflement, et j'essayais de regarder autour de moi pour rendre l'image plus nette et me remettre les idées en place. Cette chaleur horrible qui m'embrasait et se joignait à ma tristesse, ne m'aidait pas. Je me jetai alors à même le sol afin de reprendre calmement mes esprits. Je ne voulais plus penser à Daniela, ni à Sofia, ni à mes parents, car à chaque fois, je me sentais loin d'eux. Je ne disais pas ça au sens littéral du terme, mais je voulais dire que je me sentais comme dans un autre monde, et j'avais l'impression d'être bloquée ici, ne sachant pas quoi faire de ma vie à la con. J'avais envie parfois que certaines choses arrivent plus souvent, afin d'être libérée de cette prison. Mais c'est en repensant aux moments où ça allait, que je me dis que tout ça, ce qui se passait en ce moment, n'était que dans ma tête.
Je me relevais, me sentant mieux et libérée de mon essoufflement, et sans même me donner le temps de réfléchir, je me remettais à courir, faisant résonner mes pas. Je m'arrêtais tout à coup au bout de la rue quand une voiture passa devant moi, certainement sans m'avoir même remarquée. Une fois celle-ci passée, je traversais moi aussi la route en direction du parc. Le froid me paralysait les muscles et j'avais tellement mal, mais c'était soit ça, soit je ressassais mes complaintes inutiles.

- Ça fait pitié putain dis-je alors que ma playlist continuait en fond derrière.

Je ne m'aimais pas. C'est ça qui faisait pitié. Je me sentais vraiment nulle. Je me disais que ma vie allait toujours être aussi misérable, aussi pathétique, et je m'en voulais de continuer de rêver, car, d'une certaine façon je ne pouvais plus rêver. Je n'aurais jamais ce que la petite fille que j'étais avait toujours voulue. J'allais avoir une vie sans plaisir, et j'allais mourir. Qu'est-ce que j'aurai fait de moi ? De ma jeunesse ? Rien. À part travailler et essayer de plaire.

Je pleurais toujours en courant, quand je finis par me rendre compte que j'étais arrivé au parc. Entre temps, cette playlist, je l'avais changée. J'avais mis une playlist de musique triste et en ce moment j'écoutais « Everything I wanted » de Billie Eilish. J'en avais marre d'écouter des musiques joyeuses, qui avaient pour but d'agir comme un placebo et de me donner l'impression que j'allais bien.
Je n'allais pas bien putain.
Et je ne voulais pas avoir à écouter une musique qui me montrait encore plus que je n'étais pas heureuse.
Et j'avais beau creuser, en fait, je ne savais même pas pourquoi j'étais en train de pleurer sur un banc, en plein parc à New-York à 5h45 du matin alors que la veille, j'avais passé une journée extraordinaire. Je me remis à pleurer à la simple pensée de cette journée.
Il était mon problème. Je passais de bons moments, puis, pour rien, j'étais mal. Et c'est en ça que je disais que j'étais capricieuse. J'agissais comme une enfant entourée de sa famille, en train de passer une bonne journée mais se mettant tout à coup à pleurer car on a osé lui refuser l'attraction qu'elle voulait faire.
La façon dont ces larmes me brûlaient les joues, m'étaient insupportable et cela me rappelait juste le fait que ça faisait longtemps que j'avais craqué. Je reniflais alors, secouée par une inspiration brutale et soudaine. Tout à coup, je me mis à fouiller dans les poches de mon legging de sport à la recherche d'un quelconque mouchoir égaré par hasard ici. Mais rien. J'imaginais donc que ma main allait continuer de me servir de mouchoir. Je ramenais mes jambes jusqu'à moi, sur ce petit banc et y enfouissais mon visage inondé sur lequel j'avais des mèches de cheveux y étant désespérément collées Je faisais pitié à voir, surtout parce que le peu de chose que j'avais dit sur mon mal-être n'était en fait qu'une infime partie de ce que je ressentais et que je ne savais moi-même pas ce que l'autre renfermait.
Je me retrouvais d'ailleurs surprise à souhaiter que quelqu'un arrive. Que cette personne ait pitié de moi et me demande ce qui n'allait pas, parce que je me trouvais dans un tel moment tristesse que j'aurais pu vouloir pleurer dans les bras de n'importe qui.
Et comme si Dieu, mon Dios que j'aimais tant m'avais entendu, j'entendis des pas se rapprocher.

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